1

Les Menteurs – Un goût amer …

« Love it, or hate it »
Tel est le slogan de la Marmite, cette « délicieuse » pâte à tartiner tout droit venue de Grande Bretagne (fabriquée à l’aide levures utilisées pour la fabrication de la bière).
Tel pourrait être également le slogan de la nouvelle pièce à l’affiche au Théâtre de la Porte Saint-Martin, « Les Menteurs », avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès.

Et malheureusement dans les deux cas, le constat est sans appel, en quelques minutes à peine, j’en suis arrivé à la deuxième alternative.
« Hate it ».

Et pour continuer dans la métaphore culinaire, tout dans cette pièce sent le réchauffé.
Le gag surgelé, un peu oublié, et que l’on ressort pour une grande occasion.
Réchauffé à la va-vite, et toujours insipide.

Alors peut-être que nous, génération Y, sommes plus difficiles sur ce que l’on nous propose comme nourriture de l’esprit.
Mais là, pendant presque deux heures, l’esprit crie famine, rien à se mettre sous la dent.
Les zygomatiques subissent le même sort, pas d’occasion de se tendre et détendre. Tout reste figé.

Seul un léger incident a déridé l’assistance (au propre et au figuré).
Un pasteur qui se blesse par mégarde sur scène, et déclenche une belle séance d’improvisation.
Alors apparaissent aux yeux de tous, le talent des comédiens présents sur scène.
Une capacité d’inventer. Une simplicité dans le jeu. Pas de refuge possible derrière un texte trop bien connu.
Intermède bien éphémère, entre deux longueurs d’une heure.

Le train pour Pau est passé depuis bien longtemps.

Actuellement, au Théâtre de la Porte Saint-Martin
Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 16h45 et 20h30, le dimanche à 15h
Durée : 1h30
Tarifs : de 15 € à 65 €

Une comédie anglaise d’Anthony Neilson
Adaptation : Marianne Grove
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès

Avec Antoinette MoyaRoger Van HoolSophie GourdinBruno ChapelleNell Darmouni. Décors : Charlie Mangel
Lumières : Gaëlle de Malglaive
Musique : Guillaume et Renaud Stirn
Costumes : Juliette Chanaud




Au théâtre de Paris, « Tartuffe » déçoit

Cachez ce (mauvais) Tartuffe qu’on ne saurait voir ! Celui-là même qui est actuellement donné au théâtre de Paris où Pierre Chesnais joue l’illustre imposteur aux yeux et à la barbe d’Orgon, incarné par Claude Brasseur. La célèbre comédie de Molière, maintes fois racontée, montrée et mise en scène depuis presque 350 ans n’avait vraiment pas besoin qu’une version aussi médiocre s’invite dans son Histoire théâtrale. Marion Bierry en signe ici une énième mise en scène de la pièce, sans rien apporter au spectateur, pas même un divertissement.

Le décor est tout de blanc construit, escaliers, murs, tables et chaises. Même le piano a eu droit à ce relooking qui fait que la pièce semble se dérouler dans un décor créé pour un clip d’Enya. De plus, l’espace est mal utilisé. Les comédiens semblent se déplacer et utiliser l’espace sans raison apparente, juste parce qu’ils ont toute cette place à leur disposition et qu’on leur a dit d’en profiter. C’est d’ailleurs toute la mise en scène qui manque de structure et de dynamisme. Dommage, car les six entrées laissées à la créativité du metteur en scène pouvaient laisser croire une utilisation plus vivante de la scénographie.

Le mécanisme de changement de décor est lui aussi mal fait : un rideau noir fond sur la scène pendant que sont changés les accessoires de plateau. Lorsque le tissu se relève, une banquette est apparue comme par magie… Beaucoup de bruit pour pas grand chose.

A l’image de ces changements de décor inutiles, tout le spectacle manque de surprise. Des douze personnages que compte la distribution, seuls trois semblent prendre du plaisir à être sur scène et à être dans leur personnage : Claude Brasseur, Chantal Neuwirth (Dorine) et Arnaud Denis (Damis).

Patrick Chesnais, lui, est incroyable de sérieux, habillé en janséniste et flanqué d’une tête d’enterrement, on peine à croire qu’il n’est pas l’austère homme de foi qu’il prétend être. Il nous faut du temps pour croire toutes les accusations dont il est victime par le personnel de maison et les enfants du maître. Et quand il est en position de séduire la femme de son hôte (Elmire, Beata Nilska), la scène est dénuée d’érotisme, d’excitation ou d’une quelconque friponnerie. C’est juste ennuyeux comme un sermon en latin un matin de Pâques. Les seuls instants drôles, c’est au génie de Molière qu’on les doit, grâce aux situations embarrassantes qu’il fait vivre à ses personnages.

Rester chez soi et lire le texte, une bien plus riche idée que de se rendre au théâtre, au moins cela permet d’éviter les tunnels d’ennuis  qui creusent la pièce. Cela permettrait également de nous replonger dans la profondeur de critique des dévots, scrupuleux de respecter le Ciel à condition que cela serve leur avidité. On pardonnera donc aisément la fin bâclée au théâtre de Paris, car elle sonne pour le public comme une libération.

Pratique : Actuellement au théâtre de Paris, 15 rue Blanche (9e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 48 74 25 37  ou sur www.theatredeparis.com / Tarifs : entre 18 € et 48 €.

Durée : 2 h

Texte : Molière

Mise en scène : Marion Bierry

Avec :  Claude Brasseur, Patrick Chesnais, Chantal Neuwirth, Beata Nilska, Emilie Chesnais, Julien Rochefort, Arnaud Denis, Marcel Philippot, Guillaume Bienvenu, Roman Jean-Elie, Alice De La Baume et Jacqueline Danno

Un projet MyMajorCompany – http://www.mymajorcompany.com/projects/tartuffe-au-theatre-de-paris

 




Ghada Amer – Au bout du fil

 

Les tableaux de Ghada Amer sont des amas de fils colorés. Brodés sur la toile, ils forment des aplats de couleur dans lesquels sont cachés des images subliminales : nus féminins, femmes en jouissance et héroïnes de dessins animés peuplent cet univers subtil et nous laissent songeur. Un mirage érotique lourd de sens.

Rome, New-York, Paris. L’artiste égyptienne est exposée partout. Elle poursuit son ascension dans le monde des arts en menant une réflexion audacieuse sur la place des femmes dans l’art et la société. Née au Caire au début des années soixante, elle a quitté son Egypte natale pour suivre des études artistiques en France. A l’époque, on lui a enseigné que la peinture était une activité dépassée essentiellement réservée aux hommes. Elle choisit donc ironiquement de se tourner vers une pratique féminine ancestrale : la broderie.  Ghada Amer habille de longs fils ses toiles, mettant délibérément au premier plan ce que l’on cache généralement au dos de l’ouvrage. Elle puise dans l’imaginaire collectif pour trouver des silhouettes de femmes à intégrer en arrière plan dans ses tableaux: d’abord d’innocentes héroïnes, comme Blanche Neige, Cendrillon et des ménagères trouvées dans les magazines féminins puis des corps nus, s’adonnant à des plaisirs solitaires, tirés de revues pornographiques. Ses œuvres, impensables en Egypte, donnent à voir la femme telle qu’elle est perçue par un monde essentiellement masculin et témoigne d’une acculturation consciente de l’artiste. « Que la sexualité soit présente dans la culture arabe et musulmane coule de source mais on aime la penser dans un exotisme qui ravit et rassure l’oeil étranger » explique Thérèse St-Gelais, commissaire d’exposition du Musée d’Art Moderne de Montréal. Elle montre surtout qu’il est possible de résister à une représentation conformiste des femmes dans l’art. Elle puise dans le travail d’illustres grands peintres (Picasso, Ingres, Pollock) pour pointer du doigt tous les canons masculins. « En somme, parce qu’elle jumelle art et imagerie pornographique, qu’elle fait rivaliser la broderie avec la peinture et qu’elle propose une relecture d’oeuvres emblématiques d’une certaine évolution de l’art, Ghada Amer brave les discours qui déterminent ce qu’il est approprié, voire convenable, de nommer « art ». »

Au croisement de l’art noble et de la culture populaire, à la limite du visible et du non-dit, Ghada Amer met un peu d’elle dans ses tableaux et dissimule un peu de chacune d’entre nous.

Retrouvez l’artiste sur son site internet

 


 




Le ciel sera mon toit – Eric Valli

Un voyage en terres inconnues mais sans animateur cordial. Sans caméra. Sans trucage. Sans la sécurité d’un repas chaud et d’un toit (un vrai). Sans autre but que la découverte. Sans autre témoin qu’un Leica. Sans frontière. Sans préjugé. Sans peur ?

 

Eric Valli – High Himalaya

Un bouquin qui donne soif. De grands espaces. D’aventures.

Des mémoires de baroudeurs qui sentent l’air pur des grands chemins, le miel himalayen et la poudre d’escampette. Une plume qui n’a rien de formidable mais des rencontres emplies de sagesse et une démarche de paquelineur avide de vérité. Une écriture qui a donc le mérite d’être impartiale, simple et directe.

Eric Valli a quitté Dijon très jeune et troqué le destin qu’on lui promettait contre celui de grand voyageur. Pas un voyageur en costume 3 pièces et business-class, un voyageur quasi- sans bagages à pieds, à cheval, en stop, en bus ou en ferry… à la rencontre de paysages et au contact de populations des mois durant dans des lieux reculés le Nepal, l’Afghanistan, la Birmanie…

 

 Extraits :

« Qu’ai-je éprouvé le jour où, juché sur les balles de coton du camion bariolé qui m’avait pris à la frontière indienne pour me conduire à Katmandou, j’ai ouvert pour la première fois les yeux sur ce paysage grandiose ? […] Réveillé par le froid plus que par le bruit et les secousses, je m’étais redressé parmi les ballots en frissonnant. Nous débouchions sur un col.

Dans une symphonie de verts, éclaboussée ici et là des minuscules points blanc et ocre des habitations au toit de chaume, les collines d’une vaste vallée, sculptées de milliers de terrasses, parcourues d’innombrables sentiers, s’offraient à la caresse des derniers rayons du soleil. »

Caravane – Eric Valli

« Je veux être le témoin de ces peuples oubliés, de ces hommes que j’ai rencontrés, côtoyés, au milieu des forêts, accrochés aux falaises ou aux arbres, risquant leur vie pour arracher aux abeilles à mains nues, le miel de nids géants. »

Enfant Nepal – Eric Valli

« Des paysages suspendus dans la brume et le silence des forêts. Des villages aux toits de nattes arrondis, chaque maison ponctuée de son mât ou flotte le drapeau à l’effigie du Tâ le cheval porteur des prières des hommes vers les dieux, les terrasses où l’on vanne et qui au soleil accueillent les bavardages des femmes. Les visages ridés de tous les montagnards du monde, les gestes simples, antiques, du paysan qui bat le grain. »

Village de gautes – Eric Valli

Lecteurs, attention, ce récit de voyage là vous donnera la chair de poule et une envie folle de mettre les adjas. On suit le chemin d’un français étonnant qui avait des rêves bien plus grands que sa Bourgogne natale. Si son nom, Eric Valli, vous dit quelque chose, c’est peut-être aussi pour ses photos, à la lumière et aux regards transcendant ou pour son film Himalaya enfance d’un chef, comme un comte pour enfants rêvant des plus hauts sommets du monde. De quoi prolonger en image ce pèlerinage sur le toit du monde.

 

Titre : Le Ciel sera mon toit

Auteur : Éric Valli en collaboration avec Sophie Troubac

Editeur : Gallimard

Date de parution : 2006

Plus d’infos et de photos : http://www.ericvalli.com/




« Antigone » de Jean Anouilh à la Comédie Française

Plus le temps passe, plus l’Antigone de Jean Anouilh perd de son aspect polémique au profit du mystère qui a poussé l’auteur à réécrire la pièce de Sophocle. Pureté déchue ? Antigone résistante face à la folie des hommes ? Et si Créon était le véritable héros de la pièce d’Anouilh ? Pièce éminemment politique, elle a été choisie pour être présentée par la Comédie-Française au théâtre du Vieux Colombier, grâce à une mise en scène de Marc Paquien.

Dès le départ, Paquien souligne l’aspect de dédramatisation de la tragédie se dégageant du texte originel en donnant à la pièce une narratrice forte (Clotilde de Bayser), autoritaire, plaçant la tête du spectateur où elle le veut, quand elle le veut. A chacun de ses passages, on a d’autre choix que d’acquiescer, de se laisser faire, de voir les choses qu’elle souhaite au cœur de cette scénographie monumentale changeant d’aspect selon la lumière. « Au moins c’est clair, dans la tragédie il n’y a plus d’espoir ».

L’espiègle Antigone (Françoise Gillard) se mue, sautille au milieu de cette histoire comme une souris se faufile entre les pièges, ne gardant qu’un seul but en tête : résister, tenir tête à son oncle, Créon (Bruno Raffaelli), quitte à mourir s’il le faut. Dans chacune de ses relations humaines, Françoise Gillard joue à merveille. D’avec Hémon se dégage une sensualité puissante, de la défiance surgit d’avec Ismène, un désir de vivre surgit de ses liens avec l’autorité. Des interactions menées par des comédiens tous brillants, notamment Raffaelli qui campe le tyran prisonnier du pouvoir avec une belle justesse.

Par contre, il n’est pas forcément évident (ni utile) de trouver une résonance actuelle à l’histoire, en comparaison, l’Antigone de Sophocle s’impose naturellement comme moderne en 2012, ce qui n’est pas le cas de celle d’Anouilh. Mais le recul, la langue sarcastique et ce regard noir sur le monde sont des composantes de la pièce dont on se délecte encore aisément, surtout quand ils sont présentés de façon si réussie. 

 

Pratique : Jusqu’au 24 octobre 2012 au théâtre du Vieux Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier (6e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 0825 10 1680 ou sur www.comedie-francaise.fr / Tarifs : entre 8 € et 29 €.

Durée : 1 h 50

Texte : Jean Anouilh

Mise en scène : Marc Paquien

Avec :  Véronique Vella, Bruno Raffaelli, Françoise Gillard, Clotilde de Bayser, Benjamin Jungers, Stéphane Varupenne, Nâzim Boudjenah, Marion Malenfant, Laurent Cogez, Carine Goron, Maxime Taffanel.




Une « Anne Frank » aux airs de téléfilm

Copyright : Laura Cortès

Le journal d’Anne Frank, c’est des millions d’exemplaires vendus à travers la planète. Témoignage rare, il rapporte la vie clandestine endurée pendant deux ans par une jeune fille juive et sa famille à Amsterdam. Il est probablement l’un des journaux intimes les plus exposés aux yeux du monde. Évidemment, se lancer dans une création à partir de ce monument du souvenir tient du véritable défi. Une épreuve relevée par Eric-Emmanuel Schmitt, visible sur la scène du théâtre Rive-Gauche à Paris jusqu’en décembre.

Dans un décor et une mise en scène extrêmement réalistes, Francis Huster est Otto Frank, le père, seul survivant de la famille. La scène est divisée en trois espaces chronologiques, alternant entre temps présent et souvenir, au moyen de flash-backs, comme au cinéma, éclairés par une lumière à la Jean-Pierre Jeunet… On en oublie parfois (malheureusement) que nous sommes au théâtre. Toute la pièce baigne dans la recherche d’émotion : Eric-Emmanuel Schmitt, soutenu par Steve Suissa à la mise en scène, s’est mis en tête de faire pleurer dans les chaumières avec de grossières ficelles (la récurrence de l’Agnus Dei de Samuel Barber ou des discours d’Hitler soulignent cette intention), bien évidemment, ça ne fonctionne pas très bien. Il y a un petit côté téléfilm qui gêne comme un caillou dans la chaussure.

Les acteurs ont chacun un caractère bien marqué, à l’exception de Francis Huster qui manque souvent de justesse, notamment pendant les apartés où il revient à l’époque actuelle, seul face aux écrits de sa fille. La jeune Roxane Duran incarne bien Anne Frank, mais elle fait souvent aux yeux du spectateur, figure d’une petite peste insolente. La faute au texte de Schmitt, problématique quand on sait que « Le Fonds Anne Frank » qui a autorisé la diffusion de la pièce fait tant attention à ce que la mémoire de la petite fille ne soit pas entaché. Dans le texte, le désir et la joie de respirer, le bonheur d’être en vie qui caractérisent Anne passent quelquefois à la trappe au profit d’une sur-maturité (imaginée). Tout au long du spectacle, elle reprend les grands sujets qui la bouleverse (et qui sont sensés nous bouleverser ?) : l’arrivée des règles, de l’amour, la peur du noir et le désir d’apprendre, de vivre…

Vouloir évoquer la richesse des pages publiées d’Anne Frank était un pari difficile, allant de vérité historique à extrapolation, au final on est un peu perdu dans une éruption de bons sentiments à bon compte. Dommage.

Pratique :  Jusqu’au 20 décembre 2012 au théâtre Rive-Gauche, 6 rue de la Gaité (14e arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 43 35 32 31 ou sur www.theatre-rive-gauche.com / Tarifs : entre 42 € et 47 € selon les catégories.

Durée : 1 h 45

Texte : Eric-Emmanuel Schmitt, d’après « Le Journal d’Anne Frank » et avec la permission du Fonds Anne Frank.

Mise en scène : Steve Suissa

Avec :  Francis Huster, Gaïa Weiss, Roxane Duran, Odile Cohen, Katia Miran, Charlotte Kady, Yann Babilee Keogh, Bertrand Usclat, Yann Goven




« L’Atelier Volant », Novarina met en scène sa première oeuvre au Rond-Point

 

Copyright : Giovanni Cittadini Cesi

1971, Valère Novarina a 24 ans quand il écrit L’Atelier Volant. L’oeuvre sera mise en scène une première fois en 1974 par Jean-Pierre Sarrazac. Aujourd’hui, c’est son auteur qui se la (ré)approprie. Pas une seule syllabe n’a changé en 40 ans, « on a juste fait quelques coupes », rassure l’écrivain.

L’auteur est connu pour sa recherche et ses prouesses rythmiques, musicales, chirurgicales avec la langue française. Les bases sont posées dans L’Atelier Volant, mais un sens de la narration plus évident habite la pièce. Une histoire qui aurait pu être écrite ces dernières semaines. Que ce soit chez Foxconn (sous traitant d’Apple) ou sur les chaînes de montages de PSA. Elle est une critique virulente, acide et enrobée d’humour de la société consommatrice. Ce monde qui fait fabriquer à des ouvriers payés le minimum des produits qu’ils s’achètent ensuite au prix fort.

A l’écrit comme à la scène, la création prend la forme d’une fable, dans une scénographie extrêmement colorée, les références enfantines sont nombreuses. Ce qui souligne de manière brillante la folie de la situation, on est effrayé. Puis bercé, menés, dans cet univers burlesque. On parcourt les ateliers à la suite de M. Boucot (O. Martin-Salvan) et on écoute les dernières fulgurances intellectuelles méprisantes de sa femme, Mme Bouche (Myrto Procopiou). Car du mépris (dénonciateur !) il y en a, face à la classe ouvrière, inculte, manipulée, bernée jusqu’à la moëlle. La situation retranscris à merveille cette histoire qui se répète encore aujourd’hui sur la question de l’asservissement du travailleur. « Pendant qu’ils jouent, ils ne se pendent pas », affirme M. Boucot, plein de bontée d’âme.

Le couple leader excelle dans son jeu et les nuances dans lesquelles le metteur en scène les place. Chaque employé incarne également à merveille ce théâtre peu évident de prime abord. Il est important de ne pas se mettre en tête de comprendre tout ce qui se passe sur les planches, il faut lâcher prise, savoir se laisser couler, ne pas chercher la cohérence. Pourquoi cette mobylette est sur scène en même temps que ce wagonnet de fête foraine ? Pour raconter une histoire d’amour construite sur chaîne de montage, tout simplement.

L’absurde englobe le tout : les consommateurs sont déjà avertis que si ils ne consomment plus, l’économie peut se casser la figure ! Que le spectateur se rassure, l’artisan ne sera pas toujours dupe. Un éveil de conscience en conclusion d’une crise mondiale ? Pourquoi pas ! Moderne, actuel et réussi cet Atelier Volant mérite largement une visite. 

Pratique : Jusqu’au 6 octobre 2012 au théâtre du Rond-Point, 2bis av. Franklin D. Roosevelt (VIIIe arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 44 95 98 21 ou sur www.theatredurondpoint.fr / Tarifs : entre 15 € (moins de 30 ans) et 36 € (plein tarif).

Durée : 2 h 15

Texte, mise en scène et peinture : Valère Novarina

Avec :  Julie Kpéré, Olivier Martin-Salvan, Dominique Parent, Richard Pierre, Myrto Procopiou, Nicolas Struve, René Turquois, Valérie Vinci

 

Tournée :

  • Du 9 au 13 octobre 2012 au TNP, Villeurbanne
  • Le 17 octobre 2012 à la Scène Nationale de Mâcon
  • Les 23 et 24 octobre 2012 à La Coupe d’Or, Scène nationale de Rochefort
  • Les 7 et 8 novembre 2012 au Forum Meyrin (Suisse)
  • Du 14 au 24 novembre 2012 au Théâtre de Vidy Lausanne (Suisse)
  • Les 27 et 28 novembre 2012 à l’Espace des Arts, Scène Nationale de Chalon sur Saône
  • Les 6 et 8 décembre 2012 au Théâtre du Grand Marché, Saint-Denis de la Réunion
  • Du 16 au 18 janvier 2013 à la Comédie de Saint-Etienne
  • Du 22 au 26 janvier 2013 au Théâtre de Dijon-Bourgogne
  • Le 7 février 2013 au Théâtre de l’Archipel, Scène nationale, Perpignan
  • Les 14 et 16 février 2013 au Théâtre Garonne, Toulouse
  • Les 6 et 7 mars 2013, Le Maillon, Scène Nationale de Strasbourg
  • Les 12 et 13 mars 2013, Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy
  • Du 19 au 22 mars 2013, TNBA, Bordeaux
  • Les 4 et 5 avril, Nouveau Théâtre – CDN, Besançon



« Julie des Batignolles », charmant hommage aux mots des années cinquante

Affiche du spectacle

Lors de son dernier passage au théâtre La Bruyère, Eric Métayer avait fait un carton, grâce à une pièce récompensée de deux Molières (à l’époque où ceux-ci avaient encore cours). C’était avec Les 39 Marches, d’après Alfred Hitchcock, qui a tenu l’affiche pendant un peu plus de 500 représentations.

Pour Julie des Batignolles, Eric Métayer choisit de mettre en scène la pièce d’un auteur presque inconnu (Pascal Laurent), qui est un modeste hommage, drôle et tendre, à Michel Audiard comme à Michel Simon, et plus largement à l’époque des « Tontons Flingueurs ».

L’histoire présentée sur scène est celle d’une bande de branques à l’argot jaillissant de la bouche comme l’eau d’une source, qui décident de réaliser un kidnapping contre rançon. Le projet est de récolter assez de thunes pour financer un coup plus dingue : casser la Loterie Nationale. Bien évidemment, rien ne se passe comme prévu : l’otage est prise de logorrhée permanente, le plus jeune de la bande a la vivacité d’esprit d’une brique et pour couronner le tout, la planque qu’ils pensaient sûre ne l’est pas tant que ça…

 

Toute cette histoire (un peu longue de temps à autre) est portée par les deux cerveaux de la bande (Philippe Lelievre et Viviane Marcenaro), très bons dans leurs rôles respectifs. Le spectacle est charmant, plein d’humour. C’est un plaisir d’entendre ces mots parigots vieillis en fût de chêne, avec la répartie et le sens de l’image qui les accompagne. Des paroles qui nous plongent dans une bonne intrigue à tiroirs au cœur des années cinquante, sans plagiat ni exagération.

Pratique : Depuis août 2012 au théâtre La Bruyère, 5 rue La Bruyère (IXe arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 48 74 76 99 ou sur www.theatrelabruyere.com / Tarifs : entre 10 € (jeunes) et 40 € (1ère catégorie).

Durée : 1 h 50

Texte : Pascal Laurent

Mise en scène : Eric Métayer

Avec : Philippe Lelievre, Viviane Marcenaro, Thierry Liagre, Manon Gilbert et Kevin Métayer




PROFIT-ons en!

Quand Machiavel (1) rencontre Don Juan (2) et Dorian Gray (3) dans une multinationale américaine des années 90 ça donne : PROFIT.
Jim Profit (Adrian Pasdar) est le héros en col blanc de cette série co-réalisée par David Greenwalt et John McNamarra par la chaîne FOX. Malgré toutes ces séries qui déboulent sur le marché un petit retour sur cette perle d’une seule saison sortie en 96 n’est pas fortuit.

 

Une série en costards d’époque

Après quelques images on ne peut que mesurer l’ampleur de l’évolution du monde du travail, évolution visible à l’œil nu. Ce n’était « que » 16 ans plus tôt et pourtant en matière de style et d’accessoires tout semble trop grand, trop gros, trop large si bien que parfois on a l’impression de regarder un film d’époque. Ça ne brûle pas la cornée mais les cravates bariolées irritent tout de même un peu. Les costumes de ces messieurs, les tailleurs de ces dames sont extra-larges et donnent des silhouettes cocasses aux jeunes requins présomptueux qui les portent.

Quant aux vilains (très) gros ordinateurs sans navigateur, ils ne laissent guère présager la bureautique actuelle. Diantre pas d’Internet et une 3D assez folklo, ça fait drôle ! Même la déco des bureaux de Gracen & Gracen pourtant supposés être une société parmi les plus high-tech et grand luxe, prêtent à sourire. Alors quand, au plus fort du suspense, un jingle musical de type vieux rock est lancé à plein tube, là c’est bon on rigole. On rigole mais on est tout de même ostensiblement fasciné car les problématiques soulevées par le personnage principal, elles, n’ont pas pris une ride.

Un précurseur charismatique

Psychopathe ambitieux et séducteur hypnotique, Jim Profit est le pilier de la série. Il est motivé, intelligent et il ne compte pas ses heures. Il pourra l’écrire sur son CV. Mais s’il devait énoncer des défauts il aurait bien trop le choix…

Un lien de parenté ténu fait de lui le père ou a minima « le tonton » de bons nombres de personnages au panthéon des séries cultes.

– Un regard acéré sur le monde du travail et les intrigues de bureau.

Don Draper (Mad Men 2007), as-tu changé de costume !?

– Une éthique très personnelle, faites de malversations, chantages, extorsions, intimidations, viles manipulations.

Tony Soprano, serait-ce donc toi (The Sopranos 1999) ?

– Une double vie bien huilée. D’un côté un employé de bureau serviable et de l’autre un homme capable de tuer de sang froid son propre père.

Dexter Morgan (Dexter 2006), n’as-tu donc rien inventé !?

 

Trop pour l’époque

Jim Profit est un prédateur de la plus vieille espèce, pas un Tricératops, un Tyrannosaure Rex. Il incarne le capitalisme dans sa forme la plus féroce et perverse. Il a les dents qui raient le parquet (et arrachent la moquette) et cache un passé plus que sombre. En ce sens il est repoussant. Il est amoral et mu par sa recherche de vengeance et de pouvoir, mâchoire serrée, bien décidé, il a un but et n’en démordra pas.

Lors des premières diffusions TV,

  • Est-ce l’aspect capitaliste extrême qui troubla ?
  • Sont-ce les rapports incestueux avec sa mère qui choquèrent ?
  • Est-ce que le téléspectateur s’est tristement reconnu dans le personnage avant de le rejeter ?

Nul ne le saura jamais.
Mais, un mythe toujours vivace 16 ans plus tard est intriguant, n’est-ce pas ?

(1) Nicolas Machiavel est un penseur italien de la Renaissance, philosophe et auteur notamment de l’ouvrage Le prince qui regroupe des théories sur la guerre.

(2) Don Juan, célèbre personnage de Molière inspiré à l’origine du Don Juan de Tirso de Molina de 1630.

(3) Dorian Gray, personnage principal du roman Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, publié en 1890.

 

Distribution
Adrian Pasdar : Jim Profit
Lisa Zane : Joanne Meltzer
Sherman Augustus : Jeffrey Sykes
Lisa Blount : Roberta « Bobbi » Stokowski
Lisa Darr : Gail Koner
Keith Szarabajka : Charles Henry « Chaz » Gracen
Jack Gwaltney : Pete Gracen
Allison Hossack : Nora Gracen
Scott Paulin : Jack WaltersGracen
Jennifer Hetrick : Elizabeth Gracen Walters
Don S. Davis : l’ancien Shériff

Merci à Olivier T. pour cette découverte.




Impasse de la Providence – Shmuel T. Meyer

 

Petites misères, bonheurs fugaces, joies intenses.
La trentainte de brefs récits que nous conte Shmuel T. Meyer dans son troisième recueil de nouvelles sont autant de fragments de vies. Vies consacrées au travail, à la littérature, à l’étude des textes sacrés, à la photographie, à la communauté ou encore à la famille.

Au travers du récit de ses existences, c’est l’histoire de l’Etat d’Israël et de son peuple que le lecteur découvre ou redécouvre.
La force de la tradition qui se trouve confrontée à l’émergence de milieux artistiques.
Mais aussi des rêves de vie qui s’effondrent. Des relations adultères. Des souvenirs éternels.
Des passions qui s’allument. Des vies qui s’éteignent.
Des amitiés qui naissent. Des carrières qui prennent fin.

Toujours saisissants, souvent marqués du sceau de l’ironie et de l’humour, les récits de Shmuel T. Meyer ne laissent jamais indifférents.
Seul regret que l’on peut avoir à la lecture de ce livre … celui de devoir se séparer des personnages quelques pages seulement après avoir fait leur connaissance.

 

Auteur : Shmuel T. Meyer
Editeur : Gallimard
Date de parution : 18/05/2011
ISBN : 2070133435




« Six personnages en quête d’auteur » : Drame familial entre réalité et fiction

Copyright : Elisabeth Carecchio

Créée au festival d’Avignon, cette version de la pièce avec laquelle Pirandello a connu son premier succès auprès du public est bien construite, et heureusement adaptée à 2012. Ces dernières années, le drame pirandellien est souvent représenté de manière ennuyeuse. La faute ne vient pas du maître italien ni (forcément) de ses metteurs en scène modernes, mais du texte original. Souvent daté, poussiéreux, il ne correspond plus à notre époque, notre réalité.

Et pourtant, la question de la réalité est au cœur même de cette pièce écrite en 1921. Réécrite par Stéphane Braunschweig, elle ne prend pas un nouveau sens « actuel », mais retrouve tout simplement son intérêt universel, avec son lot de questions à la fois drôles et captivantes. La pièce est d’ailleurs présentée comme « d’après » Pirandello. Une nuance qui s’avère bienvenue.

Nous, spectateurs, assistons en catimini à la réunion d’une troupe en train de s’ennuyer pendant une séance de travail à table avec son metteur en scène (Claude Duparfait, brillant acteur !). Les comédiens sont perdus et entraînent leur directeur dans un questionnement sur le théâtre et l’intérêt du texte s’il n’est pas habité par l’acteur. Arrivent alors dans la pièce les six personnages. Visiblement, le drame les habite, mais l’auteur qui les a imaginés ne l’a jamais écrit. Ils ressentent le besoin impérieux qu’un écrivain s’en charge tout de même.

Le metteur en scène de la troupe n’accepte pas immédiatement la demande qui lui est soumise par cette étrange famille, mais à force de réflexion il s’engage à retranscrire l’horreur qui les hante, à condition que ce soit avec ses acteurs. Il est vrai que le théâtre se doit d’être une imitation et non pas la retranscription de la réalité… La scénographie qui accompagne la création est un beau clin d’œil en ce sens…

Quand les personnages commencent à jouer c’est très confus, conformément à la structure originale, ils veulent raconter leur histoire mais n’y arrivent pas par eux-mêmes. On ne comprend la toile du drame qu’à partir du moment où ils commencent à être guidés. Cette partie de la pièce est difficile à suivre, ce qui est logique puisque nous ne sommes pas censés être là (c’est une répétition). On accroche un peu plus quand, comme dans les contes pour enfants, on comprend que le personnage de théâtre est dans le même cas que le héros mythologique : tous deux ont besoin que nous croyions en eux pour exister.

Sauf que là, c’est un peu l’histoire du Dr. Frankenstein à l’envers : la créature (ici, la famille) a échappé au maître (le metteur en scène) avant même d’avoir été créée. Peu à peu, ce dernier dompte la réalité qu’expose la famille pour en sculpter un vrai drame théâtral.

Finalement, Braunschweig fait de ces « Six personnages en quête d’auteur » une intéressante pièce manifeste, en utilisant le corps de celle-ci pour pauser un certain nombre de questions sur le théâtre d’aujourd’hui. Quel est l’intérêt d’un texte figé ? Qu’en est-il de la possibilité de l’écriture collective ? Quelle part de l’inconscient de l’acteur joue dans une incarnation ? Jusqu’à quel point un acteur doit-il s’approprier le personnage ? Ici le comédien peut créer un fossé avec la personne qu’il interprète. Lui finit sa journée et sort du personnage, mais le personnage de son côté reste prisonnier de son drame comme Tantale de son supplice, condamné à le revivre chaque soir sur scène. N’est-ce pas là que réside l’horreur même ? 

Pratique : Jusqu’au 7 octobre dans le Grand Théâtre de La Colline – Théâtre National.
Réservations au 01 44 62 52 52 ou sur www.colline.fr / Tarifs : entre 14 et 29 €.

Durée : 1 h 55

Texte (d’après Pirandello) et mise en scène : Stéphane Braunschweig

Avec : Elsa Bouchain, Christophe Brault, Caroline Chaniolleau, Claude Duparfait, Philippe Girard, Anthony Jeanne, Maud Le Grévellec, Anne-Laure Tondu, Manuel Vallade et Emmanuel Vérité

Tournée :

  • Du 10 au 20 octobre 2012 au Théâtre National de Bretagne (TNB), Rennes
  • Du 24 au 26 octobre 2012 à La Filature, Scène nationale, Mulhouse
  • Les 8 et 9 novembre 2012 au Théâtre de L’Archipel, Scène nationale, Perpignan
  • Du 14 au 16 novembre 2012 au Théâtre de la Cité, Théâtre national de Toulouse-Midi-Pyrénées (TNT)
  • Du 22 au 24 novembre 2012 à la Scène nationale de Sénart, Combs-la-Ville
  • Les 28 et 29 novembre 2012 à La Passerelle, Scène nationale, Saint-Brieuc
  • Du 5 au 7 décembre 2012 au Centre dramatique national Orléans/Loiret/Centre
  • Les 12 et 13 décembre 2012 à la Comédie de Valence, Centre dramatique national
  • Les 20 et 21 décembre 2012 au Centre dramatique national de Besançon et de Franche-Comté
  • Les 10 et 11 janvier 2013 au Théâtre Lorient, Centre dramatique national de Bretagne (CDDB)
  • Du 16 au 18 janvier 2013 au Théâtre de Caen



Starbuck – Je suis ton père …

David Wozniak héros ou zéro ? 

 

Bienfaiteur dans le besoin d’une clinique de fertilité, cet Apollon bientôt quadragénaire se retrouve poursuivi par son passé. Et un passé à 1066 jambes … forcément vous rattrape rapidement !

Puisqu’il nous a emballés, tentons de dresser un portrait aux rayons X de ce personnage attachant.
Qui du héros  () ou du zéro () l’emportera ?

– Cheveux hirsutes

Le cheveu hirsute est l’apanage du penseur, philosophe ou mathématicien. Vous imaginez, vous, Albert Einstein avec la raie au milieu et les cheveux plaqués?! Non! David Wozniak n’est pas du genre gominé.

 Allez, allez, le style hipster c’est déjà dépassé!

– Barbe naissante

 Cette barbe naissante (pour rester dans le thème qui nous intéresse aujourd’hui…) lui permet sans aucun doute d’aborder la jeune génération bardé d’une aura positive. Un a priori positif. Un quelque chose qui nous dit que cet homme là est gentil. Qu’il n’a pas tout à terminé sa transformation en adulte.

 Enfin David ? Même au Canada, Gilette Mach 3, vous devez connaître quand même, ça fait très négligé!

– T-shirt délavé

Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé. Un vrai rebelle ce David, ni dieu, ni maître. David ne craint personne à part son employeur de père immigré polonais dur à cuire de la vieille époque.

 Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé et fauché…

– Jean troué

 A l’arrache David, non jamais! Après le « jean boyfriend » le « jean Wozniak », le must de l’été 2012. Se porte sale, troué et large.

 Toile râpée, couleur fanée un tel falzar démontre un certain laisser-aller… Tu n’es pas vraiment de ceux qui prennent le taureau par les cornes mais de ceux qui courent pour ne pas se faire encorner et tentent parfois des feintes audacieuses pour détourner la bête.

– Vieilles baskets

Les baskets, même défraîchies, sont un vrai plus quand on doit pouvoir pousser une pointe, poursuivi par des enfants biologiques en mal de père ou des créanciers peu amènes.

Sans aller jusqu’à soutenir ceux qui disent que les chaussures reflètent beaucoup de la personnalité de celui qui les porte… disons que tu ne respectes guère le dicton de l’élégante Coco Chanel disant qu’il faut toujours « soigner les extrémités » .

 

– Appartement

 Ami camelot et adepte du « Bon coin » tu as trouvé la caverne d’Ali Baba ! Un joyeux bric-à-brac témoin d’une vie bien remplie et d’une passion pour le ballon rond
Ces dames de « C’est du propre » vont s’arracher les cheveux, la déco passe encore mais la crasse, ça ne passera pas. Chance de survie d’un bébé dans un milieu hostile comme ton appartement : 1 heure max !

 

Héros ou zéro … qu’il est difficile de départager !
Et pourtant, quand on y réfléchit bien, qu’on prend un peu de recul avec ce film, qu’on y repense quelques jours après …
Tous ces éclats de rire pendant la séance. Toute cette simplicité dans ses rapports aux autres. Tout ce bien qu’il nous a procuré pendant presque 2 heures.

Sans conteste, David Wozniak est un héros des temps modernes ! Justement car il représente cette certaine idée du zéro à laquelle nombreux sont ceux qui aspirent.

A la rencontre de plusieurs générations, la sienne à laquelle il ne veut pas ressembler, et la suivante, celle de ses enfants, dans laquelle il s’intègre sans problème … bien malgré lui, et parfois au désespoir de son entourage !

Point positif tout de même, en entamant la quête de leur père biologique, les 533 enfants du généreux donateur ne se doutaient certainement pas qu’ils allaient découvrir un personnage aussi attachant que ce David Wozniak.

Et pour terminer, un dernier conseil …

Si vos parents ont voyagé au Canada dans les années 80,
Et si vous avez un doute sur la paternité de David Wozniak à votre endroit.
Un test de paternité est disponible sur le site internet, sait-on jamais …
http://www.starbuck-lefilm.com/test-paternite/.

 

  • Réalisation : Ken Scott
  • Scénario : Ken Scott et Martin Petit
  • Production : André Rouleau, Caramel Films
  • Direction photo : Pierre Gill
  • Montage : Yvann Thibaudeau
  • Costumes : Sharon Scott
  • Compositeur : David Laflèche

Casting

  • Patrick Huard : David Wozniak
  • Julie Le Breton : Valérie, la petite amie de David
  • Antoine Bertrand : l’ami avocat
  • Igor Ovadis : le père de David
  • Marc Bélanger : Paul, frère de David
  • David Michaël : Antoine, un fils de Starbuck
  • Patrick Martin : Étienne, un fils de Starbuck
  • David Giguère : le porte-parole des enfants de Starbuck
  • Sarah-Jeanne Labrosse : Julie, une fille de Starbuck
  • Patrick Labbé : Maître Chamberland
  • Dominic Philie : l’autre frère de David




Rentrée en légèreté à la Gaîté


Lorsque l’on sort rue de la Gaîté à Paris, c’est la légèreté et les réjouissances que l’on recherche (je fais ici allusion aux différents théâtres qui la jalonnent et non aux sex-shops). Cependant on ne sait jamais quel sort sera réservé à nos zygomatiques ?! Rira-t-on gras, jaune à la folie ou pas du tout ?
Avec la pièce Une semaine pas plus au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse on rit sans se forcer et on retrouve le pavé de la Gaîté, guilleret.

Un scénario prétexte à des débordements réjouissants

Le scénario est simplissime. L’un (Paul) s’est lassé de l’autre (Sophie), sa moitié, et souhaite s’en débarrasser. Non pas la zigouiller, on ne rejoue pas un épisode de « Faites entrer l’accuser », plutôt l’éjecter cordialement de l’appartement qu’ils occupent ensemble. Pour cela, Paul aurait pu agir seul et parler à cœur ouvert à celle qui fut sa dulcinée. Mais non, c’est une manière détournée que Paul va plébisciter en passant par l’entremise (non de sa tante Artémise*, mais celle) de son meilleur ami (Martin).

 

La mayonnaise prend doucement mais elle prend bien

Progressivement les éléments du subterfuge imaginé par Paul (Clément Michel) pour faire fuir Sophie (Maud le Guénédal) se mettent en place : le décor,  la dynamique et les rôles de chacun. La pièce mise en scène par David Roussel et Arthur Jugnot (le fils de Gérard) pâtit de certaines longueurs mais la mayonnaise monte joyeusement. Il faut dire que Clément Michel s’y emploie avec  fièvre et mouille la chemise. Faire-valoir agité de ses comparses, il besogne en Sganarelle contemporain pour mettre en place sa supercherie : un beau château de sable.

 

La théorie du château de sable.

Bien malgré lui, la troisième roue du carrosse, Martin (Sébastien Castro), est embarqué pour pourrir le quotidien du petit-couple. Mais c’est une bonne pâte ce Martin. Il est jovial, facile à vivre, bricolo et bien élevé…. Sauf quand on lui demande d’être « vilain ». Là, Sébastien Castro se lâche et comme un môme sur la plage, piétine le château de sable dans une interprétation récréative à souhait de son personnage. Le fauve est lâché. Quelle fripouille ce Sébastien Castro qui sait faire rire sans tomber dans le lourd ou la simplicité. Voici un acteur à suivre avec, à son actif, une série de pièces qui a très bien fonctionné.

 

Gage de la bonne humeur qui rayonne de la pièce, on sent parfois le fou-rire poindre entre les trois acteurs. A la ville on ne sait pas – ceci ne nous regarde pas- mais à la scène ces trois là s’entendent à merveille. Un trio bien huilé, on ne regrette pas son choix. Une semaine pas plus est une comédie fort sympathique.

 

Gaîté Montparnasse
2 rue de la Gaîté
75014 Paris
http://www.gaite.fr/actualite-theatre.php
Une comédie de Clément Michel
Mise en scène par Arthur Jugnot et David Roussel
Avec Sébastien Castro (Martin), Maud Le Guénédal (Sophie) et Clément Michel (Paul).

*Vous aviez évidemment reconnu les paroles de la chanson Le Telefon de Nino Ferrer !




5 bonnes raisons de découvrir Game of Thrones

Vous en avez entendu parler, vous avez peut-être même aperçu quelques images, le dernier phénomène TV s’appelle Game of Thrones.

Peut-être parce que les personnages sont habillés à la mode médiévale ou alors parce que vous avez entendu le mot « fantasy », vous vous êtes dit que ce n’était pas pour vous et pourtant… voici 5 bonnes raisons de découvrir la nouvelle série de HBO.

En matière de séries, vous avez déjà transhumé plusieurs fois de la côte Est à la côte Ouest américaine*.

Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage :
de Malibu (Baywatch) à Atlantic City (Boardwalk Empire),
de Los Angeles (Mac Gyver) au New Jersey (The Sopranos),
puis par exemple de la Nouvelles Orléans (Treme) à San Francisco (Monk),
de Baltimore (The Wire) à Miami (Dexter),
ou encore du mortel comté du Kentucky (The Walking Dead) à Albuquerque au Nouveau-Mexique (Breaking Bad).

Mais le téléspectateur, même avide, que vous êtes en a les jambes fourbues. Le petit détour à Rome ne vous a pas tellement détendu…

1. Envie d’ailleurs ?

Vous n’êtes peut-être pas désireux de vous (re)plonger dans un univers américain ou américanisé. En revanche qu’en serait-il d’aventures dans une nouvelle « Terre du milieu »?

Au travers de la saga littéraire Le Trône de fer, George R. R. Martin, a mis au  monde un univers constitué de 7 royaumes avec ses propres codes, alliances et légendes : Westeros.

La transposition sur petit écran des ouvrages cultes a été confiée à David Benioff et D. B. Weiss début 2011. La critique a d’ailleurs salué de façon rare et unanime l’adaptation jugée convaincante. La série se passe donc dans un monde imaginaire de type féodal et fantastique. Le générique rythmé et primé en 2011 par un Emmy Award dévoile en prenant de la hauteur la carte de ce nouveau monde et des villes à l’architecture prodigieuse qui peuplent le territoire. Le décor de la série tant extérieur qu’intérieur y est saisissant. Il a dû à n’en point douter engloutir une bonne partie de l’impressionnant budget estimé à entre 50 et 60 millions de dollars pour la première saison. Au bout de quelques épisodes les noms des cités de Winterfell ou Port-Réal vous seront presque aussi familiers que Lyon et Auxerre … mais ne cherchez pas sur le site de la SNCF, aucun TGV ne dessert ces fabuleuses villes.

Difficile de faire plus dépaysant !?

2. Envie de changer votre perception sur les personnes de petites tailles ?

A bien y réfléchir, à la TV ou au cinéma, peu de héros, gentils ou méchants, qui fussent atteint de nanisme. Car oui cessons donc séance tenante nos circonvolutions, nous parlons ici d’un nain : le personnage de Tyrion Lannister incarné par l’acteur Peter Dinklage. Tyrion est un personnage ambivalent, ambitieux, rusé et attachant. Ainsi, The imp (en français Le lutin ou Le nain) comme il est appelé dans la série vous fera oublier les prestations du serviable Passepartout de Fort Boyard.

Car si Passepartout a eu l’obligeance de conserver avec entrain les clés des cellules du Fort, Peter Dinklage a remporté un Primetime Emmy Award en 2011 puis un Golden Globe en 2012 pour son rôle dans Game of Thrones. Il a donc été sacré « Meilleur acteur dans un second rôle »  à deux reprises.

3. Envie de passer de passer du XXème au XXIème siècle : The Wall ?

Si lorsqu’on vous parle de « The Wall » vous pensez aux Pink Floyd qui donnaient de la voix sur les ondes fin 1979 avec leur onzième album … il va falloir désormais changer de siècle. The Wall au XXIème siècle désigne un mur colossal qui délimite le royaume le plus au Nord. Ce mur est glacé et fait l’objet de l’attention toute particulière d’une fraternité un peu allumée et élitiste vêtue de noir et prête à en découdre : The Night Watch (Garde de Nuit). Savoir ce qu’il y a par delà le mur, c’est comme regarder sous son lit lorsqu’on est petit, ça fout la frousse.

4. Envie d’une vraie intrigue ?

Dans Game of Thrones, plus de 20 personnages principaux font progresser une intrigue dont la construction ressemblerait à celle du fameux stade de Pékin, le nid d’oiseau. Comme dans l’heptalogie (7 romans) : jamais de parti pris, jamais de personnage principal unique. On passe donc de l’un à l’autre en découvrant aussi bien les motivations de chacun, que leurs petits et plus gros secrets.

Les Arryn, Baratheon, Greyjoy, Lannister, Targaryen ou encore Stark, tous veulent le pouvoir : le trône de fer. A grand renfort de stratagèmes, d’espionnages, de meurtres, de guerres, chacun mène sa barque ou son armée dans un remake un peu plus musclé et plus tordu de « Tout le monde veut prendre sa place ».

 

 

 

 

 

5. Envie de savoir ce qui va se passer quand ce fichu hiver va débarquer ?

« Winter is coming » est la devise de la maison Stark (non, rien à voir avec le designer). On ne sait guère à quoi s’en tenir à propos de ce mystérieux hiver. Pourquoi diantre, l’hiver ferait-il si peur ? Certaines jeunes générations ne l’ont jamais connu mais parlent de chimères assoiffées de sang, de disparitions étranges, de mort. Quand l’été, lui, apporte prospérité et foisonnement des biens … Cet hiver doit être dantesque pour faire ainsi trembler les habitants parfois revêches des 7 royaumes. Il semblerait pourtant peu probable de voir apparaître des meutes de barbares chaussés de Uggs ou de Crocs dans un royaume médiéval ! Mais alors, si leur style primitif est préservé, que craignent-ils ?

 

Evidemment, pour profiter pleinement de cette série, il vous faudra pardonner quelques scènes osées pas forcément très constructives (sans vouloir jouer à « Sœur la vertu ») et rester concentré pour mémoriser la pléiade de personnages, mais on a dit 5 bonnes raisons de regarder Game of Thrones…

 

Titre original : Game of Thrones
Titre en français : Le Trône de fer
Scénario : D. B. Weiss, George R.R. Martin, David Benioff
Réalisation : Timothy Van Patten, Daniel Minahan, Brian Kirk, Alan Taylor
Décors : Richard Roberts
Durée épisode : Environ 60min

* Appui documentaire : http://seriestv.blog.lemonde.fr/2012/01/11/une-carte-des-series-americaines/




« Les Papis font de la Résistance » (L. Sepulveda)

L’ombre de ce que nous avons été – L. Sepulveda

Coup de coeur en cette semaine de rentrée pour certains dont je fais partie.
Ce court roman de l’auteur chilien paru en 2009 nous conte l’histoire d’anciens révolutionnaires de Santiago.

Réunis bien des années après leurs faits d’armes (ou d’idées), ils rêvent toujours de propager la révolution.
Et c’est bien ce à quoi ils comptent occuper leurs retrouvailles.
Dans la chaleur étouffante de la capitale chilienne, Arancibia, Salinas et Garmendia préparent un nouveau coup, avec l’aide du « spécialiste ». Hélas, ce spécialiste n’arrivera jamais, victime malgré lui de la chute d’un tourne-disque qui lui est fatale.

 

Citation 1 :
« Concepcion Garcia fit alors une description assez cohérente et détaillée d’une vie ratée à cause des dettes, du manque d’espoirs et de l’indolence d’un mari qui, d’après ce que comprirent les deux policiers, était passé d’un radicalisme politique disparu dans les années quatre-vingt à une vie consacrée au septième art en qualité de spectateur domestique. »

 

En moins de 150 pages, Sepulveda arrive à transmettre à son lecteur un riche aperçu de l’histoire mouvementée qu’a connu son pays durant les deux derniers siècles.
Communisme, anarchisme, socialisme modéré, conservatisme, tous les courants politiques qu’a connus le pays sont dépeints à travers les luttes des différents personnages.


Citation 2 :
« Ce fameux gendre est aujourd’hui un des hommes les plus riches du monde, il a fait fortune en achetant pour une bouchée de pain les industries nationales et les a revendues ensuite avec des bénéfices impossibles à évaluer.Ce doit être dur de dormir serré contre les jambes poilues d’une idiote, à titre de compensation il a donc reçu les forêts du Sud et en a fait du petit bois. »

 

A grand renfort d’un humour bien senti et de situations parfois absurdes, Sepulveda nous transmet l’ambiance qui pouvait alors régner dans ce pays.
Délation et espionnage alimentaient la peur quotidienne au ventre des habitants de Santiago.
Il n’y avait alors plus d’amis ou de voisins qui ne tenaient. Beaucoup étaient victimes d’une amnésie subite (et subie).

La chaleur n’arrange rien au sentiment d’étouffement face aux combats qui se déroulaient alors dans les rues, ou, plus secrètement, dans les arrière-salles des cafés, des bureaux ou encore des administrations. Elle est heureusement contrebalancée, dans le récit, par bien des répliques et des situations qui auraient fait pâlir de jalousie un des frères de Marx (non pas le socialiste … Groucho !).

Bref, vous l’aurez compris, un livre à lire et à relire !
Instructif, documenté, et terriblement (et peut-être aussi étrangement) drôle et loufoque.

L’Ombre de ce que nous avons été – Luis SEPÚLVEDA
Titre original : La sombra de lo que fuimos
Traduit de l’espagnol par Bertille Hausberg
Ed. Métailié
Paru le 14/01/2010
160 pages, 17 €
ISBN 978-2-86424-710-4

P.S : merci à Stef pour ce titre fabuleux !