Week-end / Paris / Multiplexe / Oncle Boonmee (trouvez l’erreur!)
Le premier plan ne trompe pas : la jungle, la nuit, une vache, un lien qui cède, cette vache qui s’enfuit. Elle est rapidement rattrapée par son maître qui la ramène docilement à son attache. Vous venez de vivre les cinq premières minutes d’Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), le dernier film du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, récompensé par la Palme d’Or lors du dernier Festival de Cannes.
Et avec cette scène, vous ne vous doutez pas que c’est l’un des moments les plus impressionnants des deux heures qui vous attendent que vous venez de laisser filer, sans même en profiter, sans même vous en délecter, sans même en garder une empreinte fraîche et nette dans votre esprit, juste « au cas où ».
Au cas où … au cas où … hélas le cas est là. Vous venez d’embarquer pour deux heures de cinéma thaïlandais, en bonne et due forme. Les plans durent, mais ne sont pas fixes. Le spectateur, lui, essaie de fixer, mais c’est dur.
L’histoire est somme toute banale : un homme, à l’article de la mort, se remémore ses vies antérieures. Il se revoit ainsi en poisson-chat violeur de princesse, puis retrouve sa femme morte des années auparavant et son fils, devenu entre-temps grand singe et hantant les forêts avoisinantes.
La vie de M. Tout-le-Monde non ?
Le cinéma thaïlandais nous a habitués à ses longs plans, figurant des espaces, des images, des situations, des non-dits, des rêves, des mots, des vœux. Il fait peu de cas de la vie humaine, de ces enveloppes corporelles tellement éphémères, lieux de transit d’une vie à une autre. Le sens est au-delà, dans la nature, dans l’unité du monde, dans l’esprit du monde et l’esprit des créatures, de toutes les créatures du monde.
Et dans ce domaine, Apichatpong Weerasethakul excelle. Il laisse le spectateur dans un état de rêverie, de méditation devant tant de sens, et tant de doutes. Les acteurs qu’il dirige font corps avec leur destin, leur histoire personnelle, leurs aspirations. Et dès les premières minutes du film, ce ne sont plus des acteurs, mais des hommes et des femmes dont il filme l’histoire, les relations, les croyances, les faiblesses, mais également les forces, l’amour, la joie de vivre, la volonté de vivre, de vivre chez eux, de vivre ensemble.
Alors, finalement, cette Palme d’Or était méritée ?
Méritée pour la justesse des personnages, l’évidence du propos, la force communiquée au spectateur.
Mais hélas, je crains que cela ne suffise pas. Que le réalisateur ait choisi un passage creux de son film pour y faire défiler un diaporama de photos, passe encore. Mais qu’apparaisse sur ces photos, tout comme il apparaît dans le film, un grand singe noir… Ou plutôt que grand singe noir, lisez, un homme vêtu d’un costume de grand singe noir, orné de lentilles fluorescentes rouges (attention, spoiler si vous lisez ce passage). Cette apparition d’une sorte de Chewbacca d’art et d’essai, dont l’authenticité nous rappelle la qualité des effets spéciaux de La Soupe aux Choux et autres Fantomas, passe pour gadget, loufoquerie, absurdité.
Qu’a voulu signifier le Jury du Festival de Cannes par le choix d’Oncle Boonmee pour recevoir la Palme d’Or ? Que lui seul est expert dans cet art ? Que ses décisions ne peuvent être comprises du grand public ? (Une dizaine de personnes quittant la salle … et n’en revenant pas … ce n’était donc pas la faute des toilettes du cinéma !)
Ou tout simplement que le réalisateur de La planète des Singes a cru reconnaître un de ses personnages dans un film thaïlandais et qu’il a souhaité en remercier le réalisateur ?
Oncle Boonmee (celui qui se souvenait de ses vies antérieures), d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande), actuellement au cinéma.
Toutes les séances, horaires, salles sur Allociné.
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Bravo !
L’auteur du post nous parle brillamment d’un cinéma thaïlandais qu’il confond avec le cinéma japonnais de Yasujirō Ozu !
Les connaisseurs vont croire à un second degré voir un troisième, je cite pour le plaisir :
« Le cinéma thaïlandais nous a habitués à ses longs plans, figurant des espaces, des images, des situations, des non-dits, des rêves, des mots, des vœux. Il fait peu de cas de la vie humaine, de ces enveloppes corporelles tellement éphémères, lieux de transit d’une vie à une autre. Le sens est au-delà, dans la nature, dans l’unité du monde, dans l’esprit du monde et l’esprit des créatures, de toutes les créatures du monde. »
Non monsieur le critique, Apichatpong Weerasethakul n’a rien à voir avec 99,99 % du cinéma thaïlandais dont vous trouverez une évocation ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cinéma_thaïlandais
Yaoline http://www.thailand-world.info
L’auteur s’est en effet trompé.
Ce n’était pas le cinéma thaïlandais mais vietnamien, de Trần Anh Hùng notamment, qui était l’élément ciblé par cette comparaison.