Le 26 avril 1986 à l’intérieur de la centrale Lénine dans l’ancienne URSS, durant la nuit aux alentours d’1h23, la plus grosse catastrophe nucléaire mondiale du XXe siècle a lieu : les réacteurs de la centrale explosent. 30 ans plus tard, sur des terres que la Seconde Guerre mondiale et les nazis avaient déjà détruites, une personne sur cinq vit encore dans des régions contaminées. Une nouvelle guerre a commencé, encore plus cauchemardesque pour la vie, une guerre nucléaire. Mais comment se protéger de ce que l’humanité ne connaît pas ? En ce sombre anniversaire de la catastrophe, Stéphanie Loïk adapte et met en scène sous le titre de « Tchernobyl Forever » le Carnet de Voyage de Alain-Gilles Bastide. Du théâtre documentaire pour ne pas oublier.
Comme dans ses précédentes mises en scène autour de Tchernobyl, ou du moins, des textes de Svetlana Alexievitch comme la « Supplication » dont le présent spectacle est marqué, Stéphanie Loïk propose un spectacle choral où trois comédiens se font la voix de l’enfer, pour préserver les faits. Vêtus de noir sur un plateau sans décor lourdement enfumé, plongé dans des lumières allant du vert au rouge vif en passant par un blanc éblouissant, les trois comédiens rejouent des témoignages, des reportages et des moments de vies irradiées. Comme dans « La fin de l’homme rouge » monté sur la même scène par Stéphanie Loïk l’an passé, le spectacle est admirablement chorégraphié. De même, les chants acappella du chœur de comédiens marquent l’esprit. A trois, et en canon, ils sont la voix d’un peuple et de ses victimes. Ils disent l’horreur de cette mort qu’on ne connaît pas, de l’air que l’on ne respire plus. Ils disent et jouent ce déchet atomique qu’est devenu l’homme de Tchernobyl, de ses environs et bien au-delà. Pour les irradiés, les 700 000 enfants nés après Tchernobyl et le déficit de natalité enregistré, impossible de vivre sans oublier la catastrophe. Plus que des corps malformés et des vies arrachées que les comédiens jouent avec force et beaucoup de sensibilité, Tchernobyl est devenu ce lieu d’abondance dont parle la Bible, où l’homme ne peut plus enfanter. Stéphanie Loïk propose une adaptation maîtrisée, très visuelle et malgré tout empreinte de beaucoup de poésie de ce qu’est encore Tchernobyl aujourd’hui.
Alors que l’homo sovieticus lui, est mort, que l’URSS est tombée, au tour de l’humain de mourir ? La faute de qui ? En guerre la mort est incompréhensible, encore plus quand cette guerre n’est pas comme toutes les guerres. Aveuglé par des lumières créant une ambiance maladive et forcé de respirer cette épaisse fumée diffusée sur le plateau, le spectateur ressort éprouvé par l’Histoire et ce que le théâtre peut encore en dire.
« Tchernobyl forever », d’après le Carnet de Voyage de Alain-Gilles Bastide, adaptation et mise en scène de Stéphanie Loïk, jusqu’au 30 avril 2016 au théâtre Le lieu de l’autre/Anis Gras, 55 Avenue Laplace, 94110 Arcueil. Durée : 1h30. Plus d’informations et réservations sur www.lelieudelautre.com
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