[09/12/2012 : Update avec deux nouvelles dates exceptionnelles, les 11 et 12 Décembre à Paris, plus d’informations à la fin de ce billet]
Nouvelle édition des billets à 4 mains entre Pierre et Stef ! Stef prend la plume :
Un homme les yeux clos avec une haute coiffe en poil de chameaux fait la toupie, une paume vers le ciel et l’autre vers la terre. Cet homme est un religieux littéralement un « derviche » c’est même un mendiant du monde ottoman (persan précisément). Il appartient à une confrérie de confession musulmane fondée au Moyen âge par un sultan soufiste: c’est un derviche tourneur. Oui mais pourquoi tournent-t-ils depuis 7 siècles ?
Car par cette danse, ces chants et cette musique instrumentale, le « semà », ils s’abandonnent à Dieu. Car par cette transe mystique ils expriment leur profonde dévotion, ils montent donc au 7eme ciel.
Ils virent et voltent tels les planètes d’un système solaire et s’élèvent vers une transe en danse. La philosophie religieuse qui brille au travers de cette pratique est nommée Tasavvof. Elle invite à la fraternité, à l’amour et à l’union entre les hommes. Cette danse ancestrale se veut un pont vers Dieu mais aussi vers d’autres cultures les grecs anciens (le fait de lever les mains au ciel), le chamanisme d’Asie centrale mais aussi le christianisme.
Revenons quelques instants sur l’exploit physique proche des 7 travaux d’Hercule. A raison d’un tour par seconde environ; avec un axe de rotation fixe, les derviches sont comme vissés sur place sans pour autant sembler ressentir ni tournis, ni déséquilibre : prouesse ! Essayez donc un peu pour voir…
Vous risqueriez de voir des étoiles mais seulement celles d’un étourdissement garanti. En quoi réside leur secret, à part beaucoup de pratique, d’équilibre, d’énergie et 5 fruits et légumes par jour ? Leur secret serait une connexion à de puissantes forces. Si vous faites partie des pragmatiques vous expliquerez leur extraordinaire tournoiement par les champs de torsion du type de ceux décrits par Nicolaï Kozyrev (1). Si vous versez plus facilement dans le mystique, la force des derviches, ne sera pas obscure à vos yeux mais éminemment religieuse.
Hors du temps, portés par les psalmodies du coran qui pourraient tout aussi bien être des mantras ou des chants tribaux, les humbles derviches ensorcellent. Une fois timidement avancés au devant de la scène, tenant leurs longues jupes immaculées telles des premières communiantes, les chrysalides se transforment en papillons. Ils captent la lumière et éclipsent tout, relaxés et rêveurs. On vibre, on frissonne. Trans-œcuménique, trans-générationnel, transcendant, le seul art de la semà unit tout le monde dans une euphorie intacte.
Pierre reprend la main :
Les derviches, ces danseurs incroyables, ces toupies sur pattes …
Vous l’aurez compris, on est transporté, on est transcendé, on est ébloui …
Mais sans musique, tout ça ne serait rien ! Si les derviches tournent autour de leur coeur, comme aimait à le dire Eric-Emmanuel Schmitt dans « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran », la musique est ce qui fait battre ces coeurs.
La singularité du spectacle auquel il nous a été donné d’assister réside dans le délicieux mélange de deux traditions musicales, parfois ennemies, mais pourtant si belles une fois combinées : l’ensemble instrumental Al Kindi, tout droit venu de Syrie (Alep, Damas notamment), accompagné d’un rebab et d’un muezzin, apportant avec eux les musicalités ottomanes !
Menés par Julien Jâlal Eddine Weiss à la Qânun (cithare orientale), véritable orchestrateur de l’ensemble aux doigts de fée, les musiciens, les chanteurs, les choristes nous présentent et partagent avec nous leurs croyances.
Croyances récitées dans une langue d’ailleurs, incompréhensible, mais pourtant si limpide dans ses tonalités, ses imprécations, ses psalmodies.
La douceur des premiers morceaux laisse progressivement la place au rythme des percussions, qui nous évoquent la vie, ses hauts, ses bas, les joies et les détresses … Cette vie qui va, qui vient, et s’en va. Cette vie qui tourne entre nos mains. Comme tournent ces derviches sur scène.
Et cette envie qui point en notre esprit d’arrêter là le temps qui file.
« Silence, on tourne », rien d’autre.
Note
(1) Nicolaï Aleksandrovich Kozyrev (1908-1983) astro-physicien mit en place une théorie sur un champ spiralé qui serait à la base de la croissance par spires d’un coquillage, des muscles du cœur, et de l’ADN notamment.
Direction et création de Julien Jâlal Eddine Weiss
Ensemble instrumental Al-Kindi :
Julien Jâlal Eddine Weiss : Qânun (cithare orientale), direction artistique
Ziad Kadi Amin : Ney (flute – Damas),
Jamal Al Sakka : Riqq (percussion – Damas)Soufi Qaderi et Rifai d’Alep :
Sheikh Habboush : Chant soliste
Hasan Altnji : Munshid (choeur),
Ali Akil Sabah : Munshid (choeur)Derviches tourneurs Mawlawi de Syrie :
Derviches tourneurs d’Alep : Youssef Chrimo, Mohamed Yahya, Mowafak BahayehInvités spéciaux de Turquie :
Bekir Buyukbas : Chanteur soliste (muezzin/hafiz)
Mehmet Refik Kaya : Rebab OttomanProchaines dates : 2 concerts exceptionnels au Cabaret Sauvage
Mardi 11 et Mercredi 12 Décembre
Cabaret Sauvage – Parc de la Villette – Paris 19e
19h30
Plus d’informations sur : http://www.zamzama.net/francais/artistes/ensemble-al-kindi/
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