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[Arrested Development] Une famille en or…

Sitcom du XXème siècle par excellence, Arrested Developement a pour toile de fond une famille américaine portée par un père entrepreneur. « So far so good » (jusque là tout va bien) sauf que dans la famille Bluth, s’ils ne sont pas tout à fait dans la panade, ce ne sont certainement pas de grands gestionnaires et ils sont assez anticonformistes.

Cette série proposée par la chaine FOX est un parfait cocktail antimorosité, un divertissement pas crétin, où une famille compliquée nous propose une Amérique hilarante loin, très loin des clichés du rêve américain sur gazon verdoyant et sourire dentifrice, façon famille Kennedy et loin des rires pré-enregistrés.

Mr.Bluth n’est pas un modèle de droiture et c’est un doux euphémisme de dire qu’il n’est pas réglo, il verse plutôt dans les secteurs non autorisés mais pas en professionnel, plutôt en amateur totalement disjoncté. Exit  la famille parfaite bien pensante, avec le pater familias d’une exemplarité irritante type 7 à la maison sans pour autant être la famille Corleone.


Le fil conducteur dans les péripéties de cette famille? Le business ! Un business qui a amené le père… en prison et pousse un des fils (Michael) à reprendre le flambeau. L’affaire n’est pas simple car Michael se retrouve le seul à travailler sans pour autant tenir les rênes (le président, c’est son frère) et se faisant manger ses profits par sa mère, son père, ses frères et sa sœur… Non ça n’est pas le bonheur, pour lui, mais pour le téléspectateur… quelle délectation !


Dans la famille Buth, je demande le père! Et bien NON, le père, il est en prison. On s’éloigne donc directement de la famille Barbapapa. George Bluth Senior (Jeffrey Tambor) n’est pas un saint pas plus que son frère jumeau qui lui ressemble en tout point sauf sur la pilosité. Il est parfaitement azimuté, à ce titre ses apparitions sont lunaires et ses stratagèmes inattendus. Dans ses proches contacts, il compte la famille d’un certain Saddam Hussein….


Sa femme, Lucille est très nouveau riche, elle est alcoolique et ne prend pas son job de mère de famille très à cœur… elle se contrefout de sa progéniture (enfants et petits enfants inclus). En somme, Madame Bluth mère (Jessica Walter) est parfaitement acariâtre et insupportable. A eux deux, les seniors de la famille Bluth ont presque un côté Ténardier, mais leur fille n’est pas une petite Causette.


La fille Bluth est écervelée et investie d’une mission, une noble mission : celle de dévaliser tous les magasins de vêtements de la côte Est. Lindsay Bluth Fünke amène de la grâce et un peu de coeur, mais attention on n’est pas dans la famille Hilton, l’argent manque (d’où le nom français de la série « Les nouveaux pauvres ») ; et le style, elle est bien la seule à en avoir… La comédienne Portia de Rossi, par ailleurs connue à la ville pour être l’épouse de la présentatrice Ellen DeGeneres, est, dans Arrested Development, outrancière, désopilante et bizarrement très investie dans des œuvres caritatives. Le seul objectif de cet engagement : maintenir sa petite notoriété, sans aucun doute. Ainsi, elle n’est guère plus sympathique dans ce rôle que dans celui qui l’a fait connaître : celui de Nelle Porter dans la série Ally Mc Beal.


Le fils aîné « Gob » (George Oscar Bluth) a quant à lui un look qui lui est propre, et le goût du spectacle dans la peau. Son dada c’est la magie, mais elle le lui rend mal . Séducteur invétéré, ce glandeur de première se déplace en Segway et vit sur le yacht familial. Comme son père, la légalité n’est pas son fort, il a toujours un plan abracabrantesque derrière la tête. Ainsi, entre deux tours de magies ratés et un strip-tease déguisé en flic, il trouve encore le temps de se ridiculiser. Gob est très rock & roll, mais pas façon Osbourne. Ses accroches avec sa famille sont hilarantes. Il est tellement perché qu’on pourrait se demander s’il est bien « terrien ». Rien d’étonnant finalement à ce Will Arrnett ait été nommé dans la catégorie meilleur acteur de second rôle dans une série comique aux 58ème Emmy Awards.


Mais la famille ne s’arrête pas là. Il y a aussi le petit dernier. Le cadet « Buster » (Byron Bluth) est un euphorique phobique. Attachant et déconcertant, Tony Hale joue un attardé, toujours dans les jupes de sa mère acariâtre et amoureux d’une sexagénaire de charme : la chanteuse Liza Minelli, une des guest stars de la série. C’est décadent, bien plus décadent que chez les Kardashians ! Tony Hale pose avec cette sitcom la pierre angulaire de sa carrière. Il sera d’ailleurs primé pour son interprétation de Byron Bluth.



L’unique fils doué de raison : Michael  frère jumeau de Lindsay, apparaît comme la seule personne en mesure de faire marcher le business familial, le père Bluth étant lui, derrière les barreaux. C’est le point de départ de la saison1. Mais avec une famille aussi maudites que les Atrides, Michael (Jason Bateman) est pris en étau et les situations cocasses et burlesques s’enchaînent. Il n’a pas le talent commercial d’un Onassis, il est moins cérébral qu’un Servan-Schreiber, mais il fait de son mieux.


Jason Bateman est parfait dans ce rôle de victime. Il tire si génialement son épingle du jeu qu’il décroche en 2005 un Golden Globe dans la catégorie « Meilleur acteur dans une comédie », un TV Land, ainsi que deux Satellite Awards. Sa famille, la famille Bluth, n’a finalement rien à voir avec celle dans laquelle il a fait ses débuts. Souvenez-vous : le petit Jason vivait dans une maisonnette dans la prairie. Jason Bateman y jouait alors le rôle de James Cooper fils adoptifs d’une certaine famille Ingalls.


Michael Bluth est lui même papa d’un adolescent ahuri, George Michael, qui n’est autre que l’acteur Michael Cera. Découvert dans Juno, vu dans Super Grave et Une nuit à New York, il est ici délicieusement largué. Le gamin est gauche et il trempe dans cette famille comme dans une mer infestée de piranhas. Davantage pâlichon et moins dégourdi que Bart, le fils Simpsons, il est dépassé par cette famille de barjos. Il traverse l’âge ingrat en compagnie d’une autre ado, avec laquelle il fricote « Mayeby ».


Mayeby alias Mae Fünke (Alia Shawkat) de son vrai nom est la fille de Lindsay Bluth et Tobias Fünke. Elle amène son grain de folie (s’il en manquait !) et les rapports avec ses parents ont peu de chance de vous rappeler la petite famille française telle que Katherine Pancol peut la décrire.


Son père Tobias (David Cross) le mari de Lindsay est émotionnellement instable et gentiment déjanté. Lui même semble ignorer l’existence et la présence de sa propre fille. Psychiatre et auteur d’un best seller… gay, il décide de se réorienter vers une carrière d’acteur. Cependant, ses psychoses, toutes plus loufoques et drôles les unes que les autres (il ne peut jamais être nu par exemple), l’empêchent d’atteindre son objectif. Les épisodes durant lesquels il est peint en bleu de la tête au pied au cas où il serait appelé en renfort par le « Blue man group » sont proprement géniaux. Dans le fond on plaint ce pauvre Tobias de tout notre cœur, d’être si naïf et médiocre en tant qu’acteur mais quelle jouissance! Bizarre voila ce qui caractérise bien Tobias, un peu comme La Chose de la Famille Adams.

Pour la gestion des tensions familiales chez les Bluth on se rapproche plus des Pierrafeu, on se tape dessus, c’est jubilatoire il ne faut pas se le cacher surtout que personne n’est oublié, tout le monde en prend pour son grade. Ron Howard, le narrateur, distille les événements d’une voix de maître.

Ce petit monde, une dizaine de personnes (tout de même), réside dans une maison témoin totalement factice au milieu du désert…

 

Cette série plus que barrée a les faveurs des critiques, mais aussi des peoples…

Dans Arrested Development les « peoples » se succèdent et font des apparitions à mille lieux de leur image habituelle, lisse et proprette. Charlize Theron fait un passage particulièrement pimenté et hallucinant en fin de saison 3. Ben Stiller vient lui aussi saluer les Bluth. Mitchell Hurwitz (le réalisateur) s’amuse, il y a parfois plus de stars au mètre carré que dans la famille Smith (Will).


Au fil des épisodes rythmés par des dialogues punchy, on découvre que c’est avec une joie extatique que les Bluth se mettent des bâtons dans les roues. Mais pas façon Tudors, ils sont finalement bien trop intéressés par leurs petits nombrils pour avoir une ambition de groupe. Ce qui leur pend au nez c’est plus l’asile psychiatrique…


Une famille d’ovnis qui ne ressemble à aucune autre. Si jamais les Bluth s’installaient près de chez vous, vous pourriez dire « y a des zazous dans mon quartier ».  Il existe à ce jour 3 saisons (peut-être bientôt 4) de 22+8+13 épisodes  et donc autant de raisons de tester ses zygomatiques! Arrested Development est sans aucun doute la série comique à ne pas rater ! Gardez bien en tête le nom de cette série, car d’ici peu il se pourrait qu’elle soit portée sur grand écran !


Casting :

Jason Bateman (Michael), Portia de Rossi (Lindsay Bluth Fünke), Will Arnett  (George Oscar Bluth dit « Gob »), Michael Cera  (George-Michael Bluth), Alia Shawkat  (Mae  Fünke dite « Maeby »), Tony Hale  (Byron Bluth dit « Buster »), David Cross  (Tobias Fünke), Jeffrey Tambor  (George Bluth Senior), Jessica Walter  (Lucille Bluth), Ron Howard  (Le Narrateur).

 




Gallimard, en mots et en images

Sur Gallimard, on pourrait croire -à tort- que tout a été dit. Au cours de l’année, le centenaire de la maison d’édition a été célébré sous toutes ses formes (jusqu’au baptême d’une moitié de rue du nom de son fondateur en juin dernier).

Cette dernière exposition n’en est pas moins réussie pour autant.

Les soixante portraits présentés sont somptueux et respectent la chronologie d’entrée des auteurs dans le catalogue de la maison. Ces photographies, presque toutes en noir et blanc, sont accompagnées d’un commentaire d’Alain Jaubert, tantôt loufoque, tantôt sérieux, souvent descriptif et débordant de sous-entendus. Comme les écrivains eux-mêmes qui, derrière leurs grimaces, cachent des personnalités fantasques et/ou solennelles, un génie pour l’assemblage des mots et une rigueur dans le travail. Qui ont fait leurs preuves, cela va sans dire.

Parce qu’ils bossaient ces messieurs-dames, bien plus qu’on ne le croit ! Et c’est ce travail de fourmis que nous montre avec  justesse l’exposition. Ils ont tous pris part à l’édification de la maison comme écrivain, salarié, membre des comités de lecture. Ils ont transpiré leurs propres écrits, bien sûr, mais aussi lu et relu ceux des autres, les défendant souvent à grand renfort de lettres (proposées au public en vitrine).

Ils sont presque tous là, les célèbres auteurs de la NRF (Nouvelle Revue Française): Camus, Sartre, Nabokov, Gary, Sarraute, Char, Proust, Kundera … Aïe, même Foenkinos s’est trouvé une place dans cette galerie de souvenirs (une lettre, à la sortie, à défaut de vous impressionner, vous rappellera que la maison d’édition continue aujourd’hui d’alimenter son catalogue).

Amis, ennemis, poètes, communistes, américains, résistants, sauvages et mondains, tous forment aujourd’hui une grande famille.


« Louis Aragon à son bureau. Paris, 1951. Tampon buvard, sous-mains, bouteille d’encre, le bureau du poète moderne ressemble à celui d’un fonctionnaire. D’ailleurs il est aussi journaliste et patron de presse, et, bien sûr, subtil romancier. Il n’en a pas fini de nous surprendre. Il est encore très sérieux, ça ne durera pas. La gentille colombe de Picasso vient lui picorer la tête… Staline va bientôt mourir. »


« Portraits pour un siècle. Gallimard. »
Gallerie des Bibliothèques / Ville de Paris
Jusqu’au 27 novembre 2011, 22 rue Malher (Paris, 4e)
http://sd-2.archive-host.com/membres/up/143796333747690194/_DP_gallimard_OK_.pdf





OZ ! Une radiographie pétrifiante des prisons américaines …


Oz est le surnom de la prison américaine Oswald State Correctional Facility, mais c’est surtout une série « made in » HBO. Tom Fontana, le créateur de la série qui a signé, de sa plume noire, l’écriture de la majorité des scénarios de Oz, co-écrit par ailleurs Borgia (Canal+). L’homme qui a révélé Denzel Washington au grand public avec sa première série, « St-Elsewhere« , ne fait pas dans les mièvreries. Son domaine c’est le psychologique, le scandaleux, les vils instincts, le Mr. Hyde qui sommeille en chacun de nous.


Au cœur de la série, l’unité spéciale d’une prison de haute sécurité : Emerald City. Notre sésame pour passer derrière les nombreux murs, contrôles et barreaux est Augustus Hill (Harold Perrineau Junior). Ce narrateur prisonnier psychédélique a, en outre, la particularité d’être en fauteuil roulant. Chaque épisode est ponctué par ses allocutions poético-trash. Augustus porte un œil très personnel et caustique sur le système carcéral et nous livre sous forme de flash-back les raisons qui ont conduits chacun des prisonniers à rejoindre l’unité. Qu’ils appartiennent aux clans des italiens, des musulmans noirs, des gangstas, des néo-nazis ou des latinos ils sont tous logés à la même enseigne, au sens propre mais pas au figuré. Dans un tel endoit, les rapports de forces y sont évidemment exacerbés.

Alliance, trahison, stratégie : tous les coups sont permis quand on est là pour…toute une vie.


Le concept unique d’Em City porté par son manager Mac Manus ( Terry Kinney) personnage utopiste et ambivalent, consiste à faire cohabiter dans un simulacre d’autarcie des hommes ravagés par leur vie précédente, le tout encadré par des matons parfois guère plus honnêtes… Il est laissé au bon soin des prisonniers de s’occuper de la cantine, du nettoyage des vêtements et d’un atelier de confection. Un microcosme reconstitué de toutes pièces, derrière les barreaux. Visionnaire ou fou, Mc Manus ne tardera pas à être aussi aliéné par cette prison que ses détenus. Du côté des gentils, il est aidé dans sa tâche pour la partie religieuse par Sister Peter Marie et Father Ray Mukada. Quant à Diane Wittlesey (Edie Falco, épouse de Tony Soprano dans la série « Les Soprano »s), elle met les mains dans le cambouis pour contenir la poudrière.


On s’éloigne ainsi de la thématique récurrente prisonnier/évasion, pour se rapprocher de la peinture sociale au vitriol à mi-chemin entre le film Precious de Lee Daniels pour l’aspect détresse et Shutter Island de Martin Scorsese pour la folie et l’emprisonnement.
Tensions inter-communautaires, gangs, drogue, homosexualité et réinsertion des détenus sont au programme (par conséquent, assez festif !). Les épisodes s’enchaînent à un rythme diablement effrayant. L’intrigue est bien amenée et l’alternance des points de vues des personnages nous fait vivre de l’intérieur ce quotidien violent mais aussi la guerre des nerfs et la guerre de religion qui s’y trament.

Oz est super-réaliste, malsaine, sanglante, une décharge d’adrénaline pour les durs, les vrais, les tatoués. D’ailleurs, durant le générique choc de la série, un bras se fait tatouer le surnom de la prison de façon stylisée, avec une goutte bien ronde de sang sombre juste en dessous du Z. Ça n’est pas de la fiction, ce tatouage est bel et bien sur le bras de quelqu’un… son créateur. Âmes sensibles s’abstenir.


La saison 1, constituée de 8 épisodes est véritablement à couper le souffle. Ce ne sont pas les paysages qui laissent sans voix, puisque la série est quasiment un huis-clôt. Ce qui coupe la chique, c’est le coup de poing qu’on a l’impression de recevoir bien au milieu du ventre. Il existe à ce jour 56 épisodes de 55 minutes sur 6 saisons. Le casting d’Oz n’est pas sans rappeler des personnages inoubliables d’autres séries cultes de HBO telles que The Wire (Sur Ecoute) et The Sopranos, on y remarquera notamment Tobias Beecher (Lee Tergesen) blanche-brebis égarée. Aucun hasard à cela …  Tom Fontana a collaboré au début de sa carrière avec Barry Levinson, sur l’adaptation en série d’un roman choc « Homicide : A year on the killing streets » écrit par David Simon.


« Peu m’importe que les personnages ne soient pas sympathiques, du moment qu’ils sont intéressants.  » a déclaré Tom Fontana. Il est certain qu’à côté de Kareem Said (Eamonn Walker), Donald Groves (Sean Whitesell) qui a mangé ses parents ou Vernon Schillinger (Jonathan Kimble Simmons ) le nazi, les détenus de Prison Break sont d’inoffensives collégiennes en vacances chez les bisounours.


« It’s no place like home », (rien ne vaut son chez soi) on en est bien convaincu au terme :

Oz (1997 – 2003) de Tom Fontana.


Casting de la saison 1 de Oz :

Harold Perrineau Jr. ( Augustus Hill), Lee Tergesen (Tobias Beecher), Eamonn Walker (Kareem Said), Dean Winters (Ryan O’Reilly ), J. K. Simmons (Vernon Schillinger), Kirk Acevedo (Miguel Alvarez), George Morfogen (Bob Rebadow), MuMs (Jackson), Adewale Akinnuoye-Agbaje (Simon Adebisi), J. D. Williams (Kenny Wangler), Tony Musante (Nino Schibetta), Leon Robinson (Jefferson Keane), Dr. Lauren Vélez (Dr.Gloria Nathan), Sean Whitesell (Donald Groves), Edie Falco (Diane Wittlesey).

 




Les aventures bien françaises de Tom Sauilleur

Ces 211 pages sont une délicieuse rosée matinale. Un petit frisson partit des mollets mais laissant présager une belle journée ensoleillée. Des rapports humains qui fleurent bon la campagne mais pas la campagne idéale des Parigots. La campagne dans ‘ »Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom » est souvent rude mais parfois cocasse et conviviale. Tom, du haut de ses 11 ans nargue la vie avec naïveté et bonne humeur malgré une situation familiale peu enviable. Il vit dans un mobil-home avec sa mère, Joss, une gamine, le tout sans un rond et en pleine cambrousse. [ndlr: Bref, autant dire qu’il est fauché … comme les champs environnants.]


Cette campagne omniprésente, donne envie de fuir la ville pour mettre les pieds dans un petit ruisseau de sous-bois qui sent la mousse. C’est un personnage clé tout aussi attachant que la galerie de personnage qui gravitent autour de lui. Tom virevolte à pas de loup au sein de cette communité, il se nourrit en maraudant dans les jardins voisins avec une petite préférence pour les tomates, les belles, rondes et juteuses.


Archibald et Odette, les voisins victimes des intrusions furtives de Tom n’ont rien à voir avec « Les deux gredins » de Roald Dahl. Ce couple n’est ni laid, ni méchant, ni dégoûtant.

Mais un jour peut-être auront-ils oublié la ville à grand renfort de recette sauvages de Marie-Rose, auteur de l’ouvrage de cuisine best-seller de la région… ?! Ce couple courtois et très urbain détonne dans le paysage de bocage français. Il déclenche chez le lecteur de sacrés fous rires. Ils portent en effet un regard extérieur sur la situation de Tom et sur la ruralité, qui permet une vraie mise en abîme, nécessaire lorsqu’on traite de sujets aussi âpres.


Quant à Madeleine, qui n’est pas sans rappeler une autre Madeleine – celle de « La tête en friche » (voir article lié) – elle n’est guère facile à vivre, d’ailleurs elle ne semble pas avoir eu une vie facile. Elle a 93 ans et n’a plus une forme de jeune fille …  C’est d’ailleurs pour cette raison que le chemin de Tom va croiser le sien. Bravo à Barbara Constantine, car après le choc générationnel lié à la rencontre Madeleine-Tom, il se dégage de ce tandem une tendresse infinie et une complicité limpide.


Jocelyne, surnommée Joss, a été fille-mère à treize ans et demi. Elle est plus irresponsable que méchante. Sa jeune vie est déjà un champ de bataille, une scène de chaos où les bons sentiments sont relégués en seconde zone. Sa meilleure carte pour s’en sortir est sans aucun doute son fils.


Mobil-home + Monoparentalité + Précarité. C’est bien la première partie de l’équation de cet ouvrage écrit par Barbara Constantine en 2010. A ce stade, seuls les plus valeureux, ou aficionados de Barbara Constantine sont intéressés. Pour sûr, « Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom » est ancré dans une réalité pas très rose. Néanmoins ce livre est à la portée de tous et pourrait être un porte voix intéressant auprès des plus jeunes. Un livre aussi pour ados en fait.
Non parce qu’il parle de sorciers ou de vampires. Mais car il y est question de valeurs – sans donner de leçon-, d’amour – sans pluie de roses- bref : de héros du quotidien.


 La voilà donc la seconde partie de l’équation et le secret de ce petit bouquin Amour + Ingéniosité + Tomates.
Parce que le « Quai d’Ouistreham » de Florence Aubenas manquait peut-être d’optimisme et  « Indignez-vous » de Stéphane Hessel d’illustrations pratiques, ce livre, sans être moins dur est plus abordable.


L’auteure

Plus connue du grand public pour avoir écrit « Amélie Sans Mélo », Barbara Constantine nous propose pour son troisième ouvrage, un petit opus d’une grande fraîcheur. Si vous n’en avez jamais entendu parler, vous êtes peut-être passé tout près car elle a notamment collaboré avec Cedric Klapisch à l’écriture des « Poupées Russes », film sortit en 2005 qui faisait suite à l’Auberge Espagnole dans laquelle éclatait au grand jour un petit français : Romain Duris. Son premier roman « Allumer le Chat » vaut lui aussi le détour. On y découvre la passion de l’auteur pour les félins domestiques. Sa prose y est déjà frugale, directe et audacieuse. « Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom », n’a rien de particulièrement rocambolesque mais c’est bien ficelé et on rit de bon cœur.


Une délicate poésie qui n’est ni trop onirique ni trop sombre, un conte moderne, une petite parenthèse à lire absolument pour une bouffée d’humanité.


Extraits :

« Salade de vers de terre
(Très léger, pour les appétits d’oiseau
1. Avec une bêche, creusez des trous dans le jardin. Ne prenez que les vers les plus gros. ils réduisent beaucoup à la cuisson. Puis faites-les dégorger jusqu’à ce qu’ils aient chié toute leur terre. Une journée et une nuit à moins qu’ils ne soient constipés.
2. Pour la verdure, mettez des feuilles de pissenlits. Un conseil aux vieillards et à tous ceux qui ont des problèmes de chicos (j’en connais un rayon): émincez fin. C’est meilleur et c’est moins crevant à la mastication.
3. Préparez une vinaigrette avec de l’échalote et de l’ail sauvage haché.
4.Dans l’eau bouillante et salée, balancez les vers vivants, pour les pocher. Dès qu’ils remontent à la surface, égouttez.
5. Si vous aimez la gomme à mâcher, vous pouvez arrêter là et les manger tels quels, avec la vinaigrette. Plus le conseil n°8, évidemment.
Sinon, faites comme moi, continuez.
6.Dans la poêle, mettez une noisette de beurre. pour parfumer, vous pouvez ajouter une fleur de capucine ou une fleur de pissenlit (voir la liste des comestibles à la fin du bouquin). Ça fait joli et c’est bon. Mais attention n’utilisez pas les fleurs de fleuristes. Elles sont intoxiquées à la pollution.
7. Jetez les vers pochés dans la poêle chaude. Pour éviter qu’ils attachent, faites un mouvement de va-et-vient avec la queue de la poêle. Dès que les vers commencent à dorer, mettez les sur la salade, comme des lardons. Et dégustez.
8. Buvez un grand verre de vin blanc, bien frais. » [1]


« La vieille était chiante, d’accord, mais c’était une bonne occasion pour elle de s’entraîner à son futur métier d’infirmière. Apprendre à être patiente avec les patients… c’était quelque chose qui lui manquait. Et puis, se spécialiser en gériatrie, ce n’était pas une mauvaise idée. Peu de risque de chômage dans cette branche. » [2]


[1] Barbara Constantine, » Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom », édition Le Livre de Poche (2010) p153

[2] Barbara Constantine, « Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom », édition Le Livre de Poche (2010) p202

 




Désolations en Alaska … La terreur selon David Vann


Quand la rigueur des éléments n’est rien face à la froideur des sentiments humains, David Vann nous propose une descente dans l’enfer de la psychologie humaine.


Gary, la soixantaine approchant, décide de réaliser son rêve de jeunesse … Bâtir une cabane sur une île d’Alaska. Se contenter du strict nécessaire, et chaque jour défier la nature et la rudesse qu’elle impose à la vie.


Il entraîne Irene, sa femme, dans sa folle entreprise …
Et folle, elle aussi va le devenir progressivement. Méditant sur ce qui l’a poussée à suivre cet homme toute sa vie durant … A dire amen à tous ses projets …
Au-delà du projet de cabane, c’est toute sa vie de famille qu’elle reconsidère. A l’aune de ce qu’elle aurait souhaité. Le constat est sans appel et douloureux.


Autour de ce couple, nous assistons au déchirement d’une famille. En apparence, une famille.
En observant davantage, des individus ne partageant rien de plus qu’un lien de sang. La soeur (Rhoda) est une inconnue dans le coeur et dans les yeux de son frère (Mark).


Rien de plus en somme que la dramatique histoire de la vie, entre rêve de jeunesse, médiocrité du quotidien et désillusion à venir …


L’amour se transforme lentement en une routine ravageuse et destructrice, où le moindre obstacle prend la dimension d’un gouffre insurmontable.
Cette descente aux enfers inexorable tout au long de ces 300 pages plonge le lecteur dans une profonde angoisse.


A la sortie d’un tel roman, l’espoir paraît hors de propos, le bonheur honteux et le sentiment d’accomplissement illusoire.


David Vann réitère l’exploit de « Sukkwan Island » dans son deuxième roman traduit en Français sous le titre « Désolations » (« Caribou Island » dans son titre original). Il nous plonge dans les bas-fonds de l’âme humaine, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. Paradoxal ? Je vous laisse juge …


Désolations est publié aux éditions Gallmeister (http://www.gallmeister.fr/) – 304 p. – 23 €

 




Treme : Quand le jazz est là …

Aller simple pour Treme (à prononcer « Twemay »), ancien quartier des esclaves affranchis de la Nouvelle-Orléans, les pieds dans l’eau après le passage du cyclone Katrina.

Dans cette série produite par HBO, David Simon et Eric Overmyer auteurs de la série haltetante « Sur Écoute » (en anglais « The Wire ») expérimentent  un cocktail explosif  à base de jazz, de cuisine cajun et de cyclone.


Cocktail sombre et polémique qu’ils ne saupoudrent certainement pas de bons sentiments. Les habitants de cette ville sur les bords du fleuve Mississippi font preuve d’une incroyable pugnacité pour retrouver les leurs, mettre fin à l’exil et la désolation causée par les inondations. Ils se croisent sans parfois se connaître mais sont unis par l’amour d’une ville et de son mode de vie si particulier, indéfectiblement lié au jazz, ses fanfares, ses concerts…  Une chef cuisinière malchanceuse, une avocate engagée, un prof révolté, un DJ farfelu, un tromboniste goguenard, une tenancière de bar à la poigne de fer, une violoniste montante… tous ces passionnés survivent avec un même combat : la reconstruction d’un monde, leur monde : la Nouvelle-Orléans.


Le rythme est lent comme les efforts de la ville pour s’en sortir. On ne se relève pas comme ça d’un cyclone, voilà ce que l’on comprend après les premiers épisodes. On a l’impression lorsqu’on suit Creighton, prof de littérature, d’être dans un documentaire au vitriol de Mickaël Moore.  Au détour d’une ruelle, on prend conscience  que le gouvernement américain n’est pas toujours si indulgent et charitable. Cruel le monde de Treme ? A vous d’en juger.


Dans cette série on ne parle pas de femmes au foyer, ni de superflics, ni d’attachants petits groupes d’amis, ni même d’avocats on parle de simples citoyens tourmentés qui ont pour patrimoine commun : une ville et son histoire.


David Simon propose un authentique son cuivré dont la réalisation qui rime avec sobriété.


Si vous n’y connaissez rien au jazz mais que vous n’avez rien contre, au fil des épisodes vous apprendrez à l’aimer et vous en redemanderez. Mais si vous aimez le jazz… inutile de prêcher des convertis, vous vous sentirez comme un coq en patte dans l’univers de Treme et vous dodelinerez de la tête tout au long des interludes musicaux !


Casting de la saison 1 : LaDonna Batiste (Khadi Alexander), Albert Lambreaux (Clarke Peters), Davis McAlary (Steve Zahn), Janette Desautel (Kim Dickens), Toni Bernette (Melissa Leo), Creighton Bernette (John Goodman), Sonny (Michiel Hulsman), Annie (Lucia Micarelli), Antoine Batiste (Wendell Pierce).




Identités


 

– « Martin Page ? J’connais pas. »

– « Ca va te plaire » m’avait-elle dit, en bonne boulimique d’encre qu’elle était, « c’est  l’auteur de Comment je suis devenu stupide…. »

– « … »

« … Mais c’est des nouvelles ? Bof, c’est chiant à lire les nouvelles… Ah, y’ a des images … »

Alors j’ai lu. Et j’ai ri. Et j’ai beaucoup réfléchi…. à La mauvaise habitude d’être soi.


J’ai commencé par l’histoire de Raphaël. Héraut kafkaïen hébété devant cet enquêteur chargé de résoudre son meurtre. Puis, curieuse, j’ai continué avec Philippe, aux prises avec ce choix cornélien : échangera-t-il sa vie avec un inconnu au risque de n’être plus personne ?


Alors conquise, j’ai enchaîné avec ce mec qui emménage à l’intérieur de sa tête, cet autre qui découvre qu’il est une espèce en voie de disparition, ce dernier qui enquête sur la désertion des cafards parisiens… Avant d’enfermer tous ces frappés dans leur prison de papier.


Quelque chose me dit que ce livre pourrait me remuer bien plus que ce qu’il n’y paraît. Alors, je le ré-ouvre quelques fois, lorsque je chasse le zébu, nue à la pleine lune sur les toits de Paris, tout en cherchant une nouvelle tête volontaire, mon corps ayant eu raison de la première.



Martin Page et Quentin Faucompré, La mauvaise habitude d’être soi, Éditions de l’Olivier, 2010.






Pas de panique avec Midam

Le nouveau tome des aventures de « Kid Paddle », (Panic Room) signé Midam est sorti à la fin du mois d’août. Ce nouvel album marque le retour du petit héros, après la plus longue absence qu’il ait connue depuis sa création, en 1993.


L’auteur qui pour l’occasion fait une tournée des FNAC françaises confie que cela lui « prend de plus en plus de temps de produire un volume ». Et à son impresario de rajouter, plus tard, que l’auteur « passe parfois des journées entières sans vouloir voir personne pour finir un gag, pour qu’il soit percutant, c’est un véritable stakhanoviste du travail », et cela se ressent.


Les « running-gags » sont très présents dans les pages, Midam a gardé les bonnes habitudes sans être répétitif. « C’est bien plus dur de faire des variantes ! », assure-t-il. On y retrouve à nouveau Horace qui finit à l’hôpital, le Kid en train d’imaginer son père en agent spécial, ou encore la salle de jeu vidéo et son gardien patibulaire. De nouvelles idées font aussi leur apparition et elles deviendront des gags récurrents. « Un jour dans un aéroport, j’ai acheté une sorte de livre  »Que-sais-je ? », et c’est en lisant ce bouquin que j’ai pensé à la piscine de salive qu’on retrouve dans Panic Room. J’aimerais garder l’idée de ces  »le saviez-vous ? » dans les prochains albums ».


Et Kid Paddle, hors-Euope, comment ça marche ? « C’est la deuxième bande dessinée étrangère la plus vendue au Québec après Garfield, la troisième si on compte  »Les Nombrils », BD typiquement québécoise. C’est quand la série télévisée est apparue qu’ils ont commencé à être demandeurs ». Seul ennui, le retard que prend la sortie des albums du Kid dans la Belle Province : d’un à deux mois à cause du transport en bateau ! Midam s’y rendra donc cet automne. Dans un genre voisin, l’épouse de l’auteur explique que « Titeuf ne marche pas au Canada, à cause du sexe », il est vrai que de ce côté, Kid Paddle sait rester discret, même si l’arrivée d’une nouvelle héroïne amoureuse du garçon à la casquette apparaît dans le dernier numéro…


Dans sa tournée, l’auteur s’arrêtera pour la deuxième fois de sa carrière à Angoulême. Pour l’occasion, il a mis les petits plats dans les grands avec un stand customisé : « un Kid Paddle géant et une immense tâche d’acide sulfurique qui se verra de très loin ! », nul doute que les fans sauront apprécier. Au fait, qui sont-ils ? Quelle relation Midam entretient-il avec eux ? « Je suis toujours un peu intimidé, mais eux aussi ! », alors pendant qu’il dédicace, il pose des questions, s’intéresse vraiment à qui le lit. « Maintenant, le héros a plus de 18 ans d’âge, il traverse les générations, je n’ose plus demander aux adultes qui viennent en dédicace si c’est pour leurs enfants, car c’est souvent pour eux-mêmes ». Certains lecteurs y trouvent d’ailleurs plusieurs niveaux de lecture, là où le gosse voit un gag, l’adulte y décèlera une complicité particulière père-fils par exemple. « Quand j’entends cela, j’acquiesce, même si je n’avais absolument pas voulu faire passer ce message lors de la création du dessin ».


À propos de relation père-fils. Même les lecteurs occasionnels de la BD ont dû se rendre compte que la mère n’était tout bonnement jamais dessinée, ni même évoquée. « Elle a existé le temps d’une case dans le premier volume de Kid Paddle, elle disait à son mari  »Chéri, tu vas être en retard à ton travail », puis à la réédition j’ai remplacé  »chéri » par  »papa », j’aime les contraintes, et pour l’instant la contrainte c’est que la mère n’existe pas ». Le public se pose-t-il la question ? « Au début, j’ai eu droit à des félicitations de gens qui m’affirment  »bravo, vous avez su créer une bande dessinée avec une famille monoparentale », là aussi je laissais dire, mais c’est l’imagination du public ».


Et au fait, le père du Kid doit être forcément fan de jeux vidéos ! « Pas du tout, je ne joue pas » confesse-t-il timidement.


Les lecteurs les plus assidus ont dû remarquer que Midam avait quitté Dupuis depuis le dernier tome. « La rentabilité prenait trop le pas sur la qualité, la première édition du tome 11 était intégralement gondolée, à force de vouloir faire des économies, ils ont vendu 380 000 exemplaires dans cet état, je n’aime pas ça ! »  clame l’auteur. Il a créé en réaction, MAD Fabrik, qui en est à sa cinquième parution ! Sa maison met un soin tout particulier à la qualité de l’objet. Un pari réussi avec ce tome 12, en papier, comme en gags !



 

 

 

 




Séverin: en noir et blanc,… bleu, blanc et rouge!




Séverin, il nous a fait couler doux l’été avec son album L’Amour Triangulaire, sorti en digital, en juin dernier. D’abord, tu te dandines au rythme des synthés; puis fatiguée, tu te poses au bord de la piscine, toujours à dodeliner de la tête béatement. Et tu réalises alors que la même chanson qui te faisait sauter, elle est quand même pas très youpiyeah.
Séverin, c’est ça, de la pop mais pas trop acidulée. Le verbe est intelligent. Avec malice, il se joue des mots.


Et puis vous en connaissez beaucoup des chanteurs qui fassent rire sur le spleen amoureux? Séverin, il est de ceux là. Et c’est fichtrement rafraîchissant.
Du coup, je suis allée le rencontrer dans les jolis locaux de Cinq7, rire un peu et le bombarder de questions.


T’as commencé à deux, avec le groupe One-Two. Puis sur ton album Cheesecake, vous étiez à quinze, toi et quatorze femmes. Il a commencé comment le projet Séverin de L’Amour Triangulaire?


Tout seul.


Oui, mais le déclencheur?


Je crois que c’est d’avoir grandi un peu. J’avais envie d’assumer, plutôt que d’être toujours caché derrière un groupe ou avec plein de filles. J’avais envie d’être stressé mais tout seul. Tout ça, c’est lié au désir de chanter en français. De tendre vers quelque chose de plus sincère, et dans ma langue maternelle.


Tu passes donc de l’anglais au français. Souvent, c’est le contraire, il me semble. Est-ce que ça a changé ta manière de composer?


Ca change énormément. C’est beaucoup plus difficile de faire des chansons en français. L’anglais, même les natifs, ils sont moins attentifs aux textes. En français, chaque syllabe est perçue, compte. Tu ne peux pas laisser une phrase à l’abandon comme ça. Je m’attarde beaucoup plus sur les textes. Auparavant, je mettais toute mon énergie dans la musique.


Chanter dans sa langue maternelle, est-ce que ce n’est pas s’exposer davantage? T’as pas eu un souci de pudeur?


Oui mais c’est ça qui est marrant, c’est un challenge.
Il faut trouver le ton qui te ressemble. Je ne peux pas m’inventer un personnage en français. Quand t’es là en tant que chanteur, avec ton vrai nom, tu ne peux pas jouer un méchant si t’es pas méchant. Ce serait ridicule. Rien qu’avec ta gueule et la façon dont tu bouges, on va en rire.


Pour autant, on a quand même la sensation que tu déploies tout un univers autour de toi. Par le style vestimentaire; dans Cheesecake, l’homme à la période rouge. Là, tu verses dans le costume bleu. Je pense aussi à l’atmosphère de tes clips.


Ca, ça me ressemble. C’est des fantasmes aussi, le truc d’être dans la fumée. Quand je me réveille le matin, c’est sûr que c’est pas comme ça.


On a dû te le dire dix fois mais elle vient d’où cette nostalgie des années 80?


Oui, on le dit souvent. Mes références musicales françaises, elles viennent plus de cette époque là. Les années 90, je ne m’y retrouve pas trop. Sur le son, ok, y’a des synthés, ce qui sonne assez 80. Mais si tu y regardes vraiment, ça n’est pas si années 80 que ça. Oui, peut-être dans ma manière de chanter et le son. Mais c’est pas pour autant que je parle d’être dans les embruns, ce genre de trucs.


Oui, mais comme chez certaines chanteurs de l’époque, tu chantes des choses graves, sur un ton super léger. Je pense à ta chanson Caresses automatiques, bien vacharde et pourtant, à chaque fois que je l’écoute, j’ai envie de danser dessus.


Mais ça, c’est de la politesse. Je ne fais pas souvent des morceaux sombres. Je commencerai à faire de la chanson joyeuse quand je ferai de la musique dark. J’aime bien l’équilibre. Des textes joyeux sur de la musique joyeuse, ça donne un effet assez cul-cul.


L’inspiration chez toi, comment ça se passe? T’as une idée de chanson…


ô Jésus, Marie, Joseph…


(Rires) Sans déc’, tu attends d’être touché par la grâce?


Il faut que je me mette en recherche. Je suis flemmard; si je ne me mets pas en recherche, à penser, à chercher la musique, il ne se passe rien.


Pour revenir à cette histoire de nombre, t’es passé de deux, à quinze et maintenant que Séverin. Tout seul, comment tu te sens?


Je me sens très très bien. (Rires) Bon, je ne suis pas vraiment tout seul. J’ai quand même un groupe qui m’accompagne. En studio, aussi. Faire un disque vraiment tout seul, je pense que ça doit rendre un peu fou.


C’est quand même toi qui décides…


Je me suis construit le projet avec un groupe d’amis, de musiciens, avec qui je joue toujours. C’est juste moi qui donne le final cut avec Julien Delffaud avec qui je co-réalise. Bon oui, il m’appelle le Facho.


Je le savais.


C’est que j’ai des lubies, de temps en temps, sur des instruments, des trucs que je déteste.


Et la scène, tu t’y prépares comment?


Je suis en train de réaliser maintenant que l’important, c’est que ça marche sur scène. On s’en fout si ça reflète pas totalement le disque. Il faut que sur le moment, j’ai du plaisir à jouer et que les gens en aient à écouter.


Je te vois fixer l’album de Katerine depuis tout à l’heure. Tu nous prépares un show à la Katerine?


Pour cet album, j’essaie de rester hyper simple, direct, dans une énergie rock. Je serai peut-être de mieux en mieux habillé.


Tu vas quoi? mettre un costume vert?


Wow! Non, c’est le troisième album ça! (Rires) Attends, non, j’ai fait le rouge. J’ai fait le bleu. Je suis condamné à faire blanc, en fait. Le trip du drapeau français.


Encore que bleu blanc rouge, tu l’as déjà fait.


Oui, ça m’amusait qu’on utilise les trois couleurs de la République. Je trouvais ça marrant. Dans cette idée hyper frontale de faire de la musique directe, spontanée en français, je voulais utiliser les codes du bleu blanc rouge. Vu qu’en France, ça craint. C’est quelque chose qui évoque le FN ou des horreurs dans le genre. Je trouvais ça drôle.


L’album prochain, tu t’amènes en blanc alors?


En costard blanc, tu dois avoir l’air con quand même. Ou bien, je fais de la musique cubaine. (Il commence à chanter) Mais faut que j’apprenne la langue!



L’Amour Triangulaire. Séverin. Cinq7/Wagram Publishing. Sortie CD prochaine. Déjà disponible en digital.


Merci à Pauline L.!




La Guerre est Déclarée – Valérie Donzelli / Jérémie Elkaïm

Un des plus beaux films qu’il m’ait été donné de voir.


Attachants, ces acteurs.
Bouleversante, cette histoire.
Communicatives, les joies et les peines.
Débordante, l’émotion.

Oui, ce film est un abécédaire du cinéma comme on l’aime.

Une histoire vraie.
Les personnels médicaux jouant leur propre rôle pour certains.
Les acteurs principaux racontant leur histoire, ou ce qui s’en rapproche.
Et le film tourné au coeur de leurs lieux de vie.

Et au milieu, un petit garçon.
Adam, fruit de l’amour de Roméo (Jérémie Elkaïm) et Juliette (Valérie Donzelli).

Diagnostic d’une tumeur maligne au cerveau alors qu’Adam n’a pas encore 3 ans, et c’est l’univers entier de la famille qui menace de s’effondrer.
Les résolutions sont là : se battre coûte que coûte, ne jamais baisser les bras, surmonter cette épreuve, faire fi des petits tracas de la vie quotidienne. Se concentrer sur l’essentiel.

Tout un protocole pour continuer à vivre.
Pleinement.

Les images sont simples. Elles contribuent à ce que le spectateur s’immisce, sans même le vouloir, dans un quotidien qui aurait toutes les raisons d’être dramatique.

La musique est puissante.
Folie électronique. 
Passages majestueux où la musique classique trouve naturellement sa place.
Chansons d’amour.  J’ai d’ailleurs eu un vrai coup de coeur pour « Ton grain de beauté », composé par Valérie Donzelli, interprétée par Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, et rien de moins que Benjamin Biolay aux arrangements.
C’est bien toute la complexité et la diversité des situations de la vie que reflète cette bande originale

Loin du drame que traversent tous les personnages, c’est un véritable hymne à la vie, à l’espoir que nous livre ici Valérie Donzelli, dans son 2e long métrage en tant que réalisatrice. « La Guerre est déclarée » a obtenu le Grand Prix du Festival de Cabourg ainsi que le Prix du Jury, le Prix du Public, et le Prix des Blogueurs au Festival Paris Cinéma.










J. S. Foer – Dis-moi ce que tu manges …


Quoi ? Vous avez mangé de la viande à midi ?

Vous préparez du poisson pour ce soir ?

Tout laisse à penser que le nom de Jonathan Safran Foer vous est encore inconnu …



Dans son ouvrage, l’écrivain new-yorkais se livre en effet à une étude de nos comportements alimentaires et de leurs conséquences sur les élevages et les traitements infligés aux animaux.

Si vous pensiez vous abriter derrière les labels et appellations tels qu’ « élevés en plein air », « bio », et j’en passe, jetez un oeil à « Faut-il manger les animaux ? ».


Loin des discours moralisateurs de certains extrémistes végétar/l/iens, J. S. Foer livre par écrit ses propres réflexions sur quelle alimentation donner à son jeune fils.
Et il tient à ce que le lecteur garde à l’esprit que c’est le père de famille qui est allé visiter des élevages considérés comme traditionnels. Il a également rencontré d’anciens (ou actuels) employés d’élevages industriels (…ayant presque toujours souhaité garder l’anonymat).


Ces mêmes élevages où vetusté, torture et barbarie représentent souvent le quotidien des animaux qui y sont cultivés (peut-on vraiment parler d’élevages dans ces conditions), abattus, et « préparés » en vue de les rendre « propres » à la consommation humaine.

Privations, enfermement, dégénérescence génétique, démembrements à vif … les pires pratiques y passent … et créent des espèces animales mutantes, incapables de vivre à la lumière du jour ou encore de se reproduire entre elles …

Des dindes assexuées, des poulets n’ayant comme espace vital que la surface d’une feuille A4, des porcs électrocutés, torturés, de jeunes boeufs castrés à vif … Il est préférable de terminer son assistte avant de reprendre sa lecture…

Et pourtant, jamais l’auteur ne se pose en extrêmiste moralisateur mais se propose toujours de fournir les clés pour que chaque lecteur puisse répondre, en son for intérieur, à cette question essentielle, et universelle : « Est-il vraiment naturel de manger des cadavres d’animaux ? »


Vous vous en doutez, cette lecture interroge. Retourne. Bouleverse.
A découvrir de toute urgence pour se faire sa propre opinion sur la question !


Cet ouvrage, qui fait suite dans l’oeuvre de Foer au succès de « Extrêmement fort et incroyablement près » est le fruit de trois années de recherches et de rencontres. Jeune père, compagnon de la romancière Nicole Krauss, Foer s’affirme comme une vraie figure de la nouvelle littérature états-unienne.
Il sort en 2011 son nouveau roman « Tree of Codes ».



Bibliographie de J. S. FOER :

2009 : Eating Animals (Faut-il manger les animaux ?)
2005 : Extremely Loud and Incredibly Close (Extrêmement fort et incroyablement près)
2005 : The Unabridged Pocketbook of Lightning
2005 : A Beginner’s Guide to Hanukkah
2004 : The Future Dictionary of America
2002 : Everything Is Illuminated (Tout est illuminé)
2001 : A Convergence of Birds






Ailleurs c’est ici




Y’a des films qui te retournent le cerveau. Des films qui te transportent temporairement sur un autre plan. « Je me souviens, je me rappelle », dans la nuit lourde, la maison est endormie. Je regarde un court métrage Ailleurs c’est ici. Oui, comme la chanson de Louis-Ronan Choisy.
Inlassablement. Encore et encore, je l’ai regardé, cet objet cinématographique. Peut-être sept fois. Sept fois comme le compte égrainé par le héros du film, atteint de troubles obsessionnels compulsifs.
Fascinée par cet étrange équilibre mis en place par le réalisateur : certaines séquences sont une invitation à ressentir, d’autres à méditer. Le peu de dialogues est très écrit, l’atmosphère de l’ensemble, rêvée.


…/…


Strasbourg Saint Denis, un soir d’été – une gouaille de titi, le verbe volontiers fleuri, l’œil vif, la malice aux commissures des lèvres – le voilà mon coupable. Qui penserait à le voir là, à débouler ainsi du métro que ce jeune homme est responsable de ce voyage tout en correspondance, dans l’Ailleurs et ici?
Thomas est réalisateur. Quand, à 8 ans, on regarde Alice au pays des Merveilles, en trouvant ce dessin animé fichtrement dérangeant, au même âge, il regardait Cria Cuervos de Carlos Saura. Ca ne s’invente pas. Un héritage paternel, raconte-t-il. Car le cinéma est familial. A travers une « famille » cinématographique, ou plus simplement, d’amis.


Vient le temps de raconter des histoires. Plus tard.
Et c’est là que ça devient intéressant. Décidément, chez l’artiste, il y a toujours quelque chose de Dr Jekyll et Mr Hyde. Sirotant tranquillement sa bière, il se marre. Thomas, le cinéphile ne s’entendrait pas bien avec Thomas Creveuil, le cinéaste. Ce qui le meut et l’émeut, Thomas, cinématographiquement ne correspond pas à ce qui sort de sa plume et de sa caméra. Sa came sur l’écran, c’est Desplechin, Garrel. Derrière la caméra, c’est du fantastique. « J’adore le cinéma social, urbain, un peu dur. Les frères Dardenne, par exemple. Mais dès que j’essaie d’écrire un Conte de Noël, c’est du fantastique qui sort. Je crois que c’est mon truc, en fait. » Les voies de la création sont impénétrables. Il ne se l’explique pas.


« Jugez-moi. A tout à l’heure »


Cinéma Max Linder Panorama, un matin de janvier. 300 personnes dans la salle. On projette Ailleurs c’est ici. Là, tendu, devant tous ces gens, Thomas. – « Merci de vous être levé à 8h du matin / Voilà ce que je fais / Jugez-moi. A tout à l’heure« .
Présenter son travail est une démarche bizarre, nous raconte-t-il.
Pudeur, impudeur. A présenter son univers, on s’expose fatalement. Le fil est ténu entre réserve et impudeur.
Mais « le cinéma est une affaire de partage ». Son idéal? « Toucher les gens. Qu’ils sortent de la salle en ayant des questions, sur eux-même ». De soi vers l’universel. Moi vers les autres.


Les autres, c’est aussi ce qui sous-tend sa manière de travailler. Si on peut être habité par ses personnages, on peut l’être également par ses acteurs, – et c’est sans conteste le cas de Thomas. Et il en parle avec les yeux brillants. Ses comédiens, il bâtit son histoire avec et pour eux. « Je construis avec eux. Tout le temps. En fonction des gens que j’ai en tête. Je les entends parler ».
Il avoue que sur le tournage d’Ailleurs, c’est ici, il a supprimé quelques séquences pour que l’équipe aille à la plage. Et à ceux qui clament que c’est un point de vue amateur, rien à foutre. Le bonheur d’être ensemble. « Etre heureux d’être là ».


« Les émotions passent par la musique »


Dans le métro parisien, un jeune homme, les écouteurs vissés aux oreilles. Les notes d’une chanson « Ailleurs, c’est ici ». Et une vision.
« Dans le métro, un soir, en écoutant cette chanson de Louis, j’ai eu la vision de la scène des femmes-taureaux (NDLR: scène clé du film). Mais vraiment tout ». Aveu d’autant plus frappant que la musique a un rôle essentiel dans son court-métrage. La voix du chanteur est un personnage en lui-même. Il scande, rythme l’intrigue. « Pour moi, au cinéma, les émotions passent par la musique ». Créer de l’image par le son. Les faire correspondre, comme par vases communicants. je me dis qu’il a raison. Et que c’est quand même très baudelairien comme idée. Vous savez, l’idée baudelairienne des correspondances. Que « les parfums, les couleurs, les sons se répondent ». Mon mystère de l’autre soir, à regarder son court, ça venait de là, en fait. Les correspondances, vous dis-je, les correspondances.


Des Correspondances aux traversées des portes de la perception, il n’y a qu’un pas. Traversées, c’est d’ailleurs le titre de son prochain projet, avec Louis-Ronan Choisy, Clémentine Poidatz et Julia Piaton au casting. L’histoire? Une société contre-utopique, après une apocalypse industrielle. « Tout est fracassé. Flingué ». Un homme, Louis, tente d’y croire. Je sais pas, vous, mais la dernière fois qu’on m’a raconté l’apocalypse au cinéma, Lars, of course, ça m’a retournée comme une crêpe. De bonne augure? Certainement!


AILLEURS C’EST ICI – Trailer from Thomas Creveuil on Vimeo.



Ailleurs, c’est ici de Thomas Creveuil. Avec Pascal Barbier, Clémentine Poidatz. 18′. Horizon Pictures – A Travers le miroir.




Une séparation


Tout semble avoir été dit sur le chef d’œuvre iranien. La critique est unanime. On applaudit le réalisateur Asghar Farhadi, la performance de Leila Hatami, on salue un scénario finement tissé, des personnages miroirs sans teint d’une société iranienne peu connue. Tout est dit et pourtant, on ne peut s’empêcher d’en reparler…

 

Peut-être parce qu’on nous a laissé choisir, sans matraquage publicitaire, d’aller voir ce secret  qui se passe de bouches en oreilles ?

Peut-être parce que le film déroute par son ambivalente complexité simple ?

Sûrement parce que le film reste dans un coin de la tête comme une triste ritournelle dont les quelques accords restant en éternelle redéfinition, questionnent.


La première scène du film s’ouvre sur un couple côte à côte et pourtant si lointain. Le juge est pris à parti, chacun semble attendre que l’autre recouvre la raison grâce à son intervention mais la mésentente ne trouve pas d’issue. Elle veut partir, lui veut rester. Une longue séparation commence.

La séparation d’un couple, d’un ici et d’un là-bas, d’un fœtus et de sa mère, d’une fille et de son père, de deux couples que tout oppose, de deux Iran roulant à allure différente.

D’une rive, le couple central qui reflète un Iran moderne où chaque individu préserve une existence qui lui est propre, où l’identité duale n’a pas pris le dessus, et où le divorce n’est pas un tabou. Nader, père de famille aimant et fils fidèle à son père malade d’Alzheimer. Simin, femme active, réfléchie, que la détermination a rendue froide, mais belle et libre. Leur fille, une adolescente sage et studieuse qui refuse de faire un choix entre les deux parents. Ils évoluent dans une maison confortable. Pourtant, la lumière traversant les pièces ne suffit pas à unir ces êtres. Elle appelle vers des envies d’ailleurs qui divisent.

De l’autre berge, le couple iranien plus attendu peut-être, celui de Razieh et son mari, où l’homme, pilier central en voie d’effritement, repose sans jamais l’admettre sur les initiatives secrètes de son épouse dissimulée derrière un tchador protecteur.


Bande annonce 



Simin décide de tenter le coup: elle part vivre chez sa mère pour essayer de faire changer d’avis Nader, attendant sans suite qu’il vienne l’implorer de revenir. Nader s’obstine: il y arrivera tout seul. Il engage alors Razieh, afin de s’occuper de son père malade. Celle-ci accepte, accompagnée de sa petite fille, mais ne dit rien à son mari, un homme impulsif et instable.
Quand Nader retrouve son père tombé aux pieds du lit, laissé seul sans surveillance, il renvoie Razieh brutalement sous l’effet de la colère. Celle-ci, enceinte fait une fausse-couche. Relation de causes à effets ? Coïncidence ? Mensonges ? Victimes ? Coupables ? Vérités ? Tout se mélange…


Les deux couples se retrouvent alors pris dans une bataille judiciaire acharnée lors de laquelle les sentiments des uns et des autres s’entremêlent. Aidés par les traditions, la religion, l’honneur, la vérité, l’obsession, les dominos s’écroulent et les évènements s’enchevêtrent vers une issue de plus en plus incertaine. La religion justement, présente à travers un jeu de voiles croisés et cette scène surprenante. Face à l’homme incontinent, Razieh ne sait pas comment réagir. Doit elle laver le vieillard au risque de toucher à son intimité ? Sa religion le lui autorise t-elle? Elle compose un numéro de téléphone où un savant religieux disponible 24h/24h répond à sa question. Duale, la religion. Ridicule et perverse en motrice de tout cet imbroglio mais aussi gardienne d’une issue favorable quand le doute s’installe et que les pêchés proposent de s’échanger….


Peut-être qu’ Une séparation fait couler autant d’encre car il s’adresse au monde, rapprochant cet Iran trop longtemps resté lointain. 


Le film a joué les prolongations dans les salles. Où voir Une séparation




Faites l’amour… protégés!


La comédie musicale Hair, ça vous évoque quelque chose, non ?!

Mais oui!  Bien sûr me direz-vous « Let the sunshine in » ou « Laissons entrer le soleil». Des cheveux longs, du sexe, de la drogue et surtout de la contestation.


Au Palace l’univers soixante-huitard reprend forme mis en scène par Sylvain Meyniac et prolonge les représentations jusqu’au 24 septembre.




Hymne intemporel à la liberté!


Plus de 40 ans après sa première adaptation française au Théâtre de la Porte Saint Martin avec Julien Clerc, le spectacle phare de la période « Peace and Love » fait encore parler de lui. Il évoque des sujets qui n’ont rien d’anachronique aujourd’hui et offre une nouvelle lecture du mouvement hippie. Psychédélique, sulfureux, sensuel voire même érotique, on comprend bien pourquoi cette comédie musicale avait soulevé tant de contestations et pourquoi le message « Protégez-vous » y trouve parfaitement sa place aujourd’hui.


Le fragile personnage principal lutte pour trouver sa place dans cette société. Résistant à ses parents qui souhaitent le voir intégrer l’armée. Le tout sur fond de lutte contre le SIDA … ce qui peut expliquer la participation de Pierre Bergé, président de Sidaction.

Même si les comédiens donnent tout, on déplore parfois certaines lenteurs et une acoustique qui ne permet pas de bien saisir les paroles.

Pourtant, « Il est interdit d’interdire », « Faites l’amour pas la guerre », et autres slogans sont toujours très actuels. Cette « tribu », c’est ainsi que la troupe s’appelle, nous ouvre de beaux moments de groupe et une mise en scène pêchue. A 21 sur scène et avec une telle volonté d’impliquer le public, on finit forcément par taper dans ses mains et en redemander.


Coloré, festif et subversif, Hair version 2011 vaut bien un petit retour à l’heure des « pattes d’eph » !

En ce moment en représentation au Théâtre Le Palace. Pour en savoir plus, rendez-vous sur :

http://www.faiteslamour.fr/index.php


Théâtre Le Palace
8 rue du Faubourg Montmartre
75009 Paris


Distribution

Mise en scène : Sylvain Meyniac ; Musique : Galt Mac Dermot

Adaptation française : Sylvain Meyniac

Direction musicale : Alexandre Finkin ; Costumes : Victoria Vignaux

Décors : Anne Wannier

Scénographie : Stéphane Baquet

Chorégraphie: Jean-Claude Marignale


Avec Laurent Bàn, Laurent Marion, Lucie Bernardoni, Lorène Devienne, Corentine Planckaert, Candice Parise, Anandha Seethanen, Camille Turlot, Régis Olivier, Lola Aumont, Jua Amir, Alexander Donesch, Noémie Alazard, Anne Mano, Philippe d’Avilla, Dominique Magloire, Sebastien Lete, Xavier Combs, Alex Finkin, François-Charles Delacoudre et Héloïse Adam.





De victimes à bourreaux…


« Où j’ai laissé mon âme » retrace le parcours de deux hommes. Deux militaires français « engendrés par la même bataille, sous la pluie de la mousson » au Viêtnam. L’un est capitaine, l’autre lieutenant. Tous deux sont coincés dans le cercle impitoyable de la violence et de leurs pensées. L’un écrit à l’autre pour dénoncer ses dérives, l’autre se débat éperdument avec sa conscience et soliloque. Tous deux sont confrontés à une profonde réflexion sur le Bien et le Mal. Mais, au beau milieu de cette si sournoise guerre d’Algérie, où est le Bien ? Un livre magistral parfois brutal sur la souffrance et la torture.

 


 

Des hommes face à d’autres hommes. Des soldats face à d’autres soldats. Prêts à se battre quelle que soit la guerre et qui en oublient leur âme. Les gentils contre les méchants, cette simpliste vision de l’histoire n’a pas cours dans ce livre. Des personnages bouleversants, dont l’un des prisonniers Tahar. Victime christique de l’armée française, ce rebelle a quelque chose de douloureux et d’énigmatique.

 


 

Le capitaine Degorce est une figure forte de résistant et déporté de la Seconde Guerre Mondiale. Il sera le mentor du jeune lieutenant Andréani. Des liens inaltérables naîtront lors des affrontements. Jusqu’à ce qu’ils deviennent eux-mêmes les bourreaux.

 


 

Sous la plume de ce professeur de philosophie, Jérôme Ferrari, le capitaine Dégorce et le lieutenant Andreani se débattent pour rester droits dans leurs bottes. Jérôme Ferrari nous propose humblement une réflexion prenante, philosophique et poignante. Une histoire bestiale et cruelle.

 


 


 

L’Auteur :

 


 

Jérôme Ferrari aborde sans détours une page noire de l’histoire. Grâce à l’alternance du discours de ses deux personnages pivots, «Où j’ai trouvé mon âme » prend un tour romanesque sans pour autant dénaturer l’importance des faits historiques. Tantôt déchaînés et accusateurs pour Andréani,  tantôt littéraires et  nuancés pour Degorce, les propos s’équilibrent et sonnent juste.

 


 

Après s’être essayé au recueil de nouvelles avec « Variétés de la mort », c’est en 2003 que Jérôme Ferrari publie son premier roman, « Aleph Zero » aux éditions Albiana.
Prolixe, Jérôme Ferrari publiera chaque année un nouveau roman chez Actes Sud toujours. En 2007, « Dans le secret »,  en 2008 « Balco Atlantico », en 2009 « Un dieu un animal ».

 


 


 

Extraits :

 


 

« Pendant toutes ces années, il n’a pas vraiment repensé à tous cela ; les guerres qu’il a menées ne lui ont pas laissé le temps, et les dix mois passés à Buchenwald s’étendent derrière lui comme une immense steppe grisâtre qui coupe sa vie en deux et le sépare à jamais du continent perdu de sa jeunesse, mais il n’a pas oublié. Le mois de juin 1944 s’est installé silencieusement dans sa chaire pour y inscrire l’empreinte d’un savoir impérissable qui lui a permis d’expliquer à ses sous officiers : « messieurs la souffrance et la peur ne sont pas les seules clés qui ouvrent l’âme humaine. […] N’oubliez pas qu’il en existe d’autres. La nostalgie. L’orgueil. La tristesse. La honte. L’amour. » [1]

 


 

«Rappelez-vous, mon capitaine, c’est une leçon brutale, éternelle et brutale, le monde est vieux, il est si vieux mon capitaine, et les hommes ont si peu de mémoire. Ce qui s’est joué dans votre vie a déjà été joué dans des scènes semblables, un nombre incalculable de fois, et le millénaire qui s’annonce ne proposera rien de nouveau. Ce n’est pas un secret. Nous avons si peu de mémoire.
Nous disparaissons comme des générations de fourmis et tout doit être recommencé. » [2]

 


 

[1] « Où j’ai laissé mon âme » Jérôme Ferrari, édition Acte Sud (2010), page 83

 

[2] « Où j’ai laissé mon âme » Jérôme Ferrari, édition Acte Sud (2010), page 23