Un Goya décousu, fou et faux au théâtre de l’Atalante

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Peu à peu, le festival de Caves, qui se tient au mois de mai dans la région de Besançon, tente de s’exporter à Paris. Pour l’occasion, le petit théâtre de l’Atalante accueille un spectacle créé sur un texte contemporain de José Drevon, lui-même écrit d’après l’œuvre du peintre espagnol Francisco de Goya (1746 — 1828).

C’est en fait une interprétation émotionnelle des célèbres gravures (Los Caprichos) qui nous est montrée ici. Devant le spectateur, très proche, Francesco de Goya (Maxime Kerzanet) est allongé sur une table, sorte d’espace de dissection mentale. Il est en pleine crise d’angoisse. Jamais il ne quittera ce territoire délimité. L’homme souffle, se parle, tente de contrôler sa douleur psychique en ce lieu extrêmement prégnant. À l’abri des regards, il rejette en bloc la société espagnole du roi Charles IV : le clergé, les femmes, les manières aristocratiques, avec une grande force. Les images qu’il emploie dans ce but sont claires. Nous voyons alors un peintre seul face à sa feuille, exorcisant, par le dessin, ses démons.

Malheureusement, malgré une performance d’acteur notable, une belle lumière (de Christophe Forey) et une mise en scène fine (de Guillaume Dujardin), le spectacle ne nous saisit pas. En cause ? La partition, le texte, assurément. L’auteure fantasme Goya comme s’il était Baudelaire écrivant Spleen IV, or, bien que reconnu en tant que peintre de l’horreur, de la violence et d’une certaine folie, Goya n’est pas celui du délire. Ses Caprices sont en fait bien réfléchis, pesés, et font l’objet de nombreuses études dont l’une d’entre elles a montré dernièrement que tout était calculé : même la date de sortie dans le commerce des Caprices est prévue au moment précis de la dernière pleine lune d’un cycle astronomique important de la fin du XVIIIe siècle. Alors qu’ici sur scène, le texte montre un Goya fou, à moitié nu, prisonnier d’une cave afin d’expurger sa folie dans la solitude, mais ses Caprices avaient pour but d’être diffusés à un public très large, rien n’était enfoui, rien n’indique que c’est le résultat d’un délire nocturne du peintre.

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Bien sûr, José Drevon fait ici un choix extrêmement libre, et sa vision n’est pas mauvaise, puisque c’est celle d’une artiste, son cri. Mais cela ne suffit pas à lui donner la contenance nécessaire à susciter un intérêt : il est décousu, passant du coq à l’âne sans logique, sauf celle de la démence, encore. Mais le délire, s’il ne mène nulle part, à quoi bon l’exhiber ? L’acteur termine dans la même position que celle par laquelle il nous est apparu, montrant ainsi qu’il est cloisonné dans une crise répétitive, ce qui est en plus en contradiction avec la sortie de ses démons sur le papier montrée quelques minutes avant. Tous ces mots ne semblent que style au détriment d’un véritable fond.

Du coup, le beau dispositif scénique et l’écrin particulier dans lequel on essaye de plonger le spectateur ne fonctionnent pas. À quel public s’adresse-t-on ? Le spécialiste ne verra pas Goya, l’amateur en aura une image saugrenue, et si la destination n’est pas d’apporter un témoignage biographique, ce qui semble être le cas ici, l’ennui guette et surgit plus vite que les brûlantes angoisses vécues par le personnage évoluant sur scène.

Pratique : « Caprices », jusqu’au 24 juin au théâtre de l’Atalante (18e arrondissement). Horaires et réservations sur www.theatre-latalante.com et par téléphone au 01 42 23 17 29.

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