A la croisée d’Hibernatus (avec Louis de Funès), de Fahrenheit 451 (de Bradbury / Truffaut) et de 1984 (d’Orwell), The Sleeper est une grande farce tragicomique orchestrée d’une main de maître par Woody Allen au meilleur de son œuvre.
200 ans après avoir été cryogénisé à son insu, Miles Monroe, jazzman et gérant d’une épicerie végétarienne, se voit réveillé par des médecins révolutionnaires. Le monde qu’il découvre alors est réglé autour de la domotique, des gadgets, des robots. Il est vite considéré comme un alien échappé d’une planète mystérieuse et représentant un sérieux danger public. Mais c’est également ce manque d’identité qui lui confère un réel pouvoir aux yeux des révolutionnaires qui voient en lui le seul être capable de les libérer du joug totalitaire dont ils sont les victimes.
Sorti dans les salles obscures en 1973, The Sleeper vient trouver un écho dans l’actualité des derniers mois et années, au cœur des différents débats qui ont agité l’opinion publique, tels que les OGM, la gestion des données personnelles et médicales, le clonage, l’intrusion des robots dans la vie quotidienne, mais également sur un plan plus politique, la répression et le flicage de plus en plus présents dans notre société moderne.
Inquiétante vision d’un futur devenue réalité.
Des tomates pesant 50 kilos faisaient évidemment sourire à l’époque. Qu’en serait-il aujourd’hui ? Aujourd’hui où nous consommons des tomates sans pépins, des fruits sans peau, des légumes résistant à leurs prédateurs naturels.
Il semblait alors absurde de songer à la possibilité du clonage d’un être humain entier uniquement grâce à son nez. Qu’en est-il de la viande que nous mangeons tous les jours ? Des Américains payant des fortunes pour voir leur animal de compagnie tant chéri revivre à leurs yeux sous la forme d’un clone, obtenu uniquement à l’aide d’une cellule de l’original ?
Tout aussi absurde et alarmiste était cette immense base de données.
Que contient-elle ? Les informations personnelles relatives à chaque individu, ses convictions politiques, les moindres détails de sa vie privée, professionnelle, intime.
Si je vous souffle à l’oreille des mots tels que « passeport biométrique », « Facebook », « réseaux sociaux », vous commencez à voir où je veux en venir ?
A travers ce film aux abords loufoques, Woody Allen se positionne en inquiétant visionnaire d’une société future, ou plutôt du futur de notre société. Il la datait de la fin du 22e siècle, n’imaginant sans doute pas que, à peine 40 ans après la sortie de son film, tant d’éléments appartiendraient déjà à la réalité de son quotidien.
On ne pourra pas dire que l’on n’avait pas été prévenu !
The Sleeper – écrit, dirigé et avec Woody Allen – 1973
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