« Démons » tente de montrer la déchéance amoureuse de Frank et Katarina. Un verre de whisky traîne près du lit au réveil, et tous deux fument sans cesse. Ensemble pour mourir ? Se séparer ? Ou bien continuer dans l’oppression vers plus de déchéance ? Arrivés dans une situation où tout ce qui est l’autre dérange, l’impossibilité de quitter cet autre semble se dresser comme un mur infranchissable entre deux vies possibles. Un lien cruel qui entretient cependant l’amour, alors que faire ?
Ce couple a besoin qu’il se passe quelque chose, trouver un substitut afin d’oublier cette misère affective. S’aimer au dépend d’autres ? Pourquoi ne pas diriger toutes les pulsions sadiques qui les animent vers les voisins du dessous. Inviter ces innocents, les humilier pour finalement s’aimer de nouveau. Cette rencontre, faussement impromptue, créée une situation étrange, quelques mots choquants sont échangés et, tour à tour, Katarina et Frank tentent de se faire le voisin, où la voisine, tout dépend…
Peut-être, les coupes dans le texte sont trop importantes. Cette longue pièce est ici réduite à moins de deux heures, avec de nombreux passages de mise en scène pure. Marcial Di Fonzo Bo nous prive ainsi de l’aspect lancinant du texte, faisant de cette situation de sadisme salace où les démons pourraient surgir, une bête orgie foireuse d’où personne ne sort transformé. On ne sent que l’amorce du découpage incisif que Noren fait du couple bourgeois moderne, la répétition, un aspect pasolinien tout juste effleuré. Car la situation est banale, elle pourrait tenir en une phrase, tout l’intérêt est l’analyse de la relation entre les personnages.
Des personnages incarnés par des acteurs de cinéma : Romain Duris et Marina Foïs – que l’on entend bien au théâtre, remarquons-le ! – dans le rôle du couple invitant Anaïs Demoustier et Gaspard Ulliel : Jenna et Tomas. Duris est cavalier un peu (trop) classe pour le rôle. Très charismatique, il manque néanmoins de noirceur. Ses Démons sont invisibles. Pourtant, il sait jouer des personnages complexes – au cinéma du moins, dans De Battre mon cœur s’est arrêté. Demoustier est gauche et manque d’élégance, comme le rôle lui demande de l’être et Ulliel, s’il nous surprend d’abord lors de son entrée sur scène, en jouant un personnage à contre emploi de sa carrière de mannequin, nous ramène vite à la réalité par son manque de nuance.
Soulignons néanmoins que, dans la mise en scène de Di Fonzo Bo, les deux mondes qui s’affrontent sont bien marqués. L’élégance ostentatoire des premiers contraste fortement avec ce couple de jeunes parents qui prend les premiers vêtements de la pile pour s’habiller le matin. Quand ça pète entre les pauvres – parce que chez Jenna et Tomas tout n’est pas rose non plus – les riches se délectent.
Malheureusement, d’une telle situation se dégage trop peu de tension et fait alterner quelques belles scènes et temps d’ennui. La disparité du niveau de jeu entre les acteurs achève ce tableau qui manque, malgré la perspective offerte par la scénographie, sincèrement de profondeur.
« Démons » de Lars Noren. Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, jusqu’au 11 octobre au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin Roosevelt, 75008, Paris. Durée : 1h50. Plus d’informations et réservations sur theatredurondpoint.fr.
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