Avignon OFF 2016 : « Les escargots… » : tous singulièrement multiples

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Pour Juliette, neuf ans, dans la vie le premier drame a été d’être une fille. À travers son autofiction « Les escargots sans leur coquille font la grimace », Juliette Blanche, en duo avec Andy Cocq et aidée de Charles Templon pour la mise en scène, s’inscrit dans une actualité des gender studies pour un spectacle touchant sur la quête identitaire.

Avant l’entrée du duo sur scène, le spectateur est confronté à une grande toile blanche sur laquelle est reproduite la photographie d’une femme androgyne tatouée arborant une coupe à la garçonne que Juliette Blanche s’empresse de déchirer pour lancer le jeu. Une fois la masculinité comme anéantie par ce premier acte scénique violent, commence le récit de la vie de Juliette qui, au grand désespoir de son père, fit l’erreur de naître fille. Puisqu’on « ne naît pas femme, on le devient », tout le spectacle restitue la quête de genre de la jeune fille avant d’enfin réussir à se dire femme. En duo avec un Andy Cocq drôle à souhait, tous deux s’attachent tour à tour à jouer différentes personnes qui ont traversé la vie de Juliette, sans jamais tomber dans le stéréotype. Grâce à une jeu de lumières mis au service du propos avec finesse et des accessoires bien choisis, Andy Cocq se retrouve à singer les sœurs de Juliette, son premier amoureux, Johnny Depp, une secrétaire etc. dans un rythme frénétique et un jeu de mimiques bien mené et amusant. De son côté, Juliette reste dans son personnage tiraillé par un premier désir d’être garçon pour plaire à son père, et celui d’être une fille pour écouter sa mère. Qu’à cela ne tienne, la vie n’est pas si simple et derrière des airs légers, des thèmes graves sont abordés avec beaucoup de justesse. De fait, à quel moment sait-on que l’on est une femme ou que l’on est homo ou hétérosexuel ?

D’un questionnement sur l’identité qui part d’abord des prénoms en passant par le premier jour des règles de la jeune fille à une exploration de la sexualité qui ne tombe jamais dans la vulgarité, ce spectacle empreint de sincérité n’apporte pas de réponses sinon une invitation à la tolérance. L’un des temps forts de cette création reste la découverte de l’homosexualité du père de Juliette laissant sa femme dans une détresse sentimentale jouée et chantée par le partenaire de Juliette Blanche, car que faire face à « un homme qui condamne le fait d’être une femme » ? Si le spectacle souffre de quelques changements abrupts et de manques de cohérence dans la mise en scène, l’énergie des comédiens est communicative au milieu d’un décor réduit à trois panneaux et miroirs rotatifs servant ce grand thème qu’est celui du genre. Destiné à un public large, le duo gagnerait à se produire devant un public adolescent pour sensibiliser autour de questions loin d’être réductibles à l’idée que les hommes viennent de mars et les femmes de vénus. Que l’on soit homme, femme, transgenre, hétéro ou bisexuel, le théâtre, ne serait-ce que par les changements de rôles dépassant le sexe ou le genre du comédien proposés dans ce spectacle a une réponse : célébrons les identités multiples. Elles sont loin d’être la minorité que l’on croit, peut-être que nous sommes souvent singuliers en acte, mais chacun est multiple en puissance.

Les escargots sans leur coquille font la grimace, écrit par Juliette Blanche, mise en scène de Charles Templon assisté de Florian Jamey, avec Andy Cocq et Juliette Blanche.

Festival d’Avignon, Théâtre La Luna, 1, rue Séverine, 84000 Avignon, 04 90 86 96 28, jusqu’au 31 juillet, 11h45, durée 1h05.

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