Monter le Roi Lear de Shakespeare à la Madeleine a conduit Jean-Luc Revol a prendre de multiples risques. D’abord, celui de transposer l’action dans un tournage de film des années 30, où projecteurs et pétards à amorces sont les accessoires les plus manipulés par les acteurs. Autre élément remarquable : le nombre de comédiens sur scène. Ils sont une quinzaine, ce qui pour une production de théâtre privé (entendez : avec l’obligation de réaliser suffisamment de bénéfices pour payer tout le monde), est particulièrement exceptionnel.
Heureusement, la transposition est effectuée sans toucher au texte. Jouer Shakespeare « en costume » aujourd’hui serait probablement jugé de très mauvais goût. Ici, les multiples intrigues de la pièce sont claires et si, d’aventure, un spectateur ne connaît pas « l’histoire » du Roi Lear, cette version est d’une grande lisibilité. On comprend tout.
Les acteurs se mettent au service du drame. Au premier rang desquels Michel Aumont qui sombre peu à peu dans la folie avec finesse. Bruno Abraham-Kremer est aussi un Kent excellent. Arnaud Denis et Jean-Paul Farré nous captent aussi par la profondeur et les nuances de leurs personnages. On regrettera le jeu trop dramatique de Marianne Basler. Beaucoup trop de sincérité se dégage de ce personnage de fille hypocrite conduisant son vieux père à la déraison.
Quelques légères maladresses dans la mise en scène peuvent gêner l’expérience théâtrale : les chorégraphies de combats, la musique et quelques morts trop longues conduisent le public à rire dans des moments tragiques. Bien que, parfois, des instants comiques jalonnent le drame, comme c’est souvent le cas chez Shakespeare.
Au final, on garde de ces 2h40 de représentation une sensation agréable : pas de colère ni d’ennui. Un spectacle complet et plaisant, qui ne manquera pas de se parfaire, espérons-le, tout au long de la saison.
« Le Roi Lear » de William Shakespeare. Mise en scène de Jean-Luc Revol, actuellement au Théâtre de la Madeleine, 19 rue de Surène, 75008, Paris. Durée : 2h40. Plus d’informations et réservations sur www.theatre-madeleine.com/.
Du même auteur ...
- [Critique-Théâtre] « Aigle à deux têtes » pour acteurs sans direction - February 2nd, 2017
- [Théâtre] Irina Brook veut faire « voyager ceux qui ne bougent pas » - February 1st, 2017
- [Critique-Théâtre] Feuilleton théâtral : semaine n° 50 - December 19th, 2016
- Feuilleton théâtral : semaine n°48 - December 5th, 2016
- Feuilleton théâtral : semaine n°47 - November 28th, 2016