Le Grand Palais rend hommage aux femmes.
A une femme. Niki de Saint-Phalle. Artiste rebelle.
Morte d’avoir pratiqué son art. Elle aurait eu 84 ans.
A la Femme ensuite. A toutes les femmes.
A leur destin souvent imposé. A leurs libertés bafouées. A leur honneur sali.
A leur place dans la société moderne. A leurs espoirs.
L’art violent, en réponse à la violence
Au début, il y eut la violence. La violence d’un père, puissant parmi les puissants. L’indifférence d’une mère. L’irréparable se produisit. Acte inavouable. Acte impardonnable. Effroyable inceste.
L’adolescence arriva. La vie continua, quotidien familial imperturbable dans les années noires du deuxième conflit mondial.
Niki offrit alors sa beauté aux grands magazines de l’époque.
Mais les démons se firent plus forts. Ils l’entraînèrent dans un profond désarroi, une méchante dépression. Internement. Repos. Puis la révélation.
L’art sera son échappatoire. La condition de sa libération intérieure.
Commence alors une période de découvertes pour Niki. Découverte de ses aspirations. Découverte du champ des possibles. Découverte du soulagement artistique. Et découverte de l’art brut, avec Jean Dubuffet, duquel Niki sera très proche.
Collages, peintures, sculptures pour démarrer. Pollock est très présent dans l’esprit de ces premières œuvres. Puis apparaît la femme. La femme mariée. La femme donneuse de vie. La femme déesse. La femme veuve. La femme se constitue d’objets du quotidien. Telles les compositions massives présentées dans cette deuxième salle de l’exposition du Grand Palais.
Ensuite viennent les Tirs. Réponse violente à la violence de la société. Cette société où les hommes dominent. Cette société où les femmes vivent pour les hommes. Où les femmes vivent pour la famille.
La femme, source de création et de vie
Les Tirs proposent une nouvelle approche de l’art. Une approche féminine des armes et de la violence. « Bang bang, I shot you down ». Voilà le credo classique d’une société où les armes sont reines. Où les armes détruisent et tuent. Niki souhaite les faire créer. La naissance et la création sont à portée de canon.
L’exposition présente des extraits de ces spectacles de rues pour le moins inhabituels. Et le résultat de ces séances de tirs d’arrière-cour. Des poches de peintures explosées. Des vomissures de couleurs. Laissées dégouliner à leur bon vouloir sur des obstacles tout de blanc peints. Ces compositions aléatoires cohabitent avec des œuvres un peu différentes. Collages, moulures, sculptures présentant les grands du monde d’alors. Et mêlant fantaisie et politique. Le monde masculin est un monde de guerre et de violence. De pouvoir et d’affrontement. La femme est là pour veiller sur la création. Sur la vie.
La Nana Power, ou l’imagination en grand
Cette vie et cette création, Niki la voit en grand. Elle lui donne corps. Dans une Eve nouvelle, porteuse d’espoir, porteuse de couleurs, porteuse de joies. Les Nanas voient le jour dans les mains de l’artiste pour révéler la force de la femme. Leur grandeur est censée représenter le champ de l’imaginaire féminin, la puissance de cette énergie créatrice. Et la petitesse de sa tête, telle une tête d’oiseau, marque la place qu’on lui accorde dans la société. Elle n’est pas censée réfléchir. Elle n’est pas censée utiliser son esprit. Son corps la porte au fil de la vie. Selon les décisions et le bon vouloir des hommes.
Quel merveilleux hommage au génie de l’artiste que la salle présentant ce Nana power. Une mise en espace réussie. Un effet saisissant. Une mise en valeur remarquable de ces corps de femmes surdimensionnés. Le tout agrémenté d’interviews de De Saint Phalle, et de dessins. Ces dessins, à la fois journal intime d’une vie bousculée. Correspondance avec ses amis à travers le monde. Dessins aux motifs enfantins mais à la gravité si adulte. Une plongée en apnée dans l’univers intérieur de celle qui fut mannequin puis créa la beauté de ses mains. Et la destina au grand public. La beauté et la création comme lieux de vie et de récréation.
Le Jardin des Tarots, le Golem
Profondément bouleversée par la visite du parc Güell, Niki de Saint Phalle décide de créer un jardin idéal. Plus beau encore que la pièce maîtresse de Gaudi. Plus grand. Plus spectaculaire. Son Jardin des Tarots sera en Toscane. Les sculptures démesurées seront autant de lieux de vies. Autant de cartes de vies, mais aussi de mort. De personnages sacrés. Elle y consacrera les dernières années de sa vie. Pour ce qui sera réellement l’œuvre de sa vie.
Cette dernière salle, à grands renforts de maquettes et de vidéos, nous propose une immersion dans ce pays imaginaire. Il y avait eu le Hon pour représenter la femme comme source de la vie. Puis le Golem comme aire de jeux. Il y eut finalement le Jardin des Tarots, aire de vie. Promenade dans l’imagination et la rêverie d’une femme qui consacra son existence aux femmes.
Niki de Saint Phalle
Du 14 décembre 2014 au 2 février 2015
Galeries nationales du Grand Palais – Paris