Douze ans après leur dernière dispute, Louis (Francis Perrin) vient rendre visite à Philippe (Patrick Bentley) dans sa chambre d’hôpital. Le second, universitaire et écrivain, a été victime d’un AVC dont la séquelle est un « Locked-In Syndrome ». Cet anglicisme désigne une paralysie totale du corps, mais une pleine conscience de l’esprit. Pour s’exprimer, Philippe bat des cils, un pour oui, deux pour non. D’abord effaré, Louis renoue peu à peu le dialogue avec son ami, jusqu’à la mort.
Francis Perrin est ici presque seul en scène. Le spectacle tient sur ses épaules. Les quelques petits dialogues sont ceux de Louis et la belle infirmière (Gersende Perrin). Philippe, lui, est placé de dos, proche de l’avant-scène. Le public se confond avec le mourant et devient, au même titre que l’alité, l’interlocuteur des introspections de Louis. On assiste à l’évolution du personnage principal devant à son ami immobile tout au long de la pièce. D’abord effrayé, au fil de ses visites il arrive à dépasser la maladie pour considérer le paralysé comme son camarade de toujours. Il partage sa solitude, sa tristesse, ses regrets qui jalonnent une vie déjà bien derrière lui. C’est une histoire sincère, simple et humaine à laquelle on participe émotionnellement.
Sans être pathétique, le texte de Lilian Lloyd allie la tristesse d’une mort imminente et l’humour juif le plus caractéristique, où les moments les plus sombres font naître les meilleures blagues. Des larmes montent, mais une fois sorties des glandes lacrymales, elles peuvent tout aussi bien couler de rire.
Face à « Comme un arbre penché », on pense aussi au « Père » de Florian Zeller avec un autre ancien du Français1 : Robert Hirsch. Cette dernière pièce connait un beau succès public et critique au Théâtre Hébertot depuis 2012. Les deux textes partagent une thématique commune : la chute médicalisée d’un homme vers sa tombe et la réaction de son entourage. Les points de vue divergent, mais des questions d’une importante modernité émergent : la fin de vie, l’intérêt de son accompagnement… En ce sens, « Comme un arbre penché » est une pièce modeste et touchante, mais elle s’inscrit pleinement dans l’un des enjeux politiques de notre époque.
- Francis Perrin est entré à la Comédie-Française en 1972 et il en est parti en 1973 ↩
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