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Une puce bien épargnée


Une nouvelle auteur fait son entrée au répertoire de la Comédie Française en cette fin de mois d’avril. Pour la première fois en France, « Une puce, épargnez-la ! » de l’Américaine Naomi Wallace, dramaturge et poète, est donnée en public dans une mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.

Mr et mrs Snelgrave attendent patiemment, face à leurs grandes baies, la fin d’une quarantaine. Au crépuscule du XVIIe siècle, la peste noire sévit partout en Europe. Leurs domestiques en sont morts et les deux maîtres n’ont plus que quatre jours à tenir en viepour prouver leur bonne santé.

C’était sans compter que deux intrus allaient s’introduire dans la maison, l’un par la cave et l’autre par la cheminée, à quelques jours de la libération. Kabe, le garde, les a vus. La quarantaine est naturellement prolongée d’un mois supplémentaire. Une longue attente se dessine pour les habitants de la demeure, légitimes ou non. Ils vont désormais vivre entre deux pièces, le salon et la cuisine. Une aventure de l »intime commence.

La scène est baignée dans une lumière étrange, reflétant le sombre intérieur d’une maison close de l’extérieur. Tout est nuance de noir et de blanc. Les costumes stricts des propriétaires, les guenilles de Bunce, l’un des intrus, ne font pas exception. Les visages sont blanchis de n’avoir vu le soleil depuis des semaines. Les murs nus de la bâtisse poussiéreuse ont une couleur oscillant entre le gris et le vert. La seule touche de couleur durant toute la pièce, c’est la robe jaune de Morse, l’autre intrus, une gamine de 12 ans dont la mère est une domestique morte dans la maisonnée.

Le public assiste à une escalade vers le plus profond de l’être de chacun des personnages, chaque instant est propice à une révélation sur l’un des occupants du plateau. L’une vit dans un corps calciné, l’autre déserte la guerre et la violence tant qu’il peut… Ces découvertes sont accompagnées de la folie progressive causée par l’enfermement prolongé et la cohabitation forcée entre riches méconnaissant la réalité de pauvres qui la fréquente au quotidien.

Le choix de mise en scène fait par Anne-Laure Liégeois donne à voir une succession de tableaux, séparés distinctement par un procédé répétitif aveuglant et assourdissant le public, c’est dommage, car cette astuce nous fait, « sortir » de la pièce et nous libère, malgré nous, de l’ambiance close et silencieuse installée dans la salle. Dès lors que les projecteurs s’éteignent, la scène est à nouveau visible et le décor a évolué, les personnages l’occupent comme les modèles d’une composition picturale précise, très esthétique.

Les acteurs tous excellents, Guillaume Gallienne est méconnaissable en quinquagénaire anglais, cruel et colérique, quant à l’introduction et la conclusion du récit interprété par la puce, Julie Sicard, sont captivantes. La dernière description qui parle de Londres après le départ de la peste est magnifique et nous offre un final plein de sérénité après deux heures de remous intérieurs.

« Une puce, épargnez-la ! » au théâtre éphémère de la Comédie-Française (Place Colette, Paris)

Mise en scène : Anne-Laure Liégeois

Distribution : Catherine Sauval, Guillaume Gallienne, Christian Gonon, Julie Sicard, Félicien Juttner

Jusqu’au 12 juin – Informations supplémentaires et réservations  sur le site de la Comédie Française




Hey Romy Romy !!!

En matière de choix de noms de scène, chez les artistes il y a plusieurs écoles. Il y a…
Ceux qui utilisent un acronyme : MGMT, NTM ou ACDC.
Ceux qui préfèrent les noms longs : The Rolling Stones, The smashing
pumpkins, The Red Hot Chili Peppers ou les Pussycat dolls.
Ceux qui aiment nos amis les bêtes : Ours, Snoop Dog ou Scorpions.
Ceux qui précisent s’ils sont nés dans les choux ou dans les roses : Lady Gaga, Boy George ou Mademoiselle K.
Les « color power » : Pink, The black keys, Mano negra, Deep Purple ou Green day.
Ceux qui font dans le numérique : Blink 182, U2, UB40 ou 50 cent.
Ceux qui auraient aimé exercer la profession de médecin : Doc Gyneco, Dr Dre ou Docteur House.
Ceux qui choisissent juste un prénom : Brigitte, Katerine ou Adèle.
Et enfin il y a ceux qui en choisissent deux comme Romy Romy.

[Stef-Arkult] Romy Romy est ton nom de scène mais tu es seule alors pourquoi 2 fois Romy?
Romy Romy : Parce que mieux vaut deux fois qu’une.

[Stef-Arkult] Quelles sont tes inspirations ?
Romy Romy : La soul et la scène anglaise qui sont hyper dynamiques avec des artistes comme James Blake ou Sbtrkt.

[Stef-Arkult] Comment définirais-tu ton style ?
Romy Romy : Electro rock !

[Stef-Arkult] On a déjà du te le faire remarquer mais cette voix, oh quelle voix !?
Comment est-ce que tu la travailles et l’entretiens ?
Romy Romy : Je l’ai beaucoup travaillée auparavant; à présent j’essaie juste de me faire plaisir!


Sur scène Romy Romy exhale une énergie presque chamanique. Des yeux de velours, un sourire enjôleur, une voix de diva black. Envoutant. Du rock électro avec des paroles en anglais une touche girly et quelque chose de très frais.
Entourée sur quelques titres par ses choristes, d’un homme à tout « bien » faire (clavier, percussions…) et de sa Gretsch, elle assure. Romy Romy habite la scène, descend dans le public et offre une parenthèse fluide. Portée par le son, la jeune artiste nous transporte avec elle dans un monde fantasque, le sien. Auteur, compositeur et interprète, elle a toutes les casquettes et ça lui va bien!

En juin 2012 elle sortira un Maxi sur lequel  le titre « HEY » figurera.

 

Voici un extrait de son passage sur le plateau de « C à vous  » sur France 5 où elle interprète « Hey ».

 

Envie de découvrir Romy Romy sur scène « pour de vrai » ?

  • 30 Mai au Batofar Paris
  • 1er Juin dans l’émission de France inter «Les Affranchis»
  • 7 juin à La Favela chic Paris
  • 28 juin au Bus Palladium Paris

En savoir plus sur Romy Romy www.romyromy.fr




S. Tesson – Dans les forêts de Sibérie – La ponctuation d’un voyage

La Sibérie : une page blanche.
L’homme : un stylo qui s’avance vers cette page blanche.

Il y trouve refuge le temps d’écrire un journal.
De remplir une page blanche. Puis une deuxième. Puis un feuillet.
Et enfin un livre.

Dans ce livre, il est souvent affaire de lecture. De lecture et d’écriture.
Parfois de paroles également.
Comme des mots venant couvrir la page blanche qui se dévoile avec le lever du soleil.

Il est question de silence. Souvent. Longtemps.
Silence de mort. Silence de vie.
Silence de peur. Silence de confiance.

Comme une série de points, suspendus sur une même ligne.
Pas de bruit, pas d’interligne.
Pas de mouvement, pas de mots.

Il est question de vodka.
La vodka qui réchauffe le coeur des hommes. Leur donne la force de combattre le froid sibérien.
La vodka qui réunit les hommes. Donne du ton et de la vigueur à leurs discussions.
La vodka qui ennivre les esprits. Laisse la place aux rêves, à l’imaginaire.
La vodka, sorte de point d’exclamation, venant ponctuer comme une saute d’humeur des journées parfois trop calmes. Parfois trop longues.

Il est question d’espace. D’immensité. D’aventures.
Toutes les aventures de l’auteur sont autant de phrases qu’il entame, qu’il ponctue de ses rencontres, de ses passions et de ses extases.

Il est question d’animaux.
Des animaux auxquels l’auteur est profondément lié. Parfois davantage qu’aux hommes qu’il croise sur son chemin.
Ce n’est qu’avec les animaux qu’on sent les guillemets de son âme et de son coeur s’ouvrir et laisser place à un flot de sentiments qu’il se refuse auprès de ses congénères.

Et quand ces guillements se referment, quand se termine l’aventure au bord du lac Baïkal, c’est le livre que l’on referme. Il est alors temps de tourner la page de la Sibérie.

Et pour illustrer ce voyage, Stef nous propose une sélection de citations tirées du livre (NDLR : la pagination est valable pour l’édition Gallimard) :

– « En descendant du camion, nous avons regardé cette splendeur en silence puis il m’a dit en touchant sa tempe « Ici, c’est un magnifique endroit pour se suicider«  » p. 27

– « Le romain bâtissait pour mille ans. Pour les russes il s’agit de passer l’hiver » p. 31

– « J’ai atteint le débarcadère de ma vie. Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure » p.36

– « Le mauvais goût est le dénominateur commun de l’humanité » p. 30

– Et enfin, cette phrase qui résume parfaitement bien le livre selon Stef (et je plussoie complètement en son sens) :
« Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu’un à qui l’expliquer » p. 146

 

Sylvain Tesson
Dans les Forêts de Sibérie
Editions Gallimard, collection Blanche
Prix Médicis Essai 2011
http://www.gallimard.fr/rentreelitteraire/SylvainTesson.htm

 




O. Giraud – Je ne suis pas parisienne, ça me gène, ça me gène…

How to become a Parisian in one hour ?
Voila ce à quoi l’humoriste français mais English speaker, Olivier Giraud, s’efforce de répondre. A grand renfort de mimiques et de participation d’un public à 80% non-français* mais 100% survolté !
Tous les clichés y passent : impolis, pressés, le parigot a les oreilles qui sifflent. Dans le métro, au resto, à bord d’un taxi, en boîte de nuit ou tout simplement dans son appartement. Les scénettes se succèdent rythmées et réjouissantes.

Le show met en avant les aspects peu sympathiques du caractère de l’habitant de la ville lumière, cette ville qui fait tant fantasmer les touristes du monde entier. Ils en rêvent et puis ils découvrent l’envers du décor de ce paysage de films, ses habitants.

La caricature est facile néanmoins par un jeu d’opposition avec le comportement d’autres nationalités (Anglais, Américains ou Allemands). Olivier Giraud use de toute sa « French Arrogance » pour créer quelque chose de nouveau par une mise en abîme tordante.

A voir absolument :

  • si vous avez un peu de recul sur le comportement des parisiens; parce que vous n’êtes pas né à la capitale (oh! mon dieu un provincial) ou que vous avez voyagé,
  • si vous êtes accompagné d’amis non Français confrontés à ce « choc » qu’est le parisien,
  • ou tout simplement vous avez une once d’auto-dérision!

 

Déjà trois ans qu’il triomphe au Théâtre de la main d’Or.

A partir du 4 juillet, c’est au Théâtre des Nouveautés qu’il fera le show, toujours 100% en anglais.

Pour plus d’infos : http://www.oliviergiraud.com

* Ou tout simplement d’origines étrangères… chaque soir plus de 30 nationalités dans le public d’How to Become a Parisian in one hour!




Polytechniques

Un son incisif, créatif et explosif.

Des paroles frenchy, funny et punchy.

Un univers décalé avec une image travaillée et stylisée.

Un jeu de scène exubérant, sautillant, avant tout bluffant.

Des mélodies bien à eux, bien ficelées, bien léchées hyper carrées.

Ils ont des casquettes, ils ont des bonnes têtes mais ne vous fiez par à leur dégaine proprette.

Un groupe juste ce qu’il faut d’impoli, qui a une dégaine de folie et qui offre un pur shoot d’énergie.

 

3 questions à Polytechniques

[Stef-Arkult] Qui êtes-vous? Ôtez-moi d’un doute, avez-vous fait une grande école qui présente ses élèves sur les champs Elysées chaque année en Juillet ?

Polytechniques : On est un duo : Nicol au chant et Traip à la production. On a en commun d’aimer la VHS, la musique 90’s, les hotdogs et de ne pas avoir fait Polytechnique (l’école)… alors on s’est rattrapé en FONDANT carrément Polytechniques, mais en y ajoutant juste le S pour éviter les amalgames.

En live on est accompagné d’une excellente batteuse, Caro (Caroline Geryl), et une fois y’avait aussi un pote danseur sur scène !

[Stef-Arkult] Quelles sont vos inspirations au quotidien ?

Polytechniques : On bosse chez Traip, dont on a rebaptisé l’appartement « le Studio A ». Y’a une chouette terrasse ensoleillée qui nous sert de salle de réunion, où on se fait des hotdogs party : on se prépare des hotdogs dans la plus pure tradition danoise, on laisse agir et au bout d’un moment les idées fusent.

[Stef-Arkult] 45 tours, votre dernier single est dansant et atypique quel est la genèse de ce hit ?

Polytechniques : Il s’agit de notre 1er single, qui sortira le 30 avril en digital, ainsi qu’en vinyle en tirage limité. Pour ce titre, l’équation est simple : Dutronc retourne sa veste, nous on baisse notre pantalon !

 

Le clip officiel de 45 Tours

Pour en savoir plus sur ces « mauvais garçons » rendez-vous sur leur site www.polytechniques.fr

Où rendez-vous au Réservoir le 19 Juillet !




Denis Lavant : « Céline, ce n’est pas de l’alexandrin mais c’est presque du vers »

 

S’attaquer à Céline, l’affaire périlleuse que voilà, avais-je pensé !

C’est dans le refuge boisé du théâtre de l’Epée de Bois que Denis Lavant joue jusqu’au 15 avril prochain, une mise en scène de la correspondance de Céline, « Faire danser les alligators sur la flûte de Pan ». La mise en scène est sobre, relevant à merveille la puissance du texte – et du jeu de son comédien. L’histoire, linéaire suivant le parcours de Céline. Un parti pris qui pourrait rebuter mais qui par le tressage avisé d’Emile Brami emporte le spectateur dans un Voyage jusqu’aux portes des années 60. Jusqu’à la mort de l’exilé de Meudon.

Nécessaire!

C’est un peu en alligator chahutée que je suis allée à la rencontre de Denis Lavant pour creuser son mystère Céline. Et c’est avec une tasse de thé et de gros éclats de rire (beaucoup) qu’il a accueilli mes questions de grande bécasse toute en admiration.

Extraits.

Votre premier contact avec Céline?

Mon premier contact, ça date de quand j’étais lycéen. C’est ma soeur, je crois, qui me l’avait fait découvrir. Le Voyage au bout de la nuit. J’en ai gardé un souvenir assez marquant. Des images très fortes de ce roman. Mon père était assez amateur de ses livres, il a lu un peu tout. Je m’en suis détaché un peu, à cause de l’aura que trimbalait Céline. Son attitude antisémite, avant la guerre et pendant. Ca m’a un peu dégoûté, je m’en suis méfié un temps.

Et je n’ai pas forcément pour attitude de lire tout d’un écrivain. Parfois, des oeuvres me marquent et ça me nourrit longtemps.

En fait, j’ai vraiment replongé dans l’écriture de Céline au moment où on m’a proposé ce spectacle.

Et par rapport à cette défiance dont vous parliez, au moment où Ivan Morane vous a proposé le rôle, est-ce qu’il n’y a pas eu des réticences au début ?

Ah si, d’entrée, j’étais vraiment réticent. Je me suis beaucoup interrogé. Est-ce que ça valait la peine d’endosser cette personnalité un peu monstrueuse dans tous les sens, dans le génie et dans l’abjection ?

Ce qui m’a poussé à accepter, c’est aussi la manière de parler d’une époque. Oui, le reflet d’une époque. Ses pamphlets antisémites, il est le reflet d’une attitude assez nauséabonde de l’époque d’avant-guerre, en France, d’une partie de la population, de la presse.
Mais ce qui m’a passionné d’un coup, c’est la trajectoire. Ce n’était pas juste d’exposer sa pensée sur la littérature, sur les évènements de Céline. C’est aussi tracer l’itinéraire d’un homme à travers le 20e siècle. Et de voir comment il est absolument constant dans son art, dans son idée de l’écriture, et comment il est absolument contradictoire dans sa manière de manifester ses sentiments, même par rapport à lui. Même sa manière de considérer le fait d’écrire. Il se justifie. Il désacralise tout le temps l’écriture.

Je suis parti de sa partition. Il y avait des choses en moi qui avaient retenti à la lecture de Voyage et Mort à Crédit. Et de l’écoute de ses entretiens. C’était Léos Carax qui m’avait passé ça. Avec des chansons aussi qu’il chante lui même.

Du mimétisme

Et ce dont je me suis efforcé, c’est d’éviter de rentrer dans un mimétisme. Y’a tels entretiens. (Il se lève pour chercher un coffret Céline)
J’évitais de le regarder pendant le travail. Mais malgré tout, à force d’avoir à faire avec son rythme, son écriture, y’a une espèce de scansion, de respiration qui est proche de la manière dont il fait.

Et comment on s’y prépare?

Il y a un ouvrage qui m’a énormément éclairé, par rapport à sa trajectoire. C’est sa thèse de médecine qui s’appelle Semmelweis. Il y parle d’un Hongrois du début du XVIIIe siècle qui a eu le premier l’idée de la profilaxie, c’est à dire l’idée qu’on avait besoin de se laver les mains, de se désinfecter, et ce, bien avant Pasteur.
Il raconte le cas d’une maternité à Vienne où des étudiants en médecine opèrent des cadavres et qui, après, vont toucher des femmes. Forcément, ça trimballe des maladies, des fièvres. Semmelweis commence à cerner le problème mais il se fait jeter de partout. Et Céline choisit de raconter ça. C’est déjà dans un style flamboyant. En même temps, on ne peut s’empêcher de penser que c’est proche de sa propre trajectoire. Semmelweis se retrouve complètement isolé de tout le monde, avec son idée, sa prémonition d’améliorer le sort des humains. En se lavant les mains. (Il rit) Ca m’a beaucoup aidé sur la trajectoire du bonhomme.

Et par rapport à la mise en scène qui est très sobre, l’idée derrière, c’est les mots, le jeu qui se suffisent à eux même?

Vous savez, pour moi, il y a différentes manières d’aborder la mise en scène. Vous dites qu’elle est sobre, oui, elle est élémentaire. Elle est pensée, elle est éclairée, elle est absolument conséquente mais il n’y a pas de choses extraordinaires, y’a pas de décoration en plus. D’écrans. De surabondance d’éléments extérieurs. Mais ce serait étouffer le propos sous de la surcharge.

Là, tous les éléments qui sont sur le plateau servent. Tout est mis en jeu. Pour moi, le jeu théâtral repose principalement sur l’évocation. Et après, c’est le comédien qui avec son corps et la parole, qui va faire exister, raconter une histoire. Pas besoin de rajouter des paillettes, du strass, des effets de jupes et de rideaux (Il rit comme un enfant)

Dans le spectacle, la notion de stylisme revient plusieurs fois autour de Céline – vous, l’êtes-vous, styliste en tant que comédien?

Je pense que le style s’applique surtout à l’écriture, au travail de création. En tant que comédien, je suis interprète. Mon propos, c’est d’aller vers le plus de possibilités d’interprétations.
Ma propension, c’est de me mettre en danse avec n’importe quel texte. Parce que c’est mon plaisir. C’est mon premier langage.
Là où je trouve Céline très juste, là où ça me touche, c’est qu’il parle avant tout d’émotion. Son style est au service de l’émotion.
On peut être très virtuose dans une technique mais c’est soutenu par le désir de faire passer une émotion. Il dit « je ne veux pas narrer, je veux faire ressentir ».
Le seul moyen que j’ai trouvé pour comprendre, accéder à la parole théâtrale, c’est l’émotion. Si on est dans une émotion en phase avec ce qui est dit, forcément, il n’est plus question de justesse ou de fausseté. Le corps. Tout se met en branle pour livrer passage à l’émotion.

Et après, il ajoute le rythme Céline. Ca m’a beaucoup parlé. Chez tous les écrivains, la personnalité humaine de l’écrivain est déposée dans l’écriture. Par le rythme. La pulsion. La respiration. Céline a mis le doigt dessus dès le début. Le rythme, « la certitude, le bal des ténèbres ». Si le rythme est juste, ça avance. (Il frappe des mains) Chez lui, c’est pas de l’alexandrin, mais c’est presque du vers.

Vous parliez du rapport au corps précédemment. La voix, c’est quoi, un prolongement du langage corporel ? Ou quelque chose que vous distinguez?

Non, je les traite en même temps. J’essaie de joindre le geste à la parole. Pour moi, c’est l’idéal. Mais pas facile à gérer. Effectivement, il y a des comédiens qui ont un rapport, une aisance dans l’expression orale, et qui peuvent être très empêtris, patauds, lourds ou malhabiles dans leur déplacement. Dans mon cas, j’ai d’abord versé dans le mouvement, parce que c’était plus facile.  Le langage, a quelque chose de fugace. Le geste, on peut l’imprimer. La parole, c’est autre chose, ce sont des ondes sonores. Ca s’échappe.

Mais justement, comment faites-vous ?

Sculpter. Les deux sont en rapport avec l’imaginaire. Avec le corps, on peut créer, suggérer de l’image. Les mots, eux, se mettent à retentir quand ils sont investis d’une image. C’est pas juste du son signifiant, c’est du signifié. Mince, je me mets à parler linguistique. (Il éclate de rire)

Et plus le signifié est dense, et plus l’image qui est intrinsèque au mot que vous référez est concrète, intense, colorée, a de l’étoffe, plus ça parvient, plus le mot retentit. La prononciation est juste quand elle est en phase avec l’imaginaire. Ce sont deux canaux qui se complètent.

Et cette maîtrise du langage corporel que vous avez, nécessite-t-elle une discipline, une préparation particulière?

Absolument pas. Je n’ai pas de training. Je me mets en branle : sur scène. Je ne m’échauffe pas avant de jouer, j’essaie de rester calme. Et surtout d’être prêt. D’être disponible. En allant au théâtre, je suis déjà dans une démarche physique, dynamique au monde. Je marche, je n’ai pas de voiture. Je me mets, par plaisir, par goût, dans ce rapport à la vie, de m’amuser, d’être dans un rapport ludique mais poétique par rapport au quotidien. Je marche dans la rue, je ne suis pas enfermé dans un confort. Dès que je sors de chez moi pour aller au théâtre, je vais vers la représentation.

Mon idéal, c’est d’être prêt à jouer. Ca me fait marrer, mais c’est comme dans les films de kung-fu. J’ai toujours trouvé ça admirable que les gars, dans n’importe quelle situation, soient affutés tout le temps. Ils sont tout de suite prêts. Je trouve ça formidable. Prêt à jouer. N’importe quand. D’être disponible, en fait !

Faire danser les alligators sur la flûte de Pan.
Une mise en scène d’Ivan Morane, sur une mise en textes d’Emile Brami, à partir des correspondances de Céline.
Avec Denis Lavant.
Au théâtre de l’Epée de Bois, à La Cartoucherie, jusqu’au 15 avril!




Cave manga ! Thermae Romae

Mari Yamazaki, l’audacieuse mangakana est l’incarnation du veni, vedi,  vici à la mode japonaise.

Mari est venue en Europe, a étudié à Rome et a épousé un historien italien.

Mari a vu, observé et étudié le rapport des Romains de la grande époque à l’eau.

Mari a vaincu, le monde entier, avec un manga atypique : un romain de l’époque d’Hadrien qui s’inspire du Japon actuel pour innover en son siècle.

Lucius Modestus, architecte, modeste certes mais peu imaginatif, vit dans l’Antiquité dans la capitale de l’Empire Romain. Par le biais d’une faille temporelle , il rencontre des nippons d’aujourd’hui et se découvre une passion commune avec ceux qu’il appelle « les visages plats ». Cette passion ou plutôt cet art de vivre très codifié est celui des thermes. Cures, bains et autre ablutions tout y passe et on découvre autant les Romains que les Japonais dans un mélange curieux de science-fiction et d’hyperréalisme.

Un pont curieux entre deux civilisations croquées avec précision, délice et humour. 5 millions d’exemplaires vendus, c’est à en perdre son latin, non ?

La série Thermae Romae se décompose en 6 petits opus parus chez Casterman dans la collection Sakka, ils sont à grignoter de droite à gauche mais en français!




Pour lui, de Andreas Dresen

Là où « La Guerre est déclarée » nous parlait d’espoir, « Pour lui » nous protège contre le désespoir.
Le désespoir dans lequel tomberait naturellement une famille devant une telle situation.

Mais dans le cas de la famille Lange, c’est un peu différent.
Frank, marié à Simone, et père de deux enfants (Mika et Lili), est diagnostiqué d’un glioblastome alors qu’il entre dans la quarantaine.

A partir de là, chaque heure qui va passer, chaque jour, chaque mois, sera vécu intensément.
Pour Frank, il n’est pas question de vivre chaque jour comme le dernier, mais bien de vivre ses derniers jours.

S’ensuivent alors démence, dégradation rapide de sa condition physique et de ses capacités mentales.
Mais la vie est toujours là.
De tous ces moments tragiques, Frank, Simone, Lili et Mika vont faire surgir l’étincelle de la vie.

La coupe punk jamais osée …
La cuite avec sa belle-mère …
La vie est là.
Qui chasse pour des moments précieux cet odieux personnage qui s’est invité dans le foyer des Lange … La tumeur de Frank.

Il n’est pas question d’espoir dans ce film.
Mais de jeu, de tromperie avec le désespoir.

Sensibilité.
Pudeur.
Honnêteté.
Un documentaire n’aurait sans doute pas trouvé le ton plus juste.

Alors aussi paradoxal que cela puisse paraître :

Ce film est réussi,
DONC,
Réfléchissez bien avant d’aller le voir.

Pour lui
Titre original : Halt Auf Freier Strecke
Réalisé par : Andreas Dresen
Durée : 1h40min

Avec :
– Steffi Kühnert: Simone Lange
– Milan Peschel: Frank Lange
– Talisa Lilli Lemke: Lilly Lange
– Mika Nilson Seidel: Mika Lange
– Ursula Werner: Renate, la mère de Simone
– Marie Rosa Tietjen: la soeur de Simone
– Otto Mellies: Ernst, le père de Frank
– Christine Schorn: la mère de Frank
– Bernhard Schütz: Stefan
– Thorsten Merten: La tumeur
– Inka Friedrich: Ina Lange




Mercredi – Soko : la zinzin de l’espace

En 2007, une petite soucoupe volante se pose sur la planète musicale, « I’ll kill her » susurre-t-elle avec conviction. Soko autoproduira la même année un petit album (un EP comme on dit dans le jargon) de 5 titres « Not Sokute ». De festivals en collaborations (Pete Doherty, I’m from Barcelona) la machine s’emballe et 15 000 personnes sont réunies en 2009 en Australie pour voir la brillante brunette interpréter entre autre « The dandy cowboys ».

Azimutée par tant de succès, la festivalière électro folk file à l’anglaise, à L.A où elle se réfugie 3 ans. Les fans, et ils sont légion, craignent qu’elle ne revienne pas.

Nominée dans la catégorie Meilleur Espoir Féminin aux césars en 2010, pour son rôle dans A l’origine, Soko prend bien la pellicule, elle est loin de ressembler à E.T. Elle sera d’ailleurs à l’affiche de deux films Bye Bye Blondie de Virginie Despentes ainsi qu’Augustine d’Alice Winocour. Dans ce dernier, elle jouera une hystérique soignée par le fameux Docteur Charcot.  Tout comme son personnage Soko ou Stéphanie Sokolinski est un brin zinzin mais pas de génie, sans un brin de folie !

La sensation de ce printemps, c’est son nouvel album « I thought I was an alien ». Elle est revenue avec un talent intact, fragile et déjanté à la fois. La frenchy a un univers bidouillé dépouillé ou électrique qui oscille entre mélancolie et contestation. Attention petit bijou extra-ordinaire!

 


Soko :: I Thought I Was An Alien par SOKO




Interview – Les quatre mots de Lise

De ses années passées à Détroit, elle a ramené une sensibilité à la langue anglaise et un goût pour la musique électronique expérimentale. De sa formation classique au Conservatoire de Narbonne, elle a conservé la pratique de l’acoustique et le souci de la pureté des notes.  C’est avec une voix cristalline qu’elle interprète les tubes des autres, ceux qu’elle prétend ne pas savoir (encore) écrire. Elle égraine les phrases, mot par mot, comme on défait un collier pour réinterpréter à sa manière d’inoubliables mélodies. On ne sort pas de la salle où elle s’est produite pareil qu’on y est entré. C’est baigné dans la poésie et bouleversé par sa timidité qu’on s’éloigne en fredonnant du 50 Cent …

 

 

Son premier EP 4 titres a paru en 2011. Sur celui-ci, on retient la délicate mélodie de « Paris » et la reprise culottée de « Pimp » qui ont fait d’elle une petite célébrité sur le net. Avec son album éponyme sortie en mai 2012, elle revient sur scène par la grande porte. Elle met Apollinaire en musique avec « L’émigrant de Landor road », interprète brillamment le « Where is my mind » des Pixies et propose quelques compositions originales qui parlent de phares de voiture, de mouvements et de sentiments.

 

Tour à tour douce, délicate et drôle, Lise est une jeune chanteuse singulière qui semble toujours s’excuser d’être là lorsqu’elle apparaît sur scène. Sur les routes avec Cali dont elle assure la première partie, elle se renouvelle sans cesse avec un répertoire hétéroclite et inattendu. En attendant de se produire à la Boule Noire mardi 20 mars, elle répond à nos questions avec pudeur et humour.


Piano ?

 Je suis arrivée à la musique par le piano. On m’a mise au piano très tôt et je n’ai jamais vraiment arrêté de jouer depuis. D’ailleurs, mes références musicales sont des femmes qui chantent au piano : Tori Amos, les Elles, Barbara… Des mecs aussi, même sans piano… les Smith, Dominique A, Jay Jay Johanson.

Plume ?

 J’ai des textes français et anglais. J’ai passé beaucoup de temps près de Détroit aux États-Unis. J’y ai tissé des liens très forts et depuis, j’ai envie de chanter des chansons pour eux aussi. Je suis sensible aux mots dans les deux langues. Je n’ai jamais écrit pour d’autres. En revanche, j’ai écrit avec d’autres. Avec Mathias Malzieu par exemple, nous avons écrit une chanson à quatre mains La ballerine et le magicien qui se trouve en bonus sur mon disque. Dans mes chansons, il y a une thématique mécanique très présente, l’auto, le bateau, le camion… donc je dirai que ce sont les voyages qui m’inspirent. Et puis je reprends des tubes parce que c’est pratique et que je ne sais pas en écrire !


Passion ?

Je lis pas mal de littérature notamment américaine. Des essais aussi, j’aime beaucoup la collection « La librairie du XXe siècle ». Je voyage. Je retourne fréquemment à Détroit et je descends réguièrement dans le Sud où je suis née.


Tournée ?

Je serai à la Boule Noire à Paris le 20 mars, à Sigean le 23 mars, en première partie de Rachida Brakni au Café de la danse le 4 avril… puis à nouveau près de Paris les 13 et 14 avril. J’ai des projets en cours. Le plus marrant, c’est celui de Bird And Rolleuse, c’est à dire choriste pour le groupe Dionysos sur quelques événements. Sinon je commence à me pencher sur un nouveau projet de disque…

 




Shame – ou la solitude urbaine

(c) MK2 Diffusion

Brandon, errant de la City, est un de ces CSP+ à qui tout réussit. Un poste au sommet dont on ne saura rien. Un grand appart à large baie vitrée, donnant sur l’Hudson. La séduction carnassière pour manteau. Un prédateur lâché dans la ville.
Dans le prologue, on le verra darder d’un regard acier une jeune femme dans le métro. S’ensuit une lente chorégraphie du chasseur et de la proie. A ce jeu, qui est la proie, qui est le prédateur?

Pour ce trentenaire, tout est jeu. Tout est matière à chair. Un cul qui passe en sortant de son immeuble. La cadre qu’on baise frénétiquement dans la solitude des quais de l’Hudson. La putain qu’on commande comme son plat de chinois.

Shame est un film sur la solitude contemporaine. Sur ce qu’après, au fond, chacun de nous se languit. Se combler. Se remplir. Brandon se remplit de chair, de passagère ivresse, jusqu’à la nausée. Comme Bridget Jones de bouffe. Comme celui-là de son match de foot. Comme le patron de Brandon de vaines touches dans les clubs. Comme sa sœur de mélodrames.
La ville est là, tantôt grise, tantôt rouge et bleue, toujours froide. Cette grande ville, qui à l’instar de toutes les autres, engloutit dans sa masse le moindre de ses habitants.
La nuit est là, lumineuse, dans son abondance, son entrechoc de verres, ses rues pareilles à perte de vue. Mais qui laisse l’homme l’aube venue, dans la froideur de ses draps bleus.

La parole de Shame est dans l’excès: soit absente à en rendre mal à l’aise, soit forte dans l’agression. Chez McQueen, les personnages sont des taiseux ou des incontinents verbaux.

Du personnage principal de Shame, on dit qu’il serait un héritier de Patrick Bateman. Mais plus qu’à Bateman, le personnage de Brandon m’évoque celui de Franck T.J Mackey, dans Magnolia. Ce Batman du sexe, campé par Tom Cruise, dans Magnolia. Brandon, c’est ce que serait Mackey dans la froideur urbaine. Les larmes de Brandon dans la jouissance glauque, ce sont les mêmes larmes que Mackey, percé à jour.

Les larmes. Les halètements, le tic tac des horloges aussi se répondent pendant tout le film. Pendant tout le film, c’est la même musique. L’éternel recommencement. C’est rond. En cercle. Brandon, c’est Sisyphe qui pousse son rocher en haut du mont. Il jouit, le rocher tombe.
Tout n’est qu’éternel recommencement, comme la faim qui le tenaille. Qui nous tenaille?

Shame, de Steve McQueen. Avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale, Nicole Beharie. 1h39. Film 4.

Encore dans quelques salles parisiennes (précipitez vous!).




Vous avez demandé la Police, ne quittez pas…

Dans la série « The Wire » (en français « Sur écoute »), c’est la police criminelle de Baltimore que vous aurez au bout du fil. Mais quel que soit l’objet de votre appel, ça n’est pas vraiment vous que veulent entendre les inspecteurs Jim McNulty (Dominic West) et Lester Freamon (Clarke Peters).

Eux, c’est les anti-héros des vrais des durs, ils font leur numéro pour pincer les « méchants » de Baltimore et combinent des talents tels que mauvaise foi, alcoolisme et infidélité.

Leur tour favori est la mise sur écoute. Sauf qu’il ne suffit pas de coller son oreille au biniou pour ouïr tous les mauvais coups fomentés par les trafiquants et mécréants de diverses espèces. 

Les écoutes c’est bien sur des machines avec des diodes lumineuses de partout, des numéros qui s’affichent, des chronos qui tournent, des statistiques informatiques et surtout de la paperasse administrative, mais ça n’est pas que ça sinon on serait tenter de raccrocher.

 

Emmenés par l’arbitraire et abusif Major Rawls (John Doman) et le charismatique lieutenant Cedric Daniels (Lance Reddick), les agents de la crim’ brisés par une hiérarchie « the chain of command » pas très flexible usent leurs semelles sur le terrain.

Le terrain de leurs enquêtes c’est les cités « The project » (Saison 1), les docks du port (Saison 2), les meetings politiques (Saison 3), les lycées (Saison 4) et les locaux de l’édition du journal local (Saison 5). Le fil rouge reste cette équipe attachante de bras cassés qui se planquent, traquent, patrouillent et fricotent avec des crapules. Et quelles crapules !! Le personnage ambivalent d’Omar Little (Michael K. Williams) et le musculeux Stringer Bell (Idris Elba) sont fascinants. Leur proximité troublante et la complexité de l’histoire rend parfois ces leaders de délinquants plus attachants que la Police.

Sans en révéler trop, cette scène issue de la saison finale est parfaitement révélatrice de l’ambiance de The Wire :

The Wire a été créée par David Simon et co-écrite avec Ed Burns diffusée sur HBO à partir de 2002. La série préférée de Barack Obama (Las Vegas Sun) est avant tout une véritable fresque sociale. Le message est clair : « The Wire » est aussi une approche sociologique de la vie urbaine et des inégalités.

A regarder en VOST de préférence car l’argot des cités et celui de la marée chaussée sont croustillants !




Jeudi – Jeux de mains…

Nocturne ce jeudi!

Pour les insomniaques qui sont passés à côté de ces 2 minutes de folie.

Look rétro-kitch, 80′, ou métal, le couple de danseurs irlandais Suzanne Cleary et Peter Harding up and overit a décidé de ne bouger… qu’avec les mains. Le résultat? Une série de vidéos étonnantes et drôles.

La plus réussie, sans hésitation, leur version de la chanson We No Speak Americano (Yolanda Be Cool & D Cup)

 




Walking Dead – Apocalypse now

Poltrons et pétochards cette série n’est pas pour vous. « The Walking dead » est une série américaine (diffusée sur AMC) se déroulant dans la banlieue d’Atlanta peu après un énorme cataclysme cabalistique. Une atmosphère de fin du monde plane et transforme le paisible quotidien de citoyens lambdas (ni trop gentils ni trop méchants) dans un chaos morbide où les morts ne sont pas tout à fait morts et où les vivants ont bien du mal à le rester. Les morts-vivants (en anglais living dead) donc, sont épouvantablement nombreux et bien que dans un état de putréfaction atrocement avancé, ils sont toujours en quête de chair fraîche.

Vous n’êtes pas sans remarquer la dynamique classique des films de zombies et autres morts-vivants, mixée cette fois à la thématique très en vogue de l’apocalypse.

Comme pour le comic book de Robert Kikman dont est issue la série, certaines scènes sont graphiques jusqu’à écœurement, les plans sont évocateurs, sanguinolents et pas très poétiques : y aura de la cervelle sur les murs, vous êtes prévenus. La série est cependant jugée moins trash et moins cruelle que la BD ; pourtant, au fur et à mesure des épisodes une ambiance malsaine colle aux basques de notre petit groupe de survivants.

Ca s’arrête là pour la ressemblance puisque là série prend, à juste ou à mauvais titre, des libertés vis-à-vis du comic.

« The Walking Dead » n’est pas qu’un cache-cache haletant avec des charognes patibulaires et agonisantes. De telles performances à l’audimat outre-Atlantique ne pourraient se justifier ainsi. Si la critique est partagée, l’audience elle, est bonne et c’est certainement à mettre au crédit de la tension et de l’angoisse véhiculées par les protagonistes bel et bien vivants de la série. Le fil rouge des épisodes est l’honnête petit shérif du conté de Kentucky (Andrew Lincoln) qui mène sa barque sur les rives du Styx en compagnie de camarades d’infortune de tous horizons. Dans le cadre hostile de leurs refuges précaires s’entament un huis clos avec des problématiques bien humaines elles. Leadership, amour, trahisons sèment la zizanie au pays des zombies et emberlificotent les stratégies de survie.

Par ailleurs, on peut voir au travers de cette série une fable moderne sur notre monde trop gourmand en énergies fossiles.
Mais surtout, ces épisodes sont porteurs d’une réflexion sur l’évolution des rapports humains et des comportements dans un monde où cadres sociaux et juridiques classiques ont volé en éclat. Ce « retour à la nature » que vivent les protagonistes est, à l’instar de celui décrit par Hegel, fait de « violences et d’injustices » hurlantes.

Ainsi, même si l’intrigue manque un peu de finesse et que la fin de la saison 1 souffre de quelques lenteurs narratives, le frisson et les rebondissements sont là.

Une petite dose d’adrénaline et d’hémoglobine; voici le trailer.

L’adaptation au format série est réalisée par Frank Darabont qui était aussi le réalisateur de La ligne verte.

S’il fallait le comparer à la vague de films « survivalistes », nous pourrions convenir que « The Walking dead » est :

  • moins sombre que « La route » tiré du livre de Cormac McCarthy et porté au cinéma par John Hillcoat,
  • plus violent que « Je suis une légende » de Francis Lawrence, mais surtout avec plus de personnages…,
  • plus urbain que « Seul au monde » avec Tom Hanks,
  • moins surnaturel que « La guerre des mondes » avec Tom Cruise,
  • moins apocalyptique que « 2012 », pas d’effets spéciaux hallucinants où la statue de la liberté et tous les grands monuments mondiaux symboliques sombrent, s’écroulent… avec fracas.

Et s’il fallait analyser « The Walking dead » aux regards des films d’horreurs, la série est :

  • moins bestiale que « 28 jours plus tard » de Danny Boyle,
  • plus réaliste que dans « Le Territoire des morts » de George Andrew Romero, pour ce qui est des zombies,
  • définitivement plus effrayante que « Scary movie »…



The Berg sans Nipple: « Y’a de l’érosion partout mais ça crée de nouvelles choses »

Crédits: Etienne Foyer

Les Berg Sans Nipple sont de drôles d’oiseaux. Nés sur deux continents différents, à les voir pourtant, on dirait des frères. A les entendre aussi. Ils finissent les phrases de l’autre. Installent des silences dont ils sont seuls à posséder la clé. Musicalement, c’est encore plus un mystère. Là où des artistes solo échouent à concilier leur moi intérieur, eux réussissent à inventer et à se réinventer à l’envi, sans que l’être deux soit un obstacle. Au contraire.
On s’était raté. Plusieurs fois. RDV manqué à l’hôtel Amour. Ils avaient rendez-vous avec leurs idées; impatiente, j’étais allée voir un autre « fou », Katerine, en concert.
Et ce n’était pas plus mal.
Pour mieux se retrouver une fin d’après-midi d’été, derrière une roulotte. Ambiance bucolique. Les murmures de leur tribu autour.
Extraits.

Comment commence Berg Sans Nipple?

Lori Sean Berg : On est très vite arrivés à la musique, parce que c’était un bon moyen de communication. Shane ne parlait pas français. Je ne parlais pas trop anglais encore. On a tout de suite joué sans se poser de questions. C’est ça qui nous a tout de suite connecté. On jouait sans forcément se dire que ça mènerait à un projet. Juste jouer.

C’est drôle que vous décriviez ça ainsi parce qu’en écoutant votre album, je me disais que la musique est chez vous un langage qui se suffit à lui-même. Ca veut dire quoi? Les sons sont comme des mots? Comme des matières organiques malléables à souhait?

Shane Aspegren: Oui. Le projet, ça a toujours été la transformation. On a souvent créé des sons mais aussi pris les sons pour les retravailler. La fin n’a jamais à voir avec le début. Au début, on se sent mutuellement. On est connectés. On a toujours les deux côtés. On sait ce que ressent l’autre.

Chaque album est source de renouvellement. Y’a un fil, une ligne musicale derrière tout ça?

Lori : se renouveler, oui, aussi mais une ligne musicale, pas vraiment. On a envie de se surprendre, d’aller vers des horizons dans lesquels on n’a pas l’habitude d’aller. Cet album, on avait envie qu’il soit comme ça. On s’est pas posé de question. J’avais envie que ce soit un album très minimaliste, très …

Shane : un peu brut, aussi. Plus brut que les autres. Parce que sur scène, il y avait toujours quelque chose de plus brut. Ce qui ne ressortait pas vraiment dans les albums. Sur les albums, oui, parfois, il y avait quelque chose de brut mais ils avaient plus de sonorités…

Lori : planantes.

Vous venez d’en parler. La scène, c’est un endroit à part?

Lori : c’est vrai que quand on enregistre en studio, on réfléchit à la scène. Comment on va faire pour le retranscrire sur scène. C’est aussi pour ça qu’on a décidé d’avoir moins de choses. On était un peu prisonnier de tout ça et on avait envie d’aller peut-être vers un peu plus de simplicité.

Shane : Mais je pense que ce regard… on a changé depuis le début. Là, on a commencé (en choeur avec Lori) live. L’enregistrement, on avait la vision de faire autre chose mais de garder le côté qu’on a créé au début. Avec le dernier album, c’était très différent.

Lori : Mais déjà avec Along the quai, c’était un disque où il y avait beaucoup de choses qui étaient difficiles à reproduire sur scène. Et ça, c’était un peu frustrant. On avait envie d’avoir moins de choses à gérer, essayer de jouer, quoi. Arrêter de se dire «  tiens, faut faire ci et ça ». On réfléchit toujours en live parce qu’on a commencé comme ça.
En même temps, sur ce dernier album, on avait envie d’un enregistrement studio aussi. Travailler beaucoup les sons. Des percussions etc. La batterie.

Build with erosion, c’est le titre de votre album. De ce que vous me dites, ça veut dire quoi? Qu’à l’usure, vous aboutissez à ce résultat?

Lori : qu’à force de faire, on tourne en rond

Oui mais c’est quoi l’idée?

Shane: Y’a pas juste un sens.

Lori: (rires) c’est un peu comme Berg sans Nipple, quoi.

Shane: Oui, la montagne sans sommet.

Moui, Berg sans nipple, littéralement, ça veut pas juste dire ça.

Shane: oui mais c’est le sommet.

Ah mais oui!

Shane: Y’a pas de montagne sans nipple, sans sommet. On monte, on monte, on monte et on a jamais… jamais les tétons. (Rires)

Donc tu le construis, ton sommet mais t’as l’érosion, qui te mange tout.

Shane: Oui parce que c’est pas là, it’s eroded, you know.

Et alors, ce serait quoi, le sommet, l’idéal musical?

Shane: que ça change tout le temps. C’est un peu ça l’érosion aussi. Quand j’ai écrit les textes de l’album, j’étudiais beaucoup la philosophie orientale. Y’a des pans différents. C’est un peu ça aussi.
Une façon de voir. La vie est quelque chose d’un peu destructeur. Et c’est pas plus mal non plus. Y’a de l’érosion partout et ça crée de nouvelles choses.

Lori: et on en fait une autre montagne

Shane: c’est aussi notre façon de créer la musique depuis le début. On utilise toujours des trucs cassés, pourris. Oui, y’a un côté triste de voir les choses se dégrader. Mais ça peut être beau aussi.

 
Build with Erosion. The Berg Sans Nipple. Clapping Music/Blackmaps. Disponible dans tous les bons disquaires