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Delanoë, la libération… Enfin ?

Delanoë

Yves Jeuland nous a habitués à mettre son service au talent de la politique française [1. Il a réalisé, entre autres, « Camarades, il était une fois les communistes français » (2004), « Un village en campagne » (2008), « Le Président » (2010). Ce dernier porte sur la campagne de Georges Frêche pour conquérir la région Languedoc-Roussillon.], la livrant telle qu’elle est aux yeux du spectateur, souvent cruelle et manipulatrice. Avec « Delanoë libéré », c’est un autre exercice auquel se consacre le réalisateur, puis qu’ici, il se donne une place (corps et voix) au casting. Il est installé avec Bertrand Delanoë dans un studio de tournage (bien que toujours de dos), et c’est lui qui mène l’entretien avec celui qui, en mars 2014, portera le titre (honorifique!) d’ancien maire de Paris.

Le contexte est intéressant : le maire socialiste (le premier à Paris depuis 1 siècle !) ne se présentera pas à sa succession [2. La candidate du Parti Socialiste est une « lieutenant » de Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo.], il est « libéré » d’engagements futurs et peu donc dresser une sorte de bilan. Une « sorte », car ce n’est pas un bilan politique qu’il faut s’attendre à voir ici, encore moins un bilan de mandat. Quel intérêt à dresser ce dernier pour soi-même si ce n’est pas pour être réélu ? C’est donc un bilan humain qui s’écrit pendant ce film, comme le récit d’une vie, d’un homme, de ses souvenirs, avant son retrait de la vie publique.

Jeuland n’en est pas à son premier documentaire où Delanoë a un rôle important. Il y a douze ans, il tournait un film baptisé « Paris à tout prix ». Diffusé en deux épisode sur Canal+, il montrait tout de la bataille que les candidats se livraient entre eux pour l’Hôtel de Ville. Ce documentaire s’arrête sur la proclamation des résultats. La caméra était restée à l’entrée, elle a attendu patiemment la sortie. C’est d’ailleurs avec plusieurs images de ce premier documentaire que s’ouvre « Delanoë libéré ».

Filmé de trois-quarts on voit monsieur le maire regarder les images, on profite ainsi de ses réactions. Il donne l’apparence d’un homme simple, au regard fatigué, sans être agacé, qui est assis face à nous. Fait rare pour un homme politique : il s’exprime en bon français, dans cette voix grave de fumeur de cigarillos couronnée d’une légère intonation de dandy, que même l’auditeur occasionnel lui connaît. On le voit en ami de Lionel Jospin, admirateur de Gaston Defferre, inséparable de Dalida… Cette dernière qui l’accompagnait dans les rues du 18e arrondissement au soir de sa première élection en tant que député pour fêter la victoire en 1981.

C’est un vieux combattant qui porte maintenant un regard façonné par la maturité et l’expérience sur sa propre vie. Une naissance à Bizerte en Tunisie, son mai 68 à Rodez, sa montée à Paris quand il avait 24 ans et les engagements menés alors. Il parle des leçons données par ses parents, qui n’ont pas connu son ascension brillante. L’occasion pour lui de revenir sur l’un de ses grands combats face à lui-même : contre l’orgueil, un vieux démon dont il donne l’image de s’être complètement libéré aujourd’hui. Il commente aussi son coming-out, réalisé à fin des années quatre-vingt dix et se félicite du fait qu’aujourd’hui « le maire de Paris soit homosexuel, et que tout le monde s’en foute ! ». Il assume son célibat, ou plutôt, sa liberté encore une fois, confessant que jamais « [il] ne veut se priver d’une affection naissante ». La liberté, véritable luxe de cet homme sans téléphone portable, peut-être…

Il y a aussi une certaines douleur et peut-être un peu de regret quand il revient sur ses échecs internes du parti Socialiste. Fataliste, il commente : « c’est que cela ne devait pas arriver ». Douleur également, mais philosophie aussi, quand il repense à la tentative d’assassinat dont il a été victime à l’Hôtel de Ville ce samedi soir de 2002, lors de la première édition des Nuits Blanches, il dira qu’il « se peut que cela [lui] ai apporté un peu de sagesse ».

Enfin, la question de savoir, pourquoi il s’arrête là ? Alors qu’il aurait tout a fait pu être réélu si cela l’avait intéressé ? [3. Bertrand Delanoë avait annoncé dès son élection qu’il n’exercerai que deux mandats à la tête de Paris.] Delanoë répond qu’il a « admiré deux grands maires : Defferre et Chaban-Delmas, et que ces deux ont fait quelques mandats de trop ». Il préfère donc penser à l’après mars 2014, imaginant sa vie entre « voyages, plage et copains », sans pour autant écarter toute possibilité de responsabilité politique, disant en substance que si on lui confiait une « mission », il ne la refuserait peut-être pas…

Comme à son habitude, Yves Jeuland et son équipe ont le génie pour faire voir l’humanité dans le héros et comment celui-ci arrive, d’une certaine manière, à nous le faire aimer. Ils construisent une histoire autour de ce sujet qui ne semble pas forcément évident au départ. Et pourtant, on comprend tout. On s’intéresse à chaque minute du film même si on ne connaît pas grand chose de l’homme au départ [4. C’est le cas de l’auteur de cet article.]. Le mélange entre images d’archives, interview et clins d’œil musicaux (chers à Jeuland) donne un bel équilibre à l’ensemble, on ne relève pas de longueurs ou de détail qui viendrait en gâcher l’harmonie.

Ce documentaire mérite l’attention du spectateur amateur ou non de jeux de pouvoirs. Il offre l’image intéressante d’un homme politique peut-être un peu plus vrai que les autres ? Assurément vrai, car (volontairement) libéré !

« Delanoë libéré » sera diffusé le 18 octobre sur France 3 à 23h10




Un « bois lacté » traversé par un fleuve d’émotions

© Pascal GELY
© Pascal GELY

Avec « Le bois lacté », Dylan Thomas signait une pièce poétique [1. La pièce a été créée pour la radio en 1952]. Les mots y sont utilisés pour créer un imaginaire qui transporte le lecteur/spectateur comme un fleuve drague une multitude d’objets. On est pris dans le courant de la journée d’un village Nord-Américain où 63 personnages (jouées par 7 acteurs), laissent à voir leur intimité jusque dans ses méandres les plus profondes. Le texte, difficile au premier abord, est dit de façon claire. Il ne faut pas chercher à comprendre à tout prix : les images parlent d’elles-mêmes et, pour nous aider, celles-ci se succèdent dans une structure temporelle et spatiale bien définie.

Chacun des protagonistes décrit son existence, donne son regard sur lui-même dans des situations simples, récurrentes. Tantôt dans une diction narrative, tantôt vivant l’action. Il n’y a pas d’ordre d’importance entre eux. Tous égaux face à la vie ! Chacun ses rêves, ses relations… L’une est maniaque, seule dans sa grande maison, l’autre est alcoolique et il vit une histoire physique avec une jeune femme dans la forêt. L’un tente depuis des années de tuer sa femme, l’autre voit l’amour quand il regarde le village chaque matin. Finalement on est ensemble, mais chacun dans son monde et chacun dévoile son jardin secret.

Stephan Meldegg réussi là une prouesse de mise en scène en faisant jouer cette galerie de personnages sur la (toute) petite scène du théâtre de Poche. La plupart du temps, tous les comédiens sont sur le plateau. Parfois, seul l’un d’entre eux déclame, parfois ils s’animent tous ensemble pour créer une ambiance propice à soutenir la narration : équipage d’un navire, troupeau de chèvre, pilliers de comptoirs, visite touristique… Ce parti prix d’occupation de l’espace ressert d’autant plus l’attention autour des mots.

Finalement, c’est un véritable conte qu’il nous est proposé de vivre dans ce « Bois lacté », une histoire au long cours qui prendra qui veut bien se laisser happer, un moment où il y a autant d’émotions à vivre que de personnages à rencontrer.

Pratique : Jusqu’au 8 décembre 2013 au théâtre Poche-Montparnasse, 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris – Réservations par téléphone au 01 45 44 50 21 ou sur www.theatredepoche-montparnasse.com / Tarifs : entre 10 € et 35 €.

Durée : 1 h 30

Texte : Dylan Thomas

Mise en scène : Stephan Meldegg

Avec : Rachel Arditi, Jean-Paul Bezzina, Sophie Bouilloux, Attica Guedj, César Méric, Jean-Jacques Moreau, Pierre-Olivier Mornas




L’École des Femmes, leçon acide à La Tempête

Laura Mariani
Laura Mariani

En montant les grands auteurs classiques (essentiels ?) du théâtre français, le metteur en scène prend un risque. Le risque de montrer quelque chose de déjà (trop ?) vu ou encore celui de vouloir sortir des codes au détriment de l’essence de la pièce. Comme à son habitude [1. Philippe Adrien a mis en scène de nombreuses pièces classiques, pour la liste complète, se référer au site du théâtre de La Tempête], Philippe Adrien ne tombe pas dans un mauvais piège et son École des Femmes respecte le texte tout en lui donnant une résonance moderne.

Le spectacle se déroule dans un décor raffiné, champêtre où la teinte majeure est le gris. Les personnages ont quitté le XVIIe français où ils sont nés pour être transposés dans une toute fin de XIXe siècle morne et un peu angoissante.

Inutile de revenir en détail sur les enjeux du drame, mais l’École des Femmes trouve encore aujourd’hui une véritable raison d’être entendu. Philippe Adrien fait ressortir toute l’horreur de la situation où Arnolphe a voulu sculpter – par l’éducation – une femme (Agnès) selon ce qu’il attendait d’elle, pour pouvoir ensuite l’épouser. Ainsi, il se protégerait de tous les travers (supposés) de la féminité. Une brillante critique du patriarcat moderne en somme, amplifiée par la scénographie où cohabitent une salle de torture et les plaines brumeuses de l’arrière pays [2. La scénographie est de Jean Haas].

Les acteurs sont tous juste, parfois drôles, dans leurs rôles respectifs, notamment Patrick Paroux, campant Arnolphe, qui fait de ce personnage un homme entre Panisse et Louis de Funès, avec quelque touche bouleversante qui laissent voir un égoïsme sans limite au milieu d’une douleur sincère : celle du rejet de sa personne par Agnès, au profit du jeune Horace.

Bien sur, l’amour triomphe dans une scène de fin collégiale en forme de tableau à la Courbet, et l’on quitte la salle, conquis, heureux d’avoir aussi bien entendu le texte de Molière, soutenu par ces ambiances féeriques, oniriques et pourtant très simples dont Adrien a le secret.

Pratique : Jusqu’au 27 octobre 2013 au théâtre de la Tempête, La Cartoucherie de Vincennes – Réservations par téléphone au 01 43 28 36 36 ou sur www.la-tempete.fr/ / Tarifs : entre 12 € et 18 €.

Durée : 2 h

Texte : Molière

Mise en scène : Philippe Adrien

Avec : Raphaël Almosni, Vladimir Ant, Gilles Comode, Pierre Diot, Joanna Jianoux, Valentine Galey, Pierre Lefebvre, Patrick Paroux.




Un voyage en « Train fantôme »

Train Fantôme

Des mises en scène d’Éric Metayer, on se souviendra surtout des 39 Marches et de son ambiance « hitchcockienne » tournée à la dérision qui a connu un grand succès lors des deux dernières saisons [1. La pièce avait alors remporté le Molière 2010 du meilleur adaptateur et celui de la meilleure pièce comique]. Avec Train Fantôme, l’auteur-metteur en scène s’approprie l’univers des vampires pour en faire un cocktail horreur-humour relevé de quelques touches grandguignolesques.

La pièce est plus une suite de sketches qu’une histoire qui suit son cours. Une écriture qui présente ses avantages et ses inconvénients, les principaux étant que certaines parties sont plus drôles que d’autres. De plus, certaines scènes n’apportent rien à l’histoire, créant ainsi parfois un sentiment de confusion dans l’esprit du spectateur. Toutes ces scénettes joyeux monde se déroulent dans une ambiance Disneyland de pacotille, mais un pacotille qui rigole sans grincer de son manque de moyens, créant ainsi un objet d’humour supplémentaire dans la narration de ces conte potaches où il est question d’un notaire, de Dracula, d’histoires d’amour et de femmes volages…

Au final, le Train Fantôme est une aventure amusante où des personnages d’une gentille candeur, parfois même légèrement stupides, divertissent un public venu passer un moment agréable. Les comédiens s’amusent sur scène, le plaisir est ressenti dans la salle. On en demandera pas plus à ce spectacle, qui rempli très bien sa mission de divertissement.

Pratique : Jusqu’au 5 janvier 2014 au théâtre de la Gaité-Montparnasse, 26 Rue de la Gaité (14e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 43 22 16 18 ou sur www.gaite.fr / Tarifs : entre 16 € et 38 €.

Durée : 1 h 40

Texte : Gérald Sibleyras et Eric Metayer

Mise en scène : Eric Métayer

Avec : Jean-Philippe Beche, Andréa Bescond, Dorel Brouzeng-Lacoustille, Yamin Dib, Christophe Laubion.




« Racine Carrée », leçon mélodique par Stromae

     Stromae

     Après « Cheese » (2010), Stromae est de retour sur le devant de la scène avec « Racine Carrée ». Quand un artiste connait un succès fulgurant avec un premier disque, le public attend forcément le second avec une exigence accrue. Heureusement, « Racine Carrée » est aussi réussi que « Cheese », sans pour autant être un retour à la case départ.

On retrouve des fondamentaux : des beats house et électro bien huilés (avec même une petite touch’ dirty sur « Humain à l’eau« ). Certaines de ses fameuses « Leçons » publiées initialement sur YouTube ont aussi donné naissance à de vraies chansons sur le disque (« Tous les mêmes« ). Les textes sont toujours riches, en style certes, mais aussi en contenu. Ce qui mérite d’être noté en cette période où la forme prend le pas sur le fond. Ces temps où certains artistes manient les mots de façon déroutante pour ne rien dire, juste parce que ça fait « joli ». Stromae (qui compose tous ses titres de A à Z) sait même se taire, il le prouve avec de longs passages instrumentaux qui en disent autant, parfois plus que les mots (« Tous les mêmes« , « Quand c’est« ). Son titre « Merci » est même dépourvu de texte, comme quoi, il évite de chanter l’évidence.

Pour l’inspiration, c’est comme Gad Elmaleh : la vie de tous les jours. Sauf que celle de Stromae semble vachement moins drôle : amours tristes (« Formidable« ), ruptures (« Tous les mêmes« ), cancer (« Quand c’est« ), SIDA (« Moule frite« ), abandon du père (« Papaoutai« )… Mais loin d’être sinistre comme Mano Solo, Stromae parle de tout ces soucis avec légèreté, humour, sans pour autant les vider de leur essence. Conscient, presque moralisateur (« Ta fête« ), sans être plombant.   Certains chœurs très mélodiques contrastent avec la déclamation (le « parlé »), ce qui rend les titres vivants, surprenants, le « flow » peut être très différent d’une piste à l’autre, mais c’est toujours bon. Excepté pour le titre « AVF« , pour « Allez vous faire foutre » où sont invités Orelsan (en bonne forme) et Maître Gims en grosse tache de l’album. Le seul avantage à la réunion de ces artistes semble commercial (il faut bien s’assurer un titre qui va cartonner en radio), car musicalement, on s’interroge… Le Gims débarque et saccage le titre avec des lyrics qu’on dirait écrit entre deux vodkas au comptoir d’une boîte (habitat naturel revendiqué de son crew, Sexion d’Assaut) et fait rimer « j’ai un match de foot » avec « allez-vous faire foutre ». Effet garanti.

On pardonne ce faux pas à Stromae, car le reste du disque est « Formidable« , le jeune chanteur mérite la comparaison qu’on fait de lui à Brel au fil des commentaires YouTube. Le « buzz » créé autour du titre éponyme est excellent, autant que le titre. Dans sa voix comme dans ses phrases, parfois tendrement misogynes, et oui, les hommes souffrent parfois. On l’apprend sur « Racine Carrée », avec élégance, rythme et humilité. Une seconde livraison qu’on ne retournera pas à l’envoyeur. On peut dire sans risque que c’est l’album francophone de la rentrée.

 « Racine Carré » de Stromae (Universal) – Sortie le 19 août 2013 (CD et téléchargement) – www.stromae.net




« Georges Dandin » au Lucernaire

Copyright : Clément Bertani
Copyright : Clément Bertani

Dans un décor à la croisée d’une réalisation de Wes Anderson et d’une bande dessinée de Gotlib, Matthieu Penchinat montre un George Dandin sous un jour comique et grotesque, écartant presque le drame que montre cette pièce d’un revers pour n’en garder que le rire.

Heureusement, cela marche très bien. Cette histoire de mari cocu dont tout le monde se joue est à l’origine un bien triste drame : George Dandin contre sa fortune a pu épouser une noble appauvrie. Celle-ci ne voulant pas de ce mariage se refuse à son mari et se laisse courtiser par Clitandre, aux yeux et à la barbe de son mari, qui n’obtiendra jamais gain de cause et adoptera la solution du suicide.

L’apparence moderne et grotesque de chacun des personnages fait de la pièce un moment irréel où le texte original est interprété de façon très moderne (ce qui ajoute encore au comique de situation de cette mise en scène). George Dandin ressemble plus à un dépressif un peu bête, avec qui on n’a pas vraiment envie de compatir dans le malheur. Julien Testard qui l’interprète est particulièrement excellent, cannette de coca à la main et cheveux en bataille, il a tous les attributs que l’on pourrait donner à une caricature du paysan contemporain.

La mise en scène, vivante et précise, souligne l’absurde et la folie grandissante de ce personnage injustement malmené. Les corps explosent et le texte n’est pas le seul vecteur d’amusement, le geste l’accompagne allègrement. La musique de Lully remplacée par celle d’Edith Piaf ajoute encore au décalage entre le texte et l’interprétation qu’en fait Matthieu Penchinat.

On y voit encore très bien le regard effroyable que porte la noblesse à l’égard des parvenus, comment une étiquette colle à la peau toute un vie malgré les efforts pour s’en défaire. C’est aussi un bel exemple du pouvoir de manipulation que les femmes ont sur les hommes et comment, par amour pour leurs enfants, les parents peuvent ignorer l’évidence. Et tout ça, dans une foule d’éclats de rires.

Pratique : Jusqu’au 30 mars au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris.
Réservations par téléphone au 01 45 44 57 34 ou sur http://www.lucernaire.fr.
Tarifs : de 15 à 25 €.

Durée : 1 h 10

Mise en scène : Matthieu Penchinat, assisté d’Edouard Bonnet

Avec : Julien Testard, Julie Méjean, Sylvère Santin (ou Edouard Bonnet), Philippe Baron et Anne Juliette Vassort.




« Un fil à la patte » dynamique au théâtre de Belleville

Un fil à la patte 2

En ce moment au théâtre de Belleville se joue « Un fil à la patte », comédie demi-mondaine de Georges Feydeau. La compagnie « Hocemo Théâtre » nous en propose une version prenante, dynamique et très vivante.

Lucette Gauthier est une femme libre, forte … Chanteuse de cabaret, elle a une vie délicieuse. Se lève à midi en compagnie de son amant, déjeune et puis reçoit, à sa convenance et selon son envie. Parmi ceux qui patientent aujourd’hui, il y a un parolier et une dame qui voudrait l’engager pour le soir…

Malheureusement, monsieur Bois d’Enghien, qui a passé la nuit avec Lucette et qui lui donne tant de plaisir à vivre doit signer son contrat de fiançailles le soir même, durant une sauterie où Lucette est invitée à chanter. Bien sur, ni l’un ni l’autre ne sont au courant. La pièce est une belle illustration du génie de Feydeau, qui fait durer et monter jusqu’à l’explosion la plaisanterie pendant 3 actes.

Ce vaudeville est aussi une critique franche du monde de Feydeau (la France mondaine de la fin du XIXe). Il est intéressant de voir que la comédie humaine dénoncée dans ce comique de situation est toujours d’actualité. L’humour qui en ressort ne semble en rien désuet.

Sur scène à Belleville, tous les acteurs sont jeunes. Ils ne semblent pas avoir plus de 35 ans. De cette jeunesse, par ces bouches presque juvéniles, Feydeau semble plus vivant que jamais. Le texte, le rythme sont très bien tenus, on entend les mots, les phrases et tout cela sonne moderne à nos oreilles. C’est une prouesse, car en plus d’être doués d’une diction impeccable, les personnages ont un jeu d’une exagération maîtrisée ahurissante. Sans parler de leurs corps, il se dégage des situations clownesques, voir cartoonesques de leurs gestes. Les comédiens nous font rire et nous ébahissent, même lors des passages sans texte sans qu’aucun ne soit moins bon que les autres : rarement il est permis de voir un aussi haut niveau d’excellence entre tous les acteurs.

Ces choses mises ensemble, on assiste à un vrai moment de théâtre où tout est calculé au millimètre près, de l’entrée des comédiens aux décors en passant par les virgules du texte et les changement de rôles des comédiens pendant la pièce. La compagnie Hocemo fait parfaitement ressortir l’essence de la leçon de comique donnée par Feydeau, un régal.

Pratique : Jusqu’au 28 février au théâtre de Belleville, 94 rue du faubourg du Temple, 75011 Paris.
Réservations par téléphone au 01 48 06 72 34 ou sur www.theatredebelleville.com.
Tarifs : de 10 à 25 €.

Durée : 2 h

Mise en scène / Jeu : Lise Quet

Avec : Nicolas Fantoli, Cindy Rodrigues, Julien Large, Lionel Rondeau, Damien Prévot, Rémi Dessenoix (en alternance avec Florent Bresson), Amandine Calsat, Claire Pouderoux




« Candide » déchaîné à la Comédie-Française

candide

Il en revient à chaque lecteur de mettre ses images sur une œuvre littéraire. Surtout lorsque c’est une œuvre incontournable que tous (ou presque) ont lu (au moins au lycée). Pourtant, le regard partagé par Emmanuel Daumas dans cette adaptation est juste et plaisante, une bonne raison de redécouvrir Candide.

Le décor est planté dans le salon d’un restaurant des années 20. Des « gens d’expérience », aristocratiques, se mettent à raconter l’histoire de Candide à son avatar contemporain (Laurent Stocker). Cette mise en abîme est une excellente solution qui permet à chaque acteur d’être une part de la multitude de personnages qui composent le conte philosophique. Chacun prend la parole, en fonction du découpage originel bien rythmé et retranscrit. Notons tout de même que le Pangloss joué par Serge Bagdassarian est complètement déchaîné et Julie Sicard fait une Cunégonde érotico-burlesque à tomber.

Outre l’excellente composition dont font preuve les comédiens, et la candeur magique de Laurent Stocker, la mise en scène laisse place à de beaux moments sans paroles. Presque cartoonesques, ces instants ajoutent une touche d’humour supplémentaire bienvenue et ponctuent ce qui pourrait sembler un peu rébarbatif dans le texte.

Le conte n’est pas donné en intégralité. On est loin de la lecture (et c’est tant mieux), mais l’essence, les passages clés sont tous biens visibles et ne devraient pas ennuyer les puristes de Voltaire qui assisteraient au spectacle. Le tour du monde vécu par le héros se fait dans une antichambre cossue. Mais, une fois arrivé au bout, les acteurs sont éprouvés, et nous, spectateurs, avons bien capté le sens et les images. Les effets et les causes…

Pratique : Jusqu’au 3 mars au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli.
Réservations par téléphone au 01 44 58 98 58 ou sur www.comedie-francaise.fr.
Tarifs : entre 6 € et 8 €.

Durée : 1h15

Adaptation/Mise en scène : Emmanuel Daumas

Avec : Claude Mathieu, Laurent Stocker, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Laurent Lafitte




Joël Pommerat, le maître de la lumière à l’Odéon

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Comme pour « Ma chambre froide », Joël Pommerat n’utilise pas l’espace conventionnel d’un théâtre. Point de sièges, point de scène. Ces attributs sont remplacés par deux rangées de gradins face à face pour les spectateurs et un espace scénique de plusieurs dizaines de mètres entre les deux comme terrain de jeu(x).

Au sens propre comme au figuré, Pommerat déstructure les codes du théâtre pour les faire entrer dans son univers très particulier. Un monde sombre où les personnages sont parfois de simples volumes de chair sur lesquels se reflète la lumière, la véritable actrice des mises en scène du créateur.

Comme à son habitude, Pommerat créé tout en même temps. La mise en espace, le décor, les jeux lumineux et le texte. Dans « La réunification des deux Corées », pas d’histoire, mais plusieurs tableaux dont le fil conducteur est l’amour et les crises qui l’accompagnent. Pêle-mêle, on y voit un couple lesbien en thérapie conjugale, un mari qui rend visite à sa femme complètement amnésique, deux parents dont l’avis diverge sur le fait que leur fils veuille partir à la guerre…. L’humour peut suivre la gravité, l’ironie succède à la souffrance ou le calme à la colère et l’absurdité la plus totale quand un curé vient expliquer à une prostituée dont il est le client fidèle qu’il se passera désormais de ses services car il a « rencontré quelqu’un ».

Le noir se fait entre chacun des scénarios et lorsque la lumière (toujours magnifique) se rallume, la nouvelle scène apparaît sous nos yeux comme par magie. L’éclairage dessine parfois un soupirail, une boîte de nuit, un parvis d’église où la mariée se prépare à monter les marches ou une rue sombre où un fantôme vient chercher sa promise. On est toujours surpris, émerveillés d’un tableau à l’autre. Pommerat arrive jusqu’à recréer le reflet des feux d’artifice sur le sol d’une ville, et il n’a pas peur de faire venir des auto-tamponneuses sur le plateau pour les besoins d’une scène.

Néanmoins, cette création pèche un peu par la qualité qui varie d’un « sketch » à l’autre. Certains s’étirent trop en longueur, d’autres semblent connaître une fin bâclée … De plus, la justesse des comédiens change d’un personnage à l’autre. Parfois d’une neutralité dérangeante, ils peuvent également se révéler en grand contraste avec ce décor si puissant.

Malgré ce bémol, Pommerat s’inscrit en maître de la création d’ambiance poétique et onirique. Ce spectacle est, et doit être vu, comme une nouvelle grande réussite à mettre sur le compte du metteur en scène, car on quitte la salle comme des enfants quittent un cirque : des étoiles pleins les yeux et la hâte d’y revenir.

Pratique : La réunification des deux Corées
Jusqu’au 3 mars au théâtre de l’Odéon, Ateliers Berthier,  au théâtre de l’Odéon, 1 Rue André Suares  (75017, Paris). Réservations par téléphone au 01 44 85 40 40 ou sur www.theatre-odeon.eu. Tarifs : entre 6 € et 30 €.

Durée : 1h50

Mise en scène : Joël Pommerat

Avec : Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu.




« Tristesse Animal Noir » à la Colline

tristesse

Trop de détails dans le texte

Sensation désagréable

Ce qui nous emmène à la fin du spectacle, qui, bien que jalonnée de mort, est la partie la plus vivante. Les 40 dernières minutes sont prenantes et beaucoup plus dynamiques. En allant voir « Tristesse Animal Noir », prenez votre mal en patience, le meilleur vient à la fin. 

 

Pratique : Jusqu’au 2 février au théâtre de la Colline, 15 rue Malte Brun (75020, Paris).
Réservations par téléphone au 01 44 95 98 21 ou sur www.colline.fr.
Tarifs : entre 14 € et 29 €.

Durée : 2h20

Mise en scène : Stanislas Nordey

Avec : Vincent Dissez, Valérie Dréville, Thomas Gonzalez, Moanda Daddy Kamono, Frédéric Leidgens, Julie Moreau, Lamya Regragui, Laurent Sauvage.




À l’Athénée, on « Attend Godot » avec plaisir

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Après « En attendant Godot », à partir du 7 février la même équipe reprendra « Fin de partie » (toujours de Beckett). Les deux pièces partiront ensuite en tournée.

Pratique : Jusqu’au 27 janvier au théâtre de l’Athénée, Square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau (75009, Paris).
Réservations par téléphone au 01 53 05 19 19 ou sur www.athenee-theatre.com.
Tarifs : entre 7 € et 32 €.

Durée : 2 h 10

Mise en scène : Bernard Lévy

Avec : Gilles  Arbona, Thierry  Bosc, Garlan  Le  Martelot, Georges Ser, Patrick  Zimmermann

Tournée (En attendant Godot) :

les 10 et 12 janvier 2013 à la Scène nationale de Sénart (77)
le 31 janvier 2013 au Salmanazar Théâtre Gabrielle Dorziat, Epernay (51)
les 14 et 15 mars 2013 au Théâtre-scène nationale de Narbonne, Narbonne (11)
les 19 et 20 mars 2013 à la Scène nationale d’Albi, Albi (81)
le 11 avril 2013 à l’ACB-scène nationale Bar-le-Duc, Bar-le-Duc (55)
le 19 avril 2013 au Théâtre de Suresnes Jean-Vilar, Suresnes (92)

 

 




Pierre Notte réjouit le Rond-Point

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Le théâtre du Rond-Point accueille tout au long du mois de janvier deux spectacles de Pierre Notte. L’un a vu le jour à Avignon en 2011 et avait déjà connu un franc succès au festival OFF. Le second vient d’être créé pour cette saison. Les deux pièces partagent la même distribution, le même auteur et bien qu’elles soient toutes deux différentes, elle mérite tout l’intérêt du spectateur.

La dernière fois, on avait laissé Pierre Notte avec une création un peu ratée au théâtre de La Bruyère. Depuis il y a eu la tournée de son cabaret, « J’existe (Foutez moi la paix) » qui mettait en scène l’auteur et sa sœur dans des chansons légères, osées et intelligentes. Désormais, place doit être faite aux mémoires pour « Sortir de sa mère » et « La Chair des tristes culs ».

« Sortir de sa mère » : Dialogue mère-fils

Dans la première pièce, Pierre Notte est au piano. Tout commence par un dialogue entre lui et sa mère. Une discussion franche et sincère sur la vision que la mère a de ses enfants. Sur ses désirs et son amour, sur le fait d’être une femme. Un échange drôle, touchant, simplement humain qui donnera le ton du reste de la pièce.

On y suit deux jumeaux (Brice et Chloé), de leur conception à leur séparation. Mais aussi la rencontre entre leur père et leur mère, leur vie, leur mort et la vérité sur la naissance des enfants. Le texte est drôle, incisif et mélange habilement humour et poésie, une profondeur derrière une apparente légèreté et la dérision. Les acteurs sont tous les trois très justes dans toute la galerie de personnage qu’ils incarnent. Des icônes aux infirmières en passant par les héros de l’histoire. Ils sont remarquables dans leur voix comme dans leurs gestes et les chorégraphies.

La mise en scène souligne la force des acteurs qui évoluent sur un plateau nu. Ce qui n’empêche pas la vision de quelques jolis tableaux bien soutenus par la lumière magique de Nicolas Priouzeau.

Comme dans chaque spectacle de Notte, les chansons ponctuent l’action. Ce qui ajoute un effet léger, amusant, presque charmant au spectacle. Même si celui-ci traite des questions de sociétés très actuelles : la vieillesse, la maltraitance des personnes âgées, le deuil, l’abandon, la perte de la mémoire…

Ces péripéties nous mène en 1 h 10 à une fin aussi folle qu’inattendue, bien que l’on connaisse l’amour de l’auteur pour les grandes actrices aux airs d’icône…

« La chair des tristes culs » : Folie aux frontière des enfers

La seconde pièce est dotée d’un décor plus fourni, et pour cause : une marchande de crêpes accepte de louer une chambrette à un désespéré pour qu’il mette fin à ses jours. En contrepartie, l’homme lui laissera son corps pour qu’elle puisse créer une nouvelle recette savoureuse à partir de la viande qui le compose. Espérant ainsi donner un peu d’humanité à ses clients qui se font chaque jour plus rares.

Cette pièce est plus sombre, bien qu’aussi très drôle. Sur la scène se côtoient vivants et morts, dans des personnages complètement dingues et magistralement bien incarnés par de jeunes acteurs. La logeuse-marchande de crêpes borderline, dans sa réalité difficile, fait le contrepoids à une greluche briseuse de couples du monde des morts. Le contraste comme le jeu des acteurs est grandiose. Il y a celle qui veut rester en vie, celui qui veut mourir et celle qui est déjà morte. L’affrontement est brillant.

Ces remarques s’ajoutent à celle de la pièce précédente, car il y a aussi des belles chansons, bien interprétées qui ponctuent le drame. Un drame qui ne prend pas la forme à laquelle nous pourrions nous attendre. En effet, le jeune homme après avoir hurlé par la fenêtre du théâtre à l’attention des passants (pour de vrai!) un génial « Je suis une mouette », décide de ne pas mettre fin à ses jours, sauvé par le désir. Mais pour respecter son engagement, il se pèlera le cul jusqu’à en crever… La marchande pourra donc faire tourner sa boutique avec de délicieuses tranches de fesses qui fourreront ses crêpes.

Prenant parfois des airs de pastiches aux envolées lyriques, le texte est toujours excellent. Cru sans être vulgaire. Sombre sans conduire à la déprime. Dans ces deux contes, Pierre Notte est bien là, à son plus haut niveau de génie dans l’écriture, on ne peut que s’en réjouir.

Pratique : Jusqu’au 9 février au théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt (75008, Paris).
Réservations par téléphone au 01 44 95 98 21 ou sur www.theatredurondpoint.fr.
Tarifs : entre 13 € et 30 €.

Mise en scène, musique, écriture et jeu : Pierre Notte

Avec : Brice  Hillairet, Tiphaine Gentilleau, Chloé Olivères

 




Non à « Pour un oui ou pour un non » au Lucernaire

Copyright : Laurencine Lot
Copyright : Laurencine Lot

Pour ceux qui découvrent « Pour un oui ou pour un non », ce qui frappe en premier lieu c’est que cette pièce est celle qui a contribué (de façon directe ou non) à la création du plus grand succès dramatique de Yasmina Reza : « Art », en 1994. Comme dans la pièce de Nathalie Sarraute, elle met en scène les meilleurs amis du monde qui remettent toute leur vie commune en question après une intonation condescendante sur l’action de l’autre.

Néanmoins, cet ancêtre théâtral écrit dans le plus pur style « Nouveau Roman » est (textuellement) magnifique. Les mots (et les maux) échangés entre les deux amis volent haut, la joute souligne la nécessité de remettre les compteurs de leur amitié à zéro, après trop de petits détails passés sous silence, comme une cocotte minute de rancoeur qui explose entre de vieux amants.

Malheureusement, dans cette mise en scène, René Loyon nous montre deux intellectuels prise de tête dans une dispute déjà très intellectualisée par l’auteur. Le jeu est mou et mécanique, il y a déjà assez de distance dans la pièce, on attendrait plus de sang dans le comportement physique des deux protagonistes. Il y a ici trop de postures, trop de distance et de pincettes…

Les voix sont monocordes, les gestes mesurés, le tout nous laisse voir une pièce sans nuance. Le texte reste, mais perd en ironie et en passion. La goutte d’eau qui fait déborder le vase ne donne que quelques effluves alors qu’elle devrait être à l’origine d’une cascade.

Si c’est « Pour un oui ou pour un non » ? Pour nous la question ne se pose pas : c’est un non.

Pratique : Jusqu’au 2 février au Lucernaire, 53 rue Notre Dame des Champs (75006, Paris).
Réservations par téléphone au 01 45 44 57 34 ou sur www.lucernaire.fr.
Tarifs : entre 15 € et 25 €.

Mise en scène : René Loyon

Avec :  Jacques Brücher et Yedwart Ingey

 




Figaro fait un bon mariage

copyright : Photo Lot

C’est dans une Andalousie orientalisante (au son de Radio Tarifa !) que nous invite Henri Lazarini à assister au « Mariage de Figaro » pièce phare de Beaumarchais à qui la légende prête les prémices de la Révolution Française.

Mozart l’adaptera (toujours à la fin du XVIIIe siècle), pour en faire son célèbre opéra, « Les Noces de Figaro », œuvre parfois plus connue du grand public que la pièce elle-même, alors que le drame reste d’un intérêt évident aux oreilles du public moderne.

Les acteurs font tout pour cela, jouant le texte classique de manière très audible, les mots sont drôles, fins, bien maîtrisés par chaque acteur. Les relations entre les personnages sont pleines d’ironie, la plus importante (et la plus réussie), celle de Figaro et Suzanne, est d’une pimpante fraîcheur quadragénaire.

Les personnages évoluent dans une mise en scène qui, encore une fois, laisse toute la place au texte et à ses effets. Peu de mouvements (juste ce qu’il faut), pas d’effet de foules, tout juste quelques changements de lumières soutiennent l’intrigue qui n’aurait pas vraiment besoin d’autre chose qu’un plateau nu.

Figaro dans ce personnage de rebelle élégant, impétueux, désinvolte face à son maître, le comte, finalement tourné au ridicule de façon collégiale font mouche auprès du spectateur d’aujourd’hui. L’intelligence des domestiques face au pouvoir despotique est savoureuse. Autre richesse du drame de Beaumarchais : il nous rappelle l’incroyable amusement et source de réflexion qu’un auteur peut tirer de l’opposition homme / femme. Ici montrée par l’extraordinaire variété de sentiments qu’apportent l’opposition de nos différences, cette guerre salutaire qui peut conduire, à la Révolution ?

Pratique : Jusqu’au 13 janvier au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières (75020, Paris). Réservations par téléphone au 01 48 65 97 90 ou sur www.vingtiemetheatre.com. Tarifs : entre 13 € et 25 €.

Mise en scène : Henri Lazarini

Avec :  Stéphane Rugraff, Frédérique Lazarini, Denis Laustriat, Isabelle Mentré, Nicolas Klajn et l’Atelier Théâtre de La Mare au Diable




« Trois petits cochons » déjantés à la Comédie Française

Les Trois Petits Cochons, adapté très librement du conte populaire par Marcio Abreu et Thomas Quillardet fait partie de ces (rares) spectacles jeunesse à offrir aux parents une joie ne se limitant pas seulement aux rires de leur progéniture, tous en redemandent. Ce monde déjanté et cartoonesque, où le loup balaye les maisons avec son souffleur de feuille est tellement barré par moment qu’il fait rire les plus récalcitrants.

Rarement il est donné de voir une famille de petits cochons aussi humaine. La mère-truie (Bakary Sangaré) dirige avec bonheur sa fratrie joyeuse (Julie Sicard, Stéphane Varupenne et Marion Malenfant), jusqu’au jour où le boucher-loup (Serge Bagdassarian) vient l’emmener, et que la petite famille se retrouve orpheline, contrainte à faire le tour du monde en quête d’un nouvel abri.

Commence alors un long périple, voyage initiatique, où malheureusement, à chaque étape, avant l’arrivée, un petit cochon sera mangé par le grand méchant loup. Découverte d’un monde inconnu plein de dangers.

Les moments d’excitations contrastent avec les instants chaleureux. La création d’ambiance est incroyable. Les temps de fuite entraînent le public dans l’excitation, et les instants de calme dans les maisons nous reposent de ces courses effrénées.

Si sur scène, les petits cochons ont la « saudade » de leur ancienne vie, pour le public c’est une vision complètement nouvelle du conte qui s’offre, et c’est excellent.

 

 Pratique : Jusqu’au 30 décembre au studio-théâtre de la Comédie-Française, Carrousel du Louvre, Paris. Réservations par téléphone au 0825 10 16 80 ou sur www.comedie-francaise.fr/. Tarifs : entre 8 € et 18 €.

Durée : 1 h

Mise en scène : Thomas Quillardet

Avec :  Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne, Marion Malenfant.