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Marylin Monroe, VDM

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

« Marylin, intime » est une œuvre biographique très romancée, écrite et interprétée par Claire Borotra. L’actrice y montre la vie personnelle difficile de la star hollywoodienne, en partie à travers une correspondance imaginée avec sa mère, de ses 8 ans à sa mort en 1962.

Ce spectacle est une performance. Seule en scène, l’actrice montre une orpheline sensible et touchante : toujours souriante, ingénue, malgré les épreuves. Sa fragilité et ses failles sont palpables, troublantes de sincérité. Tout tient sur le jeu.

Elle raconte son histoire atroce : abandonnée à de multiples reprises, elle enchaînera les échecs affectifs comme un intermittent doit courir après les cachets. La métamorphose de Norma-Jeane en Marylin n’étant que la partie émergée de l’iceberg. De cette icône retenant sa robe en passant au-dessus d’une bouche d’aération, Claire Borotra en fait une femme.

Après une enfance chaotique, ponctuée d’attouchements et de meurtres d’animaux, elle est abandonnée par une mère schizophrène. À 16 ans, en 1942, elle se marie pour divorcer en 1946. Si une chance folle la propulse dans les couloirs de la 21th Century Fox, Marylin pense en premier lieu que c’est une chance inespérée pour retrouver son père qu’elle n’a jamais connu. Dans la perpétuelle quête de reconnaissance d’une fille reniée, elle égrène les amants, et lorsqu’elle en aime un et qu’elle se marie avec, l’abandon en est inévitablement l’issue de la relation.

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

Un autre aspect de la dureté mis en avant ici réside dans le fait que Marilyn soit consciente de ses échecs, et tout au long du spectacle, on la voit repartir à l’assaut de la vie avec la meilleure volonté du monde. Était-elle comme cela ? Peu importe, encore une fois, c’est l’interprétation qu’en fait Claire Borotra qui suscite tout l’intérêt de « Marylin, intime ».

La lumière très soignée de Jean-Philippe Viguié vient ponctuer les époques et les brusques changements d’émotion de la star. Faisant crépiter les flashs lors de ses sorties publiques, l’éclairage peut-être celui d’un hôpital ou d’une prison l’instant d’après, avant d’être celui d’une chambre au crépuscule. Ces variations accentuant ainsi les soubresauts de la vie discontinue qui s’étale face à nous. Tout au long de la représentation, l’espace rangé d’une chambre est de plus en plus jonché d’objets divers : vêtements, literie, chaussures. Autant de symboles des cicatrices qui viennent à chaque fois alourdir un peu plus l’âme de la star, jusqu’à sa mort, provoquée par le poids trop lourd d’une véritable VDM.




L’impression de l’instant : Caillebotte à Yerres

Périssoires sur l'Yerres MAM 1965 Milwaukee Art Museum
Gustave Caillebotte, « Périssoires sur l’Yerres », 1877, 103x56cm, Art Museum, Milwaukee.

Il y a eu aux yeux du grand public du XXe siècle, Manet, Monet, Renoir… Un peu Degas, puis les autres impressionnistes, parmi lesquels Sisley, Pissaro, Morisot… Depuis les années 1970, Gustave Caillebotte remonte dans l’estime des historiens de l’art ainsi que des amateurs pour s’approcher un peu plus de la place qui lui est due. Mécène, il a aussi contribué artistiquement au mouvement impressionniste avec de nombreuses peintures et pastels, dont une partie a été réalisée dans la propriété familiale d’Yerres, au sud de Paris.

De cet homme, l’Histoire retient surtout le rocambolesque « legs Caillebotte ». La première grande collection impressionniste, constituée par ce dernier a été donnée à l’État à la fin du XIXe siècle. Les instances dirigeantes en avaient alors refusé une partie. Gustave Caillebotte possédait de nombreuses œuvres réalisées par ses amis, les mêmes Manet, Monet, Renoir ou Morisot. Certaines toiles ont ainsi pu être gardées par la famille et d’autres achetées par la suite par des musées, notamment américains.

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Gustave Caillebotte, « Pêche à la ligne », 1878, Huile sur toile, 157x113cm, Collection particulière, avec la courtoisie du Comité Caillebotte, Paris.

Pêche à la ligne 8, 56 MOPêche à la ligne 8, 56 MO

Le domaine d’Yerres, dans lequel le peintre s’est en partie construit a été acheté par son père, Martial Caillebotte, riche industriel ayant fait fortune en vendant de la toile militaire. Nous sommes en 1860, Gustave a alors 12 ans. En 1879, après la mort du patriarche et de son épouse, les frères Caillebotte revendent la propriété. La municipalité la rachète dans les années 70, et la restaure pour l’ouvrir au public 30 ans plus tard, en 1998.

La ferme ornée des lieux a depuis été transformée en un bel espace pour accueillir des œuvres. L’exposition qui s’y déroule jusqu’au 20 juillet a comme principale ambition de faire découvrir au public la concordance entre les toiles du peintre et le domaine yerrois. La visite des lieux suivie d’une promenade dans le parc fait ressortir tout l’intérêt d’un tel projet. Celui-ci a été entièrement réaménagé par le paysagiste Louis Bénech, afin de lui rendre l’apparence qu’il avait à la fin du XIXe siècle. Une tablette tactile permet même aux visiteurs les plus technologiquement aguerris de superposer certaines œuvres au paysage grâce à la réalité augmentée, participant encore un peu plus à la mise en lien du champ visuel de l’artiste retranscrit dans son travail.

Gustave Caillebotte porte un regard novateur sur son propre mouvement, le commissaire de l’exposition, Serge Lemoine, l’explique en ces termes : « sa peinture ne ressemble pas à celle de Monet, de Pissaro ou de Renoir [elle] se trouve souvent davantage inscrite dans la filiation du réalisme ». Aussi, de par le cadrage et l’instant qu’il représente, Caillebotte contribue à une peinture qui préfigure la photographie. Cette dernière qui commence alors à connaître un certain essor à l’époque.

Gustave Caillebotte, "Canotier au chapeau haut de forme", 1875-78, Huile sur toile, 90x117cm, Collection particulière, Avec la courtoisie du Comité Caillebotte, Paris.
Gustave Caillebotte, « Canotier au chapeau haut de forme », 1875-78, Huile sur toile, 90x117cm, Collection particulière, Avec la courtoisie du Comité Caillebotte, Paris.

Elles n’y sont pas toutes (il en manque quatre ou cinq), mais la majorité des œuvres composées au domaine d’Yerres avant 1879 est rassemblée ici. Dès la première pièce, on est plongé dans les loisirs bourgeois de la fin du XIXe : promenade sur le canal, baignade, pêche à la ligne. Caillebotte dépeint une ambiance perçue, d’un point de vuenouveau pour l’époque. La sensation prend le pas sur le sujet. Serge Lemoine souligne, toujours dans le catalogue, que nous voyons ici un « quotidien dans toute sa banalité ». Sur les murs, ces toiles emblématiques dégagent verdure, insouciance et légèreté.

Deux œuvres méritent alors particulièrement l’attention du visiteur. D’abord, un très bel assemblage de panneaux décoratifs, destinés à l’origine à être encastrés dans les boiseries d’un intérieur cossu, en temps normal séparé. L’exposition d’Yerres les montre ensemble, avec un encadrement nouveau faisant ressortir toute leur unité. En face, un petit pastel qui était en dépôt à Agen depuis 1947, mais qui va revenir à Orsay après son passage à Yerres, montre un jeune plongeur toujours d’un point de vue très singulier baigné dans une sorte d’embrumement avec des couleurs saisissantes.

Dans la pièce suivante, on observe des représentations de la ferme et du jardin. Il est amusant d’imaginer la vie d’alors, avec une certaine nostalgie, mais vue par le prisme impressionniste. Une palette portative vient compléter cette plongée dans le travail de Caillebotte d’après la nature environnante, toujours très verdoyante.

Gustave Caillebotte, "L'Yerres, effet de pluie", 1875, Huile sur toile, 81x59cm, Indiana University Art Museum, Bloomington.
Gustave Caillebotte, « L’Yerres, effet de pluie », 1875, Huile sur toile, 81x59cm, Indiana University Art Museum, Bloomington.

Une certaine mélancolie se dégage également des toiles. Yerres, effet de pluie est particulièrement touchante et ne manque pas de nous rappeler, Rue de Paris, Temps de pluie, toile maîtresse du Art Institute of Chicago. À proximité sont également montrés des crépuscules, de formats plus réduits, plus intimes. Dans le cadrage, le lien avec la photographie continue de faire sens, notamment de par certains points de vue où la perspective semble être le sujet principal de l’étude, c’est le cas avec une très moderne vue de la maison depuis la propriété.

Avec la dernière pièce, l’exposition fait quitter l’insouciance dans laquelle le visiteur était plongé pour le faire retourner dans l’univers parisien de l’artiste, avec notamment un très impressionnant Boulevard vu d’en haut qui nous fait quitter la luxuriance végétale de l’Essonne. Un contraste évident existe aussi par les saisons ainsi montrées : la famille Caillebotte se rend dans sa propriété aux beaux jours, et passe alors l’hiver à Paris. Avec la peinture urbaine, la grisaille reprend l’importance qu’elle a au jour le jour dans le regard de l’artiste. Cependant, une belle toile de régate constitue une ouverture à la suite de la vie de Gustave, qui, plus tard dans sa vie et bien après sa période yerroise, se passionnera pour la navigation sportive.

Gustave Caillebotte, "Yerres, sur l'étang : nymphéas", avant 1879, Huile sur toile, 19x28cm, Collection particulière, avec la courtoisie du Comité Caillebotte, Paris.
Gustave Caillebotte, « Yerres, sur l’étang : nymphéas », avant 1879, Huile sur toile, 19x28cm, Collection particulière, avec la courtoisie du Comité Caillebotte, Paris.

Caillebotte à Yerres au temps de l’impressionnisme – L’exposition se tient jusqu’au 20 juillet 2014 au domaine Caillebotte, 8 rue de Concy, 91330 Yerres Paris – RER « Yerres » (Ligne D). Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Nocturne le dimanche jusqu’à 19h. Tarifs : 8/6€. Site internet : proprietecaillebotte.com/

Le catalogue d’exposition sous la direction de Serge Lemoine est disponible chez Flammarion. Broché, 168 pages au prix de 25,9 €.




« Perdues dans Stockholm » : épopée burlesque et folle magie

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

Sur scène défilent un mobile home, une gare, un casino… Tant de lieux construits avec le même décor à tiroirs : trois caisses de bois montées sur roue. Des boites accompagnées de trois acteurs auxquels Pierre Notte a insufflé son jeu, sa musique et sa folle magie. Tout fonctionne pour emporter le spectateur dans une épopée burlesque, allant de surprise en surprise, faisant mouche dans nos esprits toujours au moment où on l’attend le moins.

Avant que la lumière ne s’éteigne, Lulu (Brice Hillairet) bondit sur scène, se change pour ne pas qu’on le reconnaisse, tel un malfaiteur qui a fait une énorme bêtise… Et c’est le cas : il vient d’enlever la présidente du Festival du film américain de Deauville (Juliette Coulon), croisée par hasard au rayon primeur du Monoprix ! Grâce à la rançon qu’il va en tirer, il va pouvoir enfin se payer son opération de transformation et devenir la femme qu’il est vraiment. Très vite, il s’avère que l’actrice n’est qu’une comédienne mineure ressemblant vaguement à la présidente en question, elle qui passait par là dans l’espoir de plaire à un directeur de casting américain. Tata Yoyo (Silvie Laguna), rentrant du casino complètement ruinée vient compléter le groupe de personnages qui, bien que nichés dans le plus profond désespoir Trouvillais, n’ont pas abandonné l’espoir de réaliser leurs rêves.

Le syndrome de Stockholm agit alors sur la kidnappée, bien décidée à rester avec les deux tendres loosers pour qu’ensemble, ils s’offrent la vie qu’ils méritent : ouvrir la première école de Geisha en Haute-Normandie.

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi
Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

Toutes les situations, les actions et les gestes – notamment ceux de Brice Hillairait qui se lâche complètement et nous montre ainsi toute l’étendue de son talent – sont tirés vers l’absurde comme deux aimants. Notte ne suit que ses codes, il est un roi en matière de quiproquo entre ses acteurs et le public : durant les premières minutes de la pièce, le personnage de Lulu, bien que transsexuelle, a tout d’une bigote hystérique sortie tout droit de Saint-Nicolas du Chardonnay : en enlevant la présidente d’un festival de film, on pense assister à l’obscurantisme qui kidnappe la culture. Métaphorique ! Et bien sûr, la situation s’avère ne pas être ce qu’elle semble. Ce procédé revenant de manière incessante est mené de main de maître.

Le texte est cinglant, rapide, truffé de gags. Les clins d’œil à la société moderne abondent et l’on retrouve les citations qui font la marque de fabrique de Notte : la référence aux grandes actrices, notamment Catherine Deneuve.

Entre les personnages, le cloisonnement délie les langues, en filigrane, chaque protagoniste se questionne sur son identité, ce qui fait qu’elle est unique, sur l’ignorance des autres de leur personne puisque ce ne sont pas des gens connus… Et finalement, malgré tout le rire découlant de ces situations d’un comique certain, on ne peut s’empêcher d’être touché, parfois ému et évidemment conquis par ces trois femmes formidables.

Pratique : « Perdues dans Stockholm », jusqu’au 29 juin au théâtre du Rond-Point (8e arrondissement). Horaires et réservations sur www.theatredurondpoint.fr et par téléphone au 01 44 95 98 21.




Amour, désir et mensonge à la Bastille

 l'homme au crane rasé / cie de koe / belgium

« L’Homme au crâne rasé », c’est, d’abord, un roman du flamand Johan Daisne publié en 1948. Un film en sera tiré pour la télévision belge en 1965, l’œuvre a particulièrement marqué Peter Van den Eede : en 2013, la compagnie de Koe dont il est le fondateur prend les idées du romancier pour en créer un spectacle littéralement nouveau, à la fois proche et éloigné de l’histoire d’origine.

Un homme et une femme se retrouvent à l’entracte de Salomé, ils sont attablés dans une intimité magnifiée par la profusion d’éléments de décor – le bar d’un foyer d’opéra – abondant pour si peu de personnages. Très vite, ce qui semble une simple rencontre de vieux amants va devenir une discussion passionnante entre deux âmes qui repoussent au plus loin l’inévitable retour, si ce n’est de l’amour, au moins du désir.

« — Je t’aime

Combien de fois ne nous l’avons pas dit ? »

La compagnie de Koe fait ici le choix de ne pas plonger le spectateur dans une adaptation fictionnelle du livre, les deux personnages sont en fait eux-mêmes (une actrice, un acteur-auteur), ils montrent un pan de leur vie, moderne, et se projettent, peut-être inconsciemment, dans les œuvres de fiction qui les ont construits. Les retrouvailles maître-élève de « L’Homme au crâne rasé » en fil rouge puisque ce lien hiérarchique a existé entre les deux protagonistes. La distanciation est réussie, l’interaction avec le public naturelle. Nous, spectateurs, sommes aussi installés dans ce foyer, et le couple sur scène est semblable à celui que chacun écoute d’une oreille discrète lorsqu’il est seul dans un café.

l'homme au crane rasé / cie de koe / belgium

Très vite, le désir entre eux est palpable, mais ils discutent, parlent longuement d’histoire de l’art, de la Sixtine, où ils se sont rencontrés. Puis on les écoute évoquer abondamment le frigo encastré. Pendant ce temps, nous, public, nous entendons complètement autre chose : l’infraverbal est lisible comme un panneau de circulation. La manière d’échanger est bien plus importante que l’échange lui-même. Le jeu des deux acteurs est d’une grande finesse, toujours sur le fil, une prouesse splendide. Ils parlent d’un tas de choses, sauf de ce qu’il se passe vraiment, et pourtant on voit tout. Il est ici question d’un couple brisé qui lutte de toute ses forces pour ne pas sombrer de nouveau dans leurs anciens amours.

« On ne peut pas faire l’amour maintenant, non, non (un temps), non, nous n’avons encore rien mangé »

L’échange est drôle, précis, cultivé et à la fois absurde. Peu à peu, le masque glisse et laisse place à leur vérité commune, le champ lexical de la peinture, de la cuisine, disparaît au profit de celui de la relation. Doucement, les mots se font plus rares et les silences plus présents. Les corps prennent le pas sur la parole… Le combat entre désir et raison s’apaise peu à peu pour finir dans le mystère : en somme, une belle métaphore de la relation moderne.

 Pratique : « L’Homme au crâne rasé », jusqu’au 17 juin au théâtre de la Bastille (11e arrondissement). Horaires et réservations sur www.theatre-bastille.com et par téléphone au 01 43 57 42 14.




Un Goya décousu, fou et faux au théâtre de l’Atalante

caprices

Peu à peu, le festival de Caves, qui se tient au mois de mai dans la région de Besançon, tente de s’exporter à Paris. Pour l’occasion, le petit théâtre de l’Atalante accueille un spectacle créé sur un texte contemporain de José Drevon, lui-même écrit d’après l’œuvre du peintre espagnol Francisco de Goya (1746 — 1828).

C’est en fait une interprétation émotionnelle des célèbres gravures (Los Caprichos) qui nous est montrée ici. Devant le spectateur, très proche, Francesco de Goya (Maxime Kerzanet) est allongé sur une table, sorte d’espace de dissection mentale. Il est en pleine crise d’angoisse. Jamais il ne quittera ce territoire délimité. L’homme souffle, se parle, tente de contrôler sa douleur psychique en ce lieu extrêmement prégnant. À l’abri des regards, il rejette en bloc la société espagnole du roi Charles IV : le clergé, les femmes, les manières aristocratiques, avec une grande force. Les images qu’il emploie dans ce but sont claires. Nous voyons alors un peintre seul face à sa feuille, exorcisant, par le dessin, ses démons.

Malheureusement, malgré une performance d’acteur notable, une belle lumière (de Christophe Forey) et une mise en scène fine (de Guillaume Dujardin), le spectacle ne nous saisit pas. En cause ? La partition, le texte, assurément. L’auteure fantasme Goya comme s’il était Baudelaire écrivant Spleen IV, or, bien que reconnu en tant que peintre de l’horreur, de la violence et d’une certaine folie, Goya n’est pas celui du délire. Ses Caprices sont en fait bien réfléchis, pesés, et font l’objet de nombreuses études dont l’une d’entre elles a montré dernièrement que tout était calculé : même la date de sortie dans le commerce des Caprices est prévue au moment précis de la dernière pleine lune d’un cycle astronomique important de la fin du XVIIIe siècle. Alors qu’ici sur scène, le texte montre un Goya fou, à moitié nu, prisonnier d’une cave afin d’expurger sa folie dans la solitude, mais ses Caprices avaient pour but d’être diffusés à un public très large, rien n’était enfoui, rien n’indique que c’est le résultat d’un délire nocturne du peintre.

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Bien sûr, José Drevon fait ici un choix extrêmement libre, et sa vision n’est pas mauvaise, puisque c’est celle d’une artiste, son cri. Mais cela ne suffit pas à lui donner la contenance nécessaire à susciter un intérêt : il est décousu, passant du coq à l’âne sans logique, sauf celle de la démence, encore. Mais le délire, s’il ne mène nulle part, à quoi bon l’exhiber ? L’acteur termine dans la même position que celle par laquelle il nous est apparu, montrant ainsi qu’il est cloisonné dans une crise répétitive, ce qui est en plus en contradiction avec la sortie de ses démons sur le papier montrée quelques minutes avant. Tous ces mots ne semblent que style au détriment d’un véritable fond.

Du coup, le beau dispositif scénique et l’écrin particulier dans lequel on essaye de plonger le spectateur ne fonctionnent pas. À quel public s’adresse-t-on ? Le spécialiste ne verra pas Goya, l’amateur en aura une image saugrenue, et si la destination n’est pas d’apporter un témoignage biographique, ce qui semble être le cas ici, l’ennui guette et surgit plus vite que les brûlantes angoisses vécues par le personnage évoluant sur scène.

Pratique : « Caprices », jusqu’au 24 juin au théâtre de l’Atalante (18e arrondissement). Horaires et réservations sur www.theatre-latalante.com et par téléphone au 01 42 23 17 29.




Cyrano : il est tout, avec trois fois rien

Cyrano de Bergerac

Rarement, une création fait autant parler d’elle. Fin 2012, en pleine « affaire Depardieu », Philippe Torreton prend parti et assaille le premier dans une longue tribune dans Libération. Un texte truffé de références à Cyrano de Bergerac. Quelques semaines plus tard, Torreton incarne lui-même Cyrano, ce rôle qui colle tant à la peau du grand Gérard. La comparaison se fera forcément. Heureusement, les premiers commentaires seront unanimes : Torreton ne se ridiculise pas, il est Cyrano, un personnage puissant, solitaire et brutal incarné à merveille. Un Cyrano enfermé dans un hôpital psychiatrique construit sur la scène de l’Odéon jusqu’à la fin du mois de juin.


Une pièce commune glauque, éclairée au néon. Des tables et des chaises de-ci de-là parsèment l’espace. Torreton est déjà sur scène, dos au public. Un défilé de malades délirant s’opère pendant qu’un juke-box crache de la musique. Rien dans les premières minutes ne laisse présager que nous allons assister à une représentation de Cyrano. Les plus sceptiques se poseront la question de savoir si, comme au cinéma, ils ne se sont pas trompés de salle. Puis, peu à peu, on se surprend à imaginer les salles d’asiles auxquelles chacun a pu être confronté. On se questionne alors : peut-être que ceux qui nous semblent fous habitent un monde parallèle dans lequel ils jouent les plus grands drames de la langue française ? Doucement, l’imaginaire se créé.


Enfin, la pièce débute. Montfleury (Jean-François Lapalus) monte sur une scène faite de tables en formica. Tous autour s’amusent et parient pour savoir si Cyrano viendra interrompre la représentation, ce qu’il fait. Torreton une fois debout efface les autres tant il rayonne, tant son incarnation est pleine de force et de justesse. La transposition dans ce monde en blouse blanche où lui est habillé dans un vieux survêtement Sergio Tachini n’empêche pas le texte d’être limpide et particulièrement bien dit. Rostand est l’un des ancêtres de Pagnol et Audiard en matière de textes imagés.


Bien que l’épée soit remplacée par un fer à repasser et que la scène du balcon devienne une conversation Skype, la dramaturgie est très respectueuse des situations rostandiennes : toutes existent et aucune ne perd en force. Celles-ci sont soutenues dans une mise en scène volontairement déséquilibrée qui met particulièrement en valeur le héros et son nez, au détriment des personnages secondaires.  L’organe de Cyrano parle, il est le prolongement parfait de l’acteur. De profil, il accuse, de face, il touche, de dos, il nous manque. Seule Roxanne (Maud Wyler) trouve sa place au-devant de la scène. C’est elle qui rend le Gascon tout chose, plus faible, en un mot amoureux. Monde moderne et monde baroque se confondent lorsqu’on vit cette situation douloureuse d’un amour par procuration.


L’enfermement dans le monde psychiatrique renforce d’autant plus le climat de tristesse de la situation dans laquelle se trouve Cyrano. Cet homme seul, bon et courageux cloisonné dans sa laideur avec ce nez qui « d’un quart d’heure pourtant [le] précède », vit dans un monde imaginaire. Le drame gagne en noirceur et la vie de cet homme fou en devient profondément désespérante, après une scène finale grandiose, on sort du spectacle bouleversé.


Pratique : Cyrano de Bergerac, jusqu’au 28 juin au théâtre de l’Odéon (6e arrondissement). Horaires et réservations sur www.theatre-odeon.eu et par téléphone au 01 44 85 40 40.




Un Macbeth total

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Suivant le succès unanime des Naufragés du fol espoir, d’après Jules Verne, Ariane Mnouchkine revient à un immense classique : Macbeth de Shakespeare. En ce 450e anniversaire de la mort du dramaturge anglais, elle fait de ce monument de l’art dramatique ce qu’il est : un grand spectacle, presque « total ».

L’immense foyer du théâtre du Soleil est orné d’une multitude d’images reprenant l’iconographie que cette pièce a connue dans le monde depuis sa création. Sur les murs sont peints des affiches de films, des frontispices d’éditions originales, des annonces de spectacles en anglais, russe ou arabe… Un immense portrait de Shakespeare décore le fond du hangar. Le son des rossignols et quelques notes de musique baroque complètent cette ambiance enchanteresse dans laquelle est immédiatement plongé le spectateur.

Une magie se créé lorsqu’on se rend dans ce lieu mythique du théâtre contemporain. Comme à son habitude, Ariane Mnouchkine contrôle les tickets, veille sur chacun, les acteurs et le public, elle est le liant qui créé l’unité nécessaire pour entrer pleinement dans le monde qu’elle dessine pour tous. Le temps d’une soirée, le visiteur se sent, lui aussi, intégré à la troupe.

Enfin, on finit par s’installer sur les gradins, face à l’immense plateau. Prêt pour un voyage de quatre heures dans les profondeurs de l’âme humaine. Un parcours mouvementé, dense, rythmé par les changements de décor (des acteurs à part entière !) et les effets de foules permanents, mais virtuose : Mnouchkine fait ce qu’elle veut du temps, il est long quand l’action le demande, bref lorsque cela est nécessaire. Il difficile d’en décrire les sensations ressenties. Il faudrait tout raconter ou bien se taire. On saluera la beauté de la scénographie, l’intelligence de la musique et l’incarnation presque surnaturelle des acteurs.

Il suffit de savoir que tous les éléments qui composent le spectacle convergent pour la création d’un immense conte. Allégorie de nos êtres, à travers Macbeth chacun visite son côté sombre. Les questions du drame restent universelles. On est ce couple fou mais admirable qui s’enfonce dans la folie la plus noire.

La chute, cette longue chute dans laquelle on sombre est effrayante. Mais pour y tomber, on a la chance d’être accompagné par le Soleil lui-même, et après l’atterrissage, on ne demande qu’à redécoller.

 Pratique : Macbeth de Shakespeare, actuellement au théâtre du Soleil (Cartoucherie de Vincennes, 12e). Horaires et réservations sur www.theatre-du-soleil.fr et par téléphone au 01 43 74 24 08.




Passion simple, voyage amoureux

Copyright : Benoite Fanton / Wikispectacle
Copyright : Benoite Fanton / Wikispectacle

Elle se réveille un matin toute habillée dans une chambre d’hôtel. Enseignante quadragénaire du début des années quatre-vingt-dix elle se remémore la passion qu’elle a connu en étant la maîtresse d’un homme, sa rupture, la reprise puis l’extinction… tout ça sur fond de Lambada et de Sylvie Vartan.

Le texte d’Annie Ernaux est débordant de détails précis et universel sur la posture d’attente face à l’être, si ce n’est aimé au moins désiré. Le téléphone qui sonne, l’espérance d’entendre la voix tant souhaitée et la colère ressentie contre l’interlocuteur qui n’est pas celui que l’on espérait être. Enfin, notre avenir qui ne dépasse pas l’horizon du prochain rendez-vous. Passion simple dépeint toutes ces situations dans lesquelles chacun se donne une posture pathétique volontaire, et enfin, lorsqu’elle le voit, elle est incapable d’apprécier le temps présent, obnubilé par son départ forcément trop proche.

Spectateur, on se questionne alors sur la soumission, ou comment les contraintes sont sources d’attente et de désir. Sur l’idéalisation de l’être aimé. On se surprend à accorder une importance certaine à cette histoire banale, mais oh combien plaisante à écouter.

Le sujet traité un nombre incalculable de fois adopte alors un tour prenant. Marie Matheron, seule en scène, est captivante, elle parle d’une voix grave et posée tout en prenant au fur et à mesure de plus en plus distance de son personnage, ce qui a pour effet de dédramatiser cette aliénation dans laquelle elle nous entraîne et de lui donner une pointe d’ironie délicieuse. Peu à peu, son bel amant devient un cadre parmi d’autres, un abruti qui parcourt les Grands Boulevards fiers de siéger dans sa grosse voiture. Enfin, elle en s’en détache, et, avec seulement du plaisir, le public parcours ce chemin sentimental passionné en toute quiétude.

Pratique : Jusqu’au 7 juin au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs (6e arrondissement). Du mardi au samedi à 18h30. Durée : 1h. Réservations sur http://www.lucernaire.fr/ et au 01 45 44 57 34.




Affreux, terrible, dramatique Tartuffe !

(c) Thierry Depagne
(c) Thierry Depagne

Luc Bondy fait ici le choix de nous montrer un Tartuffe moderne. Moderne de par son cadre : la pièce se déroule dans le salon d’un grand appartement froid au carrelage en damier noir et blanc (symbolique de la dichotomie de perception dont bénéficie Tartuffe de la part des membres de la famille ?). Moderne aussi de par son caractère : ici, le faux dévot (joué par Micha Lescot) ose et adopte un comportement de cadet de famille mal élevé qui fait tout pour faire punir ses frères et sœurs. Par exemple, lorsque le fils Damis (Pierre Yvon) vient se plaindre du comportement de Tartuffe, celui-ci se mortifie face au père Orgon (Gilles Cohen), et lorsque ce dernier à le dos tourné, Tartuffe fouette le fils de sa cravate. Ce comportement de « sale gosse » dure jusqu’à la fin de la pièce et prend de multiples formes, jusqu’aux dernières minutes du drame où Tartuffe, arrêté par les autorités, pleure comme un enfant à qui on vient de taper sur la main, après qu’il ait été pincé à la tremper dans le pot de confiture.

Ce comportement gestuel abondamment ajouté par Bondy, donne une dimension dramatique presque œdipienne : Tartuffe séduit le père (adoptif) et le conduit de façon perverse à sa perte pour pour pouvoir coucher avec la mère. Sous cet angle, une sensation d’étrangeté nous capte tout au long de la pièce. Les coups accompagnant les paroles déjà chargée de sens font ressortir la dimension profondément dramatique de ce qui est, à l’origine, une comédie satyrique. Tartuffe est ici un monstre, on rit, oui, mais pas de sa personne ou d’Orgon mené en bateau : on rit pour ne pas compatir au supplice qu’endurent les personnages.

Non, tout n’est pas sombre pour autant, le rire est aussi provoqué sincèrement par les gags de mise en scène. Notamment par la présence récurrente d’une servante muette (Léna Dangréaux), craintive et semblant tout faire pour être discrète : c’est admirablement joué et profondément drôle, elle semble créée à partir d’une fusion entre un personnage de Walt Disney et Tim Burton. Dès son entrée en scène, elle nous capte. D’autres artifices s’ajoutent au fil de la représentation : les bondissement de derrière les rideaux ou le peignoir ringard enfilé par Tartuffe lorsque la mère feint de céder à ses avances pour mieux le piéger fonctionnent très bien… Le drame resurgit néanmoins puisque la scène entre le dévot et Elmire (Clotilde Hesme) va jusqu’au viol quand certains metteur en scène se contente d’un baiser. Bondy pousse la pièce jusque dans ses retranchements tragiques.

Ce texte, qui ciblait les dévots qui truffaient alors Versailles à la fin des années 1660, avait fait scandale à sa création car Tartuffe était habillé comme eux. Elle est encore maintenant l’une des pièces les plus justes par son analyse de l’hypocrisie. Aujourd’hui, lorsqu’on écoute ces vers avec notre sensibilité contemporaine, « le ciel » loué par l’antihéros est le système en place, Orgon fait partie des « braves gens », qui ne voient que ce qu’ils ont envie de voir. On pense à ces parents qui laissent sombrer leurs enfants dans les paradis artificiels et qui refusent d’y voir leur part de responsabilité : ici, Orgon détruit sa fille en la promettant à Tartuffe alors qu’elle aime Valère. Peu à peu, on la voit sombrer dans une affliction touchante. À la fin, lorsque l’huissier vient pour saisir la maison, on se demande si Orgon ne va pas aller jusqu’au suicide.

Dans le programme du spectacle, Bondy aborde justement cette question du « voir et ne pas voir » […]. Tartuffe nous interpelle, que choisissons-nous de voir ? Face à quoi, dans la vie moderne, nous masquons nous délibérément la vérité ? Chacun y trouvera sa réponse personnelle, Tartuffe mis en scène comme l’a fait Bondy, s’adresse à tout ceux-là.

 Pratique : Le Tartuffe, jusqu’au 6 juin au théâtre de l’Odéon (Salle Berthier, 17e). Horaires et réservations sur www.theatre-odeon.eu et par téléphone au 06 44 85 40 40.

 

 




« Fêtes galantes » au Jacquemart-André

« De Watteau à Fragonard, Les fêtes galantes », l’exposition printanière du musée Jacquemart-André contribue à rendre à la peinture du XVIIIe siècle français une place plus importante auprès du grand public.

Rassemblant des prêts nationaux et internationaux, le parcours suit un fil chronologique. La première salle est consacrée à l’inventeur incontesté de la « Fête galante », Antoine Watteau (1684-1721). C’est lui qui est à l’origine du genre. Comme nous l’indique le panneau de présentation, on retrouve dans ses œuvres champêtres « la tradition de la pastorale ». Celle-ci est née en France à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. Après un déclin dans la seconde moitié du Grand Siècle, elle connaîtra un retour en grâce à la fin du règne de Louis XIV, et ce jusqu’à la chute de l’Ancien Régime. Sérénité et joie sont les sensations vécues face à ces compositions très vertes, telles « L’accordée au village » de Londres ou « La proposition embarrassante » (Fig. 1) de Saint-Pétersbourg. On y voit les relations galantes entre les personnages rassemblés dans ce qu’on qualifie aujourd’hui de pique-nique et où se mêlent gens de qualité et acteurs de théâtres en costume. Mais il y a aussi de l’humour, du mystère… Lorsque l’on observe attentivement, dans les fonds un peu troubles des œuvres, on aperçoit un ou plusieurs couples à l’écart et dont les occupations n’ont pas de rapport avec les autres habitants de la toile. Chaque personnage, chaque situation a ses particularités, ses finesses, à condition que l’on prenne le temps de les regarder : s’arrêter au premier plan d’une fête galante c’est comme penser avoir goûté un biscuit sans avoir ouvert la boite.

Fig. 1 - Antoine Watteau - La proposition embarassante
Fig. 1 – Antoine Watteau – La proposition embarrassante (c. 1715-1720) – © The State Hermitage Museum

Watteau est un inclassable de son époque. Il n’est pas conventionnel : entré à l’Académie comme peintre d’Histoire, il s’y illustre avec ses « Fêtes galantes ». Connu et apprécié de son vivant, il est solitaire et il aura la particularité de ne pas diriger d’atelier, il n’a donc pas eu de disciple à proprement parler. Le genre de la fête galante lui est propre et les artistes du XVIIIe siècle n’auront de cesse de se l’approprier avec, selon nous, moins de génie. À l’exception de Nicolas Lancret et de son lointain suiveur, Jean-Honoré Fragonard.

Nicolas Lancret (1690-1743) justement trouve sa place dès la seconde salle de la visite, en compagnie de Pater et Lajoüe. Ces peintres qui abordent de manière plus libre le thème de la fête galante y ajoutent des « expérimentations érotiques », nous dit le panneau accompagnant le visiteur. On remarque aussi une surface plus importante laissée à l’architecture, notamment dans le « Pavillon architectural avec vue de coucher de soleil et figures décoratives » de Lajoüe. La fête galante trouve ici refuge dans les villes, il y a plus de profondeur perspective, mais certainement moins de mystère. Le thème se fait plus lisible, presque libertin. À côté de Watteau, le travail de Pater se rapproche de l’esquisse, on le remarque notamment dans la « Fête galante avec cavalière ». Pour Pierre-Antoine Quillard, dans « L’île de Cythère », l’humain et la nature paraissent être un amas. Chez Jean-François de Troy, c’est l’inverse : le trait est trop précis, trop vraisemblable. Hormis Lancret, qui sera peut-être la plus belle découverte pour le public (après les héros du titre de l’expo), aucun ne surpasse ni même n’égale le maître et son art. Néanmoins, toute cette salle a le mérite de fait ressortir l’importance que Watteau a eue sur les peintres de sa génération et les suivantes.

Dans le troisième espace, on peut observer quelques dessins de Watteau qui laissent apparaître son processus créatif. Il n’était pas rare que le peintre compose ses toiles en assemblant plusieurs dessins réalisés parfois à plusieurs années d’intervalles. Une « Femme au papillon » prêtée par le Met de New York mérite particulièrement notre attention, tellement elle est fine et troublante. Plus loin, on retrouve deux aquarelles de Watteau ainsi qu’une sanguine.

Dans les deux salles suivantes, un panneau nous apprend qu’au fil du siècle, « la fête galante tend à intégrer des éléments du réel (…) comme autant de clins d’œil aux spectateurs » au moyen de statues ou de portraits par exemple. Une fête galante d’Antoine Pesne n’est qu’un prétexte à un paysage probablement familier de Freienwalde. On remarque, toujours chez Pesne et aussi chez Lancret, l’ajout aux scènes champêtres de visages connus de la période, car outre le fait de nous enseigner certains us et coutumes du XVIIIe siècle, la fête galante en montre désormais des visages. Une très belle toile, peinte autour de 1727-1728, représente Marie-Anne de Camargo, danseuse, qui était alors au sommet de sa gloire dans le Paris de l’époque (Fig. 2).

Fig. 2 - Nicolas Lancret - Fête galante avec la Camargo dansant avec un partenaire (c. 1727-1728) © Courtesy National Gallery of Art, Washington
Fig. 2 – Nicolas Lancret – Fête galante avec la Camargo dansant avec un partenaire (c. 1727-1728) © Courtesy National Gallery of Art, Washington

Dans la sixième salle, les commissaires rapprochent les travaux de Gabriel de Saint-Aubin à la fête galante. Saint-Aubin est connu avant tout pour ses gravures qui représentent la vie aristocratique du XVIIIe siècle : promenades, concerts dans des jardins, spectacles de théâtre. Celui-ci était un témoin de son époque, son travail presque journalistique et la présence de ces gravures présentent l’avantage de rapprocher l’imaginaire des fêtes galantes d’un réel dans lequel se reconnaissait peut-être la noblesse de l’époque…

Enfin, dans les dernières salles, nous arrivons aux travaux de Boucher (1703-1770) et Fragonard (1732-1806). Dans leurs œuvres, on remarque une complexification des sources d’inspirations. On ne représente plus des Parisiens, mais des Européens. On relève la présence de sujets russes, espagnols (« La précaution inutile »). Mais on remarque également ce qui est un formidable retour aux sources de la fin de la Renaissance : la représentation de bergers et de bergères accompagnés de leurs moutons, qui étaient en fait un jeu de travestissement imaginé pour les élites qui regardaient ces toiles. Dans les thématiques, on retrouve également des sujets chers au XVIIe siècle, comme l’Armide, célèbre tragédie de Lully mais aussi de Gluck, contemporain de Boucher qui est l’auteur de la toile exposée ici.

Le point d’orgue de la visite, fin magistrale, c’est le prêt accordé par la Banque de France de « La fête à Saint-Cloud » (Fig. 3), de Fragonard. Ce format immense (211 x 331 cm) est d’une complexité bien différente des prémices inventées par Watteau. La narration multiple séparant plusieurs groupes dans chaque espace, montre une sorte de « paysage social », la place de la nature par rapport aux personnages marque en quelque sorte l’apogée du genre. C’est ce que cette exposition veut nous montrer, et, en ce sens, elle réussit son pari.

Jean-Honoré Fragonard - La Fête à Saint-Cloud (c. 1775-1780) © RMN-Grand Palais / Gérard Blot
Jean-Honoré Fragonard – La Fête à Saint-Cloud (c. 1775-1780) © RMN-Grand Palais / Gérard Blot

Le musée Jacquemart-André contribue à montrer le XVIIIe siècle, peut-être par l’un de ses genres les plus célèbres, mais sous un jour renouvelé. Cette époque a parfois aujourd’hui la réputation de produire une peinture figée et précieuse : les artistes exposés au musée Jacquemart-André font ressortir toute l’erreur que comportent ces idées reçues.

Un regret avant de partir, mais c’est souvent le cas, vu la taille consacrée aux événements temporaires du musée : c’est un peut court. Mais il vaut mieux rester sur sa faim que d’être trop repu. Notons aussi que les panneaux d’expositions insistent trop sur la « galanterie » des œuvres, sur leur légèreté et pas assez sur leur mystère. Aussi, le parallèle avec le théâtre de l’époque aurait pu être plus approfondi.

 Infos pratiques :

L’exposition se tient jusqu’au 21 juillet 2014 au musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann, 75008 Paris – Métro Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-Philippe du Roule (M9, M13 et M14), RER Charles de Gaulle-Étoile (Ligne A).

Musée ouvert tous les jours de 10h à 18h. Nocturnes lundi et samedi jusqu’à 20h30. Tarifs : 12€/10€. Site internet : www.musee-jacquemart-andre.com




Ostermeier glace Sceaux

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Thomas Ostermeier est un immense metteur en scène, certainement le meilleurs en Europe aujourd’hui, et il le prouve comme une évidence à chacune de ses créations au moyen de techniques et de dispositifs sans cesse renouvelés.

Il met en place l’histoire de La Vipère dans un intérieur bourgeois épuré, composé d’une pièce principale agrémentée d’un salon en cuir, d’un piano et d’un grand escalier. En fond de scène, une pièce supplémentaire accueille la salle à manger dont les portes ne sont pas toujours ouvertes. Le décor joue sur les tons de gris, de noirs, agrémentés de lumières claires et froides. Ce cadre contribue à magnifier l’expérience glaçante dans laquelle sera plongé le spectateur durant la représentation.

Le point de départ est un dîner mondain, une famille invite un riche investisseur New Yorkais à sa table. On parle contrat, on trinque, l’affaire semble en bonne voie. L’invité de prestige parti, la famille d’entrepreneurs a des étoiles plein les yeux. Le hic ? Les deux frères attendent toujours que le mari de leur sœur Regina mette sa part de l’investissement sur la table, et c’est urgent. Malheureusement ce mari est malade, et il n’a aucune intention d’investir. Tout au long du drame, Regina joue une partie d’échec dont elle sortira vainqueur face à ce monde masculin qui la maltraite depuis toujours. Mais elle n’y arrive qu’au prix de nombreux sacrifices qui jaillissent comme autant de coups de théâtre.

La mise en scène est prodigieuse. Tout au long de l’action, le rythme est sans cesse modulé. Rapide quand il faut, extrêmement lent dans les instants clés, comme un poison qui coule lentement dans les veines du spectateur. Parfois arrêté, les placements contribuent à créer des tableaux incroyables. Une scène de dispute collégiale peut laisser place à une scène vide pendant plusieurs secondes. Des hurlements succèdent à de brusques moments de silences dans lesquels des enjeux énormes sont ressentis et où chaque geste raconte une partie de la vie des personnages. Tout cela ne manque pas d’ironie : entre deux actes, alors que l’histoire est de plus en plus dramatique, une pop naïve accompagne les tourments intérieurs insoutenables des protagonistes.

Le spectateur assiste à la vie de ces gens, il s’invite dans leur maison, il est voyeur. Le comédien n’est pas là pour lui, le comédien n’attend rien du public : il expose le drame comme dans un huis-clos extrêmement prégnant et c’est ici que réside, une partie du génie d’Ostermeier.

Tout ne doit pas être dit, dans cette guerre que mène cette femme pour ce qui semble être l’argent et le pouvoir, les postures, les expressions, prennent le pas sur le texte. Ce dernier a été fortement modernisé, on y parle de la dernière extension de Diablo III, de Facebook… Lillian Hellman, mort en 1984, n’avait certainement théorisé tout ça !

Le talent de chaque acteur n’est pas absent à tout cet éclat. Particulièrement en ce qui concerne les deux femmes quarantenaire, l’héroïne et sa belle sœur (archétype de la desperate housewife), qui sont d’une justesse effrayante. Bordeline dès le début, les deux sombrent dans des folies démentes, mais avec une intériorité et des nuances qui ajoutent encore plus à l’inquiétude dans laquelle le spectateur est plongé.

Tout au long de la pièce, Ostermeier nous tient dans sa main, et il serre et desserre son emprise à loisir jusqu’à la scène finale où La Vipère est seule, abandonnée par sa propre famille, mais riche. Est-ce donc ça la vie ? Ou comment plusieurs millénaires après Aristote, Ostermeier arrive comme aucun autre à susciter « pitié et crainte » dans un spectacle absolument moderne.

Pratique : (the little foxes) La Vipère, jusqu’au 6 avril à la Scène Nationale de Sceaux. Horaires et réservations sur http://www.lesgemeaux.com/




Jungers au service de Marivaux

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Pour sa première mise en scène à la Comédie-Française, Benjamin Jungers a fait le choix d’une sobriété au service du texte de Marivaux, l’île des Esclaves. Les acteurs évoluent sur la scène du Studio au milieu de voiles blanches pendues du plafond, dans des costumes dont seules les épaulettes marquent les différences de classe.

Car c’est bien à une sorte de lutte des classes à laquelle on assiste dans ce qui est une des pièces les plus célèbres de Marivaux (et pourtant sans marivaudage !). Une lutte galante, peu ambitieuse, qui n’a rien de « pré-Révolutionnaire » comme on peut le lire parfois, mais qui existe ; et ce combat entre maître et esclave, cet inversement de situations après que patrons et valets se soient échoués sur une île est très bien orchestré.

Jeremy Lopez incarne l’Arlequin goguenard et parfaitement désinvolte envers un maître (Stéphane Varupenne) calme et d’un sang froid tout aristocratique face aux attaques verbales de son subordonné. Jennifer Decker, Cléanthis, passe du rôle de la gourde ingénue à l’imitatrice parfaite d’une maîtresse (Catherine Sauval) coquette, hypocrite et faussement légère, en une phrase, avec un contraste saisissant. Cette maîtresse qui, comme son alter ego masculin, mord la poussière en silence, toujours au bord des larmes. La justesse du jeu de Cléanthis, cette façon de passer de la servante avinée à l’incarnation de l’élégance même est particulièrement excellente.

Mais ces esclaves se repentent de cette nouvelle situation aussi vite qu’ils s’en sont réjouis. Ils refusent cette émancipation brutale pour retrouver au plus vite leur ancienne (et ingrate) situation. Pendant le déroulement de la comédie, on se surprend à avoir de l’empathie pour les maîtres, pourtant coupables de mille maux aux dires des serviteurs. Cette pièce se contente de ridiculiser les maîtres sans pour autant prendre la défense de leurs esclaves.

Tout cela, Jungers le montre très bien, en faisant ressortir toute la profondeur et le talent de cette très belle distribution.

Pratique :
L’île des Esclaves au studio de la Comédie-Française (Carrousel du Louvre), jusqu’au 13 avril.
Durée : 1h.
Réservations : 0825 10 1680 ou www.comedie-francaise.fr [Complet]




« Chat en Poche » à l’Artistic Athévains

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Copyright : Marion Duhamel

Avec cette mise en scène de « Chat en Poche », Anne-Marie Lazarini contribue à nous interroger sur la difficulté de jouer Feydeau à notre époque. Certes, ce dernier reste un auteur très populaire et visible. Sa puissance comique n’a pas disparu. Mais tout de même… Suffit-il de le mettre en scène dans un beau décor bancal aux tons gris et aménagé de meubles flashy pour rendre ce vaudeville un tantinet moderne ? En ce qui concerne « Chat en Poche », nous n’en sommes pas certains, tellement l’intrigue sue le XIXe siècle et le parti pris de la mise en scène n’est pas clair…

Qui cela amuse-t-il aujourd’hui, d’assister au désarroi d’un riche industriel de la Troisième République qui cherche à acheter sa postérité auprès d’un chanteur d’opéra (Dufosset), et de suivre celui-ci et ses proches dans sa quête (qui sera forcément un échec), pendant que le jeune premier occupe le cœur de toutes les dames de la maisonnée ? Qui est encore diverti par ces quiproquos entre futurs époux, entre Dufosset et ses femmes, sans oublier les maris de ces dernières ?

On ne peut pas dire que l’on ne rie pas : ces personnages qui se retrouvent enfermés dans des situations inextricables dans lesquelles ils se sont mis tout seul est tordante, surtout lorsque l’histoire est remarquablement servie par la performance des acteurs (en particulier Dufosset, interprété par Cédric Colas). Mais la mise en scène d’Anne-Marie Lazarini vogue dans une sorte d’entre deux eaux entre désuétude et modernité. Les acteurs courent, mais ne sont pas dynamiques pour autant.

Néanmoins, on retiendra quelques beaux effets, la sensation d’avoir passé un moment agréable mais avec cette gène d’un spectacle d’un autre temps qui nous revient tout au long de la représentation.

Pratique :
Actuellement au théâtre Artistic Athévains
45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris
Les mardi, vendredi, samedi à 20h30. Le mercredi et le jeudi à 19h, et en matinée le samedi à 16h et le dimanche à 15h.
Durée : 1h20
Réservations au 01 43 56 38 32

 




Des impressionnistes inédits au musée Marmottan-Monet

Le musée Marmottan-Monet est un lieu de pèlerinage pour l’amateur d’impressionnisme puisqu’Impression soleil levant de Monet, la toile qui a donné son nom au plus célèbre mouvement pictural du XIXe siècle fait partie de la collection permanente. Une collection qui a pris une forme nouvelle depuis l’entrée en fonction de Patrick de Carolis, membre de l’Académie des Beaux-arts, installé à la tête du musée en 2013.

Le nouveau dirigeant a pris le parti de rassembler les œuvres de Monet, principale richesse de l’établissement, dans un seul espace au sous-sol sur des cimaises blanches. Les toiles gagnent en lisibilité par rapport à leur ancien accrochage sur les murs Empire, ornés de dorures et peints en bleu. Toujours dans cette idée de rassemblement, ce sont désormais deux salles qui, à l’étage, regroupent les œuvres de Berthe Morisot dont le musée possède 80 pièces.

Le troisième changement, le plus marquant, réside dans le choix de créer désormais une scénographie originale pour les expositions, afin de rompre avec l’espace galerie impersonnel qui accueillait jusque-là les événements temporaires.

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Fig. 1 – Alfred Sisley – Une cour à Chaville (vers 1879)

Cet espace est inauguré par des toiles rares, puisque c’est une cinquantaine de collectionneurs qui ont prêté des œuvres, pour la plupart impressionnistes, afin de constituer une exposition dont c’est le leitmotiv : voir des richesses qui, habituellement, ornent les murs de beaux appartements. La centaine d’œuvres rassemblée provient de France, des États-Unis, de Suisse, de Grande-Bretagne et même du Mexique. C’est amusant de voir que la personnalité du collectionneur est au cœur de l’actualité de l’histoire de l’art, puisque le festival de cette discipline y sera consacré au mois de mai prochain.

La majorité des pièces ainsi sorties des collections ne l’ont pas été depuis plusieurs dizaines d’années (certaines depuis les années 30 aux dires de la commissaire d’exposition !). Outre des huiles, quelques dessins et deux sculptures sont montrées. La taille de l’exposition est la bonne. L’œil se contentera de ces cent œuvres sans avoir la sensation, ni de rester sur sa faim, ni de faire une overdose. De plus, la variété des thèmes exposé écarte largement cette dernière possibilité. Les toiles claires sont installées sur des cimaises aux couleurs mates et dans un éclairage paisible. Ce qui a pour effet de faire ressortir toute la lumière intrinsèque aux œuvres. Le parti pris a été fait de les faire se suffire à elle-même, sans commentaire, puisqu’un seul panneau de présentation est lisible à l’entrée, sans compter les cartels. Le visiteur est libre au milieu des peintures.

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Fig. 2 – Frédéric Bazille – La Térasse de Méric (1867)

Un fil rouge chronologique a été tracé. On commence par la seule toile du jeune Frédéric Bazille, une vue du parc Méric (Fig. 2), plus loin ce sont des dessins réalisées par un Monet de 18 ans qui dans son âge tendre caricaturait les figures locales du Havre. Dans l’espace suivant, une étude pour les Folies Bergères de Manet met en scène une jeune femme de ce monde interlope qui nous regarde.

Nous voyons tout au long de l’exposition beaucoup de paysages, naturels (majoritaires) ou urbains. Notamment un très beau Quai de la Rapée de Guillaumin, La Seine à Bougival  d’Alfred Sisley, des vues de Paris par Pissaro et d’élégantes vues de la plage de Trouville par Monet. Nous remarquons également un bouquet de roses et pivoines par Renoir et quatre tableaux impressionnistes de Cézanne, dont le lien avec son maître Pissaro est ici limpide. L’accrochage fait ressortir les similitudes de composition entre les toiles et montre une belle cohésion d’ensemble.

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Fig. 3 – Edgar Degas – Pagan et le père de Degas (vers 1895)

La section Caillebotte est aussi très réussie. Le peintre qui représente ce qu’il voit depuis la fenêtre de l’appartement qu’il partage avec son frère nous livre ici une vue de la rue Halévy et une magnifique Femme à la fenêtre (Fig. 4). Dans la suite du parcours, les visages se font plus présents, chez Degas (Fig. 3) et chez Renoir, encore. La variété des œuvres et la présence de pièces graphiques font encore ressortir (ce qui normalement doit être acquis pour chaque visiteur !) : les impressionnistes sont aussi des dessinateurs précis.

Nous soulignerons enfin que (air du temps oblige ?) Berthe Morisot, Mary Cassatt et Eva Gonzales, les trois femmes du mouvement bénéficient d’une belle place, néanmoins artistiquement méritée.

L’exposition se termine sur un Nymphéa de Monet, clin d’œil à la collection permanente du musée. Une étonnante vue de Leicester Square la nuit (du même peintre) est également présente dans cette salle qui « conclue » de façon lisible le parcours effectué par le visiteur avec les prémices d’une sortie de l’impressionnisme, sans trop s’en éloigner.

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Fig. 4 – Gustave Caillebotte – Intérieur, femme à la fenêtre (vers 1880)

Infos pratiques :

L’exposition se tient jusqu’au 6 juillet 2014 au musée Marmottan-Monet, 2 rue Louis-Boilly, 75016 Paris – Métro La Muette (M9), RER Boulainvilliers (Ligne C). Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 20h. Tarifs : 10/5€. Site internet : www.marmottan.fr

Le catalogue d’exposition sous la direction de Marianne Mathieu et Claire Durant-Ruel Snollaerts est disponible chez Hazan. Broché, 120 illustrations, 232 pages au prix de 29 €.

 




Des rencontres réelles pleines d’illusions

Copyright : Mirco Magliocca
Copyright : Mirco Magliocca

Actuellement, Alexis Michalik a le vent en poupe avec son spectacle, « Le Porteur d’Histoire », toujours à l’affiche du Studio des Champs-Élysées. Le jeune auteur ne s’arrête pas sur cette victoire, puisque sa nouvelle création, « Le Cercle des Illusionnistes » est déjà sur les rails à la Pépinière Théâtre depuis la fin du mois de janvier.

« La vie n’est pas un trait, c’est un cercle », nous disent les héros de ce nouveau spectacle. Un cercle qui fait que tous les personnages suivent un chemin et finissent par se rencontrer d’une manière ou d’une autre dans des époques interposées. Robert Houdin, Georges Méliès, Avril, Décembre, tous ces gens de magie passent sur des traces déjà laissées par d’illustres prédécesseurs. On décolle en 1871, on se retrouve en 1984 puis on repart en 1825. Comme ça, naturellement… Voilà ce que nous montre « Le Cercle des Illusionnistes ». Les accidents de la vie qui créent des rencontres, qui changent un homme, provoquent une symbiose, comme par enchantement.

L’ambiance du spectacle est (presque) ouvertement inspirée de « Hugo Cabret », film de Martin Scorcese sorti sur les écrans français en 2011. La musique aussi nous plonge dans cet univers fantasque où chacun retrouve son âme d’enfant. On assiste à une histoire, et les réussites comme les échecs sont ponctués de tours de magie, dont certains ont fait la gloire de leur créateur. La pièce n’exploite pas ces légendes, elle leur rend hommage sous la forme d’un conte poétique où l’aventure humaine n’est pas mise de côté.

Michalik met en scène lui-même sa pièce de manière cyclique, ingénieuse, pleine de bonnes idées et de dispositifs surprenants. Son utilisation de l’espace amuse et touche, fait ressortir ce lien fictif qu’il veut mettre en avant entre ses héros, et du début à la fin le spectateur est emmené comme hypnotisé dans ces péripéties biographiques teintées d’un humour certain.

Pratique :
Actuellement à la Pépinière Théâtre
7 rue Louis Le Grand, 75002 Paris
Jusqu’au 29 mars 2014. Du mardi au samedi à 20h30. Matinée le samedi à 16h.
Durée : 1h40
Tarifs : 12/39€
Réservations au 01 42 61 44 16 ou sur www.theatrelapepiniere.com