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Rencontre avec J. Malkovich, Y. Landrein et L.H. Macarel – Les Liaisons Dangereuses

Lorsqu’on rencontre John Malkovich, on se demande tout d’abord comment le saluer.

Une tape sur l’épaule du metteur en scène Molièrisé de la pièce de théâtre « Good canary » ?
Un bisou esquimau à Osbourne Cox l’agent de la CIA de Burn After Reading ?
Une accolade à Athos mousquetaire du roi dans L’Homme au Masque de fer?
Un baisé russe à Valmont dans la version de Stephen Fears des Liaisons Dangereuses?
Un grand salut à la cantonade en direction de John Malkovich jouant son propre rôle dans Dans la peau de John Malkovich ?
Une petite bise au réalisateur de Dancer Upstairs ?

Et si nous commencions plutôt par une poignée de main ?
Une poignée de main ferme et directe qui laisserait entendre que l’on n’est pas des « bénis oui-oui » mais que tout de même « On aime beaucoup ce que vous faites » !?

Parce qu’avec 50 pièces de théâtre et plus de 60 films à son actif, John Malkovich est une vedette, un dinosaure de la culture, en France et à l’étranger.
Mais pas un de ceux qui traînent des casseroles embarrassantes. Plutôt un des « happy few » en orbite de notre XXIème siècle. Il a joué avec les plus grands mais toujours avec une humilité et une dérision toutes « malkoviennes » et n’a sur la conscience que sa soif insatiable de créativité.

En définitive John Malkovich est un dinosaure dont,  à l’instar de « Denver », on aimerait qu’il soit « notre ami et bien plus encore ».

Et autant dire que l’on n’en mène pas large quand le dinosaure entre dans le foyer du théâtre de l’Atelier, où a lieu la rencontre avec les quelques blogueurs retenus.
Les discussions se font plus silencieuses, les postures se figent, les sourires s’esquissent … et les chuchotements peuvent commencer. Et puis très rapidement, l’atmosphère se détend.
Le metteur en scène s’installe à un tabouret, entame un premier verre de vin et commence à se prêter aux interviews.
Tout simplement.
En français.
En prenant le temps de répondre à chacune des questions posées.
En prenant le temps de discuter avec chacun.
En prenant le temps de remercier chacun de l’intérêt dont il fait l’objet.
Une file se met en place pour aller poser les quelques questions pensées, préparées, pesées des jours durant …
Essayer d’être original, ne pas commettre d’impair, ne pas lui demander son plus grand moment de cinéma, son meilleur souvenir de tournage, son meilleur film …
Eviter l’attendu … « Bonsoir Monsieur de Valmont » !
Et puis, le moment arrive … Plus personne devant nous … C’est là que l’on comprend ce qu’il nous arrive. Il est temps de la jouer faussement détendu, et de démarrer l’interview tant attendue.

Cela ne vous démangeait pas de reprendre le rôle de Valmont ?
Oh non, cette fois je m’occupe de la mise en scène!
De plus le rôle de Valmont occupe certes une grande place dans la pièce mais ce n’est pas tout, il y a tous les autres personnages et l’histoire surtout, ainsi que tous les éléments techniques.

Selon vous, les valeurs qui sont dénoncées par le couple Merteuil – Valmont sont-elles toujours d’actualité aujourd’hui en 2012 ?
Les valeurs oui, la religion certainement pas en France mais ailleurs, oui !
Aux Etats-Unis par exemple la religion est plus forte.

Comment concevez-vous la création théâtrale dans notre société moderne ?
Y a-t-il de nouveaux « grands classiques » qui pourraient émerger parmi nos auteurs contemporains ?
Les « grands classiques » sont devenus des classiques pour de bonnes raisons. Ils sont très beaux ! Je ne sais pas si l’on peut dire qu’il y a véritablement de grands écrivains de théâtre français depuis quelques siècles.
Des « ok », des biens, des intéressants, il y en a eu mais des grands non.
Depuis Molière, non.
Intéressant c’est sûr, mais si l’on compare avec l’Angleterre et l’Allemagne, non.
Je ne peux même pas en citer un seul.

Alors pas de confidence sur une éventuelle adaptation à venir au cinéma ou au théâtre d’une œuvre française ?
Oh non, je n’ai pas dit ça, je ne parle pas des écrivains, mais des auteurs de théâtre.
Les auteurs de théâtre sont certes bons, mais il y a sans doute une raison s’ils sont si rarement joués mondialement.
Jean Genet oui, Ionesco qui n’était pas français mais qui vivait là, Beckett qui a écrit en français, eux m’intéressent beaucoup mais tout ça remonte déjà à 40 ou 50 ans.
Tout cela m’amène à vous dire que finalement les grandes pièces ne vont jamais disparaître.

Et même avec les tablettes, e-books et autres smartphones, vous prédisez à ces pièces encore un long avenir ?
Votre génération écrit beaucoup plus que la mienne.
Quel est le problème ? La technologie et tout ça ? Ça m’est égal.
Moi par exemple j’écris 20 fois plus qu’il y a 20 ans.
Non, toute cette technologie, ça n’est pas du tout une mauvaise nouvelle.

D’où vous vient cet amour pour les français et pour la langue de Molière ?
Oh Molière ! C’est surtout que j’ai une maison ici depuis très longtemps.
C’est une longue histoire d’amour avec la France !

 

Et voilà …
Viennent ensuite le tour de Yannick Landrein (Monsieur de Valmont) et Lazare Herson Macarel (Azolan).

 

Bon je sais on a déjà du vous la faire mais qu’est-ce que ça fait de passer après John Malkovich ?
Yannick Landrein : Rien du tout, c’est facile…. Rires
Non au début c’est assez impressionnant et puisque tout le monde pose la question cela m’a renforcé dans l’idée que c’était quand même un truc énorme.  Mais au bout du compte John est quelqu’un de très humble et de très modeste et il n’a jamais ramené son expérience professionnelle en me disant « Moi quand je l’ai joué je l’ai fait comme ça ». Il a toujours beaucoup composé à partir de ce qu’on proposait et de la compréhension universelle du texte. Il n’a jamais cherché à me montrer comment il fallait jouer Valmont, nous avons simplement cherché ensemble à savoir comment l’interpréter le mieux possible à partir du texte de base. Il s’est comporté comme un metteur en scène et pas comme un passeur et il ne m’a jamais dit « Allez !! Y a une grosse charge sur toi… ». Au contraire il a toujours cherché à me simplifier la vie.

Quelle est la part d’improvisation car la mise en scène  est atypique ?
Y.L. : Ce n’est pas un texte classique puisque l’interprétation théâtrale a déjà trois ans je crois. Le livre est classique mais l’adaptation est contemporaine et faite en tentative de langue ancienne, en vieux français.
John est un metteur en scène contemporain, il a un univers particulier et qui est un peu déjanté, il aime bien le… comment dit-il déjà, le « fatras ». Il aime bien quand c’est drôle, quand c’est con, quand c’est décalé, il adore le théâtre et il n’a pas envie de le cacher.
En toute logique l’improvisation est un des éléments sur lequel on a travaillé très très vite. Il fallait que l’on comprenne très vite le texte et ce qu’on jouait pour pouvoir avoir la liberté par la suite de s’adapter aux envies et humeurs de chacun, ce qui fait que ça laisse la pièce dans un état de vivant enfin beaucoup plus vivant que ce que l’on peut voir dans d’autres pièces plus classiques.

Lazare Herson Macarel : Ce qui fait qu’on a dû, petit à petit, se faire à l’idée que l’on faisait du théâtre et qu’on montrait du théâtre en train de se faire : comme une répétition.

C’est justement ce qu’on a bien aimé, à savoir un texte classique mais une interprétation un peu dérangeante.
Y.L. : John Malkovich aime bien déranger un peu les gens, il aime bien les faire sortir de l’histoire pour les faire rentrer un peu dans le théâtre.

Quel est le rôle de la tablette et des téléphones portables à part prendre des photos à la volée sous la jupe de Madame de Volanges?
Regards complices : Ah bon, t’en avais un toi de portable?
Y.L. : C’est une idée qu’a eue John avant même d’avoir choisi les comédiens il y a plus d’un an et demi.
Il est vrai qu’au début on nous avait dit que nous allions beaucoup téléphoner, que l’on écrirait beaucoup de lettres et qu’il y aurait des écrans derrière nous avec les messages qu’on enverrait et il s’est avéré que dans le travail on a un peu oublié cet aspect conceptuel et c’est devenu une anecdote.
Aujourd’hui on communique par ces moyens-là : l’ordinateur, les sms, le téléphone donc on ne va pas faire comme si on ne le faisait pas mais ça n’est pas l’idée principale. Le centre de tout c’est vraiment le théâtre et pas le téléphone portable.

Une dernière question : Pensez-vous finir entiers toutes les représentations ? Qui a déjà des bleus …
Y.L. : On en a tous un peu mais c’est normal et on est tous très bienveillants les uns vis-à-vis des autres !

Une soirée toute en simplicité, en puissance et en émotions que Pierre & Stef ne sont pas près d’oublier.
Pour rappel, toutes les informations sur la pièce :

Un court billet rédigé par Stef & Pierre qui ont assisté à la Générale pour Arkult

Les Liaisons dangereuses ,Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin (XVIIIe). Tél: 01 46 06 49 24. Horaires: 20 h du mar.  au sam., mat. sam. et dim. 16 h. Places: de 10 à 38 €. Durée: 1  h  55. Jusqu’en mai.
Twitter :@LesLiaisonsD
Facebook : la page fan
Distribution :
Mise en scène: John Malkovich
Équipe technique:
décor : Pierre-François Limbosch
costumes : Mina Ly
lumières : Christophe Grelié
musique : Nicolas Errèra
maître d’armes : François Rostain
Avec: Sophie Barjac, Jina Djemba, Rosa Bursztejn, Lazare Herson-Macarel, Mabô Kouyaté, Yannik Landrein, Pauline Moulène, Julie Moulier, Lola Naymark.

 




Quand Valmont s’attaque aux Liaisons Dangereuses …

Une invitation pour une Générale des Liaisons Dangereuses, ça ne se refuse pas me direz-vous … John Malkovich à la mise en scène qui plus est. Et frappée du sceau du théâtre de l’Atelier pour couronner le tout. Il faudrait être timbré pour dire non à une telle soirée.
Et pourtant, le doute est là, tapi dans un coin de notre esprit : comment faire oublier au spectateur le film de Stephen Frears et ses interprètes légendaires ? Quelle création envisager et quelle originalité apporter ?
Mais voilà, c’est sans compter le talent créatif de John Malkovich. Et dès les premières répliques, on se trouve bien plongé dans d’autres Liaisons Dangereuses, plus modernes, plus décalées, mais tout aussi puissantes.

Le thème des Liaisons Dangereuses avec ses personnages emblématiques a été traité par Les Inconnus et d’illustres réalisateurs, au théâtre, sur grand/petit écran et même sous forme de comédie musicale. Mais, aujourd’hui en 2012 …
  • L’introduction des tablettes et des téléphones portables ne dénature-t-elle pas le caractère épistolaire de l’oeuvre originale ?
  • La version portée par John Malkovich sort-elle du lot ?
  • Est-il possible de retranscrire au théâtre la complexité mystique des personnages de Choderlos De Laclos déclinée dans une œuvre de 500 pages ?
  • Pourquoi le duo Valmont-Merteuil fascine-t-il encore et toujours?


Acte 1

La pièce s’ouvre avec un rideau métallique brinquebalant sur un acte sobre, un peu lent à se mettre en place. On y retrouve les lettres que l’on connaît bien et petit à petit on entre dans le monde de l’énigmatique et flegmatique Malkovich. Les rouages de la machine infernale des Liaisons Dangereuses nous semblent soudain plus visibles, plus purs. Le texte, lui, est toujours aussi fort.Pourtant ce n’est pas le texte qui porte les jeunes interprètes, c’est plutôt eux qui le portent et qui se l’approprient avec une fraîcheur de ton saisissante. Tablettes et téléphones portables côtoient vieux français, robes « crinolinesques » et redingotes de style. Et pourtant ça ne sonne pas faux.Ces appareils technologiques devenus banals dans notre quotidien s’introduisent avec un naturel déconcertant dans le XVIIIème siècle originel du texte. On aurait même pu s’attendre et souhaiter qu’ils soient plus présents. Les smartphones notamment permettent un second degré qui restitue parfaitement le caractère libertin et joueur de Valmont, sans éclipser les méandres de l’intrigue et le poids de l’écrit.

Acte 2
Après l’entracte dans le chaleureux foyer du Théâtre de l’Atelier, c’est une autre dimension des Liaisons Dangereuses qui nous est comptée. Finies la frivolité et la comédie, « bas les masques » : voici venu le temps du drame mais toujours avec une mise en scène un peu décalée.Il y a plus de mouvements, les costumes changent, le décor bouge, les jeux de lumière se font omniprésents, contrastant férocement avec le premier acte.
C’est une fracture sauvage par rapport au théâtre classique. Les fauves sont lâchés, les acteurs sautent ou agonisent et se démènent dans un excès libératoire.Valmont et Danceny se battent à l’épée avec force fougue et renfort de ketchup. En somme, l’interprète de Saint-Pierre dans la série de publicités fortes de café est ici un bon berger, notre Noé qui nous embarque tous à bord de son arche. Le final très émouvant des acteurs sur un large plébiscite de l’audience en est témoin.

La mise en scène
Le décor, ou l’absence de celui-ci est assez déstabilisante, surtout dans le premier acte.
Les acteurs sont tous sur scène.
Tout le temps.
Tous les 9.
Assis sur des chaises contemporaines et dépareillées à se désaltérer et picorer des des clémentines.
On se sent comme à une répétition dans l’intimité de la troupe.Les costumes sont dessinés par John Malokivch, revêtant ici sa casquette de dandy styliste. Ils sont ancrés dans le passé mais bel et bien dans le présent car il y a fort à parier que la Comtesse de Merteuil ne portait pas de pantalons et que Valmont ne traînait pas son spleen dans un jeans.
Astucieuse éloge des corps, ils sont évolutifs et résolument aux services de l’évolution du caractère des personnages. Si « l’amour est enfant de bohème »*, alors on aime cette pièce bohème chic qui parle d’amour et de stratagèmes sans que le bon Choderlos ne se retourne dans sa tombe.

Les acteurs
Une histoire, des décors, une mise en scène. Oui, certes. Mais sans acteurs valables, avouez que ça sonnerait un peu creux.

Autant dire que M. John n’a pas ménagé ses efforts pour le casting … Ce n’est pas moins de 300 prétendants qui ont défilé devant la directrice de casting, puis une soixantaine devant le metteur en scène en personne. Plusieurs mois d’essais pour parfaire le choix final.
Et le résultat est là.

Yannik Landrein en Vicomte de Valmont face à Julie Moulier en Madame de Merteuil. L’humour pince-sans-rire et la légèreté de caractère face à la perversité manipulatrice et la rancoeur amoureuse.
L’étonnante maturité des comédiens, âgés de moins de 30 ans pour la plupart, contribue à déstabiliser le spectateur. Notre société moderne voit en effet les mariages devenir de plus en plus tardifs, et la maturité sentimentale reconnue une fois la quarantaine passée.

La pièce nous plonge dans un entremêlement entre figures parfois tout juste sorties de l’adolescence, digital natives armés de tablettes et smartphones, et jeunes adultes soumis aux impératifs familiaux et maritaux en vigueur au XVIIIème siècle.
Entre les deux époques … nos coeurs balancent encore !


Une nouvelle mise en scène peut-être, mais les Liaisons n’en sont pas devenues moins Dangereuses. La modernité et l’immédiateté ajoutent à la violence des mots, l’immédiateté de leurs conséquences.

De subtiles touches de technologie, un savant saupoudrage d’inattendu, de décalé, parfois même d’absurde. La recette que nous présente John Malkovich sur la scène du théâtre de l’Atelier est savoureuse. Avec pour brigade, des talents jeunes et moins jeunes, reconnus ou en passe de l’être dans les jours à venir.
Alors, n’hésitez pas, succombez à la tentation, et goûtez aux fruits défendus des Liaisons Dangereuses !
 
 
Les Liaisons dangereuses ,Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin (XVIIIe). Tél: 01 46 06 49 24. Horaires: 20 h du mar.  au sam., mat. sam. et dim. 16 h. Places: de 10 à 38 €. Durée: 1  h  55. Jusqu’en mai.
Twitter :@LesLiaisonsD
Facebookla page fan
Distribution :
Mise en scène: John Malkovich
Équipe technique:
décor : Pierre-François Limbosch
costumes : Mina Ly
lumières : Christophe Grelié
musique : Nicolas Errèra
maître d’armes : François Rostain
Avec: Sophie Barjac, Jina Djemba, Rosa Bursztejn, Lazare Herson-Macarel, Mabô Kouyaté, Yannik Landrein, Pauline Moulène, Julie Moulier, Lola Naymark.

Note * « L’amour est enfant de bohème »  : Georges Bizet Carmen



Breaking Bad – Une série … stupéfiante !


A l’annonce de son cancer, Walter White (Bryan Cranston), bon père de famille américain, aurait pu décider d’attendre la faucheuse les arpions en éventail ou bien de boxer les métastases à grand coup de chimio. Tout ça est bien trop ordinaire. Lui, Walter, décrète qu’il va mettre sa famille à l’abri de toute disette future en thésaurisant, sans leur dire, un beau pactole. Toujours est-il qu’avec un salaire de prof de chimie de lycée, sans perspective d’évolutions aucune, peu de risque d’engranger beaucoup de pépètes. Lorsqu’il décide de capitaliser sur la seule chose dans laquelle il est calé et qu’il aime, la chimie, alors là tout bascule. Walter White se lance dans un métier à risque avec des gens peu fréquentables, il devient « cuisiner ».

Mais il ne fait pas la tambouille dans un troquet. Il assaisonne des matières dangereuses pour concocter un plat unique : des méthamphétamines.

Petit effort de visualisation, prenez quelques instants pour vous faire une image mentale d’un alpiniste audacieux pendouillant à une falaise et ne tenant qu’à la force de son petit doigt. Vous l’avez ? Ceci est un « cliffhanger ». Le pendant dans une série est un épisode terminant sur un point crucial de l’action, sans donner de dénouement. Votre héros est donc ce grimpeur qui aurait dû avoir plus froid aux yeux, et dont vous ne connaitrez le sort que dans l’épisode suivant. Dans Breaking Bad, c’est la spirale infernale, on va de cliffhanger en cliffhanger, on se ronge les ongles et on suit chaque épisode sur le qui-vive, les yeux ronds comme des goupilles.

Si vous connaissez déjà la série, lisez sans crainte, pas de « spoilers » dans ce petit billet tout à la gloire de la série de Vince Gilligan.


L’histoire :
Un homme cachant quelque chose à sa femme, ça peut être l’objet d’un bon vaudeville. Mais un homme qui cache quelque chose de notoirement illégal à sa femme, sa famille,  ses amis, cela fait une excellente série dramatique. Un Satellite Award, a d’ailleurs consacré Breaking Bad comme la Meilleure série dramatique en 2010.

Walter  White (Bryan Cranston) fait le choix de cuisiner des métamphétamines pour laisser  un magot coquet à sa femme Skyler (Anna Gunn) et son fils handicapé (RJ Mitte).

« Mais que diable allait-il faire dans cette galère » * ?  Walter s’élance dans un guêpier dans lequel sa célérité sera mise à mal et qui partira en cacahouète, à toute berzingue.

La principale source de rebondissements viendra, comme on pouvait le pressentir, des partenaires qu’un tel gagne-pain implique. Le hasard placera sur la route de Walter un de ses anciens élèves : Jesse Pinkman (Aaron Paul). Cancre, rêvasseur et médiocre apprenti chimiste, il est devenu petit trafiquant et producteur de substances illicites. Pinkman a beau avoir basculé du côté obscur il n’a pas l’envergure d’un Pablo Escobar.
Dans ses activités péri-scolaires le Professeur White s’adjoindra les services de ce Jesse Pinkman. Pinkman sera son homme à tout faire et commis de cuisine dans la préparation de cette fameuse drogue synthétique.

Les deux cuistos gagnent du terrain, petit à petit avec leurs rondelettes cargaisons de préparation maison. Les épisodes sont très bien ciselés, chacun d’eux fait avancer l’aventure mais initie et clôture aussi des intrigues courtes. Les épisodes sont oppressants et palpitants. Les coups de théâtres pleuvent sans qu’on ait rien flairé, rien à voir donc avec Master Chef.

Chaque épisode est construit d’une manière originale et troublante. La recette est la suivante : les premiers instants dévoilent de manière extrêmement stylisée et intrigante un élément dans le futur (ou parfois dans le passé) de la série. Il s’agit d’un point hyper focalisé et esthétique, et par conséquent perturbant. Posé en ouverture d’épisode il résonne comme un rébus mystérieux ou une mise en bouche corsée.

Cette pratique n’est pas sans rappeler le système du cliché noir et blanc présentant un élément dans le futur, instauré dans la série NCIS de Donald Paul Bellisario. Celle-ci avait pourtant un but tout autre puisqu’il s’agissait de tenir le téléspectateur en haleine alors que l’épisode était entrecoupé de pages de pub, nombreuses aux Etats-Unis et Canada.

Mais revenons à nos deux gargotiers.
Dans Breaking Bad, le générique enfumé et psychédélico-chimique instaure un rythme lent et pesant au son cadencé de tambours et percussions. Les épisodes qui débutent à sa suite se déroulent toujours sous un œil artistique. Les points de vue sont ceux des deux acteurs principaux mais la caméra passe aussi du côté, si étrange que cela puisse paraître, de leur concoction. Les plans sont brillamment enchaînés et le panel de personnages assure une dynamique décisive dans l’addiction du spectateur.
Au cours de l’épisode, ou parfois dans un épisode suivant, l’énigme introductive trouve son explication et nous laisse volontiers les 4 fers en l’air.




Le ton :
Vince Gilligan reconnu mondialement pour avoir signé et réalisé de nombreux épisodes de « X-Files : Aux Frontières du réel », change ici radicalement de registre et ne conserve que le suspens pour cette série dramatique diffusée par la chaine américaine AMC. Le pitch est aussi simple qu’efficace, on pourrait ainsi sous-titrer la série : Breaking Bad, Où quand un père de famille modèle bascule dans le trafic de drogue.

La première saison est un apéritif savoureux. L’épisode introductif est explosif, il laisse sur le carreau, interloqué. La saison se résumerait ainsi : Si l’effet papillon se définit par des petites causes qui engendrent de grandes conséquence alors à grandes causes… d’autant plus terribles répercussions. La mayonnaise prend bien mais c’est une mise en bouche.
La saison deux se révèle être une entrée bien relevée. Haletante avec une progressive montée en grade de la tension. Les blancs montent en neige et divinement.
La troisième saison un plat de résistance costaud avec une intrigue délicieusement carabinée. Un bon sac de nœuds et de rebondissements.

La quatrième saison : le dessert bien sûr. Mais ça n’est surement pas un petit dessert léger. Il s’agirait d’avantage d’une pièce montée à plusieurs étages qui tiennent en équilibre de façon très précaire… On entre avec cette saison dans une autre dimension : celle des fins gourmets de séries à suspens.

Les 4 saisons disponibles à ce jour, s’inscrivent dans la continuité les unes des autres mais avec une escalade crescendo du suspens et de la complexité de la situation. L’american dream a du plomb dans l’aile, encore une série qui n’est pas tendre avec les United States of America. Les personnages récurrents évoluent, des petits nouveaux viennent se mêler à l’équipe initiale surtout dans la galerie des « bad guys ».

Contrairement à certaines séries qui s’essoufflent au fur et à mesure et qui ont du mal à se renouveler (Desperate Housewives en tête), Breaking Bad ne perd pas le rythme, il n’y a bien que le téléspectateur angoissé qui a du mal à respirer.


Le personnage principal :


Walter White est un personnage ambigu et surprenant. Au fil des épisodes on suit sa transformation physique et psychologique. Viril, pugnace, forcené et à la fois désespéré son comportement ne manquera pas de vous estomaquer.
Bestial, animal ou familial, Bryan Cranston est phénoménal dans Breaking Bad. Aujourd’hui quinqua pêchu, cet acteur américain s’était fait connaître dans un autre rôle de père de famille : celui de Hal dans la série Malcom créée par Linwood Boomer.
Bryan Cranston y était rocambolesque en papa inconscient, dépassé et farfelu.

Il était cocasse en boss raté, acariâtre et autoritariste dans How I met Your Mother.
La critique ne s’y est pas trompée, il triomphe en roi des méthamphétamines. Il a ainsi obtenu trois Emmy Award consécutifs de Meilleur acteur dans une série dramatique en 2008, 2009 et 2010.


Le second rôle :
Apparu dans de très nombreuses séries depuis 1999, la carrière d’Aaron Paul n’a pas vraiment décollé mais il y a fort à parier que son Emmy Award et son Saturn Award de Meilleur acteur dans un second rôle dans une série dramatique reçus en 2010, changeront la donne.

Aaron Paul est Jesse Pinkman. Partner de Walter White, il est finalement moins à sa place face aux gros durs que son acolyte. L’habit ne fait pas le moine. Cea n’est pas parce qu’il porte un vieux baggy, qu’il est tatoué des quatre membres et qu’il donne des airs à un certain Eminem que c’est un « bad ass », un vrai méchant quoi. Il est purement et simplement candide, inapte et irresponsable. Il s’invente un personnage faussement venu des bas-fonds mais n’a ni le passé, ni les épaules. En situation de crise, et Dieu sait qu’ils en affronteront de nombreuses, il implose, il déconnecte, il flippe. C’est donc un fardeau, un empêcheur de tourner en rond, un « boulet » extra, un poil à gratter lancinant dans le dos de Walter White. Plutôt lavette que body buildé. Plutôt pommé que méchant.

Sans le sel apporté par la prestation d’Aaron Paul, l’aventure de Walter White serait, à n’en point douter, fadasse.  Walter et Jesse sont deux alpinistes encordés si Walter avance, Jesse aussi, bon gré mal gré. Si Jesse recule Walter aussi. Ils prennent des risques dans leur ascension et le précipice les guette.

Entendons nous bien, d’un côté de la corniche il y a les camés accrocs, les cartels mexicains et la mort. De l’autre : le désaveu de leurs proches, les flics, la prison, la déchéance sociale. A la limite des conventions, nos deux héros ne sont pas au bout de leur peine.


Les rôles secondaires :
Dans la fine équipe de Jesse : Skiny Pete (Charles Baker), Badger (Matt L. Jones) et Combo (Rodney Rush) ne sont pas sans rappeler les pieds nickelés. A eux quatre ils sont la quintessence de la connerie. Cahin, caha ils consomment et/ou vendent les cristaux bleutés.

Dans la famille de Walter, Dean Norris campe un beau-frère assez embarrassant : Hank Schrader. Comme les autres personnages de Vince Gilligan même s’il paraît brut de décoffrage, il est en réalité tout en nuances.  Hank c’est « l’homme de la pampa parfois rude mais toujours courtois ».  Le rôle et la présence de Hank, s’intensifient au cours des saisons. Il vient perturber la gestion déjà hasardeuse de Walter et Pinkman. A la manière des frères Morgan (Dexter et Debbie) dans la série Dexter, ils ont un sacré conflit d’intérêts dans la famille et cela vient pimenter encore un peu plus le scenario. Fricoter avec la DEA (les stups américains) n’est pas un bon calcul quand on trempe dans le trafic de drogue… c’est s’assurer des tracas à tire la rigot!

Enfin, qui entre dans le monde des affaires aux Etats-Unis aura besoin d’un bon avocat : Saul Goodman (Bob Odenkirk), qui apparaît dès la saison 2, libidineux à souhait, macho et engraissé au pot de vin. Un homme de très mauvais goût entouré d’enfants de cœur adorables, tueurs à gages et autres hommes de mains, tel que l’imperturbable Mike (Jonathan Banks).

Petit clin d’œil au personnage fétiche de Robert Rodríguez : Machete joué par Danny Trejo aussi connu sous les noms tranchants de Razor Charlie, Cuchillo (couteau en espagnol) ou Navajas (lames). L’acteur américain fait une apparition, courte mais sensationnelle dans la Saison 3, dans la peau d’un trafiquant mexicain du nom de Tortuga. Toujours à l’aise dans ses santiags l’amigo!

Dans le but de ne pas trop vous en dire, tous les personnages ne sont pas ici décrits mais les fans de la série s’accordent sur le fait que la prestation de Giancarlo Esposito est troublante et pimentée dans le rôle d’un personnage un  peu trop propre sur lui le gérant des fast-food « Los Pollos Hermanos ».

Est-il vraiment nécessaire d’ajouter quelque chose pour vous donner envie de gouter à Breaking Bad ?



Pour le fun :
Voici en prime trois vrai-faux sites web vu dans la série.

Liés aux événements de la Saison 2 :
– le site créé par Walter Junior pour lever des fonds pour son père http://www.savewalterwhite.com/
– le site de Saul Goodman l’avocat véreux au slogan entêtant « Better call Saul » http://www.bettercallsaul.com/

Liés aux événements de la Saison 3 et 4 :
– le site de la chaîne de resto de poulet fris de Gustavo Fring http://lospolloshermanos.jimdo.com/

Casting :
Bryan Cranston (Walter White), Aaron Paul (Jesse Pinkman), Dean Norris (Hank Schrader), Betsy Brandt (Marie Schrader), Anna Gunn (Skyler White), RJ Mitte (Walter White Junior), Bob Odenkirk (Saul Goodman), Giancarlo Esposito (Gustavo Fring), Charles Baker (Skiny Pete), Matt L. Jones (Badger), Rodney Rush (Combo) …

 

Note :

* Les Fourberies de Scapin, Molière.

 




Costard trois pièces

Quel est le point commun entre Phileas Fogg, un chevalier maladroit de la Renaissance et un tenancier de salon de coiffure ? Sacha Danino et Sebastien Azzopardi !

Trois pièces actuellement à l’affiche à Paris ont été touchées par la grâce de ces deux auteurs de théâtre. Les trois sont hilarantes, étonnantes et farfelues.

Les spectateurs de tous âges y trouveront leur bonheur !

La première, « Le tour du Monde en 80jours » est une adaptation de l’œuvre éponyme de Jules Verne et joue sa 6ème saison (1500 représentations au compteur) au Café de la Gare. Décalée, burlesque, jubilatoire, frénétique on s’amuse énormément du jeu de scène des acteurs. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est très récréatif et que ça peut plaire à un public de 7 à 77 ans selon les degrés de lecture.

La deuxième, jouée au Splendid est « Mission Florimont ». Cette pièce retrace aussi un voyage mais à une tout autre époque :  la Renaissance. Le roi de France confie à l’un de ses plus fidèles – mais pas très vaillant serviteur-, une mission. Il doit remettre au calife de Constantinople un important message. La route sera semée d’embûches… et cette histoire tout droit sortie de l’imagination de ses deux auteurs est un vrai petit bijou comique.

La troisième et dernière en date, est également la plus originale, puisqu’il s’agit d’une adaptation en français d’un grand succès populaire américain « Dernier coup de Ciseaux ». C’est le Théâtre des Mathurins qui accueille cette pièce, dont le fondement repose sur la participation du public pour élucider un meurtre. Aventure inédite !!!

La patte du duo Danino-Azzopardi ?
Du rythme, du bricolage scénique, des références humoristiques à l’actu, de la bonne humeur et des acteurs-athlètes.

Ça trotte, ça galope, ça roule, ça se dandine : le ton de ces 3 pièces est résolument ultra-enlevé, on ne peut décemment pas s’ennuyer une seconde.
Dans « Le tour du monde en 80 jours » et « Mission Florimont » avec peu d’acteurs et peu de décors, ils nous font sacrément voyager. Cela n’est pas sans rappeler l’adaptation loufdingue d’Hitchcock par Eric Metayer : « Les 39 marches », où chaque acteur interprète une palanquée de personnages. Ainsi la petite troupe enchaîne les apparitions en changeant de voix, de costumes, de religions, de sexes… provoquant des fous rires généralisés.  Zygomatiques sensibles, s’abstenir !

Pour « Dernier coup de Ciseaux » c’est un poil différent (ça varie d’un cheveu pourrait-on dire pour filer la métaphore).
Les premières minutes de la pièce posent le décor et présentent les personnages au travers d’une scène de vie du salon de coiffure. Chacun a plus ou moins un mobile et tient bien son rôle.

Mais outre le rythme, le point commun de ces pièces est qu’elles laissent la part belle au rire et à la participation des spectateurs. Participation poussée à son paroxysme, bien sûr, dans « Dernier coup de ciseaux » où l’on peut même pendant l’entracte soumettre ses questions au commissaire de Police enquêtant sur le meurtre.

Puisqu’il faudra bien commencer par en voir une des 3, alors comment choisir ?

Si vous portez un chapeau melon et/ou des bottes de cuirs. Si quand on parle jeux de société, pour vous, il n’y a que le Cluedo qui ait droit de cité. Si vous ne dormez jamais devant un épisode de Derrick et que vous connaissez toutes les répliques de Columbo. Si les livres qui ont peuplé votre enfance ne sont autres que « Le club des 5 » ou « Les 6 compagnons ». Enfin si vous rêvez que les Experts de Manhattan, de Miami ou d’ailleurs vous demandent enfin votre avis.
Oui, si vous brûlez qu’ils vous sachent bon gré d’être derrière votre télé avec du temps de cerveau disponible ? « Dernier coup de ciseaux » est pour vous. Vous pourrez participer, questionner, influencer, bref, faire de cette enquête, votre enquête. Si bien que chaque soir la disparition tragique d’une pianiste renommée et bruyante voisine d’un salon de coiffure, trouvera une issue différente.

Si de Phileas vous vous souvenez seulement qu’il est anglais et qu’il a tenté un tour du monde à la fin du XIXème siècle. Il est temps de mettre à jour votre culture générale, mais sans Fred & Jamie ! Sur scène dans un rythme endiablé, les pays et les entourloupes se succèdent. Si vous ne connaissez pas le Café de la Gare niché depuis 30 ans au cœur du Marais. Si vous n’avez jamais trépigné dans les gradins étroits qui ont vu Coluche, Elie & Dieudonné ou Eric & Ramzy faire leurs premières passes d’armes…
Alors il vous faut découvrir cet écrin dans lequel « Le tour du monde en 80jours » est devenu un mythe, une référence du théâtre comique (mais pas de boulevard) et dont le fameux Café de la Gare est le temple.

 

Si vous avez envie de vous encanailler avec les sbires de François Ier et ses rivaux, en chantant en dansant et en galopant, vous êtes au bon endroit. Plus dévergondé que Phileas, mais beaucoup moins fute-fute que Canard le coiffeur, notre Florimont de la Courneuve, qui parle un étrange patois (la langue de la cité),  donne toutefois énormément de sa personne. Ce grand bêta en collants, conquerra votre cœur et vous ne saurez rester insensible aux charmes de son acolyte, la belle Margot. Il y a des rebondissements, des « méchants », des interludes musicaux, des jeux de lumières et une trame de fond efficace. Sur scène du talent à profusion et une troupe qui s’éclate et délire dans une fantaisie canalisée, pour notre plus grand plaisir.

Avec déjà 3 succès dans leur escarcelle, nul doute que Sacha Danino et Sebastien Azzopardi, sont des auteurs à suivre. Si vous avez envie de passer un bon moment au théâtre, c’est en tout cas une valeur sûre!

 « Dernier coups de ciseau »

Théâtre des Mathurins, 36 rue des Mathurins – 75008 Paris

DU MARDI AU SAMEDI À 21H ET LE SAMEDI À 16H30

Distribution :

Pièce comique de Marilyn Abrams et Bruce Jordan,

Texte Français de Sacha Danino et Sebastien Azzopardi,

Mise en scène Sébastien Azzopardi,

Avec : Domitille Bioret, Romain Canard, Réjane Lefoul, Yan Mercoeur, Bruno Sanches et Olivier Soliveres.

 

« Le tour du Monde en 80 jours »

Café de la Gare, 1 Rue du Temple 75004 Paris

DU MERCREDI AU SAMEDI À 20H ET LE SAMEDI À 17H

Distribution :

Pièce comique de Sacha Danino et Sebastien Azzopardi,

Mise en scène Sébastien Azzopardi,

Avec : Stéphane Roux, Rodolphe Sand, Frédéric Imberty, Nicolas Tarrin, Coralie Coscas

 

« Mission Florimont »

Splendid, 48 rue faubourg Saint-Martin 75010 Paris

DU MARDI AU SAMEDI A 21H30 ET LE SAMEDI À 17H

Pièce comique de Sacha Danino et Sébastien Azzopardi

Mise en scène Sébastien Azzopardi,

Avec :

Florimont : Sébastien AZZOPARDI Ou Rodolphe SAND Ou Nicolas MARTINEZ

Margot : Aurélie KONATE

François 1er : Guillaume BOUCHEDE ou Sébastien AZZOPARDI ou Yannik MAZZILLI

Soldats : Erwan CREIGNOU ou Gilles-Vincent KAPPS ou Benoit MORET

Charles Quint : Olivier SOLIVERES ou Franck DESMEDT

 




[Si je t’attrape …] A mourir de rire !


Si je t’attrape, je te mort ! Oui, bon, encore un titre avec une faute d’orthographe. On n’en est plus à ça près avec la série des « … m’a tuer ».
Et puis, à y regarder de plus près, Les Blancs Manteaux, succès, prolongations = puce à l’oreille ! Et places au premier rang ! Oui oui, vous avez bien entendu, premier rang ! Celui où d’ordinaire, il faut prévoir le parapluie pour se protéger des attaques de particules buccales volantes, identifiées la plupart du temps.
Là, il n’en est rien. Totale maîtrise. Parfois une petite participation réclamée par les comédiens, mais vraiment rien de méchant. Autant dire, un bon premier rang !
Et c’est rassurés que nous entrons dans une heure de rire quasi continu, qu’il soit fou ou aux éclats !



Stef : Durant l’été 2010 la pièce d’Olivier Maille avait fait des débuts intimistes. Il se murmurait alors sous cape que le trio sur la scène du théâtre  « Les feux de la rampe » avait du talent et que les dialogues étaient piquants, depuis la pièce a tout simplement décollé (500 représentations à ce jour) et met le feu au théâtre des Blancs Manteaux, le jeudi, le vendredi et le samedi.

La banane, tous les spectateurs l’ont en sortant car on rit beaucoup de quiproquos en scène désopilante…

Ne dit-on pas que c’est dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes ? La trame de la pièce respecte cet adage.  Les thèmes sont universels : L’amour & la mort.

Cependant  on reste assez peu de temps dans la dimension consensuelle pour très vite s’engouffrer dans l’humour noir et juste ce qu’il faut de décalé.  Car voilà l’élément perturbateur qui pointe déjà le bout de sa faux : La mort, la vraie, en noir, celle qui est sensée foutre les jetons-les chocottes-la trouille quoi !

Si la mort pouvait m’être aussi douce …

Pierre : Qui ne rêverait pas de passer ne serait-ce que quelques minutes avec La Mort …
Juste histoire de se faire une idée.
Apprendre à connaître celle qui va nous accompagner pour le restant de notre vie … ou plutôt de notre mort.

Et là, autant dire que c’est la Mort que l’on souhaiterait rencontrer (si tant est que l’on souhaite jamais la rencontrer), celle qui serait capable de nous faire oublier qui elle est, et surtout … pourquoi elle est là !

A nous faire douter que c’est vraiment elle, qu’on doit faire erreur … Une blague douteuse, un comédien raté, une soirée déguisée, Halloween avant l’heure … Bref, les raisons seraient multiples !
Et pourtant, pour plagier le titre d’un roman de Robert Merle, « La Mort est mon métier » nous annonce-t-elle à mi-mot … La preuve en est, elle est chaussée Méphisto (merci Aldebert) !

Entre balbutiements, chansonnettes, cascades et autres bévues, le spectacle proposé par la Mort est tout bonnement magnifique ! (Coup de chapeau à Florent Chesné, en photo ci-contre)
Et oui, car c’est encore bien méconnu, mais la Mort a des mimiques !
Mais sans vivants, la Mort n’est rien … Allons faire un tour du côté de ses victimes du jour !


Stef : Chômeur, égoïste, flemmard, irritant c’est ainsi que le personnage de Franck apparait dans les premières minutes de « Si te t’attrape je te mort ». La scène introductive, dite aussi scène des Miels pops, est hilarante. En quelques phrases la situation est dressée, les spectateurs sont déridés, le décollage peut avoir lieu.

On découvre après l’entrée sur scène fracassante de la mort, que Franck a aussi des bons côtés…
A Paris le personnage est joué par Olivier Maille, comédien d’une expressivité rare faisant tout passer dans ces mimiques.
Avec une bonne présence scénique, Olivier Maille, ne se contente pas de donner la réplique à la mort, il est aussi le metteur en scène de cette pièce. Le sacré répondant de son personnage associé à une gestuelle burlesque très maîtrisée sont là pour faire monter la sauce. A ce petit jeu le tandem fonctionne très bien. Rajouté le sel apporté par le personnage de Caroline et vous aurez un trio qui carbure.


Pierre : Et autant dire que Caroline a démarré au quart de tour !
Une furie, une coloc détestable, une ex regrettée (et regrettable ?), une actrice ratée …
Bref, la femme idéale !
Et oui, on tomberait presque sous le charme (non, pas uniquement de la comédienne -Kim Schwarck ce soir là-, c’est le risque), mais de son rôle !


De la bonne humeur, de la voix, du punch ils en ont. Ils en veulent, ces djeunes. Une belle énergie sur scène à voir absolument si vous avez envie d’une pièce …
… Drôle sans être lourdingue
… Bien ficelée mais pas alambiquée
… Déconcertante d’efficacité

 

A voir à Paris, Toulouse, Montpellier en décembre
Une pièce à voir à la capitale mais aussi en province, une fois n’est pas coutume ! Alors, profitez-en, courez sur les sites de location de place, dans vos théâtres préférés, ou envoyez un gentil mail aux acteurs (résultat non garanti), et allez vite voir une représentation de « Si je t’attrape je te mort », en tournée :

  • Paris
    Théâtre des Blancs Manteaux : 15 rue des Blancs Manteaux, 75004 Paris (Métro Hôtel de Ville)
  • Toulouse
    Café théâtre Les Minimes
  • Montpellier
    Kawa Théâtre

 

 Casting
La mise en scène signée Olivier Maille fait la part belle à la répartie et à l’inattendu. Olivier est enfant du verbe mais sa carrière il l’a débutée avec un costume un peu spécial, celui d’avocat. A son actif depuis qu’il a troqué sa robe contre les planches « Quand j’étais amoureux », « Les Zexperts – Mais qui a tué le cadavre mort?»! , « J’y comprends rien! » , « Le régime se sarkophage », «Jusqu’ici tout val mal!», « Le videur du paradis ».

La Mort : Jérôme Rodrigues de Aguiar, Rui Silva ou Florent Chesné
Franck : Olivier Maille, Stéphane Szestak ou Benoît Ménager,
Caroline : Kim Schwarck, Elise Hobbé ou Mélodie Fontaine.

N.B : Ce billet est le premier du genre … Ecrit à 4 mains par Stef et Pierre … A bientôt pour d’autres billets de ce type, à 4, 6, 8, 10 mains, voire davantage encore !

 




L’open space les a tuer ou The Office

« L’enfer c’est les autres », disait Jean-Paul S. Les autres, ce sont la famille, les voisins, les amis, … les collègues. Les collègues, on les côtoie 5 jours sur 7, 230 jours par an. Ces 230 jours, une majeure partie des employés du tertiaire les passent dans un espace clos, confiné, et pas forcément rutilant : le bureau (en anglais The Office). L’enfer c’est donc le bureau. Dans The Office, série US diffusée sur NBC à partir de 2005 et coécrit par Ricky Gervais et Stephen Merchant, l’enfer est truculent. L’enfer est évidemment pavé de bonnes intentions, celles d’un directeur foncièrement foutraque.

Une peinture du petit business US, drolatique et kafkaïenne. Un parfait dédramatisant de votre propre vie au bureau!

L’histoire :

Pour le décor de ce documentaire fictif ou « mockumentary » : néon blanc, plantes synthétiques, moquette usagée et camaïeu de beiges.
L’histoire est celle d’une petite boîte de province, Dunder Mifflin et de ses employés sollicités pour participer à un documentaire. Attention, c’est loin d’être aussi assommant que cela peu paraître de prime abord… Au contraire, sans pouvoir être qualifiée de série à suspense, The Office est bourrée de rebondissements et certains des épisodes sont des pépites lumineuses. Le positionnement inattendu de la caméra rend cette série très novatrice et particulièrement fraîche. Les épisodes sont en effet courts et vifs (20min). La patte du scénariste est US par excellence car on retrouve dans cette série toutes les thématiques classiques : Noël, St Valentin, et autres St Patrick …

Tout bon salarié n’est pas sans ignorer l’influence du chef, sur l’ambiance et les conditions de travail. En matière de chef, ils ont justement la crème de la crème de la promotion interne. Michael Scott (Steve Carell), un produit pur jus de Scranton, Pennsylvanie. Le seul hic, c’est qu’une fois devenu calife à la place du calife, Michael, un vendeur né, homme de terrain, ne sait pas vraiment quoi faire pour mener sa barque à bon port. Une fois derrière le bureau de Directeur régional, il musarde, il flemmarde et semble avoir à cœur de perturber l’avancement du travail de son équipe.


Le personnage principal :

Le rôle de Michael Scott semble taillé sur mesure pour Steve Carell. C’est à se demander comment les réalisateurs ont pu hésiter avant de lui donner le rôle. Steve Carell excelle dans les comédies, il le démontre dans Bruce tout Puissant, Crazy Night ou Little Miss Sunshine. Un débit de parole vigoureux, une gestuelle d’épileptique en pleine crise. Steve Carell est excessivement expressif et survolté. Bref, il en fait des caisses et ça lui va à merveille. Le succès de 40ans toujours puceau, permettra d’ailleurs à la série de faire des pics d’audiences. Meilleure performance d’un acteur dans une série comique ou musicale en 2006 aux Golden Globe et Meilleur acteur dans une série comique en 2007 et 2008 pour Teen Choice, tout de même ! Steve Carell est indiscutablement bidonnant et incontournable dans la grande famille des acteurs comiques américains.


Michael Scott ne croit pas en Dieu. Ce en quoi il croit par dessus tout, c’est en son humour. Il le voit infaillible, fin, désopilant. Il le rêve sensationnel, et bien sûr tout à sa gloire. Tout le monde ne partage pas cet avis au sein de ses équipes. Pour eux, son humour serait plutôt : lourd, vexant et stigmatisant. Mais c’est Michael qui signe les chèques à la fin du mois. Dilemme pascalien pour ses salariés. Ceux-là mêmes sont ses cobayes préférés et sa seule famille.

Stanley le désabusé, Meredith l’alcoolique, Kelly la coquette, Creed la fripouille, Andy le Très-propre-sur-lui, Phillis la ménagère de plus de 40ans, Oscar le latino, Pam la standardiste, Toby le dépressif, Jim le futé, Dwight le chasseur, Angela la psychorigide seront bien obligés d’entrer dans son jeu.
Jeux qui peuvent s’avérer pimentés car Michael est inventif, oh oui!?  Un grand créatif devant l’éternel : Jeux Olympiques au bureau, croisières, cérémonies de récompenses du personnel (Dundies) et fêtes en tout genre (anniversaires, Noël…) piloté par un « comité des fêtes ». Le spectateur n’est pas au bout de ses surprises… rebondissements et situations rocambolesques, on rit aux larmes. Effet cathartique garanti puisqu’on est obligé de confesser que certaines des situations ne sont pas sans rappeler des personnages et des événements vécus.


La grande force de The Office réside dans l’éventail de ressorts comiques que nous propose cette série. Le premier est donc Michael Scott et son management douteux. Mais il faut aussi noter de vraies émulations, terriblement poilantes côté personnel. En premier lieu, le duo comique entre le n°2 et le challenger. Dans tout duo comique on a souvent deux personnages avec des caractères diamétralement opposés à la Francis Veber. Le « ying » ici est Dwight Schrute le facétieux délateur, n°2 de l’entreprise, interprété par Rainn Wilson. Le « yang » de Dwight Schrute est Jim Halpert. Sympa, posé, une vie sociale bien remplie, Jim est jeune dynamique et plutôt beau garçon. Impossible que ces deux là s’entendent. La vie quotidienne de l’open space de Dundler Mifflin sera donc rythmée de traquenards, guet-apens et autres petits complots.


Le second rôle :

A l’instar d’autres personnages secondaires de série, dont Barney Stinson d’How I met Your Mother est l’exemple paradigmatique, Dwight Schrute crée l’événement parce qu’il est furieusement hors des standards. Porter à l’écran (même petit) un franc tireur, cultivateur de betteraves, avec un frère attardé, un look à faire pâlir Jean-Claude Dusse et un égo sur-dimensionné : c’est déjà en soi une petite révolution. Merci à Ricky Gervais et Stephen Merchant d’avoir forgé un tel personnage. Dwight est joyeusement antipathique, ambitieux, patriotique jusqu’à abrutissement, socialement inapte et belliqueux. Aussi dingue que cela puisse paraître, cela fait de lui un caractère bigrement attachant et diablement drôle. Rainn Wilson qui était déjà apparu comme assistant à la morgue dans Six Feet Under (Six Pieds sous terre), conquiert le public avec sa bagnole au tunning douteux, ses armes de poings planquées de partout dans le bureau et sa devise (parodiée par Jim) « Bears. Beets. Battlestar Galactica » (Ours. Betterave. Série de science-fiction de Ronald D. Moore).


Le ton :

Mais qui dit histoires de bureau dit aussi haines et gué-guerres. Le bureau de Scranton devra survivre au marché américain du papier, pas très florissant, notamment dans la Saison 7. Les joutes seront donc aussi internes. Les cols blancs seront ainsi confrontés aux cols bleus du stock : biceps contre matière grise. Mais ils devront de surcroît se battre pour imposer leur philosophie. Une philosophie singulière, portée par leur directeur, qui ne fait pas l’unanimité vis-à-vis du siège New Yorkais (à quelques encablures seulement de Scranton et pourtant si loin). Sans compter les conflits avec les autres antennes de Dundler Mifflin dans le pays.


Que peut-il manquer pour que ce cocktail soit molotov ? L’Amour ! C’est là que la caméra fouineuse du documentaire dévoile des conversations confidentielles et observe des relations naissantes. La caméra de plus en plus intrusive au fil des saisons fait progresser l’intrigue et met en lumière quiproquos, bassesses et tripotages. En fil conducteur, on retrouve Pam et Jim en Tristan et Iseult modernes. D’autres couples, plus « insolites », semblent également vouloir se former …


La série ne repose donc pas uniquement sur les épaules de Steve Carell. Et tant mieux, car la 8ème saison à paraître en 2012 ne le comptera plus au générique. Petite révolution pour la série qui a rendu célèbre la bourgade de Pennsylvanie, une affaire à suivre…

Pour finir, levons un tabou sur cette série. Il existe une série éponyme The Office, sur le même thème mais dont l’action se situe de l’autre côté de l’Atlantique, c’est d’ailleurs la première des deux à être apparue. Par dessus le marché, les réalisateurs sont les mêmes. Pourtant en dehors du pilote et de certains épisodes des premières saisons, les deux séries ont des scénarios diamétralement opposés.

British très noire ou Amerloc haut en couleur à vous de voir.  Au final c’est un peu comme choisir entre Les Beattles ou Les Stones… chacun son style!


Casting :

Steve Carell (Michael Scott), Rainn Wilson (Dwight K.Schrute), John Krasinski (Jim Halpert), Jenna Fischer (Pam Beesly), B.J. Novak (Ryan Howard), Leslie David Baker (Stanley Hudson), Brian Baumgartner (Kevin Malone), Angela Kinsey (Angela Martin), Phyllis Smith (Phyllis Lapin), Mindy Kaling (Kelly Kapoor), Creed Bratton (Creed Bratton), Paul Lieberstein (Toby Flenderson), Oscar Nuñez (Oscar Martinez), Kate Flannery (Meredith Palmer), Ed Helms (Andy Bernard), Melora Hardin (Levinson-Gould), Craig Robinson (Darryl Philbin), David Denman (Roy Anderson), Rashida Jones (Karen Filipelli), Andy Buckley (David Wallace), Ellie Kemper (Kelly Erin Harron) et Amy Ryan (Holly Flax).





[Arrested Development] Une famille en or…

Sitcom du XXème siècle par excellence, Arrested Developement a pour toile de fond une famille américaine portée par un père entrepreneur. « So far so good » (jusque là tout va bien) sauf que dans la famille Bluth, s’ils ne sont pas tout à fait dans la panade, ce ne sont certainement pas de grands gestionnaires et ils sont assez anticonformistes.

Cette série proposée par la chaine FOX est un parfait cocktail antimorosité, un divertissement pas crétin, où une famille compliquée nous propose une Amérique hilarante loin, très loin des clichés du rêve américain sur gazon verdoyant et sourire dentifrice, façon famille Kennedy et loin des rires pré-enregistrés.

Mr.Bluth n’est pas un modèle de droiture et c’est un doux euphémisme de dire qu’il n’est pas réglo, il verse plutôt dans les secteurs non autorisés mais pas en professionnel, plutôt en amateur totalement disjoncté. Exit  la famille parfaite bien pensante, avec le pater familias d’une exemplarité irritante type 7 à la maison sans pour autant être la famille Corleone.


Le fil conducteur dans les péripéties de cette famille? Le business ! Un business qui a amené le père… en prison et pousse un des fils (Michael) à reprendre le flambeau. L’affaire n’est pas simple car Michael se retrouve le seul à travailler sans pour autant tenir les rênes (le président, c’est son frère) et se faisant manger ses profits par sa mère, son père, ses frères et sa sœur… Non ça n’est pas le bonheur, pour lui, mais pour le téléspectateur… quelle délectation !


Dans la famille Buth, je demande le père! Et bien NON, le père, il est en prison. On s’éloigne donc directement de la famille Barbapapa. George Bluth Senior (Jeffrey Tambor) n’est pas un saint pas plus que son frère jumeau qui lui ressemble en tout point sauf sur la pilosité. Il est parfaitement azimuté, à ce titre ses apparitions sont lunaires et ses stratagèmes inattendus. Dans ses proches contacts, il compte la famille d’un certain Saddam Hussein….


Sa femme, Lucille est très nouveau riche, elle est alcoolique et ne prend pas son job de mère de famille très à cœur… elle se contrefout de sa progéniture (enfants et petits enfants inclus). En somme, Madame Bluth mère (Jessica Walter) est parfaitement acariâtre et insupportable. A eux deux, les seniors de la famille Bluth ont presque un côté Ténardier, mais leur fille n’est pas une petite Causette.


La fille Bluth est écervelée et investie d’une mission, une noble mission : celle de dévaliser tous les magasins de vêtements de la côte Est. Lindsay Bluth Fünke amène de la grâce et un peu de coeur, mais attention on n’est pas dans la famille Hilton, l’argent manque (d’où le nom français de la série « Les nouveaux pauvres ») ; et le style, elle est bien la seule à en avoir… La comédienne Portia de Rossi, par ailleurs connue à la ville pour être l’épouse de la présentatrice Ellen DeGeneres, est, dans Arrested Development, outrancière, désopilante et bizarrement très investie dans des œuvres caritatives. Le seul objectif de cet engagement : maintenir sa petite notoriété, sans aucun doute. Ainsi, elle n’est guère plus sympathique dans ce rôle que dans celui qui l’a fait connaître : celui de Nelle Porter dans la série Ally Mc Beal.


Le fils aîné « Gob » (George Oscar Bluth) a quant à lui un look qui lui est propre, et le goût du spectacle dans la peau. Son dada c’est la magie, mais elle le lui rend mal . Séducteur invétéré, ce glandeur de première se déplace en Segway et vit sur le yacht familial. Comme son père, la légalité n’est pas son fort, il a toujours un plan abracabrantesque derrière la tête. Ainsi, entre deux tours de magies ratés et un strip-tease déguisé en flic, il trouve encore le temps de se ridiculiser. Gob est très rock & roll, mais pas façon Osbourne. Ses accroches avec sa famille sont hilarantes. Il est tellement perché qu’on pourrait se demander s’il est bien « terrien ». Rien d’étonnant finalement à ce Will Arrnett ait été nommé dans la catégorie meilleur acteur de second rôle dans une série comique aux 58ème Emmy Awards.


Mais la famille ne s’arrête pas là. Il y a aussi le petit dernier. Le cadet « Buster » (Byron Bluth) est un euphorique phobique. Attachant et déconcertant, Tony Hale joue un attardé, toujours dans les jupes de sa mère acariâtre et amoureux d’une sexagénaire de charme : la chanteuse Liza Minelli, une des guest stars de la série. C’est décadent, bien plus décadent que chez les Kardashians ! Tony Hale pose avec cette sitcom la pierre angulaire de sa carrière. Il sera d’ailleurs primé pour son interprétation de Byron Bluth.



L’unique fils doué de raison : Michael  frère jumeau de Lindsay, apparaît comme la seule personne en mesure de faire marcher le business familial, le père Bluth étant lui, derrière les barreaux. C’est le point de départ de la saison1. Mais avec une famille aussi maudites que les Atrides, Michael (Jason Bateman) est pris en étau et les situations cocasses et burlesques s’enchaînent. Il n’a pas le talent commercial d’un Onassis, il est moins cérébral qu’un Servan-Schreiber, mais il fait de son mieux.


Jason Bateman est parfait dans ce rôle de victime. Il tire si génialement son épingle du jeu qu’il décroche en 2005 un Golden Globe dans la catégorie « Meilleur acteur dans une comédie », un TV Land, ainsi que deux Satellite Awards. Sa famille, la famille Bluth, n’a finalement rien à voir avec celle dans laquelle il a fait ses débuts. Souvenez-vous : le petit Jason vivait dans une maisonnette dans la prairie. Jason Bateman y jouait alors le rôle de James Cooper fils adoptifs d’une certaine famille Ingalls.


Michael Bluth est lui même papa d’un adolescent ahuri, George Michael, qui n’est autre que l’acteur Michael Cera. Découvert dans Juno, vu dans Super Grave et Une nuit à New York, il est ici délicieusement largué. Le gamin est gauche et il trempe dans cette famille comme dans une mer infestée de piranhas. Davantage pâlichon et moins dégourdi que Bart, le fils Simpsons, il est dépassé par cette famille de barjos. Il traverse l’âge ingrat en compagnie d’une autre ado, avec laquelle il fricote « Mayeby ».


Mayeby alias Mae Fünke (Alia Shawkat) de son vrai nom est la fille de Lindsay Bluth et Tobias Fünke. Elle amène son grain de folie (s’il en manquait !) et les rapports avec ses parents ont peu de chance de vous rappeler la petite famille française telle que Katherine Pancol peut la décrire.


Son père Tobias (David Cross) le mari de Lindsay est émotionnellement instable et gentiment déjanté. Lui même semble ignorer l’existence et la présence de sa propre fille. Psychiatre et auteur d’un best seller… gay, il décide de se réorienter vers une carrière d’acteur. Cependant, ses psychoses, toutes plus loufoques et drôles les unes que les autres (il ne peut jamais être nu par exemple), l’empêchent d’atteindre son objectif. Les épisodes durant lesquels il est peint en bleu de la tête au pied au cas où il serait appelé en renfort par le « Blue man group » sont proprement géniaux. Dans le fond on plaint ce pauvre Tobias de tout notre cœur, d’être si naïf et médiocre en tant qu’acteur mais quelle jouissance! Bizarre voila ce qui caractérise bien Tobias, un peu comme La Chose de la Famille Adams.

Pour la gestion des tensions familiales chez les Bluth on se rapproche plus des Pierrafeu, on se tape dessus, c’est jubilatoire il ne faut pas se le cacher surtout que personne n’est oublié, tout le monde en prend pour son grade. Ron Howard, le narrateur, distille les événements d’une voix de maître.

Ce petit monde, une dizaine de personnes (tout de même), réside dans une maison témoin totalement factice au milieu du désert…

 

Cette série plus que barrée a les faveurs des critiques, mais aussi des peoples…

Dans Arrested Development les « peoples » se succèdent et font des apparitions à mille lieux de leur image habituelle, lisse et proprette. Charlize Theron fait un passage particulièrement pimenté et hallucinant en fin de saison 3. Ben Stiller vient lui aussi saluer les Bluth. Mitchell Hurwitz (le réalisateur) s’amuse, il y a parfois plus de stars au mètre carré que dans la famille Smith (Will).


Au fil des épisodes rythmés par des dialogues punchy, on découvre que c’est avec une joie extatique que les Bluth se mettent des bâtons dans les roues. Mais pas façon Tudors, ils sont finalement bien trop intéressés par leurs petits nombrils pour avoir une ambition de groupe. Ce qui leur pend au nez c’est plus l’asile psychiatrique…


Une famille d’ovnis qui ne ressemble à aucune autre. Si jamais les Bluth s’installaient près de chez vous, vous pourriez dire « y a des zazous dans mon quartier ».  Il existe à ce jour 3 saisons (peut-être bientôt 4) de 22+8+13 épisodes  et donc autant de raisons de tester ses zygomatiques! Arrested Development est sans aucun doute la série comique à ne pas rater ! Gardez bien en tête le nom de cette série, car d’ici peu il se pourrait qu’elle soit portée sur grand écran !


Casting :

Jason Bateman (Michael), Portia de Rossi (Lindsay Bluth Fünke), Will Arnett  (George Oscar Bluth dit « Gob »), Michael Cera  (George-Michael Bluth), Alia Shawkat  (Mae  Fünke dite « Maeby »), Tony Hale  (Byron Bluth dit « Buster »), David Cross  (Tobias Fünke), Jeffrey Tambor  (George Bluth Senior), Jessica Walter  (Lucille Bluth), Ron Howard  (Le Narrateur).

 




OZ ! Une radiographie pétrifiante des prisons américaines …


Oz est le surnom de la prison américaine Oswald State Correctional Facility, mais c’est surtout une série « made in » HBO. Tom Fontana, le créateur de la série qui a signé, de sa plume noire, l’écriture de la majorité des scénarios de Oz, co-écrit par ailleurs Borgia (Canal+). L’homme qui a révélé Denzel Washington au grand public avec sa première série, « St-Elsewhere« , ne fait pas dans les mièvreries. Son domaine c’est le psychologique, le scandaleux, les vils instincts, le Mr. Hyde qui sommeille en chacun de nous.


Au cœur de la série, l’unité spéciale d’une prison de haute sécurité : Emerald City. Notre sésame pour passer derrière les nombreux murs, contrôles et barreaux est Augustus Hill (Harold Perrineau Junior). Ce narrateur prisonnier psychédélique a, en outre, la particularité d’être en fauteuil roulant. Chaque épisode est ponctué par ses allocutions poético-trash. Augustus porte un œil très personnel et caustique sur le système carcéral et nous livre sous forme de flash-back les raisons qui ont conduits chacun des prisonniers à rejoindre l’unité. Qu’ils appartiennent aux clans des italiens, des musulmans noirs, des gangstas, des néo-nazis ou des latinos ils sont tous logés à la même enseigne, au sens propre mais pas au figuré. Dans un tel endoit, les rapports de forces y sont évidemment exacerbés.

Alliance, trahison, stratégie : tous les coups sont permis quand on est là pour…toute une vie.


Le concept unique d’Em City porté par son manager Mac Manus ( Terry Kinney) personnage utopiste et ambivalent, consiste à faire cohabiter dans un simulacre d’autarcie des hommes ravagés par leur vie précédente, le tout encadré par des matons parfois guère plus honnêtes… Il est laissé au bon soin des prisonniers de s’occuper de la cantine, du nettoyage des vêtements et d’un atelier de confection. Un microcosme reconstitué de toutes pièces, derrière les barreaux. Visionnaire ou fou, Mc Manus ne tardera pas à être aussi aliéné par cette prison que ses détenus. Du côté des gentils, il est aidé dans sa tâche pour la partie religieuse par Sister Peter Marie et Father Ray Mukada. Quant à Diane Wittlesey (Edie Falco, épouse de Tony Soprano dans la série « Les Soprano »s), elle met les mains dans le cambouis pour contenir la poudrière.


On s’éloigne ainsi de la thématique récurrente prisonnier/évasion, pour se rapprocher de la peinture sociale au vitriol à mi-chemin entre le film Precious de Lee Daniels pour l’aspect détresse et Shutter Island de Martin Scorsese pour la folie et l’emprisonnement.
Tensions inter-communautaires, gangs, drogue, homosexualité et réinsertion des détenus sont au programme (par conséquent, assez festif !). Les épisodes s’enchaînent à un rythme diablement effrayant. L’intrigue est bien amenée et l’alternance des points de vues des personnages nous fait vivre de l’intérieur ce quotidien violent mais aussi la guerre des nerfs et la guerre de religion qui s’y trament.

Oz est super-réaliste, malsaine, sanglante, une décharge d’adrénaline pour les durs, les vrais, les tatoués. D’ailleurs, durant le générique choc de la série, un bras se fait tatouer le surnom de la prison de façon stylisée, avec une goutte bien ronde de sang sombre juste en dessous du Z. Ça n’est pas de la fiction, ce tatouage est bel et bien sur le bras de quelqu’un… son créateur. Âmes sensibles s’abstenir.


La saison 1, constituée de 8 épisodes est véritablement à couper le souffle. Ce ne sont pas les paysages qui laissent sans voix, puisque la série est quasiment un huis-clôt. Ce qui coupe la chique, c’est le coup de poing qu’on a l’impression de recevoir bien au milieu du ventre. Il existe à ce jour 56 épisodes de 55 minutes sur 6 saisons. Le casting d’Oz n’est pas sans rappeler des personnages inoubliables d’autres séries cultes de HBO telles que The Wire (Sur Ecoute) et The Sopranos, on y remarquera notamment Tobias Beecher (Lee Tergesen) blanche-brebis égarée. Aucun hasard à cela …  Tom Fontana a collaboré au début de sa carrière avec Barry Levinson, sur l’adaptation en série d’un roman choc « Homicide : A year on the killing streets » écrit par David Simon.


« Peu m’importe que les personnages ne soient pas sympathiques, du moment qu’ils sont intéressants.  » a déclaré Tom Fontana. Il est certain qu’à côté de Kareem Said (Eamonn Walker), Donald Groves (Sean Whitesell) qui a mangé ses parents ou Vernon Schillinger (Jonathan Kimble Simmons ) le nazi, les détenus de Prison Break sont d’inoffensives collégiennes en vacances chez les bisounours.


« It’s no place like home », (rien ne vaut son chez soi) on en est bien convaincu au terme :

Oz (1997 – 2003) de Tom Fontana.


Casting de la saison 1 de Oz :

Harold Perrineau Jr. ( Augustus Hill), Lee Tergesen (Tobias Beecher), Eamonn Walker (Kareem Said), Dean Winters (Ryan O’Reilly ), J. K. Simmons (Vernon Schillinger), Kirk Acevedo (Miguel Alvarez), George Morfogen (Bob Rebadow), MuMs (Jackson), Adewale Akinnuoye-Agbaje (Simon Adebisi), J. D. Williams (Kenny Wangler), Tony Musante (Nino Schibetta), Leon Robinson (Jefferson Keane), Dr. Lauren Vélez (Dr.Gloria Nathan), Sean Whitesell (Donald Groves), Edie Falco (Diane Wittlesey).

 




Les aventures bien françaises de Tom Sauilleur

Ces 211 pages sont une délicieuse rosée matinale. Un petit frisson partit des mollets mais laissant présager une belle journée ensoleillée. Des rapports humains qui fleurent bon la campagne mais pas la campagne idéale des Parigots. La campagne dans ‘ »Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom » est souvent rude mais parfois cocasse et conviviale. Tom, du haut de ses 11 ans nargue la vie avec naïveté et bonne humeur malgré une situation familiale peu enviable. Il vit dans un mobil-home avec sa mère, Joss, une gamine, le tout sans un rond et en pleine cambrousse. [ndlr: Bref, autant dire qu’il est fauché … comme les champs environnants.]


Cette campagne omniprésente, donne envie de fuir la ville pour mettre les pieds dans un petit ruisseau de sous-bois qui sent la mousse. C’est un personnage clé tout aussi attachant que la galerie de personnage qui gravitent autour de lui. Tom virevolte à pas de loup au sein de cette communité, il se nourrit en maraudant dans les jardins voisins avec une petite préférence pour les tomates, les belles, rondes et juteuses.


Archibald et Odette, les voisins victimes des intrusions furtives de Tom n’ont rien à voir avec « Les deux gredins » de Roald Dahl. Ce couple n’est ni laid, ni méchant, ni dégoûtant.

Mais un jour peut-être auront-ils oublié la ville à grand renfort de recette sauvages de Marie-Rose, auteur de l’ouvrage de cuisine best-seller de la région… ?! Ce couple courtois et très urbain détonne dans le paysage de bocage français. Il déclenche chez le lecteur de sacrés fous rires. Ils portent en effet un regard extérieur sur la situation de Tom et sur la ruralité, qui permet une vraie mise en abîme, nécessaire lorsqu’on traite de sujets aussi âpres.


Quant à Madeleine, qui n’est pas sans rappeler une autre Madeleine – celle de « La tête en friche » (voir article lié) – elle n’est guère facile à vivre, d’ailleurs elle ne semble pas avoir eu une vie facile. Elle a 93 ans et n’a plus une forme de jeune fille …  C’est d’ailleurs pour cette raison que le chemin de Tom va croiser le sien. Bravo à Barbara Constantine, car après le choc générationnel lié à la rencontre Madeleine-Tom, il se dégage de ce tandem une tendresse infinie et une complicité limpide.


Jocelyne, surnommée Joss, a été fille-mère à treize ans et demi. Elle est plus irresponsable que méchante. Sa jeune vie est déjà un champ de bataille, une scène de chaos où les bons sentiments sont relégués en seconde zone. Sa meilleure carte pour s’en sortir est sans aucun doute son fils.


Mobil-home + Monoparentalité + Précarité. C’est bien la première partie de l’équation de cet ouvrage écrit par Barbara Constantine en 2010. A ce stade, seuls les plus valeureux, ou aficionados de Barbara Constantine sont intéressés. Pour sûr, « Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom » est ancré dans une réalité pas très rose. Néanmoins ce livre est à la portée de tous et pourrait être un porte voix intéressant auprès des plus jeunes. Un livre aussi pour ados en fait.
Non parce qu’il parle de sorciers ou de vampires. Mais car il y est question de valeurs – sans donner de leçon-, d’amour – sans pluie de roses- bref : de héros du quotidien.


 La voilà donc la seconde partie de l’équation et le secret de ce petit bouquin Amour + Ingéniosité + Tomates.
Parce que le « Quai d’Ouistreham » de Florence Aubenas manquait peut-être d’optimisme et  « Indignez-vous » de Stéphane Hessel d’illustrations pratiques, ce livre, sans être moins dur est plus abordable.


L’auteure

Plus connue du grand public pour avoir écrit « Amélie Sans Mélo », Barbara Constantine nous propose pour son troisième ouvrage, un petit opus d’une grande fraîcheur. Si vous n’en avez jamais entendu parler, vous êtes peut-être passé tout près car elle a notamment collaboré avec Cedric Klapisch à l’écriture des « Poupées Russes », film sortit en 2005 qui faisait suite à l’Auberge Espagnole dans laquelle éclatait au grand jour un petit français : Romain Duris. Son premier roman « Allumer le Chat » vaut lui aussi le détour. On y découvre la passion de l’auteur pour les félins domestiques. Sa prose y est déjà frugale, directe et audacieuse. « Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom », n’a rien de particulièrement rocambolesque mais c’est bien ficelé et on rit de bon cœur.


Une délicate poésie qui n’est ni trop onirique ni trop sombre, un conte moderne, une petite parenthèse à lire absolument pour une bouffée d’humanité.


Extraits :

« Salade de vers de terre
(Très léger, pour les appétits d’oiseau
1. Avec une bêche, creusez des trous dans le jardin. Ne prenez que les vers les plus gros. ils réduisent beaucoup à la cuisson. Puis faites-les dégorger jusqu’à ce qu’ils aient chié toute leur terre. Une journée et une nuit à moins qu’ils ne soient constipés.
2. Pour la verdure, mettez des feuilles de pissenlits. Un conseil aux vieillards et à tous ceux qui ont des problèmes de chicos (j’en connais un rayon): émincez fin. C’est meilleur et c’est moins crevant à la mastication.
3. Préparez une vinaigrette avec de l’échalote et de l’ail sauvage haché.
4.Dans l’eau bouillante et salée, balancez les vers vivants, pour les pocher. Dès qu’ils remontent à la surface, égouttez.
5. Si vous aimez la gomme à mâcher, vous pouvez arrêter là et les manger tels quels, avec la vinaigrette. Plus le conseil n°8, évidemment.
Sinon, faites comme moi, continuez.
6.Dans la poêle, mettez une noisette de beurre. pour parfumer, vous pouvez ajouter une fleur de capucine ou une fleur de pissenlit (voir la liste des comestibles à la fin du bouquin). Ça fait joli et c’est bon. Mais attention n’utilisez pas les fleurs de fleuristes. Elles sont intoxiquées à la pollution.
7. Jetez les vers pochés dans la poêle chaude. Pour éviter qu’ils attachent, faites un mouvement de va-et-vient avec la queue de la poêle. Dès que les vers commencent à dorer, mettez les sur la salade, comme des lardons. Et dégustez.
8. Buvez un grand verre de vin blanc, bien frais. » [1]


« La vieille était chiante, d’accord, mais c’était une bonne occasion pour elle de s’entraîner à son futur métier d’infirmière. Apprendre à être patiente avec les patients… c’était quelque chose qui lui manquait. Et puis, se spécialiser en gériatrie, ce n’était pas une mauvaise idée. Peu de risque de chômage dans cette branche. » [2]


[1] Barbara Constantine, » Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom », édition Le Livre de Poche (2010) p153

[2] Barbara Constantine, « Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom », édition Le Livre de Poche (2010) p202

 




Treme : Quand le jazz est là …

Aller simple pour Treme (à prononcer « Twemay »), ancien quartier des esclaves affranchis de la Nouvelle-Orléans, les pieds dans l’eau après le passage du cyclone Katrina.

Dans cette série produite par HBO, David Simon et Eric Overmyer auteurs de la série haltetante « Sur Écoute » (en anglais « The Wire ») expérimentent  un cocktail explosif  à base de jazz, de cuisine cajun et de cyclone.


Cocktail sombre et polémique qu’ils ne saupoudrent certainement pas de bons sentiments. Les habitants de cette ville sur les bords du fleuve Mississippi font preuve d’une incroyable pugnacité pour retrouver les leurs, mettre fin à l’exil et la désolation causée par les inondations. Ils se croisent sans parfois se connaître mais sont unis par l’amour d’une ville et de son mode de vie si particulier, indéfectiblement lié au jazz, ses fanfares, ses concerts…  Une chef cuisinière malchanceuse, une avocate engagée, un prof révolté, un DJ farfelu, un tromboniste goguenard, une tenancière de bar à la poigne de fer, une violoniste montante… tous ces passionnés survivent avec un même combat : la reconstruction d’un monde, leur monde : la Nouvelle-Orléans.


Le rythme est lent comme les efforts de la ville pour s’en sortir. On ne se relève pas comme ça d’un cyclone, voilà ce que l’on comprend après les premiers épisodes. On a l’impression lorsqu’on suit Creighton, prof de littérature, d’être dans un documentaire au vitriol de Mickaël Moore.  Au détour d’une ruelle, on prend conscience  que le gouvernement américain n’est pas toujours si indulgent et charitable. Cruel le monde de Treme ? A vous d’en juger.


Dans cette série on ne parle pas de femmes au foyer, ni de superflics, ni d’attachants petits groupes d’amis, ni même d’avocats on parle de simples citoyens tourmentés qui ont pour patrimoine commun : une ville et son histoire.


David Simon propose un authentique son cuivré dont la réalisation qui rime avec sobriété.


Si vous n’y connaissez rien au jazz mais que vous n’avez rien contre, au fil des épisodes vous apprendrez à l’aimer et vous en redemanderez. Mais si vous aimez le jazz… inutile de prêcher des convertis, vous vous sentirez comme un coq en patte dans l’univers de Treme et vous dodelinerez de la tête tout au long des interludes musicaux !


Casting de la saison 1 : LaDonna Batiste (Khadi Alexander), Albert Lambreaux (Clarke Peters), Davis McAlary (Steve Zahn), Janette Desautel (Kim Dickens), Toni Bernette (Melissa Leo), Creighton Bernette (John Goodman), Sonny (Michiel Hulsman), Annie (Lucia Micarelli), Antoine Batiste (Wendell Pierce).




Faites l’amour… protégés!


La comédie musicale Hair, ça vous évoque quelque chose, non ?!

Mais oui!  Bien sûr me direz-vous « Let the sunshine in » ou « Laissons entrer le soleil». Des cheveux longs, du sexe, de la drogue et surtout de la contestation.


Au Palace l’univers soixante-huitard reprend forme mis en scène par Sylvain Meyniac et prolonge les représentations jusqu’au 24 septembre.




Hymne intemporel à la liberté!


Plus de 40 ans après sa première adaptation française au Théâtre de la Porte Saint Martin avec Julien Clerc, le spectacle phare de la période « Peace and Love » fait encore parler de lui. Il évoque des sujets qui n’ont rien d’anachronique aujourd’hui et offre une nouvelle lecture du mouvement hippie. Psychédélique, sulfureux, sensuel voire même érotique, on comprend bien pourquoi cette comédie musicale avait soulevé tant de contestations et pourquoi le message « Protégez-vous » y trouve parfaitement sa place aujourd’hui.


Le fragile personnage principal lutte pour trouver sa place dans cette société. Résistant à ses parents qui souhaitent le voir intégrer l’armée. Le tout sur fond de lutte contre le SIDA … ce qui peut expliquer la participation de Pierre Bergé, président de Sidaction.

Même si les comédiens donnent tout, on déplore parfois certaines lenteurs et une acoustique qui ne permet pas de bien saisir les paroles.

Pourtant, « Il est interdit d’interdire », « Faites l’amour pas la guerre », et autres slogans sont toujours très actuels. Cette « tribu », c’est ainsi que la troupe s’appelle, nous ouvre de beaux moments de groupe et une mise en scène pêchue. A 21 sur scène et avec une telle volonté d’impliquer le public, on finit forcément par taper dans ses mains et en redemander.


Coloré, festif et subversif, Hair version 2011 vaut bien un petit retour à l’heure des « pattes d’eph » !

En ce moment en représentation au Théâtre Le Palace. Pour en savoir plus, rendez-vous sur :

http://www.faiteslamour.fr/index.php


Théâtre Le Palace
8 rue du Faubourg Montmartre
75009 Paris


Distribution

Mise en scène : Sylvain Meyniac ; Musique : Galt Mac Dermot

Adaptation française : Sylvain Meyniac

Direction musicale : Alexandre Finkin ; Costumes : Victoria Vignaux

Décors : Anne Wannier

Scénographie : Stéphane Baquet

Chorégraphie: Jean-Claude Marignale


Avec Laurent Bàn, Laurent Marion, Lucie Bernardoni, Lorène Devienne, Corentine Planckaert, Candice Parise, Anandha Seethanen, Camille Turlot, Régis Olivier, Lola Aumont, Jua Amir, Alexander Donesch, Noémie Alazard, Anne Mano, Philippe d’Avilla, Dominique Magloire, Sebastien Lete, Xavier Combs, Alex Finkin, François-Charles Delacoudre et Héloïse Adam.





De victimes à bourreaux…


« Où j’ai laissé mon âme » retrace le parcours de deux hommes. Deux militaires français « engendrés par la même bataille, sous la pluie de la mousson » au Viêtnam. L’un est capitaine, l’autre lieutenant. Tous deux sont coincés dans le cercle impitoyable de la violence et de leurs pensées. L’un écrit à l’autre pour dénoncer ses dérives, l’autre se débat éperdument avec sa conscience et soliloque. Tous deux sont confrontés à une profonde réflexion sur le Bien et le Mal. Mais, au beau milieu de cette si sournoise guerre d’Algérie, où est le Bien ? Un livre magistral parfois brutal sur la souffrance et la torture.

 


 

Des hommes face à d’autres hommes. Des soldats face à d’autres soldats. Prêts à se battre quelle que soit la guerre et qui en oublient leur âme. Les gentils contre les méchants, cette simpliste vision de l’histoire n’a pas cours dans ce livre. Des personnages bouleversants, dont l’un des prisonniers Tahar. Victime christique de l’armée française, ce rebelle a quelque chose de douloureux et d’énigmatique.

 


 

Le capitaine Degorce est une figure forte de résistant et déporté de la Seconde Guerre Mondiale. Il sera le mentor du jeune lieutenant Andréani. Des liens inaltérables naîtront lors des affrontements. Jusqu’à ce qu’ils deviennent eux-mêmes les bourreaux.

 


 

Sous la plume de ce professeur de philosophie, Jérôme Ferrari, le capitaine Dégorce et le lieutenant Andreani se débattent pour rester droits dans leurs bottes. Jérôme Ferrari nous propose humblement une réflexion prenante, philosophique et poignante. Une histoire bestiale et cruelle.

 


 


 

L’Auteur :

 


 

Jérôme Ferrari aborde sans détours une page noire de l’histoire. Grâce à l’alternance du discours de ses deux personnages pivots, «Où j’ai trouvé mon âme » prend un tour romanesque sans pour autant dénaturer l’importance des faits historiques. Tantôt déchaînés et accusateurs pour Andréani,  tantôt littéraires et  nuancés pour Degorce, les propos s’équilibrent et sonnent juste.

 


 

Après s’être essayé au recueil de nouvelles avec « Variétés de la mort », c’est en 2003 que Jérôme Ferrari publie son premier roman, « Aleph Zero » aux éditions Albiana.
Prolixe, Jérôme Ferrari publiera chaque année un nouveau roman chez Actes Sud toujours. En 2007, « Dans le secret »,  en 2008 « Balco Atlantico », en 2009 « Un dieu un animal ».

 


 


 

Extraits :

 


 

« Pendant toutes ces années, il n’a pas vraiment repensé à tous cela ; les guerres qu’il a menées ne lui ont pas laissé le temps, et les dix mois passés à Buchenwald s’étendent derrière lui comme une immense steppe grisâtre qui coupe sa vie en deux et le sépare à jamais du continent perdu de sa jeunesse, mais il n’a pas oublié. Le mois de juin 1944 s’est installé silencieusement dans sa chaire pour y inscrire l’empreinte d’un savoir impérissable qui lui a permis d’expliquer à ses sous officiers : « messieurs la souffrance et la peur ne sont pas les seules clés qui ouvrent l’âme humaine. […] N’oubliez pas qu’il en existe d’autres. La nostalgie. L’orgueil. La tristesse. La honte. L’amour. » [1]

 


 

«Rappelez-vous, mon capitaine, c’est une leçon brutale, éternelle et brutale, le monde est vieux, il est si vieux mon capitaine, et les hommes ont si peu de mémoire. Ce qui s’est joué dans votre vie a déjà été joué dans des scènes semblables, un nombre incalculable de fois, et le millénaire qui s’annonce ne proposera rien de nouveau. Ce n’est pas un secret. Nous avons si peu de mémoire.
Nous disparaissons comme des générations de fourmis et tout doit être recommencé. » [2]

 


 

[1] « Où j’ai laissé mon âme » Jérôme Ferrari, édition Acte Sud (2010), page 83

 

[2] « Où j’ai laissé mon âme » Jérôme Ferrari, édition Acte Sud (2010), page 23
 

 




Le Pays de Nulle Part s’invite à Paris

Un grain de génie et beaucoup de folie dans « Souviens-toi Pan ». Cette comédie musicale se base sur l’histoire bien connue de Peter Pan.

Peter où l’enfant qui ne voulait pas vieillir mais qui célèbre pourtant ses 100 ans et inspire cette année de nombreuses pièces.

La troupe mi professionnelle mi amateur menée par Julien Goetz nous offre une interprétation ingénieuse et fidèle au mythe. De la danse, du chant, de la débrouillardise et un grand bol de féérie !


Dans un enchaînement bien huilé de scènes réjouissantes, on retrouve Peter, Wendy, Jean, les enfants perdus, la fée Clochette et bien sûr les pirates du Pays de Nulle part emmenés par le Capitaine au célèbre crochet.


Peter Pan (Antonio Macipe) est hyper expressif et exotique. Venu du Venezuela ce jeune chanteur habite la scène faite de « bric et de broc » de fond en comble. Wendy (Joe Marshall) est particulièrement grâcieuse et sa douceur consacre des moments d’une émotion parfaite. Dans cet univers coloré, bien pensé et sans aucun temps mort on déplore le rôle trop en retrait d’une enfant perdue : Poussière (Mélanie Duchesne). Cette candidate de la « Nouvelle Star » belge (« Pour la Gloire » sur RTBF) est surprenante avec une voix rocailleuse de chanteuse pop-rock. Dans ce groupe d’enfants perdus très attachants, Jean le jeune frère de Wendy (Ludovic Fert) joue et danse de façon exhubérante et jubilatoire. Son interprétation délicieusement décalée est hilarante.


Mention spéciale, du côté des méchants pirates, au duo formé par le Capitaine Crochet  (Ralph Folio) et son acolyte Mouche (Julie Lemas). En parfaite osmose, ces deux chanteurs apportent une touche exquise de second degré et une présence scénique digne de show man !



Seul bémol, le rôle pour le moins énigmatique de Nicolas Tatossian jouant le narrateur de ce flash-back des protagonistes de « Souviens-toi Pan » . Il se murmure en coulisse que les apparitions de ce nouveau personnage seraient en pleine évolution.


Quelques pépites musicales vous resteront en tête de longues heures durant. La chanson Bienvenue  au refrain entraînant « Tic tac au taquet » ainsi que Kéo l’hymne des enfants sauvages sont des petits bijoux du genre. Les chorégraphies sont ciselées et donnent envie de prendre part à la danse.

Orchestration efficace et belle part à la danse : la clé d’une bonne soirée !

Qui a dit qu’on ne pouvait pas faire rêver sans être Stage Entertainement (Le roi Lion, Mamma mia…) ?


Ils ont voulu redonner vie à une pièce jouée en 2006 devant une salle comble et comblée à Evry et ils ont bien fait. Leur envie et leur plaisir de jouer sont communicatifs, on est accueillis en amis dans un cocon de bonne humeur. Voila une troupe qui a une âme, du chien, du professionnalisme et surtout un petit quelque chose qui nous entraîne et les emmènera loin!


En ce moment en représentation au Théâtre Clavel. Pour en savoir plus, rendez-vous sur : http://www.souvienstoipan.com/


Distribution :

Compositeur: Julien Goetz

Chorégraphe/Metteur en scène: Gregory Pennaneach et Rita Lalle

Auteur: Patrick Bernard

Production /Promotion : Julien Iscache


Avec Nicolas Tatossian, Joe Marshall, Ludovic Fert, Antonio Macipe, Julie Lemas, Mélanie Duchesne, Raphaëlle Raimon, Maud Abeloos, Maëva Clamaron et Ralph Folio.

 




Quand souvenirs et oubli s’entremêlent …

« Le Goût des pépins de pomme » s’ouvre à la lecture des dernières volontés d’une grand-mère qui pourrait être la nôtre: « Clair comme de l’eau de roche tel était le testament de Bertha – une douche froide en vérité. Les valeurs mobilières étaient de peu de valeur, les pâturages de la pénéplaine d’Allemagne du Nord n’avaient d’attrait que pour les vaches, de l’argent il n’y en avait guère, et la maison était vieille. » Une plongée dans l’Allemagne contemporaine et une famille haute en couleur.


Entre stupeur et enchantement, la jeune héritière s’expose à une psychothérapie involontaire. En effet, en acceptant ce legs, Iris entame une flânerie dans un jardin buissonnant et sauvage qui ouvre un portillon vers un passé tumultueux et non sans surprises. Trois générations de femmes, trois époques, des mœurs qui évoluent mais des pommes, encore et toujours présentes.


Iris est le personnage principal du « Goût des pépins de pomme » mais je n’ai pas ressenti pour elle une excessive proximité. Son rôle est comme dilué dans les événements du passé. Je l’ai d’avantage vue comme une clé de lecture de douloureuses cicatrices ou comme un témoin silencieux qui nous permet de nous glisser dans cette famille, plutôt que comme un personnage attachant et charismatique. Elle est tenaillée par d’angoissantes histoires d’enfants revenant en écho à ses oreilles d’adultes, tant et si bien qu’on a parfois envie de la bousculer. La galerie de personnages familiaux qui s’ouvre derrière elle, réhausse la tonalité en étant subtilement mystérieuse.


Quelle ironie, la maladie d’Alzheimer est la pierre d’achoppement de la mémoire commune de cette famille allemande. Avec une prodigieuse délicatesse poétique, Katharina Hagena décrit sans détours cette maladie dont le nom n’est pourtant jamais évoqué.




L’auteure

Ce roman intimiste traduit de l’allemand par Bernard Kreiss (« Der Geschmack von Apfelkernen » dans la langue de Goethe) a une musicalité qui lui est propre. Il fait vibrer en chacun la nostalgie des nuits d’été. Un roman dans lequel on flotte paisiblement même s’il traite entre autres de la mort, de l’homosexualité, de la maladie et de l’oubli.

Délicieusement narratif et parsemé de pépins, Katharina Hagena nous confie ici un premier roman à l’humour pince-sans-rire très british. Elle enseigne à ce jour les littératures anglaise et allemande à l’université de Hambourg, et fera sans aucun doute les beaux jours de la littérature allemande.



Extraits

« Tante Inga portait de l’ambre. De longs colliers de pierres d’ambre polies dans lesquelles on distinguait de minuscules insectes. Nous étions convaincues qu’ils secoueraient leurs ailes et s’envoleraient à l’instant même où la coque de résine viendrait à se briser. Le bras d’Inga était cerclé d’un gros bracelet jaune laiteux. Si elle portait ces bijoux faits d’une matière soustraite à la mer, ce n’était pourtant pas pour rester dans la note de sa chambre aigue-marine et de sa robe sirène mais, comme elle le disait, pour des raisons de santé. Bébé déjà elle envoyait à quiconque s’avisait de la caresser une décharge électrique, à l’ époque à peine perceptible, certes, mais l’étincelle était bel et bien là, et la nuit notamment, quand Betha lui donnait le sein, elle avait droit à une brève décharge, presque comme une morsure, ensuite seulement le nourrisson se mettait à téter. Elle n’en parla à personne, pas même à Christa, ma mère, qui avait alors deux ans et sursautait chaque fois qu’elle touchait sa sœur. » [1]


« Les mains de ma grand-mère passaient sur toutes les surfaces lisses : tables, armoires, commodes, chaises, télévision, chaîne stéréo ; elles essuyaient ces choses, constamment en quête de miettes, de poussière, de stable, de restes de nourriture. […] C’était un symptôme de la maladie, tout le monde le faisait ici, avait dit à ma mère une aide soignante de la maison de retraite – le « home », comme cela s’appelait chez nous. Un établissement cauchemardesque. D’un côté, tout était organisé de manière pratique et fonctionnelle, d’un autre côté, c’était un lieu peuplé de corps qui, chacun à sa manière et à différents degrés, avaient, avaient été délaissés par leurs esprits. » [2]


[1] Katharina Hagena « Le gout des pépins de pomme », éditions Anne Carrière (2010) p.43

[2] Katharina Hagena « Le gout des pépins de pomme», éditions Anne Carrière (2010) p.149

 

 




Les titres à rallonge ont quelque chose de fascinant


Le titre est copieux et l’histoire est truculente.  « Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » est un recueil de lettres écrites au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.


Leur point commun ? Juliet, jeune romancière fantasque, utopiste qui décide de farfouiller dans les cendres encore chaudes du passé.


Leur thème ? L’île de Guernesey et ses habitants.



Si on a pu attifer la guerre d’adjectifs tels que « drôle » ou «froide » celle des Guernesiais est incongrue. Avec cet ouvrage on ne ressasse pas, on ne retrace pas une énième fois les horreurs de 39-45, on découvre un nouveau genre de résistants. Le témoignage des insulaires fournit un nouveau point de vue sur cette guerre au sujet de laquelle on a déjà beaucoup lu. Ils aiment la littérature, la grande, et aussi la petite depuis longtemps ou depuis peu mais c’est une fenêtre vers l’extérieur. Isolés et têtus ils le sont, mais ils ne sont pas dépourvus d’auto-dérision et d’amour.


On commence par esquisser un sourire et à s’enticher de Juliet et de ces fameux correspondants. Puis, on pouffe en parcourant les récits ubuesques des indociles de cette île. Puis, on rit à gorge déployée de leur ingéniosité et surtout de leur profonde humanité. Et enfin, on a la cornée humide en éprouvant la dureté de la guerre. Même les plus coriaces ne résisteront pas et verseront une petite larme, dans le métro, sur la plage ou où qu’ils se trouvent, tant on s’attache aux personnages.



Les auteures :


Mary Ann Shaffer et Annie Barrows ont la plume tendre et l’humour insolite. Tante et nièce à la ville, elles nous livrent une bien belle histoire, ni « nian-nian » ni intello, tout bonnement pétillante et profondément touchante.

Restée coincée contre son gré à Guernesey, Mary Ann Shaffer nous communique au travers de ces pages iodées son affection géographico-littéraire pour l’île. Mary Ann ne vivra malheureusement pas suffisamment longtemps pour savoir à quel point son œuvre eut du succès. Éditrice, bibliothécaire puis libraire elle décède en 2008 peu de temps après avoir su que leur roman serait publié.

Annie Barrows, écrivain pour enfants insuffle au roman un peu de la magie qui manque parfois au quotidien.

Ce récit épistolaire ne souffre certainement pas des maux habituels propres à cet exercice.


Cela faisait longtemps qu’une ribambelle de personnages de roman ne vous avait pas manqué comme un vieux groupe d’amis?

Alors, si ça n’est pas encore fait, faites connaissance avec ces amateurs éclairés de rognures et vous sentirez à nouveau le vertige de la dernière page.


Extraits


[1} « 21 Janvier 1946

Cher Sidney,

Voyager en train de nuit est redevenu un bonheur ! Finies les attentes de plusieurs heures dans les couloirs, finis les stationnements en voie de garage pour laisser la place à un train militaire ; et par-dessus tout, finis, les rideaux tirés du couvre feu. Toutes les fenêtres des habitations étaient allumées et j’aime me remettre à espionner, ça m’a tellement manqué pendant la guerre. J’avais l’impression que nous étions transformés en taupes, cavalant dans des tunnels séparés.»

 

[2]  «  5 Avril 1946

Chère Juliet,

Vous devenez insaisissable. Cela ne me plaît guère. Je ne veux aller au théâtre avec personne d’autre que vous. J’essaie juste de vous déloger de votre appartement. Dîner ? Thé ? Cocktail ? Balade en mer ? Soirée dansante ? A vous de choisir. Je suis à vos ordres. Je me montre rarement aussi docile, ne gâchez pas cette opportunité de m’amadouer.

A vous,

Mark »

 

[3]  « 31 Mai 1946

Chère Miss Ashton,

Miss Pribby m’a dit que vous vous intéressiez à notre récente expérience de l’occupation de Guernesey par l’armée allemande, d’où cette lettre.

Je suis un homme discret et, néanmoins, au contraire de ce que prétend ma mère, j’ai connu mon heure de gloire. […] Je suis siffleur et pendant la guerre je me suis servi de ce talent pour mettre l’ennemi en déroute. »

 

[1] Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, « Le Cercle des amateurs des épluchures de patates », NIL p25

[2] Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, « Le Cercle des amateurs des épluchures de patates », NIL p149

[2] Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, « Le Cercle des amateurs des épluchures de patates », NIL p256