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Une puce bien épargnée


Une nouvelle auteur fait son entrée au répertoire de la Comédie Française en cette fin de mois d’avril. Pour la première fois en France, « Une puce, épargnez-la ! » de l’Américaine Naomi Wallace, dramaturge et poète, est donnée en public dans une mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.

Mr et mrs Snelgrave attendent patiemment, face à leurs grandes baies, la fin d’une quarantaine. Au crépuscule du XVIIe siècle, la peste noire sévit partout en Europe. Leurs domestiques en sont morts et les deux maîtres n’ont plus que quatre jours à tenir en viepour prouver leur bonne santé.

C’était sans compter que deux intrus allaient s’introduire dans la maison, l’un par la cave et l’autre par la cheminée, à quelques jours de la libération. Kabe, le garde, les a vus. La quarantaine est naturellement prolongée d’un mois supplémentaire. Une longue attente se dessine pour les habitants de la demeure, légitimes ou non. Ils vont désormais vivre entre deux pièces, le salon et la cuisine. Une aventure de l »intime commence.

La scène est baignée dans une lumière étrange, reflétant le sombre intérieur d’une maison close de l’extérieur. Tout est nuance de noir et de blanc. Les costumes stricts des propriétaires, les guenilles de Bunce, l’un des intrus, ne font pas exception. Les visages sont blanchis de n’avoir vu le soleil depuis des semaines. Les murs nus de la bâtisse poussiéreuse ont une couleur oscillant entre le gris et le vert. La seule touche de couleur durant toute la pièce, c’est la robe jaune de Morse, l’autre intrus, une gamine de 12 ans dont la mère est une domestique morte dans la maisonnée.

Le public assiste à une escalade vers le plus profond de l’être de chacun des personnages, chaque instant est propice à une révélation sur l’un des occupants du plateau. L’une vit dans un corps calciné, l’autre déserte la guerre et la violence tant qu’il peut… Ces découvertes sont accompagnées de la folie progressive causée par l’enfermement prolongé et la cohabitation forcée entre riches méconnaissant la réalité de pauvres qui la fréquente au quotidien.

Le choix de mise en scène fait par Anne-Laure Liégeois donne à voir une succession de tableaux, séparés distinctement par un procédé répétitif aveuglant et assourdissant le public, c’est dommage, car cette astuce nous fait, « sortir » de la pièce et nous libère, malgré nous, de l’ambiance close et silencieuse installée dans la salle. Dès lors que les projecteurs s’éteignent, la scène est à nouveau visible et le décor a évolué, les personnages l’occupent comme les modèles d’une composition picturale précise, très esthétique.

Les acteurs tous excellents, Guillaume Gallienne est méconnaissable en quinquagénaire anglais, cruel et colérique, quant à l’introduction et la conclusion du récit interprété par la puce, Julie Sicard, sont captivantes. La dernière description qui parle de Londres après le départ de la peste est magnifique et nous offre un final plein de sérénité après deux heures de remous intérieurs.

« Une puce, épargnez-la ! » au théâtre éphémère de la Comédie-Française (Place Colette, Paris)

Mise en scène : Anne-Laure Liégeois

Distribution : Catherine Sauval, Guillaume Gallienne, Christian Gonon, Julie Sicard, Félicien Juttner

Jusqu’au 12 juin – Informations supplémentaires et réservations  sur le site de la Comédie Française