Plongée au cœur de l’enfer. Dans le premier opus de son triptyque « Auschwitz et après », la rescapée du camp nous plonge au plus profond de l’ignominie.
L’horreur est livrée à son état brut. Et paradoxalement, on sent la douleur comme contenue, oubliée. Il n’est plus question de souffrance physique. Il est question de mort, de jour, de nuit, de travail, de froid, de mort, de mort. Et de vie.
Cette vie que le système concentrationnaire avait comme finalité d’anéantir, et au travers de cette vie, de ces vies, l’espoir tout entier de familles, de communautés, de peuples. Cette vie qui s’est prolongée, qui a tenu coûte que coûte durant les appels, durant les journées de travail, durant les nuits de cauchemars et d’agonies. Cette vie qui a permis de revenir de l’enfer. Au moins physiquement, car au travers du récit, il est clair qu’une part de l’auteure a disparu dans l’infinie cruauté imposée par ses tortionnaires.
Dans cet ouvrage se mêlent ainsi des descriptions du quotidien. Si tant est que l’on puisse imaginer un quotidien dans de telles conditions de mort. Des scènes de mort. Des scènes d’une violence sourde, froide, banale, expéditive. L’hiver dans le cœur des hommes. Et puis, entrecoupant ces témoignages, ces souvenirs, naissent des poèmes. Cet enchaînement, cette succession prend le lecteur aux tripes. Le rythme des récits, le rythme de la parole, l’écriture, tout traduit la souffrance, l’espoir disparu, l’espoir plus jamais espéré.
Ainsi, la ponctuation s’accommode du rythme des marches des colonnes de déportées. Les répétitions sont le martèlement des ordres, ou plutôt des aboiements des kapos, des stubhovas, des SS. Les mots sont précis, les phrases concises et définitives. Comme en est décidé le sort des plus faibles. Ou juste de celui qui s’est laissé prendre par l’épuisement et a fait un pas de côté. A laissé dépasser une main. A fermé l’œil au mauvais moment.
Faible sentiment que d’être bouleversé à la lecture de ce témoignage.
Dégoût.
Terreur.
Et terrible force du récit qui nous immerge au plus profond de la boue des sentiments humains. De cette boue n’aurait pas dû naître une tulipe.
Aucun de nous ne reviendra.
Aucun de nous n’aurait dû revenir.
Aucun de nous ne reviendra
Charlotte Delbo
Les éditions de Minuit, Collection Documents
184 pages
ISBN : 9782707302908
http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Aucun_de_nous_ne_reviendra._Auschwitz_et_apr%C3%A8s_I-2007-1-1-0-1.html
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