Dans un pays en guerre, deux fossoyeurs sont chargés de brûler les morts. Avec les cadavres, ce sont les paumes de leurs mains qui s’échauffent, leurs cheveux qui grésillent, les illusions du nettoyage qui s’envolent un fumée. Une femme, laissée pour morte, se relève et se joint à eux. Elle se met à travailler à leurs côtés mais à sa manière. Les morts, elle les recoiffe, leur caresse les joues, déplie leurs membres et leur parle. D’ailleurs, elle ne parle qu’à eux.
Cette pièce de théâtre de Laurent Gaudé, publiée dans la collection « Papier » d’Actes Sud, est une grotesque tragédie qui donne à lire l’indicible. Le savon, la chaux, la fumée pour dire la douleur, l’horreur et le néant. Inspiré par le témoignage d’une réfugiée kosovare, Laurent Gaudé prouve ici que les tragédies du 21e siècle n’ont rien à envier aux drames antiques.
J’ai longé des routes,
Traversé des terres que je ne connaissais pas.
J’ai fait saigner mes pieds.
J’ai erré longtemps jusqu’à atteindre, un jour, le haut de la colline.
Je me suis arrêtée.
A mes pieds,
Sur des kilomètres, à perte de vue, se tenait un campement.
Un amas immense de tentes et d’abris.
Une ville entière d’enfants pieds nus et de réfugiés.
Je suis restée là, à les contempler.
J’ai embrassé du regard cette foule qui se tenait serrée.
Et je suis descendue, lentement, au milieu des miens.
Cendres sur les mains
Laurent Gaudé
Actes Sud-Papiers
42 pages, 7,50 e
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