Après « Cheese » (2010), Stromae est de retour sur le devant de la scène avec « Racine Carrée ». Quand un artiste connait un succès fulgurant avec un premier disque, le public attend forcément le second avec une exigence accrue. Heureusement, « Racine Carrée » est aussi réussi que « Cheese », sans pour autant être un retour à la case départ.
On retrouve des fondamentaux : des beats house et électro bien huilés (avec même une petite touch’ dirty sur « Humain à l’eau« ). Certaines de ses fameuses « Leçons » publiées initialement sur YouTube ont aussi donné naissance à de vraies chansons sur le disque (« Tous les mêmes« ). Les textes sont toujours riches, en style certes, mais aussi en contenu. Ce qui mérite d’être noté en cette période où la forme prend le pas sur le fond. Ces temps où certains artistes manient les mots de façon déroutante pour ne rien dire, juste parce que ça fait « joli ». Stromae (qui compose tous ses titres de A à Z) sait même se taire, il le prouve avec de longs passages instrumentaux qui en disent autant, parfois plus que les mots (« Tous les mêmes« , « Quand c’est« ). Son titre « Merci » est même dépourvu de texte, comme quoi, il évite de chanter l’évidence.
Pour l’inspiration, c’est comme Gad Elmaleh : la vie de tous les jours. Sauf que celle de Stromae semble vachement moins drôle : amours tristes (« Formidable« ), ruptures (« Tous les mêmes« ), cancer (« Quand c’est« ), SIDA (« Moule frite« ), abandon du père (« Papaoutai« )… Mais loin d’être sinistre comme Mano Solo, Stromae parle de tout ces soucis avec légèreté, humour, sans pour autant les vider de leur essence. Conscient, presque moralisateur (« Ta fête« ), sans être plombant. Certains chœurs très mélodiques contrastent avec la déclamation (le « parlé »), ce qui rend les titres vivants, surprenants, le « flow » peut être très différent d’une piste à l’autre, mais c’est toujours bon. Excepté pour le titre « AVF« , pour « Allez vous faire foutre » où sont invités Orelsan (en bonne forme) et Maître Gims en grosse tache de l’album. Le seul avantage à la réunion de ces artistes semble commercial (il faut bien s’assurer un titre qui va cartonner en radio), car musicalement, on s’interroge… Le Gims débarque et saccage le titre avec des lyrics qu’on dirait écrit entre deux vodkas au comptoir d’une boîte (habitat naturel revendiqué de son crew, Sexion d’Assaut) et fait rimer « j’ai un match de foot » avec « allez-vous faire foutre ». Effet garanti.
On pardonne ce faux pas à Stromae, car le reste du disque est « Formidable« , le jeune chanteur mérite la comparaison qu’on fait de lui à Brel au fil des commentaires YouTube. Le « buzz » créé autour du titre éponyme est excellent, autant que le titre. Dans sa voix comme dans ses phrases, parfois tendrement misogynes, et oui, les hommes souffrent parfois. On l’apprend sur « Racine Carrée », avec élégance, rythme et humilité. Une seconde livraison qu’on ne retournera pas à l’envoyeur. On peut dire sans risque que c’est l’album francophone de la rentrée.
« Racine Carré » de Stromae (Universal) – Sortie le 19 août 2013 (CD et téléchargement) – www.stromae.net
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Je rejoins l’ensemble de cette chronique !
On l’attendait au tournant, il a su nous donner ce qu’on espérait tout en nous surprenant.
Il maîtrise les mots, il orchestre les beats et on a pu voir qu’ils savaient jouer avec les médias autant qu’avec les notes. Ce second opus est né d’un très bon buzz et c’est tant mieux: nous ne serons que plus nombreux à subir cet effet Stromae qui nous fait danser autant que réfléchir (ou déprimer, au choix).
Bravo pour cette chronique ! Je plussoie aussi pour la « tâche » sur l’album qu’on lui pardonnera.