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Marche ou crève (heu ! S’il vous plaît)

Bonjour M’sieur Dame, excusez moi de vous importuner une nouvelle fois, mais vu que vous préférerez me lire plutôt que d’aller sauver le monde… hein ! Canaillou(se) !

J’va vous conter un peu ma vie, en effet je viens de finir une course à pied. Et là vous vous dites oh non !  Il ne va tout de même pas oser nous vanter l’immense satisfaction d’engloutir 40 bornes en mini short moule-gonades, éclairé par ampoules aux pieds avec option néon 40 000 watts et des cuisses en feu mais épilées (rapport à mon dernier article, merci pour ceux qui suivent).

Que nenni ami lecteur ! Cela n’aurait rien à voir avec votre blog préféré. Je viens tout humblement d’achever la course la plus mortelle au monde, assis dans mon fauteuil Louis XV (prononcez Poäng en suédois). Il s’agit bien sûr de Marche ou Crève de Richard Bachman (alias Stephen King ou l’inverse).

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Achever est le bon terme car dans ce roman à l’eau de sueur écrit en 1979, tout participant marchant en-dessous de 6,5 km/h est exécuté après 3 avertissements (tout de même, grand seigneur !). Le but du jeu car il s’agit d’un genre de télé-réalité avant l’heure mais sans les SMS, est donc de terminer dernier (survivant), il ne doit en rester qu’un, comme dirait tonton MacLeod. Le vainqueur reçoit une très grosse somme d’argent ainsi que la réalisation d’un «vœu».

Au premier abord, ainsi qu’au deuxième, ce genre road book peut sembler long, les pages s’égrainent semant les corps des jeunes concurrents, terreau d’un fertile vainqueur (oh c’est beau). Pour nous aider à nous repérer, le récit se focalise sur Ray(mon) Garraty. Au travers de ses rencontres, ses doutes, ses rêves, nous sommes plongés au cœur de la course, devant une foule en liesse massée en liasse sans se lasser (oups, mon lacet s’est défait !). Au-delà de la douleur, lorsque le mental vous a abandonné depuis longtemps, la victoire n’est plus l’objectif, seul l’espoir d’une délivrance vous tient encore debout. Malgré tout, des amitiés sont possibles, voire même une certaine entraide contre nature entre les candidats.

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Extrait 1 : « Ralentissons un peu, dit Mc Vries. On va y aller mollo. Rejoindre Baker. Nous entrerons dans Augusta ensemble. Les Trois Mousquetaires. Qu’est-ce que t’en dis, Garraty ?»

Extrait 2 : « – Nous voulons tous mourir, déclara-t-il. C’est pour ça que nous faisons ça. Sinon pourquoi, Garraty ? Pourquoi ? »

Extrait 3 : « – Je vais marcher à te crever. »

Le rythme de la fin s’accélère comme si l’auteur était pressé d’en finir, on entend presque Maman King crier à son Stephen de fils : « dépêche-toi, ta soupe va refroidir ! » C’est un petit peu dommage car l’ensemble du roman est parfaitement équilibré.

Pour conclure, je me pose la question : Ne sommes-nous pas déjà engagés dans cette course ? Vous avez 3 heures je relève les copies à la fin!

Je vous laisse là-dessus, vous pouvez retourner sauver le monde, j’ai ouï dire que c’était un job à temps plein.

Informations :
Marche ou crève – Stephen King (Richard Bachman)
Le livre de Poche – Fantastique
Code ISBN : 978-2-253-15139-5
Prix public : 6,60 €




Un voyage en « Train fantôme »

Train Fantôme

Des mises en scène d’Éric Metayer, on se souviendra surtout des 39 Marches et de son ambiance « hitchcockienne » tournée à la dérision qui a connu un grand succès lors des deux dernières saisons [1. La pièce avait alors remporté le Molière 2010 du meilleur adaptateur et celui de la meilleure pièce comique]. Avec Train Fantôme, l’auteur-metteur en scène s’approprie l’univers des vampires pour en faire un cocktail horreur-humour relevé de quelques touches grandguignolesques.

La pièce est plus une suite de sketches qu’une histoire qui suit son cours. Une écriture qui présente ses avantages et ses inconvénients, les principaux étant que certaines parties sont plus drôles que d’autres. De plus, certaines scènes n’apportent rien à l’histoire, créant ainsi parfois un sentiment de confusion dans l’esprit du spectateur. Toutes ces scénettes joyeux monde se déroulent dans une ambiance Disneyland de pacotille, mais un pacotille qui rigole sans grincer de son manque de moyens, créant ainsi un objet d’humour supplémentaire dans la narration de ces conte potaches où il est question d’un notaire, de Dracula, d’histoires d’amour et de femmes volages…

Au final, le Train Fantôme est une aventure amusante où des personnages d’une gentille candeur, parfois même légèrement stupides, divertissent un public venu passer un moment agréable. Les comédiens s’amusent sur scène, le plaisir est ressenti dans la salle. On en demandera pas plus à ce spectacle, qui rempli très bien sa mission de divertissement.

Pratique : Jusqu’au 5 janvier 2014 au théâtre de la Gaité-Montparnasse, 26 Rue de la Gaité (14e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 43 22 16 18 ou sur www.gaite.fr / Tarifs : entre 16 € et 38 €.

Durée : 1 h 40

Texte : Gérald Sibleyras et Eric Metayer

Mise en scène : Eric Métayer

Avec : Jean-Philippe Beche, Andréa Bescond, Dorel Brouzeng-Lacoustille, Yamin Dib, Christophe Laubion.




« Racine Carrée », leçon mélodique par Stromae

     Stromae

     Après « Cheese » (2010), Stromae est de retour sur le devant de la scène avec « Racine Carrée ». Quand un artiste connait un succès fulgurant avec un premier disque, le public attend forcément le second avec une exigence accrue. Heureusement, « Racine Carrée » est aussi réussi que « Cheese », sans pour autant être un retour à la case départ.

On retrouve des fondamentaux : des beats house et électro bien huilés (avec même une petite touch’ dirty sur « Humain à l’eau« ). Certaines de ses fameuses « Leçons » publiées initialement sur YouTube ont aussi donné naissance à de vraies chansons sur le disque (« Tous les mêmes« ). Les textes sont toujours riches, en style certes, mais aussi en contenu. Ce qui mérite d’être noté en cette période où la forme prend le pas sur le fond. Ces temps où certains artistes manient les mots de façon déroutante pour ne rien dire, juste parce que ça fait « joli ». Stromae (qui compose tous ses titres de A à Z) sait même se taire, il le prouve avec de longs passages instrumentaux qui en disent autant, parfois plus que les mots (« Tous les mêmes« , « Quand c’est« ). Son titre « Merci » est même dépourvu de texte, comme quoi, il évite de chanter l’évidence.

Pour l’inspiration, c’est comme Gad Elmaleh : la vie de tous les jours. Sauf que celle de Stromae semble vachement moins drôle : amours tristes (« Formidable« ), ruptures (« Tous les mêmes« ), cancer (« Quand c’est« ), SIDA (« Moule frite« ), abandon du père (« Papaoutai« )… Mais loin d’être sinistre comme Mano Solo, Stromae parle de tout ces soucis avec légèreté, humour, sans pour autant les vider de leur essence. Conscient, presque moralisateur (« Ta fête« ), sans être plombant.   Certains chœurs très mélodiques contrastent avec la déclamation (le « parlé »), ce qui rend les titres vivants, surprenants, le « flow » peut être très différent d’une piste à l’autre, mais c’est toujours bon. Excepté pour le titre « AVF« , pour « Allez vous faire foutre » où sont invités Orelsan (en bonne forme) et Maître Gims en grosse tache de l’album. Le seul avantage à la réunion de ces artistes semble commercial (il faut bien s’assurer un titre qui va cartonner en radio), car musicalement, on s’interroge… Le Gims débarque et saccage le titre avec des lyrics qu’on dirait écrit entre deux vodkas au comptoir d’une boîte (habitat naturel revendiqué de son crew, Sexion d’Assaut) et fait rimer « j’ai un match de foot » avec « allez-vous faire foutre ». Effet garanti.

On pardonne ce faux pas à Stromae, car le reste du disque est « Formidable« , le jeune chanteur mérite la comparaison qu’on fait de lui à Brel au fil des commentaires YouTube. Le « buzz » créé autour du titre éponyme est excellent, autant que le titre. Dans sa voix comme dans ses phrases, parfois tendrement misogynes, et oui, les hommes souffrent parfois. On l’apprend sur « Racine Carrée », avec élégance, rythme et humilité. Une seconde livraison qu’on ne retournera pas à l’envoyeur. On peut dire sans risque que c’est l’album francophone de la rentrée.

 « Racine Carré » de Stromae (Universal) – Sortie le 19 août 2013 (CD et téléchargement) – www.stromae.net




Prêts pour une descente dans la poudreuse

Pas question de ski.
Du free ride éventuellement.
Beaucoup de freestyle ça c’est sûr.
Et de la poudreuse à foison.
De la poudreuse et des diamants.
Mais ces diamants là ne sont pas éternels.
N’est pas éternel non plus le délire qu’ils procurent.
Ce serait trop simple.
Une montée et c’est fait.
Rester perchés pour l’éternité.
Loin de la réalité.
Loin du doute.
Loin des emmerdes.
Il paraît qu’il est libre Max, il paraît que y’en à même qui l’ont vu voler.
(Désolé pour la référence …)
Ça c’est certain.
Il a plané même.
Aux yeux de tout le monde.
Même des flics.
Mais tel Icare des temps modernes, il a vite fait de se brûler les ailes.
Avec en guise de soleil, les emmerdes du quotidien.
Et un souvenir qui ne part pas.
Un souvenir qui le terrasse.
Un souvenir qui le hante.
Celui d’un père parti trop vite.
Parti trop tôt.
Parti d’un coup d’un seul.
Parti d’un coup d’un gun.
Pas de coup d’essai dans la vie.
Pas de générale.
Une seule représentation.
Toute sortie est définitive.
L’homme doit se connaître.
Pour son bien.
Pour celui des siens.
Sinon il se bouffe.
Il se torture.
L’esprit.
Le corps.
Le coeur.
Il devient cannibale.
Cannibale.
Bienvenue.
En pays cannibale.

Ouf … On reprend son souffle. On respire. L’air frais à la sortie de l’Archipel ce dimanche soir est le bienvenu. Pour son premier long métrage, Alexandre Villeret a mis la barre haut. Et le rythme qui va avec. Road-movie en noir et blanc, aux airs de La Haine, avec les héros de Trainspotting. Ou ses faux héros. Mise en abîme d’un documentaire express. 48h de la vie d’un dealer, à travers ses potes, ses filles, ses clients, ses shoots, ses montées, ses descentes. Autant de chapitres que de personnages et de personnalités. De Madame Fanta au Gros Louis en passant par Marie, les séquences s’enchaînent, ne laissent pas de répit. Le spectateur monte avec les personnages. Jusqu’à la chute. La chute finale. Tout un monde qui s’écroule devant le poids des souvenirs et la pâleur des illusions.

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Réalisateur
: Alexandre Villeret
Auteurs : Alexandre Villeret et Aymeric de Heurtaumont
Image : Jean-Baptiste Rière
Son : Clément Martin
Costumes : Jérémy Baré
Montage : Charlotte Teillard d’Eyry et Alexandre Villeret
Producteur délégué : Aymeric de Heurtaumont
Produit par : Takamaté Films, Tracto Films, Shaman-Labs et Commune Image
Distribué par : Commune Image Media et Takamaté Films en association avec La Vingt-Cinquième Heure

Avec :
Max : Axel Philippon
Lenny : David Saracin
Yoann : Ivan Cori
Angelo : Jo Prestia
Marie : Sophie Chamoux
Joséphine : Magdaléna Malina
Nathalie : Dany Verissimo
José : Shamzy Sharlézia
Lady Fanta : Claire Amouroux
Mon adjudant : Yves Pignot
Dexter : Dexter Dex Tao
Gros Louis : Thierry Nunez

 

 




Sombre dimanche chez les Mandy

Imre ne rime pas forcément avec émir.

Certes, en Hongrie, il y eut Imre Kertesz, génie littéraire, et avant lui Imre Nagy, figure de l’insurrection populaire, à ce titre parfois considéré comme un héros national.

Mais il faut aussi compter avec Imre Mandy, premier du nom et d’une longue lignée d’Imre Mandy (le prénom se transmettant de père en fils à l’aîné des garçons). L’aïeul a été le bâtisseur d’une petite maison, à l’origine isolée au milieu d’une clairière en périphérie du centre-ville de Budapest. Puis, au fil des générations, ce havre de paix s’est trouvé enclavé au « beau » milieu des voies de chemin de fer de la gare de Nyugati. C’est là qu’ont ensuite grandi Imre Mandy (le grand-père), Pàl (le père, seule exception à la règle des prénoms…) et Imre Mandy (fils de Pal et petit-fils d’Imre), héros du roman de la jeune auteure française, Alice Zeniter.

Extrait 1 :
Pal et Agi ne voulaient pas entrer dans le monde des parlants. Ils préféraient leur silence.
Très rapidement, cela devint une habitude. Imre suivait les rails dans la nuit, à l’heure où plus aucun train ne passait, où il pouvait marcher sans peur. Et, arrivé près de la maison, il voyait les points rouges de deux cigarettes dans le jardin triangulaire.
Agi et Pal fumaient un paquet entier pendant la nuit, avant de trouver la force de regagner leur chambre. Ils regardaient devant eux dans le noir, sans jamais se confier ce qu’ils y voyaient.

 

Un héros élevé en plein joug communiste et qui voit arriver à l’aube de l’adolescence un champ de possibles nouveaux, une promesse d’espoir, de liberté et de lendemains qui chantent et fleurissent. Une promesse de voyage et d’inconnu(e)s.

Hélas, ces promesses et ces ardeurs se retrouvent rapidement rattrapées par la réalité de son quotidien et de son entourage. Tout espoir se mue alors en illusion, puis en désillusion. L’immobilisme et le fatalisme règnent dans le jardin triangulaire des Mandy. Et rien ni personne ne semble pouvoir contrecarrer les plans d’un implacable destin ni la fatalité dans laquelle semblent se complaire les membres de cette famille.

Extrait 2 :
L’étroitesse de la maison au bord des rails rendait l’adolescence d’Imre encore plus difficile. Il avait toujours l’impression de buter sur un membre de sa famille quoi qu’il fasse. Il avait des lubies de réorganisation, espérant établir des barrages entre son espace personnel et le reste du monde.

 

Justement récompensé par le Prix de la Closerie des Lilas (Arkult avait assisté à cette belle consécration) puis par le Prix du Livre Inter en 2013, « Sombre Dimanche » est une plongée dans la complexité et l’insignifiance de la vie humaine. La mort rôde, sournoise et prévisible, au détour des chapitres, et avec elle les douloureux secrets de famille, les déceptions amoureuses, les désillusions amicales. Dans un cadre propice à l’espoir de renouveau qu’est celui du Budapest libéré et qui cherche à se réinventer, Alice Zeniter nous rappelle à la triste amertume de la réalité. Avec son écriture directe, efficace, elle ne laisse pour ses personnages, aucune place à l’hésitation, ni pour son lecteur à l’ennui.

Pratique :
Sombre Dimanche, d’Alice Zeniter
Ed. Albin Michel
Format : 205 mm x 140 mm
288 pages
EAN13 : 9782226245175
Prix : 19.00 €

Vous pourrez bien sur vous procurer ce livre dans une de nos librairies coups de coeur, l’Ouvre Boîte.

 




Entretien (au poil) avec un vampire de la littérature

Robert Langdon embarqué malgré lui dans une course contre la montre afin de déchiffrer un code, poursuivi par une organisation secrète à travers une ville musée, accompagné d’une ravissante jeune femme.

Du déjà lu ?

 

INFERNO Dan Brown
INFERNO Dan Brown

Improbable entretien :

Assis là en lisant les dernières pages d’INFERNO, le dernier roman de Dan Brown, dans mon institut de beauté préféré j’attends pour mon épilation du… (enfin bon peu importe). Un homme me regarde fixement  (oui, je suis d’accord, il y a beaucoup trop d’hommes dans cet institut) et m’adresse la parole :

–        Hey I’m Dan Brown and I’ve written this book.

(Hey je suis Dan Brown et j’ai écrit ce livre)

La suite du récit sera intégralement en français !

–        Bonjour, lui répondis-je, je suis Olivier et je viens me faire épiler le… enfin bon peu importe.

–        Puis-je vous demander ce que vous avez pensé de mon dernier roman ? Soyez sincère !

–        Dan, on peut se tutoyer ?

–        Oui, bien sûr…

(Tout comme je me l’étais promis après mon avant-dernière cuite : « pluuuuus jamais !» mais voilà j’ai replongé dans ses pages)

–        Dan ! Dan ! Mon Dany ! Tu ne pouvais pas le laisser un peu tranquille le Robert ! Ce n’était pas assez de l’avoir fait courir dans tout Rome, lui faire visiter Paris et Washington au pas de course, le fâcher avec l’église et les Francs-maçons. Il a fallu que tu entraînes le plus célèbre symbologiste du monde, accablé d’une amnésie partielle que l’on espère passagère, à Florence, Venise, et Istanbul, en avion, qui plus est, pourtant tu sais qu’il n’aime pas l’avion le Robert !  Tu lui assènes tes coups de théâtre, mais tel un vieux ballon dégonflé cela ne rebondit plus comme avant. Oui, cela fait de magnifiques cartes postales  et tu restes un incroyable guide culturel, tu aurais même pu sous-titrer ton roman  « Les musées de la Renaissance pour les Nuls ».

Cette fois, t’as pas lésiné : fin du monde, virus, manipulations génétiques, gros bateau et méchants très très méchants (Ron Howard va exploser son budget prod.) ! Certes c’est dans les vieux pots… mais du pot, le Robert, il n’en a pas. Il a la loose attitude tout de même, il ramasse grave, reconnais-le ! Bon ok, une fois de plus, tu le flanques de la belle intello du coin qui tombera forcément amoureuse du beau Robert en costume Armani (exit la veste en tweed), à l’instar de Sophie (Da Vinci Code) elle martèle, mais se marre-t-elle ? Est-elle mortelle ou mord-elle ? Je la cite :

«Tueriez-vous la moitié de population pour empêcher l’extinction de l’espèce humaine ? »

Voilà, ça y est, tu fais la moue, ne le prends pas mal,  j’ai même apprécié la présentation : La divine Comédie de Dante Alighieri cité au moins 120 fois, quel enfer (pardonne-moi) ! Sur fond de surpopulation mondiale ; ça c’est une idée ! Alors que tout le monde s’acharne à sauver les bébés dauphins ou les grenouilles sauvages de Nouvelle Guinée toi, tu nous expliques gentiment que l’on est trop nombreux sur Terre et qu’il faudrait voir à en éliminer certains, la moitié en fait, au bas mot, et si possible les plus mauvais.

Ton style est fluide à l’excès, telle une grenadine trop sucrée : c’est agréable mais on a envie de vite boire autre chose derrière.

Voilà, je t’ai tout dit, et pourtant je dois l’avouer, à peine refermé j’ai déjà hâte d’ouvrir ton prochain livre, mais pitié, la prochaine fois, laisse les gondoles à Venise et Robert… à la maison.

–        Hey ! mais justement le prochain sera une aventure totalement différente : un professeur en  symbologie se réveille dans une chambre d’hôtel…

–        Dan ! Dan !

–        But what ?

–        Non, rien mais la cire est chaude.

 

Extrait 2 :
« Langdon se sentait nauséeux. La seule personne en qui il avait eu confiance, dans cet imbroglio, était Sienna. Et tout était faux ? Non, il ne pouvait croire que la jeune femme voulait, comme Zobrist, répandre une maladie mortelle sur la planète. »

 

Informations :
INFERNO – Dan BROWN
Editions : JC Lattès
Collection : Thrillers
Date de Parution : 05/2013
Code EAN/ISBN : 9782709643740
Prix public : 22,90€

 




Sapin le jour, Ogre la nuit …


Arkult_SML_InsideArticleUn beau soir d’été Samantha, Carrie, Charlotte et Miranda* se sont rendues dans les Vosges.

*Les prénoms, bien sûr, ont été modifiés, mais disons « un groupe de nénettes vachement chouettes » ont assisté au one-man-show de Sophie-Marie Larrouy : Sapin le jour, Ogre la nuit.
Un nom d’artiste à rallonge (quand ils sont nombreux à se contenter d’un prénom!?) et un nom de pièce énigmatique, pour une surprise caustique et touchante.

Les Vosges, dont Sophie-Marie Larrouy est originaire, nous sont ici contées d’une manière assez terrible. On est loin de l’image caricaturale des boites de pastilles pour la gorge, peuplées de monstres imaginaires (ogres) ou bien réels (Francis Heaulme et son poto Xavier Dupont de Ligonnès). SML a du talent et même s’il y a quelques hésitations, c’est une artiste une vraie de ceux (et celles) qui ont un vrai monde à eux et un sacré pet au casque. Et non, bien que SML soit une fille, ça n’est pas un spectacle girly, messieurs allez-y tranquilles !

Derrière un sourire onctueux (qui imite à merveille des lèvres mal botoxées) et une charmante robe aux motifs Liberty se cache une humoriste brute de pomme. La demoiselle venue de l’Est recourt de façon très assumée à des phrases à tiroirs sans bugner sur des polichinelles. Sophie-Marie Larrouy a une diction très théâtrale et son lexique soutenu côtoie un jargon vosgien guttural dont la rudesse est accentuée par des postures masculines et une bière greffée dans la main droite. Mais puisque la bière, elle la fait tourner, tout va bien!

Seule en scène, après quelques entrechats déjantés SML débute sa psychanalyse de groupe. Elle nous livre ses extravagantes psychoses mais aussi des morceaux choisis de son enfance. Freud lui même ne s’en remettrait pas. Pour les fans, elle laisse aussi s’exprimer Vaness la Bomba, quintessence d’un univers pittoresque, délirant et parfois noir. L’intervention finale de ce double maléfique de SML est la cerise sur le gateau; une touche chantante et dansante (vidéo) au spectacle.

Arkult_SML_Affiche

La Matinale de Canal+, où elle a fait ses armes, ne s’y était pas trompée, SML est drôle et douée! Sapin le jour ogre la nuit est un stand-up très spontané et jamais téléphoné.

Le tout petit théâtre des 3 bornes accueille Sophie-Marie-Vaness pour son show décalé chaque dimanche et lundi.

Pratique : du Dimanche au Lundi à 20h
A la Comédie des 3 bornes, 32 Rue des Trois Bornes – 75011 Paris
Réservations : 01 40 21 03 64

Tarifs : entre 8€ et 16€.
Durée : 1h
De : Sophie-Marie Larrouy
Mise en scène : Océane Rose Marie
Avec : Sophie-Marie Larrouy

 




Mélodie pour une insomnie – la Norvège l’autre pays du Polar

Melodie pour une insomnie

Jusqu’où irions-nous pour retrouver le sommeil ? Pour son deuxième livre, le norvégien Jorgan Brekke répond à cette question d’une manière personnelle et pour le moins …. Tranchante.

Déjà au titre, nous savons que la nuit qui va suivre la lecture de ce livre sera agitée.  L’insomnie chronique, la fatigue, l’épuisement que rien ne peut soulager, si ce n’est une berceuse composée en 1767 qui, en l’écoutant, redonnerait un sommeil « éternel ». Peu banal !

On est bien loin de « La belle au bois dormant », et si pour Charles Perrault ou les frères Grimm un baiser suffit à réveiller la princesse, pour Brekke le scalpel est un outil bien plus efficace pour endormir. En effet, afin de pouvoir retomber dans le bras de Morphée au bruit du marchand de sable, le tueur déroule sa partition employant toutes les ficelles du parfait tueur en série : tromperies, séquestrations, tortures morales et physiques (tiens je bave !) le tout avec l’allure de « monsieur tout le monde ».

Jorgen Brekke est un mélomane du crime, usant de toutes les ruses du polar sans tomber dans l’excès : un flic abîmé par le temps se remettant difficilement d’une grave maladie, passionné par son boulot et des victimes innocentes seulement coupables de posséder le don du chant. Une intrigue d’une extrême habilité, rendu encore plus percutante par une seconde enquête sur le meurtre d’un troubadour menée en 1767, genèse des crimes. Le style est fluide et adroit. On a plaisir à enchainer les paragraphes alternant passé et présent, Jorgen Brekke s’amuse à jongler entre les époques et nous avec.  La conclusion du livre ne laisse aucun doute sur une future suite…attendue.

Si ce thriller était une couleur ce serait le rouge, s’il était une symphonie, Jorgen Brekke en serait le chef d’orchestre, et le tueur : son premier violon.

Extrait :
« – Elle est sur la table d’autopsie depuis moins de trois heures. Nous sommes des scientifiques, pas des magiciens. Si tu veux des réponses plus simples que celles que nous pouvons t’apporter, je te suggère de te mettre à lire des romans policiers […] »

 

Informations :
Mélodie pour une insomnie – Jorgen Brekke
Traduit du norvégien par Carine Bruy
394 pages
Editeur : Balland (avril 2013)
ISBN : 978-2-35315-169-1

 




Dénommé Gospodin … P. Löhle nous propose une évasion !

Au commencement, il y eut le lama.
Greenpeace. La télévision. L’ampli stéréo. Les amis. L’enterrement. La femme. Le travail. L’argent. La famille. L’argent. Le crime. L’argent. L’argent. L’argent.

Tous ces éléments du quotidien des « petits-bourgeois ». Toutes ces charges dont il semble nécessaire de se défaire pour revenir à la vie, et lui redonner sens. Dresser un dogme initiatique entre l’homme et le monde qui l’entoure. Ses aspirations et la société. Sa conception et la réalité de ceux qu’il côtoie. Éternelle contradiction des points de vue. Le dénuement matériel au profit de la richesse spirituelle. Descente aux enfers qui s’apparente à une montée en grâce.

Gospodin chemine à travers cette société moderne en véritable électron voulant devenir libre. Et nous pose ainsi devant la réalité de nos choix de vie, devant les valeurs qui la dominent.

Quel avenir pour la propriété ?
Quel sens à l’argent ?
Quelle réalité derrière la décision ?
Quelles possibilités de fuite ?

Arrivé le dénouement, toute la pièce prend un nouvel éclairage, un second sens, un second souffle. Génie de l’écriture, force et maîtrise de la mise en scène. Philipp Löhle et Benoît Lambert emmènent le spectateur dans une introspection difficilement manichéenne.

Telle une curiosité que l’on suivrait dans ses déambulations quotidiennes, Gospodin est un anti-héros des temps modernes, transcendé par l’époustouflant Christophe Brault. Cette bête de foire dont l’univers se résume aux personnages alternativement incarnés par Chloé Réjon et Emmanuel Vérité, également présentateurs et narrateurs de cette fable d’anticipation, qui n’est pas sans évoquer « The Truman Show ».

Programmé au Théâtre National de la Colline, cette création du Théâtre Dijon Bourgogne (dirigé également par Benoît Lambert) est à découvrir avant le 15 juin ! Dépêchez-vous, les places s’arrachent devant le succès de la pièce …

 

denomme-gospodin

 

Pratique
Théâtre National de la Colline – Petit Théâtre – du 15 mai au 15 juin – www.colline.fr
Du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h
durée 1h30

Auteur : Philipp Löhle
Mise en scène : Benoît Lambert
Avec : Christophe Brault, Chloé Réjon, Emmanuel Vérité

 




Sans visage – Chronique de l’horreur peu ordinaire

Pekka Hiltunen - Sans visage - Couverture
Pekka Hiltunen – Sans visage – Couverture

Un thriller qui nous vient du froid et interroge sur notre société contemporaine. Par l’intermédiaire des yeux d’une étrangère émigrée à Londres (Lia Palaja), Pekka Hiltunen nous fait réfléchir sur les mutations en cours au sein de nos sociétés occidentales.

La montée en flèche de violences toujours plus sordides, la prise de conscience et l’engagement citoyen, la crise de confiance croissante envers les institutions et administrations, police en tête.

Deux événement déclencheurs de toute l’histoire.
Le premier : une découverte macabre à l’arrière d’un coffre de voiture. Des restes humains, oeuvre d’un passage acharné d’un rouleau compresseur de chantier, déposés aux yeux de tous en plein coeur de la City. Voilà pour l’origine du mal.
Le second : la rencontre entre deux Finlandaises en terre étrangère (Lia et Mari), qui dès les premiers instants, comprennent qu’elles ont une histoire à écrire et vivre ensemble. Voilà pour l’origine du bien.
Vision quelque peu manichéenne qui va toutefois se voir nuancée au fil du récit.

Ce thriller, premier d’une trilogie londonienne, est un manifeste non dissimulé pour un certain féminisme, en guerre active contre la prostitution et les violences faites aux femmes. Un combat fortement teinté d’engagement politique, pour prévenir notre société moderne des dérives que peut engendrer la tentation de se rallier aux extrêmes. Notamment au regard de l’immigration et des débats publics que l’on connaît actuellement dans de nombreux pays européens.

« Sans Visage » peut se lire comme une ode au multiculturalisme. Au coeur d’un Londres composé de populations de tous horizons (est-ce qu’il le restera ? Les débats en cours en Grande-Bretagne pourraient modifier la donne). Avec deux héroïnes finlandaises. Et des personnages venus d’Europe de l’Est. Quel destin pour ces émigrés, en quête d’un nouvel avenir ?

Des ingrédients assez basiques finalement dans la littérature, mais qui font mouche sous la plume du finlandais Pekka Hiltunen. Sans doute grâce aux personnalités fortes des différents personnages, Lia et Mari en tête, et au rythme haletant du récit. Malgré certaines invraisemblances ou « heureux hasards » dirons-nous, « Sans Visage » ne vous laissera de répit qu’une fois achevé. Impossible de s’y soustraire en cours de lecture … 

Extrait :
La panique se propagea dans la rue. Elle se répandit sur les visages des passants et dans leurs gestes inquiets.
Encore écrasée par la torpeur matinale, Lia fixa la scène à travers la vitre du bus. Tous les passants arboraient soudain la même expression, comme une grimace provoquée par une terrible nausée.
On était début avril. Lia se rendait à son travail. C’était une cérémonie de soumission quotidienne, une heure en offrande au flux de la circulation qui traversait cette ville trop grande et trop remplie. Pour Lia, vivre à Londres signifiait vivre collée à d’autres personnes, un abandon constant de son propre espace vital au profit des autres.
Ce matin-là, dans la rue Holborn, peu avant le terminus de la rue Stonecutter, elle vit quelque chose qu’elle n’avait jamais aperçu auparavant.
L’instant avant la catastrophe. C’est à ça que ça ressemble.
Une voiture était garée sur le trottoir et une foule se pressait tout autour. Là se trouvait la source de la peur, le point zéro d’où la panique se propageait.
La voiture était une grosse Volvo blanche, garée en travers du passage piétons, comme abandonnée là en urgence. On n’apercevait personne à l’intérieur du véhicule mais le coffre était grand ouvert. Les passants le montraient du doigt, et ils étaient de plus en plus nombreux à ralentir le pas et à s’arrêter.
Dès qu’une personne s’approchait suffisamment pour voir à l’intérieur du coffre, son expression changeait. La grimace.
Quel qu’ait été le contenu, il les pétrifiait tous, comme s’ils recevaient un coup en pleine figure. Beaucoup se dépêchaient de s’éloigner.
Pourtant, la foule continua à s’amasser sur les lieux.
Par la porte ouverte du bus, Lia entendit les exclamations des passants. C’étaient des phrases angoissées, hachées, elle n’arrivait pas à savoir ce qui s’était passé. Un homme appelait un numéro d’urgence avec son portable. Une dame âgée avait fermé les yeux et répétait : «Mon Dieu. Mon Dieu.»
Lia se mit debout pour voir ce qui se passait sur le trottoir, mais à l’instant même le bus démarra et les portes se fermèrent. Le chauffeur appuya sur l’accélérateur pour se réinsérer dans la circulation. L’instant d’après, Lia fut projetée contre le siège devant elle, puis rebondit sur son propre siège. Le chauffeur avait pilé pour ne pas entrer en collision avec deux véhicules qui étaient venus se garer devant lui.
Le premier était une voiture de police. Ce n’est qu’en voyant le gyrophare clignoter sur le toit, même une fois la voiture arrêtée, que Lia fit le lien avec la sirène assourdissante qu’elle entendait en fond sonore. Le second véhicule qui s’était frayé un passage était une camionnette d’une chaîne télé, flanquée du logo d’ITV News.
Le bus repartit. Lia ne pouvait plus apercevoir l’intérieur de la Volvo d’aussi loin. En un instant, la scène étrange fut derrière elle.

 

Pratique :
Sans Visage – Pekka Hiltunen
Titre original : Vilpittömästi sinun
Traduction française : Taina Tervonen
448 pages
Editeur : BALLAND (5 avril 2013)
Langue : Français
ISBN : 978-2353151671

 




In Nomine Fratris – Au nom du frère …

In Nomine Fratris - Michel MALAUSSENA - Couverture
In Nomine Fratris – Michel MALAUSSENA – Couverture

« In Nomine Fratris » est le 3e ouvrage de Michel MALAUSSENA. Après « Animatueurs » (1) , véritable pavé dans la mare infestée de crocodiles du petit écran, puis « Et Pourquoi pas Hollywood ? » (2), il signe ici un roman prenant combinant  fiction et éléments du réel.

S’appropriant l’exercice de style qui voit se mêler et s’interposer deux récits en apparence sans rapport, il mène d’une plume adroite et puissante le déroulement d’un mystérieux fil d’Ariane.

D’une part, des documents on ne peut plus formels : procès-verbaux de gardes à vue, rapports d’auditions de témoins, dépositions en tous genres, autour d’un étrange accident nocturne.
De l’autre, des récits de jeunesse, souvenirs d’une enfance bercée par la sécurité d’une famille aimante, guidée par des valeurs fortes.

 

 

 

J’en veux pour preuve ces deux courts extraits :

Extrait 1 : 

« Question : Votre mari était-il sujet à malaise ?
Réponse : Jamais depuis que le connais.
Question : A votre avis, pourquoi votre mari a-t-il abandonné Madame Annezer ?
Réponse : Je ne puis vous répondre.
Question : Désirez-vous allez voir votre mari à la morgue ?
Réponse : (n’a pas répondu) »

 

Extrait 2 :

« – L’église ? Ça va pas bien ou quoi ?
Mais notre mère a insisté dans l’intention de normaliser les rapports père-fils.
– Comment veux-tu qu’il considère un mariage hors de l’Eglise ? … Comme une provocation supplémentaire ?
Lorsqu’il a compris que son père apprécierait l’effort et trouverait là l’occasion de recoller les morceaux, mon frère s’est résigné.
– Après tout, c’est un effort dérisoire, tu as raison, autant ne pas gâcher la fête, je n’en suis plus là.
Il est de ces gestes auxquels le plus obtus des parents ne peut rester insensible. Après trois ans de brouille, la concorde était donc en route. »

 

Ces routes, en apparence parallèles, finirent néanmoins par trouver un point d’ancrage. Une rencontre qui bouleverse le cours d’existences paisibles.

Michel MALAUSSENA réussit là un véritable tour de force. A la froideur des documents judiciaires, il oppose la chaleur de l’amour filial et fraternel. A l’impersonnalité des échanges administratifs, il oppose l’inébranlable des sentiments humains. A l’injustice orchestrée par les instances d’un Etat dépassé par les événements, il dresse la soif de justice d’une famille désemparée et accablée par le malheur.

Pratique

Broché: 280 pages
Editeur : BALLAND (7 mars 2013)
Collection : LITTERATURE
Langue : Français
ISBN : 978-2353151950

 

Notes :
(1) : Animatueurs – Ed. Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 2008
(2) : Et pourquoi pas Hollywood – Ed. Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 2009

 




Alice Zeniter – Prix de la Closerie des Lilas 2013

Prix littéraires et mondanités font souvent ménage commun. La Closerie des Lilas ne déroge pas à ce mariage des genres.
Ainsi, c’est dans le somptueux cadre de la célèbre brasserie parisienne du 171 boulevard du Montparnasse que s’est tenue mardi 09 avril dernier la 7e cérémonie de remise du Prix du même nom.

Particularité de cette distinction : un jury exclusivement composé de femmes, en charge de désigner une heureuse lauréate. A la différence donc du Femina, qui consacre indifféremment hommes ou femmes.

L’heureuse élue de l’édition 2013 est ainsi une jeune auteure. 27 ans. Déjà trois romans à son actif. Alice Zeniter.
« Sombre dimanche », encensé par la critique à sa sortie, a convaincu le jury, présidé par Emmanuelle de Boysson.

Et c’est entouré du Tout-Paris que l’écrivain française a célébré cette reconnaissance de ses pairs : Frédéric Beigbeder, Véronique Ovaldé, David Foenkinos, Erik Orsenna, Amélie Nothomb, PPDA, Mazarine Pingeot, Tatiana de Rosnay, Tonino Benacquista, Amanda Sthers, Nicolas Bedos, Arielle Dombasle, Jean-Pierre Mocky, …

Passée l’heure de l’annonce et de la remise des distinctions, tout ce petit monde s’est laissé envoûter par les mélodies du jeune et talentueux groupe parisien : Théodore, Paul et Gabriel. Qui comme son nom ne l’indique pas, est lui aussi exclusivement féminin.

Mais ça, c’est une autre histoire … à suivre très prochainement sur Arkult !

Alice Zeniter - Lauréate du Prix de la Closerie des Lilas 2013
Alice Zeniter – Lauréate du Prix de la Closerie des Lilas 2013




Oh les beaux jours – Quand Frot magnifie Beckett (et réciproquement !)

« Ca que je trouve si merveilleux », ou encore « (Sourire.) Le vieux style ! (Fin du sourire.) ».

Un peu comme le « I would prefer not to » bartlebien, deux exemples d’épanadiploses (ou presque) que nous offre Beckett dans son incroyable « Oh les beaux jours ».
« Oh les beaux jours » (titre original : Happy Days), est à l’origine écrite en anglais par Samuel Beckett en 1961, avant d’être transposée en français par l’auteur lui-même deux ans plus tard.

Ce texte, court, met en scène Winnie et Willie, la cinquantaine entamée. Dans un quasi monologue, Winnie nous fait vivre les petits moments d’une journée habituelle. De biens petites choses : coiffure, brossage des dents, qui se révèlent être de solides accroches pour affronter la vie qui passe, pour s’accrocher aux ravages du temps. Beckett nous entraîne en effet, sous des airs innocents et quelque peu puérils, dans le drame de la vie humaine : elle a un début, elle a une fin. Pas question de l’oublier, de se laisser penser à croire qu’on pourrait y échapper. On observe ainsi la décrépitude des corps et des esprits au gré des jours et des saisons.

Et pourtant, pas question non plus de tomber dans une morne tristesse, Winnie conserve cette incroyable faculté, ce talent même, de se réjouir de moments que nous serions nombreux à trouver plus qu’anodins. Ce pouvoir d’émerveillement, de ravissement est saisissant. Catherine Frot le magnifie davantage encore, avec ses incroyables intonations et ses airs d’insouciance et de naïveté. Elle offre ainsi aux spectateurs une heure vingt de délectation, car la performance est éblouissante. 80 minutes de presque monologue dans un texte délicat, très délicat, finement haché, fortement dirigé (de la direction du regard au début et à la fin des sourires, tout est prévu par Beckett). Et pourtant, preuve du génie de l’actrice et du metteur en scène, rien ne semble forcé, rien ne semble contraint, tout coule naturellement aux yeux du spectateur. Un numéro d’équilibriste sans filet parfaitement maîtrisé.

Et pour apprécier davantage encore, courez vite jeter un oeil au texte de Beckett … La rencontre entre Winnie et Catherine Frot n’apparaîtra que plus logique !

Oh les beaux jours - Affiche

 

Pratique : du Mardi au Samedi à 21h00, Matinée Samedi à 17h

Au Théâtre de l’Atelier – 1, place Charles Dullin – 75018 Paris
Réservations : 01 46 06 49 24
Tarifs : entre 15€ et 40€.

Durée : 1h20

De : Samuel Beckett

Mise en scène : Marc Paquien assisté de Martine Spangaro

Avec : Catherine Frot, Jean-Claude Durand

 




Arditi chante sous la pluie au Théâtre Edouard VII

 

Copyright Emmanuel Murat
Copyright Emmanuel Murat

« Comme s’il en pleuvait »,
Pleuvait quoi ? des billets, des euros, de l’oseille, des biffetons, de l’oseille,
Sur ? Bin sur Evelyne Buyle (Laurence) et Pierre Arditi (Bruno),
Sur ce modeste couple de gauche, qu’ils campent à ravir,
Sur le petit salon de leur appartement du XVème arrondissement,
Pour ? Ma foi, pour une belle comédie de mœurs qui fait la part belle au show-man qu’est Arditi.

 

Que faire de cet argent mystérieusement tombé du ciel, pas mérité donc forcément jugé comme illégitime et louche. Le dépenser ? Thésauriser ? Voici la trame de la pièce. Mais la réflexion idéologique ne plombe pas bien longtemps l’ambiance divertissante.  Quelques phrases cultes sont distillées au gré de la pièce au rang desquelles on retiendra « C’est pas parce qu’on est de gauche, qu’on doit porter des pulls qui grattent ». Puis, de ce sujet classique du théâtre qu’est l’appât du gain, on bascule rapidement dans le baroque, le loufoque.

Les actes s’enchaînent de manière fluide, la pièce est très cadencée, ça bouge. Sur scène le couple Buyle-Arditi est rejoint par Véronique Boulanger (la femme de ménage à l’accent très prononcé) et Christophe Vandevelde (le voisin excédé). Ils participent du crescendo rythmique et dramatique avec des personnages caricaturaux très représentatifs de la comédie de boulevard. Ils sont le grain de sable qui fait que ça déraille, que ça chauffe et ça s’échauffe sur les planches. Bernard Murat à la mise en scène pose un joli décor simple avec jeux de lumières recréant l’heure du jour mais, nous y a réservé quelques surprises.

La prestation d’Arditi dans le rôle de Bruno est délectable. Quand l’ours mal léché du théâtre français « pète littéralement un câble » c’est truculent. Il a les yeux fous de Jack Nicholson dans Shining et on se demanderait presque où s’arrête l’acteur et où commence l’homme tant il semble être dans la peau du personnage … bref, il lâche les chiens.

Le réalisateur, Sébastien Thiéry, a écrit le rôle de Bruno en pensant à Pierre Arditi. Si vous donnez le rôle du soleil à un acteur qui rayonne déjà beaucoup, de son aura et de son charisme, l’avantage est qu’il donnera tout ; cependant il brille presque trop au détriment de ses comparses et d’un développement sur d’autres axes de la pièce : le burlesque, la relation entre les personnages, l’introspection.

On passe un excellent moment dans l’écrin élégant du Théâtre Edouard VII installé au coin de la place au nom éponyme, reliée au Boulevard des Capucines par une rue piétonne. Un tableau tout à fait réjouissant seulement assombri par l’absence de répondant ou de mordant suffisamment vigoureux pour contenir Arditi… juste un peu.

 

Pratique : Du Mardi au Samedi à 21h, Le samedi à 18h et le dimanche à 15h30

Au Théâtre Édouard VII, 10 place Édouard VII, Paris IXeme.
Réservations par téléphone au 01 47 42 59 92
Tarifs : entre 20€ et 53 €.

Durée : 1h15

De : Sébastien Thiéry

Mise en scène : Bernard Murat

Avec : Evelyne Buyle, Véronique Boulanger, Christophe Vandevelde, Pierre Arditi.




Clint Eastwood Un rebelle américain – Marc ELIOT

Les biographies sont toujours des ouvrages difficiles à concevoir, celle-ci ne fait pas exception pour trois raisons : le sujet est toujours de ce monde, n’a pas été associé à l’écriture et surtout il s’agit de MONSIEUR Clint…

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L’avantage indéniable que Clinton Elias Eastwood Jr n’ait pas collaboré à ce livre est une approche plus rationnelle du sujet, il n’y a pas d’influences internes. Ceci permet à Marc Eliot de présenter la légende mais aussi et surtout l’homme avec ses forces et ses failles.

Outre la carrière (68 films tous confondus), cet ouvrage nous plonge de l’autre côté de l’écran, dans le monde du cinéma hollywoodien, pas très loin des paillettes, mais plus proche de celui de l’argent. Car oui, il faut de l’argent pour faire un film et oui il doit rapporter des Million Dollar Baby ! Sur ce point, Dirty Harry, maîtrise son sujet.

Moteur, Action et çaaaaaa tourne ! Voici comment M. Eastwood mène sa vie, tant mieux pour ceux qui peuvent suivre son rythme et ses changements de directions, tant pis, et ils sont plus nombreux, ceux que Clint a laissé sur la route (de Madison) ou Au-delà (ouh j’ai honte !). Souvent Jugé coupable d’un manque artistique de la part des critiques, à la limite de L’Epreuve de force, il s’acharna à garder les pleins pouvoirs sur sa carrière tel Le maître de guerre Impitoyable.

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Autant adulé que détracté, certains diront qu’il a su donné sa chance à La relève  (ex : Mickael Cimino pour le Canardeur) ; les autres, le doigt sur la gâchette, le viseur Dans la ligne de mire, affirment que ce n’était par soucis de garder le haut de l’affiche qu’il s’est souvent entouré de débutants.

Son style de vie tient également une grande place dans cet ouvrage  sans jugement et sans fausse pudeur, Marc Eliot retrace les nombreuses conquêtes, leurs conséquences, ses descendances assumées ou non, mais également son engagement politique.

Extrait :

« On ne pourrait en aucun cas qualifier Clint de libéral. Mais il n’a jamais été non plus dans le prosélytisme républicain absolu. « Indépendance pragmatique », telle est la meilleure façon de décrire ses idées politiques ».

A noter, la très honnête et belle préface d’Eric LIBIOT, fan de la première heure.

Extrait :

« A la question : « Pourquoi racontez-vous cette histoire-là ?, Clint Eastwood balance la même réponse depuis toujours : « comme l’alpiniste à qui on demande pourquoi il va escalader cette montagne, je réponds : « Parce qu’elle est là » » .

Bref, un livre à conseiller aux aficionados pour en apprendre plus sur l’homme, mais aussi à ceux qui le sont moins pour comprendre la légende.

MONSIEUR Clint restera pour toujours dans les Mémoires de nos pères. Et même si nous ne vivons pas dans Un monde parfait, ce Doux, dur et dingue à bord de sa Gran Torino nous le rend plus distrayant. Rawhide ! 

 

Clint Eastwood Un rebelle américain, Marc ELIOT

Ed. Balland

479 pages, 24,90 €

ISBN : 978-2-35315-187-5