Tomber amoureuse d’un homme à 77 ans, c’est beau ! Et d’une femme ?
Les Invisibles sont toutes celles et ceux qui n’ont ou n’existent toujours pas aux yeux de la société, de leurs voisins, ou même de leur famille.
Pour quatre minuscules lettres : H-O-M-O.
Ils sont ignorés, de crainte qu’ils ne choquent, ne fassent de scandale en revendiquant haut et fort leurs orientations. Le mouvement soixante-huitard est déjà loin, et pourtant les frontières de la société ont à peine bougé.
Qu’il est surprenant de mettre en regard la rapidité dans l’évolution des technologies qui nous entourent avec l’inertie de notre société et l’inertie des consciences.
L’endroit n’est pas approprié pour des « pour » ou « contre » sur la question du mariage homosexuel.
Il est par contre tout à fait désigné pour présenter ce bijou de cinéma qu’est le documentaire de Sébastien Lifshitz.
Loin de toute impudeur, plein d’humour, de légèreté et de poésie, les portraits et scènes de vie qui défilent devant nos yeux nous font rire, pleurer, espérer tout à la fois.
D’autant plus que le récit est servi par des anonymes, dont beaucoup d’acteurs professionnels pourraient s’inspirer. Ils sont naturels devant la caméra, ne s’encombrent pas de fausse pudeur, et nous embarquent en quelques secondes dans le récit de leurs vies. Des vies qui durent pour la plupart depuis maintenant plus de 70 ans, qui ont connu des hommes, des femmes, des hommes et des femmes, et dont tous sont fiers et heureux.
Une formidable leçon de vie, d’espoir et d’amour !
Réalisation : Sébastien Lifshitz Photographie : Antoine Parouty Durée : 115 minutes Distribution : Yann et Pierre, Bernard et Jacques, Pierrot, Thérèse, Christian, Catherine et Elisabeth, Monique, Jacques
Gran Kino – 1989 – Rencontre
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1989, premier album de Gran Kino est pour le moins original.Le principe : réunir des artistes aux horizons des plus divers (un douanier hongrois, un MC d’Atlanta, Calexico, Clare – de Clare and the Reasons) autour d’une année, 1989, et de leurs souvenirs.
Rencontre avec Robin Genetier (guitare, basse, clavier) :
Arkult (A) : 1989. Des souvenirs dans toutes les mémoires. Et vous, quel souvenir marquant de cette année 1989 ?
Gran Kino (GK) : Le souvenir que j’ai le plus en tête pour cette année est celui de l’exécution de Ceausescu le 26 décembre. Je me souviens du contexte, des personnes avec qui j’étais et de l’ambiance de cette fin de décennie… Les images de ces deux corps gisants, avec une image brouillée, une sorte de pression entourant tout cela, ma famille devant cette télé qui rend cette situation presque comme une fiction… Un drôle de moment pour finir une année si forte.
A : Quel tournant pour la culture européenne et mondiale a signifié pour vous cette année bien particulière ?
GK : Le Mur de Berlin est certainement le plus grand tournant pour la culture européenne & mondiale … On découvre alors les pays de l’Est, on va voyager, apprécier la « nostalgique architecture soviétique »… D’un seul coup – ou presque – c’est comme si on cassait un barrage entre deux eaux stagnantes : l’Ouest découvre les musiques de l’Est, les volontés artistiques qui se sont battues et développées sous la dictature communiste … Tandis qu’à l’Est, les populations vont être confrontées au mur de la pop culture, qui en cette fin des années 80 est surpuissante.
A : 1989. Berlin. La Chute du Mur. Quelle est votre vision de la « berlinisation » actuelle de la scène culturelle française et européenne, plus de 20 ans après ?
GK : Nous avons eu la chance d’aller de nombreuses fois à Berlin pour jouer, visiter, observer, écouter et acheter des disques … Il paraît que cette ville est la ville la plus appréciée des artistes américains & européens, c’est surement dû à l’Histoire qui survole toujours les quartiers de cette cité, à la gentillesse de sa population, au sentiment de liberté qui règne dans ces rues immenses où au final peu de gens vivent. On sait ce qu’on en ramène, mais l’applique-t-on vraiment ailleurs ? On aime l’électro berlinoise, l’énergie de ses soirées, l’implication artistique des ces habitants mais je ne suis pas sûr qu’on puisse un jour répéter cela chez nous, comme nous avons su le faire avec la culture américaine, et c’est pas plus mal. C’est beau des endroits qui gardent leurs spécificités, leur propre « odeur ».
A : Quels pourrait être la prochaine année / les prochains déclencheurs susceptibles d’inspirer de telles réactions / initiatives ?
GK : Un jour, un journaliste m’a dit : alors vous allez faire 1990 ? 1991 ? … Même si dans chaque pays, il y a toujours un évènement marquant, je ne suis pas sûr que toutes les années aient une « importance » sur l’entièreté du globe comme ça peut être le cas avec 1989.
Bien évidemment 1968, ça serait aussi intéressant de travailler sur 2011 – avec les révolutions dans les pays du Maghreb – ou même plus précisément sur la crise de 1929 en faisant un pont avec maintenant … Il y a des thèmes à collaboration tout autour de nous, il suffit de trouver l’angle de réflexion, et d’étudier correctement le sujet. C’est en même temps plus simple et plus dur que de faire un album plus « conventionnel » : plus simple car l’histoire est là, et il suffit de creuser pour en avoir d’autres et alors d’avancer sur l’imaginaire entourant chaque événement mais aussi plus compliqué car chacun d’entre nous vit ces moments, les connaît, les appréhende, et il faut donc ni se tromper, ni trop extrapoler, ni soustraire la vérité à l’Histoire.
A : Quels sont vos projets pour le futur ?
GK : En plus du projet 1989, qui nous prend encore du temps à travers la tournée en France & à l’étranger, mais aussi des nouvelles compositions qui restent à venir dans le spectacle, nous avons plusieurs idées/projets en cours d’écriture et de réalisation.
Le principal projet nous vient d’Afrique du Sud, où après avoir tourné là-bas pendant 1 semaine en septembre dernier, nous nous sommes vu proposer une collaboration avec divers artistes sur 2 projets distincts. Tout d’abord à Durban, avec des rappeurs zoulous qui seront en France en juin prochain, et avec qui nous allons faire des titres et partir en tournée. Ensuite au Cap, on s’est vu offrir la possibilité de travailler avec des artistes chanteurs / musiciens / danseurs locaux sur l’importance de Nelson Mandela pour l’Afrique du Sud, son arrivée au pouvoir en 1994 et aussi les couleurs du drapeaux … Un énorme projet avec des A/R entre les deux pays, un documentaire, un album, une tournée à l’automne 2013 et peut être même les 20 ans de la présidence de Madiba en 2014 à Pretoria.
Il y’a d’autres projets plus « officieux » et qui nécessitent qu’on avance encore discrètement. Je pense que tout sera toujours orienté vers des collaborations avec des artistes étrangers ou de styles différents du nôtre, ou vers des recherches musicales nouvelles.
A : Un petit mot pour les lecteurs d’Arkult ?
GK : Je recherche des musiciens / chanteurs suisse allemand pour un projet futur, et si vous en connaissez hésitez pas à m’orienter ! Ecrivez à awordtogk[at]gmail[dot]com … Sinon, merci d’avoir pris le temps de lire, de découvrir Gran Kino et son projet 1989. J’espère qu’il retiendra votre attention, et que vous comprendrez que ce projet est une histoire et que cet album n’est pas une compilation mais une suite d’histoires comme un recueil de nouvelles.
Gran Kino
Sara de Sousa : chant, piano, orgue, xylophone
Charlie Doublet : chant, saxophones, clavier
Morgan Arnault : batterie, choeurs
Robin Genetier : guitare, basse, clavier
La cruauté de la vie n’épargne pas la narratrice de cette histoire, une petite tête blonde. Sous la plume d’une enfant, d’une adolescente et d’une jeune adulte, les faits les plus cruels et révoltants sont parfois bien peu de choses.
Naïveté de l’écriture, innocence de l’enfance, la vie et ses méandres apparaissent comme un concours de circonstances perdu d’avance.
De l’ivresse alcoolique du père à la débauche amoureuse de la mère : la cellule familiale de la narratrice est en perpétuelle mitose, perpétuelle séparation reproduisant à l’infini le même cauchemar.
La violence du quotidien la frappe de plein fouet. Toutes les violences y passent : verbales, physiques, psychologiques. C’est trop pour une seule et même personne, surtout quand cette jeune personne sort tout juste de l’enfance ou de l’adolescence.
Extrait 1 :
« C’était pas de la jalousie que j’avais au fond du ventre. Pour ça, il aurait fallu de l’amour. Et l’amour, j’y étais réfractaire. Mon coeur dormait dans un congélateur. Mais la fidélité avait un je-ne-sais-quoi d’essentiel à mes yeux. Le genre de truc un peu étrange, un peu magique, auquel j’avais besoin de croire. »
Marlène Tissot nous emmène, vous l’aurez compris, dans un récit fort, dont on ne peut sortir indemne. Dans ce premier roman, elle jongle entre les âges de sa narratrice, entre ses souffrances, ses peurs, ses espoirs, aussi maigres soient-ils.
L’écriture est à l’image de celle qui écrit son journal : crue, amère et directe. Parfois un peu trop directe d’ailleurs, où l’on regrette alors le choix de l’auteure de se fondre complètement dans la peau de son personnage, s’attacher à un langage se voulant enfantin / adolescent, et s’y retrouver comme coincée.
Une traversée de la souffrance humaine (hélas) ordinaire. Poignant. Saisissant.
Extrait 2 : « J’ai obtenu mon bac. Haut la main, avec un putain de mention. Val était recalée. Apparemment, elle s’en foutait. On s’est bu un jus au bistrot d’à côté. Puis elle m’a raccompagnée. Rocade. Cent quarante kilomètres à l’heure. Sa rage un peu plus appuyée sur l’accélérateur. Sirotant les feux rouges comme des grenadines. Bercée par le cri du moteur, je me suis remise à espérer un accident. Un truc violent, rapide, définitif. Histoire de clore le chapitre en beauté. Mais j’étais pas seule dans la carlingue. »
Mailles à l’envers, de Marlène Tissot
Editions Lunatique
www.editions-lunatique.com
156 pages
Date de parution : février 2012
« Vous n’avez encore rien vu » – Cet étrange objet du cinéma
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Un O.C.N.I., Objet Cinématographique Non Identifié. C’était mon premier Alain Resnais. Ne vous attendez donc pas à des parallèles à répétition, des analogies avec ses précédents films, une analyse systématique de l’évolution de son style et de sa pensée dans le temps …
Non, vraiment, rien de tout ça. Simplement cet étrange sentiment qui gagne le spectateur tout au long de la séance. L’ennui guette, il sent qu’il aurait une place attitrée dans un tel film, personne n’oserait la lui contester. Et pourtant il guette, mais ne trouve pas l’occasion de s’immiscer dans la tête du spectateur. Car ce que nous propose Alain Resnais dans son film est une véritable performance artistique, un coup magistral tant dans l’histoire du cinéma que du théâtre.
Imaginez plutôt voir se représenter devant vous deux (voire trois) écoles du théâtre, autour d’une seule et même pièce, Eurydice de Jean Anouilh. Forcément, l’envie primaire est à la comparaison, « le théâtre classique est quand même plus fidèle », « les mises en scène modernes sont vraiment spéciales » … Vous savez ce même « spécial » utilisé par Xavier Dolan dans Laurence Anyways … Ce « spécial » passe-partout et pourtant tellement signifiant, synonyme de rejet, de dégoût.
Puis une fois la comparaison rapidement épuisée de son sens et de son intérêt, surgissent l’intérêt et la complémentarité. Il n’y a clairement pas une unique vision d’une même pièce, ni d’une même mise en scène. On touche alors à l’épineuse question de la liberté laissée à l’acteur par son metteur en scène. Et de ce que le metteur en scène recevra de la part de ses acteurs pour enrichir sa mise en scène, et la rendre unique.
Car c’est bien là l’essence de la pièce. Prétexte pris du décès d’un metteur en scène les ayant réunis par le passé pour jouer Eurydice, 14 acteurs se retrouvent en huis clos dans une cérémonie orchestrée par le majordome du défunt pour donner leur point de vue sur une mise en scène moderne de cette même pièce.
Formidable mise en abyme du jeu théâtral. Bouleversants hommages à ses acteurs, jouant leur propre rôle. Mais jusqu’où est-ce le rôle pensé par le metteur en scène, et où commence la personnalité de l’acteur ? Mention toute particulière et très personnelle pour quatre d’entre eux : Pierre Arditi, impressionnant, Michel Robin, touchant, Mathieu Amalric, inquiétant et Sabine Azéma, saisissante.
Réalisation : Alain Resnais et Bruno Podalydès (pour la captation Eurydice par la Troupe de la Colombe) Scénario : Laurent Herbiet, Alex Reval1, d’après Eurydice (1942) et Cher Antoine ou l’Amour raté (1969) de Jean Anouilh Musique : Mark Snow
Distribution:
Sabine Azéma : Eurydice 1
Anne Consigny : Eurydice 2
Pierre Arditi : Orphée 1
Lambert Wilson : Orphée 2
Mathieu Amalric : monsieur Henri
Michel Piccoli : le père
Anny Duperey : la mère
Denis Podalydès : Antoine d’Anthac
Jean-Noël Brouté : Mathias
Hippolyte Girardot : Dulac
Michel Vuillermoz : Vincent
Andrzej Seweryn : Marcellin
Michel Robin : le garçon de café
Gérard Lartigau : le petit régisseur
Jean-Chrétien Sibertin-Blanc : le secrétaire du commissaire
La troupe de la Colombe
Vimala Pons : Eurydice
Sylvain Dieuaide : Orphée
Fulvia Collongues : la mère
Vincent Chatraix : le père
Jean-Christophe Folly : monsieur Henri
Vladimir Consigny : Mathias
Laurent Ménoret : Vincent
Lyn Thibault : la jeune fille et le garçon de café
Gabriel Dufay : le garçon d’hôtel
Doris Darling – Bitch volée
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Con-vaincu ! (Merci pour l’inspiration …) Le spectateur est convaincu par deux heures de spectacle saisissantes, prenantes, entraînantes sur ces cons vaincus dans leurs désirs de gloire, de gains et de notoriété.
Car l’histoire que nous propose Ben ELTON est tout à fait actuelle.
Elle dépeint les tribulations d’une journaliste à scandale (donc à succès) et ses difficiles rencontres et relations dans le milieu du « showbiz ». Producteur prometteur, gigolo rigolo mais idiot, assistante assistée, comptable affable mais guère jovial. Voici dressé le plan de table de cette véritable Cène, avec dans le rôle du Messie une Doris Wallis affublée de tenues extravagantes et d’un caractère démoniaque, comme en témoigne la magnifique affiche de la pièce.
L’histoire s’enchaîne sans accroc, avec ses rebondissements, inattendus mais pas excessifs, avec ses intermèdes, souvent surprenants.
Ces mêmes intermèdes qui confèrent à la représentation le titre de véritable spectacle vivant, bien plus que de banale pièce de théâtre. Musique, vidéo et danse sont parfaitement choisies et maîtrisées pour garantir une cohérence d’ensemble et un véritable plaisir pour le spectateur. Une délectation. Le plaisir du spectateur décuple devant le foisonnement de bons mots, les zygomatiques paniquent devant tant de facéties, les gorges se déploient pour laisser libre court aux fous rires incontrôlables.
La mise en scène est juste, le décor magistral et parfaitement et complètement utilisé par les acteurs. Pas de superflu. Même ce gigantesque escalier central en forme d’escarpin (non vous ne rêvez pas, un escalier en forme de chaussure à talon aiguille!) est parfaitement à sa place, et apporte une réelle touche d’originalité et d’authenticité au spectacle.
Tout cela est bien sûr porté par les 5 acteurs de la pièce. Une Marianne Sergent qui n’est pas sans rappeler Josiane Balasko dans ses heures des Bronzés, tant par la richesse de son vocabulaire que par cette sympathie naturelle qu’elle inspire aux personnes qui l’entourent. Avec dans le rôle de Thérèse (du Père Noël est une ordure), si l’on veut poursuivre la comparaison, Amélie Etasse, qui nous démontre tout son talent d’actrice dans cette pièce (comprenne qui pourra). Yannick Laurent, Eric Prat et Thierry Lopez complètent ce quinté de choc.
Le thème, tout à fait contemporain pour cette pièce créée en 1991, n’a rien perdu de sa causticité. La starisation à outrance, les excès du « showbiz », les nouvelles guerres « de Cent Ans » entre journalistes et vedettes, princesses ou autres personnalités plus ou moins éphémères. Tout y passe. Portrait d’une société en mutation, en quête de valeurs, d’identité et de modèles, Doris Darling met le doigt là où ça fait mal, et n’hésite pas à s’y attarder, et à le tourner et retourner dans la plaie.
Même si le message final, qui pourrait s’apparenter à une formule telle que « Tout est mal, qui finit bien », semble quelque peu bisounoursien, tout est excusé tant le chemin qui y mène est bien construit. Pas un spectateur n’abandonne sur la route. Tous avancent tête baissée, s’en remettant aveuglément aux comédiens et à la mise en scène. A raison.
Et quand le spectacle s’achève, on ose à peine s’avouer que les frasques de Doris n’auront été que trop courtes. Car le reconnaître ne serait-ce pas admettre que l’on cautionne malgré tout ce modèle ?
Traduction, adaptation et mise en scène : Marianne Groves «Silly cow», une comédie de Ben Elton
Actuellement au Théâtre du Petit Saint-Martin 17 rue René Boulanger, 75010 Paris
Du mardi au vendredi à 21h
Le samedi à 16h30 et 21h
Le dimanche à 16h Durée : 1h45 sans entracte
« Love it, or hate it » Tel est le slogan de la Marmite, cette « délicieuse » pâte à tartiner tout droit venue de Grande Bretagne (fabriquée à l’aide levures utilisées pour la fabrication de la bière). Tel pourrait être également le slogan de la nouvelle pièce à l’affiche au Théâtre de la Porte Saint-Martin, « Les Menteurs », avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès.
Et malheureusement dans les deux cas, le constat est sans appel, en quelques minutes à peine, j’en suis arrivé à la deuxième alternative.
« Hate it ».
Et pour continuer dans la métaphore culinaire, tout dans cette pièce sent le réchauffé.
Le gag surgelé, un peu oublié, et que l’on ressort pour une grande occasion.
Réchauffé à la va-vite, et toujours insipide.
Alors peut-être que nous, génération Y, sommes plus difficiles sur ce que l’on nous propose comme nourriture de l’esprit.
Mais là, pendant presque deux heures, l’esprit crie famine, rien à se mettre sous la dent.
Les zygomatiques subissent le même sort, pas d’occasion de se tendre et détendre. Tout reste figé.
Seul un léger incident a déridé l’assistance (au propre et au figuré).
Un pasteur qui se blesse par mégarde sur scène, et déclenche une belle séance d’improvisation.
Alors apparaissent aux yeux de tous, le talent des comédiens présents sur scène.
Une capacité d’inventer. Une simplicité dans le jeu. Pas de refuge possible derrière un texte trop bien connu.
Intermède bien éphémère, entre deux longueurs d’une heure.
Le train pour Pau est passé depuis bien longtemps.
Actuellement, au Théâtre de la Porte Saint-Martin
Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 16h45 et 20h30, le dimanche à 15h Durée : 1h30 Tarifs : de 15 € à 65 €
Une comédie anglaise d’Anthony Neilson
Adaptation : Marianne Grove
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès
Avec Antoinette Moya, Roger Van Hool, Sophie Gourdin, Bruno Chapelle, Nell Darmouni. Décors : Charlie Mangel Lumières : Gaëlle de Malglaive
Musique : Guillaume et Renaud Stirn Costumes : Juliette Chanaud
Impasse de la Providence – Shmuel T. Meyer
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Petites misères, bonheurs fugaces, joies intenses.
La trentainte de brefs récits que nous conte Shmuel T. Meyer dans son troisième recueil de nouvelles sont autant de fragments de vies. Vies consacrées au travail, à la littérature, à l’étude des textes sacrés, à la photographie, à la communauté ou encore à la famille.
Au travers du récit de ses existences, c’est l’histoire de l’Etat d’Israël et de son peuple que le lecteur découvre ou redécouvre.
La force de la tradition qui se trouve confrontée à l’émergence de milieux artistiques.
Mais aussi des rêves de vie qui s’effondrent. Des relations adultères. Des souvenirs éternels.
Des passions qui s’allument. Des vies qui s’éteignent.
Des amitiés qui naissent. Des carrières qui prennent fin.
Toujours saisissants, souvent marqués du sceau de l’ironie et de l’humour, les récits de Shmuel T. Meyer ne laissent jamais indifférents.
Seul regret que l’on peut avoir à la lecture de ce livre … celui de devoir se séparer des personnages quelques pages seulement après avoir fait leur connaissance.
Auteur : Shmuel T. Meyer
Editeur : Gallimard
Date de parution : 18/05/2011
ISBN : 2070133435
Starbuck – Je suis ton père …
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David Wozniak héros ou zéro ?
Bienfaiteur dans le besoin d’une clinique de fertilité, cet Apollon bientôt quadragénaire se retrouve poursuivi par son passé. Et un passé à 1066 jambes … forcément vous rattrape rapidement !
Puisqu’il nous a emballés, tentons de dresser un portrait aux rayons X de ce personnage attachant.
Qui du héros () ou du zéro () l’emportera ?
– Cheveux hirsutes
Le cheveu hirsute est l’apanage du penseur, philosophe ou mathématicien. Vous imaginez, vous, Albert Einstein avec la raie au milieu et les cheveux plaqués?! Non! David Wozniak n’est pas du genre gominé.
Allez, allez, le style hipster c’est déjà dépassé!
– Barbe naissante
Cette barbe naissante (pour rester dans le thème qui nous intéresse aujourd’hui…) lui permet sans aucun doute d’aborder la jeune génération bardé d’une aura positive. Un a priori positif. Un quelque chose qui nous dit que cet homme là est gentil. Qu’il n’a pas tout à terminé sa transformation en adulte.
Enfin David ? Même au Canada, Gilette Mach 3, vous devez connaître quand même, ça fait très négligé!
– T-shirt délavé
Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé. Un vrai rebelle ce David, ni dieu, ni maître. David ne craint personne à part son employeur de père immigré polonais dur à cuire de la vieille époque.
Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé et fauché…
– Jean troué
A l’arrache David, non jamais! Après le « jean boyfriend » le « jean Wozniak », le must de l’été 2012. Se porte sale, troué et large.
Toile râpée, couleur fanée un tel falzar démontre un certain laisser-aller… Tu n’es pas vraiment de ceux qui prennent le taureau par les cornes mais de ceux qui courent pour ne pas se faire encorner et tentent parfois des feintes audacieuses pour détourner la bête.
– Vieilles baskets
Les baskets, même défraîchies, sont un vrai plus quand on doit pouvoir pousser une pointe, poursuivi par des enfants biologiques en mal de père ou des créanciers peu amènes.
Sans aller jusqu’à soutenir ceux qui disent que les chaussures reflètent beaucoup de la personnalité de celui qui les porte… disons que tu ne respectes guère le dicton de l’élégante Coco Chanel disant qu’il faut toujours « soigner les extrémités » .
– Appartement
Ami camelot et adepte du « Bon coin » tu as trouvé la caverne d’Ali Baba ! Un joyeux bric-à-brac témoin d’une vie bien remplie et d’une passion pour le ballon rond
Ces dames de « C’est du propre » vont s’arracher les cheveux, la déco passe encore mais la crasse, ça ne passera pas. Chance de survie d’un bébé dans un milieu hostile comme ton appartement : 1 heure max !
Héros ou zéro … qu’il est difficile de départager !
Et pourtant, quand on y réfléchit bien, qu’on prend un peu de recul avec ce film, qu’on y repense quelques jours après …
Tous ces éclats de rire pendant la séance. Toute cette simplicité dans ses rapports aux autres. Tout ce bien qu’il nous a procuré pendant presque 2 heures.
Sans conteste, David Wozniak est un héros des temps modernes ! Justement car il représente cette certaine idée du zéro à laquelle nombreux sont ceux qui aspirent.
A la rencontre de plusieurs générations, la sienne à laquelle il ne veut pas ressembler, et la suivante, celle de ses enfants, dans laquelle il s’intègre sans problème … bien malgré lui, et parfois au désespoir de son entourage !
Point positif tout de même, en entamant la quête de leur père biologique, les 533 enfants du généreux donateur ne se doutaient certainement pas qu’ils allaient découvrir un personnage aussi attachant que ce David Wozniak.
Et pour terminer, un dernier conseil …
Si vos parents ont voyagé au Canada dans les années 80, Et si vous avez un doute sur la paternité de David Wozniak à votre endroit. Un test de paternité est disponible sur le site internet, sait-on jamais … http://www.starbuck-lefilm.com/test-paternite/.
Réalisation : Ken Scott
Scénario : Ken Scott et Martin Petit
Production : André Rouleau, Caramel Films
Direction photo : Pierre Gill
Montage : Yvann Thibaudeau
Costumes : Sharon Scott
Compositeur : David Laflèche
Casting
Patrick Huard : David Wozniak
Julie Le Breton : Valérie, la petite amie de David
Antoine Bertrand : l’ami avocat
Igor Ovadis : le père de David
Marc Bélanger : Paul, frère de David
David Michaël : Antoine, un fils de Starbuck
Patrick Martin : Étienne, un fils de Starbuck
David Giguère : le porte-parole des enfants de Starbuck
Sarah-Jeanne Labrosse : Julie, une fille de Starbuck
Patrick Labbé : Maître Chamberland
Dominic Philie : l’autre frère de David
« Les Papis font de la Résistance » (L. Sepulveda)
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L’ombre de ce que nous avons été – L. Sepulveda
Coup de coeur en cette semaine de rentrée pour certains dont je fais partie. Ce court roman de l’auteur chilien paru en 2009 nous conte l’histoire d’anciens révolutionnaires de Santiago.
Réunis bien des années après leurs faits d’armes (ou d’idées), ils rêvent toujours de propager la révolution.
Et c’est bien ce à quoi ils comptent occuper leurs retrouvailles.
Dans la chaleur étouffante de la capitale chilienne, Arancibia, Salinas et Garmendia préparent un nouveau coup, avec l’aide du « spécialiste ». Hélas, ce spécialiste n’arrivera jamais, victime malgré lui de la chute d’un tourne-disque qui lui est fatale.
Citation 1 : « Concepcion Garcia fit alors une description assez cohérente et détaillée d’une vie ratée à cause des dettes, du manque d’espoirs et de l’indolence d’un mari qui, d’après ce que comprirent les deux policiers, était passé d’un radicalisme politique disparu dans les années quatre-vingt à une vie consacrée au septième art en qualité de spectateur domestique. »
En moins de 150 pages, Sepulveda arrive à transmettre à son lecteur un riche aperçu de l’histoire mouvementée qu’a connu son pays durant les deux derniers siècles.
Communisme, anarchisme, socialisme modéré, conservatisme, tous les courants politiques qu’a connus le pays sont dépeints à travers les luttes des différents personnages.
Citation 2 : « Ce fameux gendre est aujourd’hui un des hommes les plus riches du monde, il a fait fortune en achetant pour une bouchée de pain les industries nationales et les a revendues ensuite avec des bénéfices impossibles à évaluer.Ce doit être dur de dormir serré contre les jambes poilues d’une idiote, à titre de compensation il a donc reçu les forêts du Sud et en a fait du petit bois. »
A grand renfort d’un humour bien senti et de situations parfois absurdes, Sepulveda nous transmet l’ambiance qui pouvait alors régner dans ce pays.
Délation et espionnage alimentaient la peur quotidienne au ventre des habitants de Santiago.
Il n’y avait alors plus d’amis ou de voisins qui ne tenaient. Beaucoup étaient victimes d’une amnésie subite (et subie).
La chaleur n’arrange rien au sentiment d’étouffement face aux combats qui se déroulaient alors dans les rues, ou, plus secrètement, dans les arrière-salles des cafés, des bureaux ou encore des administrations. Elle est heureusement contrebalancée, dans le récit, par bien des répliques et des situations qui auraient fait pâlir de jalousie un des frères de Marx (non pas le socialiste … Groucho !).
Bref, vous l’aurez compris, un livre à lire et à relire ! Instructif, documenté, et terriblement (et peut-être aussi étrangement) drôle et loufoque.
L’Ombre de ce que nous avons été – Luis SEPÚLVEDA Titre original : La sombra de lo que fuimos
Traduit de l’espagnol par Bertille Hausberg
Ed. Métailié
Paru le 14/01/2010
160 pages, 17 €
ISBN 978-2-86424-710-4
P.S : merci à Stef pour ce titre fabuleux !
Les Enfants de Belle Ville – Dilemme sans fin
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Sorti en Iran en 2004, « Les Enfants de Belle Ville » est le deuxième long métrage du réalisateur iranien Asghar Farhadi. Il a fallu attendre le 11 juillet 2012 pour le voir à l’affiche dans l’Hexagone. Le succès de son dernier long métrage « Une Séparation »(dont nous vous parlions il y a tout juste un an) a sans aucun doute été déterminant dans le choix des producteurs français d’en faire profiter le public français, même tardivement.
A l’image de ses autres longs métrages, Asghar Farhadi dépeint dans « Les Enfants de Belle Ville » un portrait de la société iranienne actuelle, souvent bien loin des clichés encore trop répandus dans le Vieux Continent européen.
Au coeur de cette nouvelle histoire, deux jeunes gens de Téhéran : Firoozeh et Ala.
Et cette nouvelle histoire de coeur est confrontée aux dures réalités de la société iranienne.
Akbar, frère de Firoozeh, vient de fêter ses 18 ans dans un centre de rétention pour mineurs, où il purge une peine de prison pour le meurtre de sa petite amie, la fille de M. Abolqasem. Funeste anniversaire s’il en est, puisque la majorité est synonyme d’éligibilité à la peine capitale. Ainsi, à peine soufflées les bougies, le voilà transféré dans un établissement pour adultes, où il attendra l’exécution de sa sentence. Son exécution. Ala, un de ses comparses du Centre pour Mineurs s’engage alors à obtenir le retrait des poursuites du plaignant, M. Abolqasem. S’ensuit alors un chassé croisé psychologique entre Ala, Firoozeh, M. Abolqasem, sa femme, et le religieux du quartier.
Ni coupable ni victime
Cette course au pardon va faire naître un marathon amoureux entre les deux jeunes gens, à l’issue conditionnée par le destin d’Akbar.
Ce destin que l’on comprend dépendant des interprétations et des intérêts de chacun.
Le prix du sang : deux fois plus cher pour le coupable (un homme) que celui de la victime (une femme).
La force du pardon et de la miséricorde dans l’Islam. Ce pardon revient sur toutes les lèvres. Mais sous ses traits de principe inaltérable, de valeur transcendante, il cache dans la situation présente bien des bassesses de la nature humaine, la cupidité notamment.
Apparaissent alors nombre de dilemmes pour l’ensemble des personnages de ce film.
Dilemme entre amour pour une fille assassinée et amour pour une vivante.
Dilemme entre respect d’une promesse et passion amoureuse.
Dilemme entre amour conjugal et amour maternel.
La force de ce film est sans doute de ne jamais (sauf à un moment bien précis) tomber dans la facilité. De ne jamais essayer de simplifier les situations et les épreuves que la vie met en travers du chemin des personnages. Et c’est bien cette force dans le récit et dans les images que l’on a retrouvée plus récemment dans « Une Séparation ». Comme il est troublant d’ailleurs de ne pouvoir distinguer clairement le Bien du Mal.
Les grosses productions ne nous y préparent bien souvent pas. Elles préfèrent nous mâcher la réflexion, ériger des positions nettes et franches, de peur que le spectateur ne se trompe dans son jugement. Ne commette une erreur d’appréciation. Ne se range du mauvais côté.
Mais dans « Les Enfants de Belle Ville », comme dans « Une Séparation », pas de manichéisme simplificateur.
Mention spéciale
Et quitte à rapprocher « Les Enfants de Belle Ville » des autres longs métrages d’Asghar Farhadi, il me paraît nécessaire de mentionner l’excellente prestation de Taraneh Allidousti (Firoozeh). La jeune actrice iranienne s’était fait connaître du public français par son rôle d’Elly dans « A Propos d’Elly » du même réalisateur, sorti en 2009 dans les salles obscures. Elle interprète également Rouhi dans « La Fête du Feu » (toujours du même réalisateur). Dans « Les Enfants de Belle Ville », Firoozeh incarne un certaine image de la femme iranienne. Une éclaircie brille au loin dans sa condition de femme, mais un poids des traditions et de la société parfois l’écrase et la blesse.
Seul bémol, car il en faut un … le dénouement …
Je vous laisse juge !
Prochain rendez-vous pour Asghar Farhadi à l’automne prochain. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas Téhéran, mais la France qui accueillera le tournage de son nouveau film, un « thriller social » selon son producteur français Memento Films. Dans les rôles principaux : Tahar Rahim -à l’actualité chargée en cet été 2012- et Marion Cotillard.
A suivre donc …
Titre original : , شهر زیبا Shahr-e ziba Titre français : Les enfants de Belle Ville Réalisation : Asghar Farhadi Pays d’origine : Iran Durée : 1h41 Sortie en Iran : 2004 Sortie en France : 11 juillet 2012
Distribution :
Taraneh Allidousti : Firoozeh
Babak Ansari : Ala
Faramarz Gharibian : Rahmati Abolqasem
Hossein Farzi-Zadeh : Akbar
Ahu Kheradmand : la femme de M. Abolqasem
Farhad Ghaiemian : Ghafouri : le propriétaire du kiosque
Ken Loach – La part des anges : « Ta mère en kilt »
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… Quand la jeunesse turbulente de Glasgow part à la rencontre de la noblesse fortunée des Highlands !
Dans son dernier film, le cinéaste britannique nous emmène dans les quartiers défavorisés de Glasgow.
Comme bien souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, les personnages qu’il nous fait rencontrer subissent de plein fouet les affres de la vie : chômage et délinquance côtoient les environnements familiaux chaotiques et s’unissent pour faire disparaître toute trace d’espoir dans le quotidien de leurs victimes.
C’est parmi ces naufragés, bien souvent repris de justice, que se rencontrent Robbie (Paul Brannigan), Albert (Gart Maitland), Rhino (William Ruane) et Mo (Jasmin Riggins). Condamnés à servir l’intérêt général pour leur éviter le supplice des prisons, ils vont se lier d’amitié. Et c’est à l’occasion de la visite d’une distillerie organisée par Harry (John Henshaw), le surveillant de la bande, que Robbie va découvrir la puissance de son goût et de son odorat.
Le whisky, cause de tant de désespoir dans leurs familles respectives, va alors se révéler être son unique source d’espoir. Ironie de l’histoire sans doute … Le whisky et ses saveurs, véritable reflet de la condition humaine : âcre, tourbé, à l’image des héros du film; ou au contraire céréale, fruité, comme le quotidien des richissimes amateurs de malt des Highlands. Le whisky et sa fabrication, métaphore de la vie et de ses épreuves. Le whisky tire profit de chaque fissure, chaque imperfection et chaque brèche présentes dans les alambics qu’il traverse. Sans cette histoire qui lui est propre, il perdrait à jamais sa saveur et son authenticité.
Cette vie qui s’acharne, sans pour autant que la caméra de Ken Loach ne tombe dans le misérabilisme si tentant.
Car c’est encore une fois l’authenticité qui triomphe dans ce nouveau film du Britannique.
Il n’est pas question pour Robbie, Albert, Rhino ou Mo de céder, de se laisser emporter par le courant de la violence sociale.
Là où tant d’autres auraient sans doute baissé les bras, abandonné la lutte, la « Dream Team » de nos jeunes héros ne plie pas les genoux. Elle se tient prête à affronter son destin.
Et quelle preuve plus évidente de cette dignité intacte, de cette détermination sans faille, que l’humour « so british » présent tout au long du film.
Comme souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, cette légèreté constitue une échappatoire précieuse à la gravité des lendemains de ses personnages.
Au-delà de l’humour et de l’ironie, c’est toute la palette de sentiments que déploie le réalisateur dans « La part des anges », et ce comme rarement il en avait eu l’occasion.
Larmes de rire, larmes de désespoir.
Fou rire, violence folle.
Espoir, fatalité.
La vie.
Rien que ça.
Le Jury du dernier festival de Cannes ne s’y est pas trompé en attribuant au film son prix 2012.
Pour tous ceux qui, au son de « Ken Loach » se disent : « Ah non, pas encore un film d’art et d’essai chiant à mourir » … Essayez quand même. On ne sait jamais. Une bonne surprise est si vite arrivée !
Titre original : The Angels’ Share Réalisateur : Ken Loach
Acteurs :
Robbie : Paul Brannigan
Harry : John Henshaw
Albert : Gary Maitland
Nikki : Siobhan Reilly
Rhino : William Ruane
Mo : Jasmin Riggins
Thaddeus : Roger Allam
Producteur : Rebecca O’Brien Scénariste : Paul Laverty
Trans-porcs en commun – Les femmes du bus 678
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Amateurs de comédie et/ou de films d’action, vous pouvez passer votre chemin … Après un billet consacré aux Hommes et à leurs combats, en voici un en hommage au combat de Femmes.
Le nouveau film de Mohamed Diab impressionne par les explosions (de rage), la violence (de la société) et les pieds de nez (au destin).
Coincés dans le RER, le métro, le train tous les matins, tous les soirs, vous jurez, vous pestez, vous vociférez.
Pourtant ce pourrait être bien pire. Et sans issue.
Ajoutez à la puanteur, à la moiteur, au confinement, une dose de terreur et d’angoisse.
Vous commencez à percevoir ce que vivent ces femmes tous les jours au moment de monter dans un bus.
Ces bus toujours bondés. Prétextes à toutes les fantaisies de la part des hommes.
Malheur à celle qui osera se plaindre, lever les yeux sur son agresseur.
Car, malgré ce qu’en disait encore la loi égyptienne, on est bien là en train de parler d’agressions. Agression sexuelle. Agression morale.
« Les femmes du bus 678 » est l’histoire de trois femmes meurtries.
Meurtries, mais qui vont oser se faire entendre et agir.
Trois remarquables interprètes (Nahed El Sebaï, Bushra Rozza et Nelly Karim) pour trois personnages que tout sépare (classe sociale, rapport à la religion, contexte familial et personnel, profession, …).
Ces contrastes servent d’autant plus le film et le message qu’il souhaite faire passer, qu’ils démontrent (si besoin en était) qu’il s’agit là d’un combat universel, qui doit se concevoir à l’échelle d’une société toute entière.
Mohamed Diab trouve les mots justes pour laisser percer la lueur d’espoir tout au long du film.
Cette lueur que ne vont pas arrêter de suivre Fayza, Nelly et Seba.
Cette lueur menacée aujourd’hui encore.
Réalisation et scénario : Mohamed Diab
Montage : Amr Salah el-Din
Musique : Hany Adel
Distribution :
Boushra : Fayza
Nelly Karim : Seba
Nahed el-Sebai : Nelly
Maged El Kedwany : Essam
Omar el-Saeed : Omar, le petit ami de Nelly
Basem el-Samra : Adel
Ahmed El Feshawy : Sherif, le mari de Seba
Sawsan Badr : la mère de Nelly
Yara Goubran : Amina, une collègue de Fayza
Marwa Mahran : Magda, la femme de l’inspecteur
Motaz El Demerdash : lui-même
Des hommes. Ils n’étaient pourtant que des hommes.
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Tout commence dans une fête de village.
Un après-midi pluvieux, des hommes et des femmes comme les autres, réunis dans une salle
des fêtes pour l’anniversaire d’une des leurs. Des hommes comme les autres. Des hommes.
Un cadeau, un beau cadeau, sans doute le plus beau des cadeaux de l’après-midi.
Mais au-delà d’un cadeau à une soeur, la broche en or est prétexte à une folle dispute.
Empoignades avec le passé, coups de poing dans les souvenirs et coups de tête dans les fiertés.
Personne ne se sortira tout à fait indemne de cette bataille contre le passé.
Car personne n’était sorti indemne de cette bataille, dans le passé.
On ne trompe pas le passé.
Bernard, Rabut, Février et les autres pourront en témoigner.
Eux qui sont partis défendre leur pays, n’ont pas pu défendre leur âme.
Jetée en pâture dans la violence ordinaire de l’époque.
Cette violence s’est immiscée dans leurs pores. Dans leurs peurs.
Dans son septième livre, Laurent Mauvignier nous abandonne à notre histoire nationale, aux zones d’ombre qui la ponctuent. Et nous bouleverse(nt).
L’ambiance est étouffante, l’aridité du texte pour témoigner de celle du climat, des rapports inhumains, des rapports humains.
Car après tout, ce n’était que des hommes. Des hommes comme les autres. Des hommes.
Des hommes, Laurent Mauvignier, Les Editions de Minuit Prix Millepages 2009 Prix Initiales 2010 Prix des Libraires 2010
Et ce qui est vrai, c’est que les gars ne trouvent pas le sommeil, ou que le sommeil vient très tard dans la nuit.
Et lorsqu’on entend que certains s’agitent dans leur lit, et se tournent, se retournent, on ne fait plus de blagues salaces, on ne fait pas allusion aux femmes ; on entend seulement le silence et parfois la voix furieuse et excédée de l’un ou l’autre qui gueule pour qu’on ne bouge plus, qu’on cesse ce bordel,
Arrêtez ce bordel !
Et alors dans la nuit les corps se figent, chacun dans son lit, et on sait que pour beaucoup la respiration reste presque bloquée et le coeur près de craquer, on entend presque l’envie de hurler qui les étouffe.
Et là, avait raconté Février, je ne sais pas comment on pourrait dire la peur qu’on a lorsqu’on avance en silence, le corps en angle, les jambes fléchies, le fusil à la main, presque à croupetons – je veux dire, à ce moment-là d’ouvrir la route vers le poste, les quelque mètres comme ça, tous les cinq, moi devant, suivi de Bernard, et puis les trois autres à l’arrière – tellement peur qu’on finit un moment par ne plus y penser du tout, ni à la peur ni à rien. On ne sait même pas pourquoi on y va. Et alors on s’agrippe à son arme et on court. Tête basse on court, on avance dans cette position ridicule de crabe ou quoi, pour se faire petit et discret. Et le plus dur c’est de ne pas crier.
S. Tesson – Dans les forêts de Sibérie – La ponctuation d’un voyage
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La Sibérie : une page blanche. L’homme : un stylo qui s’avance vers cette page blanche.
Il y trouve refuge le temps d’écrire un journal.
De remplir une page blanche. Puis une deuxième. Puis un feuillet.
Et enfin un livre.
Dans ce livre, il est souvent affaire de lecture. De lecture et d’écriture.
Parfois de paroles également.
Comme des mots venant couvrir la page blanche qui se dévoile avec le lever du soleil.
Il est question de silence. Souvent. Longtemps.
Silence de mort. Silence de vie.
Silence de peur. Silence de confiance.
Comme une série de points, suspendus sur une même ligne.
Pas de bruit, pas d’interligne.
Pas de mouvement, pas de mots.
Il est question de vodka.
La vodka qui réchauffe le coeur des hommes. Leur donne la force de combattre le froid sibérien.
La vodka qui réunit les hommes. Donne du ton et de la vigueur à leurs discussions.
La vodka qui ennivre les esprits. Laisse la place aux rêves, à l’imaginaire.
La vodka, sorte de point d’exclamation, venant ponctuer comme une saute d’humeur des journées parfois trop calmes. Parfois trop longues.
Il est question d’espace. D’immensité. D’aventures.
Toutes les aventures de l’auteur sont autant de phrases qu’il entame, qu’il ponctue de ses rencontres, de ses passions et de ses extases.
Il est question d’animaux.
Des animaux auxquels l’auteur est profondément lié. Parfois davantage qu’aux hommes qu’il croise sur son chemin.
Ce n’est qu’avec les animaux qu’on sent les guillemets de son âme et de son coeur s’ouvrir et laisser place à un flot de sentiments qu’il se refuse auprès de ses congénères.
Et quand ces guillements se referment, quand se termine l’aventure au bord du lac Baïkal, c’est le livre que l’on referme. Il est alors temps de tourner la page de la Sibérie.
Et pour illustrer ce voyage, Stef nous propose une sélection de citations tirées du livre (NDLR : la pagination est valable pour l’édition Gallimard) :
– « En descendant du camion, nous avons regardé cette splendeur en silence puis il m’a dit en touchant sa tempe « Ici, c’est un magnifique endroit pour se suicider« » p. 27
– « Le romain bâtissait pour mille ans. Pour les russes il s’agit de passer l’hiver » p. 31
– « J’ai atteint le débarcadère de ma vie. Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure » p.36
– « Le mauvais goût est le dénominateur commun de l’humanité » p. 30
– Et enfin, cette phrase qui résume parfaitement bien le livre selon Stef (et je plussoie complètement en son sens) :
« Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu’un à qui l’expliquer » p. 146
Sylvain Tesson Dans les Forêts de Sibérie
Editions Gallimard, collection Blanche
Prix Médicis Essai 2011
http://www.gallimard.fr/rentreelitteraire/SylvainTesson.htm
Pour lui, de Andreas Dresen
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Là où « La Guerre est déclarée » nous parlait d’espoir, « Pour lui » nous protège contre le désespoir. Le désespoir dans lequel tomberait naturellement une famille devant une telle situation.
Mais dans le cas de la famille Lange, c’est un peu différent.
Frank, marié à Simone, et père de deux enfants (Mika et Lili), est diagnostiqué d’un glioblastome alors qu’il entre dans la quarantaine.
A partir de là, chaque heure qui va passer, chaque jour, chaque mois, sera vécu intensément.
Pour Frank, il n’est pas question de vivre chaque jour comme le dernier, mais bien de vivre ses derniers jours.
S’ensuivent alors démence, dégradation rapide de sa condition physique et de ses capacités mentales.
Mais la vie est toujours là.
De tous ces moments tragiques, Frank, Simone, Lili et Mika vont faire surgir l’étincelle de la vie.
La coupe punk jamais osée …
La cuite avec sa belle-mère …
La vie est là.
Qui chasse pour des moments précieux cet odieux personnage qui s’est invité dans le foyer des Lange … La tumeur de Frank.
Il n’est pas question d’espoir dans ce film.
Mais de jeu, de tromperie avec le désespoir.
Sensibilité.
Pudeur.
Honnêteté.
Un documentaire n’aurait sans doute pas trouvé le ton plus juste.
Alors aussi paradoxal que cela puisse paraître :
Ce film est réussi, DONC, Réfléchissez bien avant d’aller le voir.
Pour lui
Titre original : Halt Auf Freier Strecke
Réalisé par : Andreas Dresen
Durée : 1h40min
Avec :
– Steffi Kühnert: Simone Lange
– Milan Peschel: Frank Lange
– Talisa Lilli Lemke: Lilly Lange
– Mika Nilson Seidel: Mika Lange
– Ursula Werner: Renate, la mère de Simone
– Marie Rosa Tietjen: la soeur de Simone
– Otto Mellies: Ernst, le père de Frank
– Christine Schorn: la mère de Frank
– Bernhard Schütz: Stefan
– Thorsten Merten: La tumeur
– Inka Friedrich: Ina Lange