Un « Père » sans tension

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Copyright : Vincent Pontet, coll. Comédie-Française.
Copyright : Vincent Pontet, coll. Comédie-Française.

Le rideau s’ouvre sur un univers sombre, austère. De grands registres tapissent les murs d’une scénographie à tiroirs, qui, dans la perspective, sera tour à tour cabinet de travail, salle à manger ou corridor. Du point de vue purement plastique, ce décor accompagné de l’important travail de lumière par Dominique Bruguière, « Père », la nouvelle production de la Comédie-Française est splendide.

Ce cadre sévère, sans être aride, voit se dérouler un duel au sommet entre le Capitaine (Michel Vuillermoz) et sa femme Laura (Anne Kessler). L’enjeu ? L’éducation de leur enfant, Bertha. Le Capitaine veut envoyer sa fille à la ville, faisant valoir son droit de père de famille, pouvant trancher ce qu’il y a de mieux pour son enfant. Il souhaite sortir sa progéniture du carcan familial où chaque membre du foyer y va de sa confession et tente d’y convertir l’enfant. En libre penseur et scientifique, pour le Capitaine, sa fille doit partir ! Laura ne peut se résoudre à s’éloigner de son unique enfant ; par une suite de manigances, elle arrivera à faire passer son mari pour fou. Celui-ci meurt dans sa camisole de force, quelques heures avant d’être interné.

Copyright : Vincent Pontet, coll. Comédie-Française.
Copyright : Vincent Pontet, coll. Comédie-Française.

Ce combat d’une mère pour garder son enfant (contre sa volonté même), offre de multiples grilles de lecture au spectateur. Elle peut montrer jusqu’où une mère est capable d’aller. Mais exprime encore le combat, parfois injuste que doit mener la femme afin de conquérir sa liberté. Le texte est aussi une réflexion sur la paternité. Laura, insidieusement, sème le doute dans la tête de son Capitaine de mari en supposant qu’il ne soit pas le père de leur fille. On pense évidemment à ce doute, élevé au rang de dogme dans la religion juive, que le père ne soit pas vraiment le père, puisque jusqu’aux tests ADN, rien ne pouvait le prouver avec certitude.

La mise en scène d’Arnaud Desplechin, pour sa première fois au théâtre, n’arrive pas à se décrocher de certains artifices du cinéma. Notamment la musique, présente en permanence pour soutenir l’action (même si parfois, il s’agit d’une note). Ici, elle perturbe le jeu des comédiens qui sont bien obligés de composer avec ces tonalités lancinantes. L’ambiance pesante, la sensation de guerre jamais ne s’installe, parasitée par des jeux d’acteurs qui resteront à des dimensions discrètes en rapport à la portée offerte par les rôles. Michel Vuillermoz est néanmoins juste, et il contraste en cela du reste de la distribution. Mais quelle exagération dans la voix d’Anne Kessler ! On s’attend à chaque seconde, la voir se tordre de douleur et éclabousser la salle de larmes de crocodiles.

Plus que la tension, l’ennui installe son voile dans la salle et de cette sombre intrigue, ne reste qu’une sensation agréable à la mort du Capitaine ; comme lui, nous voilà enfin libérés de ce monde où rien n’est vrai : ni les personnages, ni les sentiments qu’ils devraient nous faire éprouver.

« Père » d’August Strindberg. Mise en scène d’Arnaud Desplechin, jusqu’au 4 janvier 2015 (en alternance) à la Comédie-Française (salle Richelieu), place Colette, 75001 Paris. Durée : 1h55. Plus d’informations et réservations sur www.comedie-francaise.fr

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