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Des tigres new-yorkais et des dragons islandais à Paris

Au moment où j’écris cette brève, je sais déjà que mes oreilles vont chauffer… Pardon pardon Lila de la comparaison que je m’apprête à faire, s’il te plaît, j’ai une otite, ne me les tire pas trop fort!

 

Hier, je suis allée à La Gaîté Lyrique, pour la première fois depuis sa rénovation. On m’avait donné des « Ooh! » et des « Aaah! » voire des « Woaou je t’assure! ». Bon, c’est joli et j’aime bien les grandes lampes, j’en piquerais bien une pour la mettre dans mon salon, si j’en avais un. Et les sièges en cubes qui font un peu mal aux fesses, sympa aussi.
Et super insonorisation.
 
Enfin, beau lieu, pour groupe sympa. Ah oui, parce que j’allais à un concert, celui de FM Belfast, islandais. Je les adore, ils sont plutôt bons en live, leurs chansons sont hyper simples à retenir avec des slogans hyper faciles à ressortir

« Fuck you! »

ou encore « I don’t want to go to sleep either! »

alors moi, forcément, j’adhère total.
 


 
Bizarrement, c’est pas eux qui sont le sujet de ma brève, mais leur première partie MEN. Une super découverte, même que j’ai préféré leur prestation à celle de FM Belfast. D’où la comparaison dont je parlais au début de l’article: la dernière fois que j’ai préféré la première partie à l’artiste du concert, c’était en allant avec Lila voir Louis. Le groupe d’avant avait quand même tellement plus de punch et de bonne humeur, ce que j’aime en live quoi.

« Oui mais cet album, c’est un album folk, alors forcément c’est tranquille! »

« tranquille »… Tu m’étonnes.
 
Bref, MEN, c’est un groupe de… ben y a au moins une fille (oui, j’ai vu ses seins, c’en est bien une)

et peut-être même deux puisque le chanteur est finalement une chanteuse (même si elle a des poils aux aisselles et porte la moustache, aujourd’hui, on sait que ça ne veut plus rien dire, tous ces codes hein…),

qui font du « raggae, disco house, punk » (hm hm, ouais, je suis dubitative sur la catégorie dans laquelle ils se rangent eux-mêmes),

qui portent des vêtements étranges et colorés, font du crowd surfing, se proposent de baiser du mieux possible et se demandent qui ils (oui, « ils », on va pas me faire croire que le bassiste est une fille aussi hein!) sont pour se sentir si libres…
 
Ce serait peut-être réducteur de signaler que les deux fondatrices du groupe sont lesbiennes, féministes et faisaient auparavant partie du groupe féministe Le Tigre. Enfin, je le dis quand même, des fois que les paroles de leurs chansons intriguent de trop 😀
 
Je vous laisse découvrir, parce que la brève s’avère déjà un peu longue, maintenant.

 

 


 
Bon, juste pour le plaisir, et puis parce que, I’m yours.

 




Laurent Binet : « Pour que quoi que ce soit entre dans les esprits, il faut le transformer en littérature »
















On pourrait commencer en bonne ancienne élève de prépa, qui a bien lu son « Qu’est-ce que la littérature ? », et écrit d’interminables bafouilles dessus. On pourrait en rédiger des pages, sur le rapport que tisse l’auteur de HHhH* et Goncourt du premier roman avec la chose littéraire, avec la fiction et la réalité. On pourrait aussi lui demander, en fait. Entretien avec Laurent Binet.


Dans HHhH, vous ouvrez le livre sur l’inutilité du personnage de fiction, en citant Kundera. Et en même temps vous soulignez l’impossibilié de s’attaquer réellement à l’Histoire, de la reproduire. Alors pourquoi et comment écrire ?

En fait, pour que quoi que ce soit entre dans les esprits, il faut le transformer en littérature. C’est vrai que c’était un problème pour moi, sinon un regret. Mais disons que j’ai voulu voir si on pouvait changer ce principe qui fait qu’aujourd’hui, dans la tête des gens, littérature égale roman. Et c’est vrai que la fiction, c ‘est sa spécificité première. Mais le genre a une histoire très longue, qui a beaucoup muté. Du coup j’ai voulu voir si je pouvais raconter cette histoire comme un roman, mais sans recourir à la fiction. Soit en utilisant les outils offerts par le genre, qui ne se limitent pas à l’invention, mais qui permettent les effets de suspense, de style, etc. C’est pour ça que j’ai forgé ce concept d’infra-roman.

Aviez-vous dès le début cette intention de vous prêter au jeu d’esquisser un nouveau genre ?

Oui, c’est un fantasme d’écrivain un peu mégalo, j’imagine, de vouloir inventer. Inventer un nouveau genre ou révolutionner le genre ? Je ne sais pas. Peut-être que mon sentiment s’est infléchi en cours de route. Je crois qu’à la base j’avais une méfiance vis-à-vis du roman, mais des auteurs comme Kundera m’ont fait réfléchir au fait que le genre était assez complexe pour ne pas le cataloguer. On me posait souvent la question au début pourquoi il y avait écrit roman sur la couverture. Je disais que c’était un choix marketing. Mais finalement, je pense que le roman est un genre qui a encore de l’avenir, car il a cette formidable capacité à se renouveler, à se transformer. Du coup ça ne me dérange pas l’idée de me dire que j’ai fait un roman qui a aussi comme intention de renouveler le genre. Et pas un truc qui serait hors roman. J’assume, oui, d’avoir fait un roman !

Reste que vous semblez avoir un rapport complexe à la littérature, entre amour et méfiance…

Disons que pour moi, la littérature est l’arme la plus puissante du monde. Ensuite il faut voir ce qu’on en fait. Ce que je lui reproche, et qui n’est pas forcément de sa faute, c’est d’être sacralisée. C’est-à-dire qu’au nom de la littérature on peut tout se permettre, tout faire. Pour moi ce n’est pas correct. Je suis contre toute forme de sacralisation. La littérature a quelque chose de beau, fort, puissant, mais aussi de dangereux, de plein de mauvaise foi, de défauts. Je ne suis pas déçu par la littérature, mais j’en ai une idée qui n’est pas celle qui est dominante aujourd’hui.

Et l’Histoire, vous la sacralisez ?

Je suis fasciné par le réel. Le fait de savoir que telle histoire est réellement advenue m’impressionne plus qu’une histoire fictive. Qui me plaira pour d’autres raisons. Pour moi l’Histoire est une plusvalue du réel. Même si je pense que, sans être une construction, elle est au moins une reconstruction. Et que la grande Histoire est faite de petites histoires. Sans qu’elle soit une fiction. Je crois vraiment que Heidrich est mort comme ça, même si j’ai pu faire quelques petites erreurs à la marge.

Mais alors comment est-ce qu’on approche l’Histoire quand on est écrivain ?

Je crois que non seulement on a le droit, mais le devoir, de l’approcher. Mais il faut le faire avec circonspection, avec humilité et honnêteté. C’est sûr que c’est un cahier des charges compliqué. D’une manière générale, je ne veux pas parler de l’Histoire comme d’un scénario, comme de quelque chose que j’aurais inventé. En plus dès qu’on touche à la deuxième guerre c’est encore plus sensible.

Quand on vous lit, on a l’impression parfois que vous êtes cet auteur fictif dont parle Borgès et qui essaie de réécrire le Don Quichotte mot à mot, sans y parvenir.

C’est marrant que vous disiez cela, car à un moment dans mon livre, je disais que je me sentais comme un personnage de Borgès, mais cela n’a pas été gardé. Donc en effet, la problématique Pierre Ménard, c’est quelque chose que j’ai vécu ! Avec la peur d’avoir l’impression à la fin de ne pouvoir que recopier des documents historiques.

Pour continuer avec Borgès, il écrit sur Le Livre de sable, qu’il a voulu « conjuguer avec un style simple, parfois presque oral, un argument impossible ». Votre démarche ne se rapproche t-elle pas de cette vision ?

C’est vrai, c’est assez proche de ma conception du naturel. Pour moi le naturel de l’écriture a à voir avec une forme de réalité, relative évidemment. Là encore une fois c’est peut être un goût personnel, mais je pense qu’il vaut mieux éviter trop d’effets de manche, trop d’effusions lyriques, auxquelles je cède dans certains chapitres d’ailleurs. Si vous voulez, ce relâchement était aussi un moyen de conjurer le risque de la grandiloquence dans laquelle on peut facilement tomber avec un sujet pareil.

Le risque de tomber dans la grandiloquence et dans l’effet de réel, que vous dénoncez. Mais en même temps, vous le reproduisez un peu dans votre livre, par votre présence. Vous êtes la caution qui rattache au réel.

Sauf que l’effet de réel c’est inventer un épisode qui a priori ne sert à rien pour donner l’impression que c’est vrai. Dans HhhH, les éléments d’ambiance ne sont pas inventés. Je conçois qu’il y ait des gens qui ne voient pas la différence. Mais pour moi savoir que sur le bureau du président tchèque en exil il y avait un petit speed flyer en étain, ce que j’ai vu en photo, ça m’intéresse beaucoup plus de lire ça, sachant que c’est vrai, plutôt que de lire la même scène, conscient qu’il s’agit uniquement d’un effet. A ce moment-là, je préfère même qu’on n’en parle pas, qu’on me dise juste qu’il est dans son bureau, que je m’imaginerai comme je veux.

Quel rapport avez-vous du coup avec des ouvrages comme ceux de Bukowski, qui mettent en scène un personnage – ici Chinaski – qui est une sorte d’avatar de son auteur ?

Là ça me plaît, parce qu’il y a un jeu, il y a une dimension ludique. C’est la fiction qui joue à plein de sa supériorité sur la réalité, qui est dans le récit de ce qui est fantastiqiue, impossible, de ce qui est irréel. Mais quand elle se contente d’être une pâle copie du réel, ça ne m’intéresse pas. Même si elle peut être tirée jusqu’à la perfection ! Ce que je déteste vraiment c’est le roman réaliste psychologique. C’était intéressant à l’époque, mais il faut arrêter avec ça maintenant.

Est-ce que le rapport entre la réalité et la fiction est un thème que vous souhaitez encore explorer ?

Oui, ce sera du coup la problématique de mon prochain livre. Sauf que là, j’ai eu envie d’aborder ça sous l’angle opposé, celui de la fiction. Ca se passera dans les années 80. Dans HhhH j’ai vraiment essayé d’être transparent, de faire participer le lecteur à mes doutes. Dans mon nouveau roman, il s’agira plus d’un jeu de chat et de souris. Mais pour moi c’est deux traitements différents d’une même question.

Quelque chose qui m’a vraiment intéressé sur ce thème, ça a été le film de Quentin Tarentino, Inglorious Basterd : la première scène est une réécriture de Il était une fois dans l’ouest qui est absolument magistrale. C’est tellement intelligent, notamment parce que ça a ce parti pris de réflexivité : Tarentino s’appuie toujours sur l’histoire du cinéma pour donner sa vision de ce qu’est le cinéma. Ce que j’aime dans le roman moderne – depuis Don Quichotte en gros – c’est que c’est un genre qui passe beaucoup de temps à réfléchir sur lui même, sur ce qu’il est, et à se poser des questions sur son existence. Et ça je trouve que c’est très bien. Cela implique tout une réécriture incessante et une réflexion sur cette réécriture. J’adore ça, parler d’autres films et romans quand moi j’écris une histoire.

Finalement, quand vous réfléchissez à votre travail, à votre démarche, vous vous sentez plutôt écrivant ou écrivain ?

Ecrivant. Socialement, statutairement, j’ai toujours pensé qu’écrivain est un métier comme un autre, même s’il peut être plus cool qu’un autre. On peut se dire écrivain à partir du moment où ça devient notre occupation principale. Mais le problème c’est la mythologie qui est charriée par ce terme, et qui me déplaît globalement. C’est comme la littérature, il y a une sacralisation du statut qui me déplaît. Dans l’art en général. C’est grotesque de dire « Je suis un artiste », je trouve. Le mot écrivain est un peu touché par ce ridicule là. Derrière, on sent qu’il y a une telle posture.

Alors après évidemment, je suis quand même sensible au fait que ce prestige rejaillisse sur moi, c’est flatteur. Mais qu’on en parle franchement. Ce que je déplore, c’est qu’il y a beaucoup de livres qui font semblant de parler d’autre chose, mais qui en fait ne font que ça, viser le « Regardez comme je fais de la littérature ». Quand on attaque Angot, sa réponse est « C’est la littérature qu’on assassine ». Elle s’en sert comme d’une arme à tous les niveaux.
Mais c’est vrai que ce n’est pas toujours facile. Moi qui ai fréquenté simultanément le milieu de l’éducation nationale et de l’édition, je peux vous dire qu’on n’est pas traité pareil, c’est le jour et la nuit ! C’est parfois dur de ne pas devenir complètement mégalo !


*HHhH a été publié chez Grasset. Le livre revient à la fois sur l’histoire de l’opération Anthropoïde, tentative d’assassinat par le gouvernement tchèque en exil du « cerveau d’Himmler », Reinhard Heydrich. Et sur la difficulté de raconter l’Histoire sans se laisser dépasser par la fiction.




Alex Beaupain : « Je suis très à gauche dans la vie mais très réac quand on parle projet artistique »




Ce n’est un secret pour personne: j’adore Alex Beaupain. Le 11 avril, date de sortie de l’album, connectée à Itunes Store, à minuit pétante, la touche F5 de mon clavier a manqué périr. L’entretien qui suit est donc celle d’une « geek », comme dirait l’artiste. Militants et militantes de la « bande à Beaupain » – ou juste mélomanes curieux, cette interview est pour vous.
Extraits.


Comme dans ton dernier album Pourquoi battait mon cœur, commençons in medias res. C’est voulu, cette narration qui se lance « au milieu des choses », alors que l’album retrace une histoire d’amour assez linéaire, avec ses différentes stations ?


Oui, la première chanson commence par « Et puis les plantes mortes ». L’idée dans cette chanson, c’est qu’après tout, on s’en fout de tout ça. Elle commence l’album comme on commencerait une histoire d’amour, dans un certain optimisme, un petit peu candide. En fait, elle annonce dès le départ que tout va très mal se dérouler après. L’idée était de partir sur quelque chose de très frontal, de très primaire. Avec une musique en majeur, plutôt joyeuse.


Il y a plusieurs co-signatures sur l’album: Jean-Philippe Verdin, Daniel Roux, Valentine Dutheil. Les textes sont-ils pour toi plus importants que la musique? Est-ce que tu y as plus de facilité?


En tout cas, j’aurais plus de mal à déléguer sur les textes. A lâcher là-dessus. Peut-être parce que, et tu as raison, je suis peut-être plus auteur que musicien. J’ai en tout cas plus de facilité à écrire des textes qu’à composer de la musique. Il y a quatre musiques qui ne sont pas de moi dans cet album. Ces gens, qui sont aussi mes amis, composent. J’écoute et quand je trouve ça bien, je pique. (Rires)


Et est-ce que tu pourrais t’imaginer poser ta voix sur un texte qui n’est pas de toi?


Difficilement. Parce que je ne me vis pas comme interprète. J’ai un intérêt comme chanteur quand je chante ce que j’écris.


C’est déjà arrivé qu’on te présente des textes?


Oui, oui. Ca va paraître prétentieux mais j’ai systématiquement trouvé ça moins intéressant que ce que je pourrais produire pour moi. Christophe Honoré a essayé au début. A mes débuts, il écrivait les textes, et moi, les musiques. Mais je trouvais ça moins bien.


Pourtant dans ton précédent album, 33 Tours, il y a une chanson, « Je veux »…


Oui, il l’a co-écrite. C’est un texte que j’ai corrigé. Christophe Honoré a plein de qualités. Je le dis tout le temps. Ca ne va pas le vexer. Il met en scène au théâtre, au cinéma, il écrit des scénarios, des livres. Mais les chansons… c’est quelque chose qu’il ne sait pas faire. C’est d’ailleurs une blague entre nous. Il est persuadé que les chansons qu’il m’a écrites sont des chefs d’œuvres encore jamais dévoilés. Et je suis persuadé que c’est mieux quand j’écris mes textes.


Et justement, sur « Je veux », c’était une volonté, cette touche à la Jacno ?


Oui, c’est un peu un pastiche, musicalement. Sur le texte, aussi. Ce texte a l’air comme ça très léger, mais raconte des choses très graves. C’est l’idée de vouloir plein de choses superficielles pour éviter d’avoir des choses profondes comme l’amour. Ce qu’on peut d’ailleurs retrouver dans une chanson comme « Amoureux solitaires ».


C’est curieux mais j’ai le sentiment que « Je veux » est un peu la grande soeur de certaines chansons du nouvel album. Notamment, dans cette dualité légèreté/gravité, lyrisme musical/cruauté des mots.


En commençant ce troisième album, j’avais deux volontés: aller vers quelque chose de plus pop et de plus rythmé. J’écoutais beaucoup Daho, Jacno donc forcément, c’est un univers qui me plaît. Dans 33 Tours, « Je veux » est presque une chanson à part. Une préfiguration de cette idée-là. Mais oui, très bien observé.
L’autre idée, c’était de s’ouvrir thématiquement un peu plus, et d’avoir des textes, je déteste le terme, sociétaux, voire politiques.


« La nuit promet » a été cosignée par Daniel Roux. Le Daniel Roux ? Quelle en est la génèse?


Oui, c’est Daniel Roux qui a écrit la musique. Il est décédé, il y a un peu plus d’un an. Il était bassiste. Il a longtemps travaillé avec Jean-Louis Aubert, avec Cali. C’était un ami, l’une des premières personnes avec qui je suis monté sur scène. Il y a très longtemps, Daniel m’avait donné plusieurs mélodies. J’aimais beaucoup ce qu’il écrivait. Et c’est sur l’un de ces playbacks que j’ai écrit « La nuit promet ». C’est une vieille chanson, en fait, que j’avais déjà essayé de mettre dans 33 Tours mais ça ne marchait pas. Ca part de mon amitié pour ce que faisait Daniel.


Et deuxième chose que personne n’a jamais remarqué dans cette chanson et qui me désespère absolument : « La nuit promet » est aussi un exercice formel. Un jeu sur les mots en –ar et en –ou. Mais si personne ne le voit, tant mieux. C’est aussi bien si on ne voit pas les ficelles.


On creuse encore. Dans le tout premier film de Christophe Honoré, 17 fois Cécile Cassard, il y a cette chanson, signée de toi et Lily Margot. Est ce que c’était un début de groupe? Tu pourrais t’imaginer jouer dans un groupe?


Pas du tout. Très simplement, on a composé, cosigné à trois la musique du premier film de Christophe. Il se trouve que pour des raisons contractuelles, c’est moi qui apparais au générique. J’avais tenu que dans le disque apparaisse aussi Lily Margot. Mais dans mon projet de chanteur, je détesterais être dans un groupe.
La démocratie, dans un projet artistique, ça ne marche pas. J’ai besoin d’avoir les rênes. Ca ne veut pas dire que je ne laisse pas de liberté au réalisateur ou aux musiciens mais à un moment donné, il faut que quelqu’un valide et en l’occurrence, sur mon album, c’est moi.


Mais est ce que ce n’est pas un poil contradictoire? Quand tu composes pour le cinéma, tu te mets au service du réalisateur, tu as des concessions à faire.


Quand je compose pour un film, c’est pareil. Je ne suis pas dans un groupe. J’obéis à quelqu’un qui est le chef, le réalisateur. Quand je fais un film avec Christophe, je me mets à son service. Je suis totalement dévoué. Peut-être un peu trop, parfois.
C’est atroce mais je crois beaucoup en la hiérarchie. Je suis très à gauche dans la vie mais très réac’ quand on parle projet artistique.


Peut-on parler d’une famille musicale Beaupain? Dans les crédits, il y a plusieurs noms qui reviennent. Des gens avec qui tu bosses depuis plusieurs albums : Rémy Galichet, Valentine Dutheil, Fabrice Petithuguenin, Fanny Lochu,…


Oui. Fanny Lochu, je la crédite parce qu’elle connaissait très bien Daniel Roux mais elle n’a pas travaillé sur l’album. Par contre, elle avait joué dans mon premier album. Valentine Duteil est ma violoncelliste de scène, qui m’accompagne depuis très longtemps. Rémy Galichet, je crois que c’est la première fois que je travaille avec lui. Par contre, je l’avais contacté à une époque pour l’inviter à travailler avec moi sur la musique de Dans Paris. Il y avait déjà une affinité dans le fait que je le connaissais déjà. Et tu as cité quelqu’un de très important, Fabrice Petithuguenin qui a fait absolument toutes les pochettes depuis le début. Et aussi la maquette de Serge, dirigé par Didier Varrod, que je connais depuis longtemps…


Qui fait aussi partie de…


Oui, qui fait partie d’une espèce de bande. Il a aussi beaucoup participé. C’est agréable, en fait. J’ai constitué avec mes amis, pas une Factory, mais il y a un peu de ça. Il y aussi Kéthévane Davrichewy, auteur. Diastème avec qui j’écris une opérette. Il y a mes musiciens. Ca finit par créer une bande.


Ce qui est drôle, c’est que tu travailles aussi avec les « bandes » des autres. La bande à Biolay : Nicolas Fiszman, Denis Benarrosh, Elsa Benabdallah,…


Oui, bien joué! Biolay, c’est un peu la figure de proue. Florent Marchet, Arman Méliès, Joseph d’Anvers, tous ces gens là. Je me sens plus proche de ce courant que de ce qu’on a appelé, il y dix ans, la nouvelle scène. Donc ce n’est pas étonnant si on travaille avec les mêmes personnes. C’est comme si on était plus dans une famille que dans une autre.


Alex Beaupain donnera ce soir un concert à la Cigale. Pour les retardataires, une autre date a été ouverte : le 4 novembre au Bataclan. Les dates de sa tournée arrivent !
Pour les cinéphiles, dans les salles, le 24 août, Les Bien-Aimés de Christophe Honoré.
Et merci à Thomas D., l’homme aux lunettes noires 😉


Pourquoi battait mon cœur. Alex Beaupain. Naïve. Sortie le 11 avril.


Crédits photos: Antoine Le Grand




Efraim Medina Reyes : « Ecrire, c'est aussi laisser les choses derrière soi, comme on sortirait les poubelles d'une maison »


« Il était une fois l’amour mais j’ai dû le tuer » est le Bildungsroman hallucinant et halluciné, sous acide, d’Efraim Medina Reyes, auteur originaire de Ville Immobile a.k.a Carthagène, Colombie. De ces romans, qui te brûlent les doigts rien qu’à les toucher, tant les mots sont incandescents. Frappée, tu le dévores en une nuit. Le matin venu, la plume d’Efraim Medina Reyes t’a laissé fiévreuse, un poil tourmentée mais repue.
C’est donc avec un peu d’appréhension que je m’apprête à rencontrer la « Bête », auteur de ce trip éveillé. Une heure durant, il répondra avec calme et beaucoup d’humour.
Extraits.


Commençons par le début. Tu pourrais me raconter ta rencontre avec la littérature ?


La littérature, c’est elle qui m’a trouvée. J’ai grandi dans un contexte où ces choses-là n’avaient pas d’intérêt. Je me suis d’ailleurs d’abord intéressé aux sciences. J’ai même étudié la médecine. Ma relation avec l’art s’est longtemps résumée à la musique. C’est un élément important de ma culture.
A l’âge de 21 ans, je suis tombé en dépression et ai été hospitalisé parce que ma situation psychologique était incontrôlable. J’ai pris beaucoup de médicaments. Mon psychiatre m’a alors offert quelques livres. Il pensait que ce serait une bonne idée que je lise. J’avais des problèmes d’insomnie, à l’époque. Il me les a donnés comme des somnifères. Un peu comme on donnerait de la dope à un sportif.
Parmi ces livres, il y avait « Le métier de vivre » d’un auteur italien, Cesare Pavese. Le psychiatre n’avait pas dû le lire. Pour un dépressif, ça peut être un livre dangereux. A la fin du livre, l’auteur dit que ce n’est plus la peine. Trois jours après, il se suicide. Curieusement, le livre de Pavese a eu un effet extrêmement fort et bénéfique sur moi. Je me suis relaxé. Et après l’avoir lu, j’ai pu dormir une dizaine d’heures d’affilée. Comme ça a marché, tout le monde a commencé à m’offrir des livres. De tout et n’importe quoi. Et je lisais tout. Je consommais. Peu importe. Ma mère allait m’acheter des livres. Elle ne connaissait pas grand-chose à la littérature : elle me prenait juste les plus gros.
Ce qui est très ironique, c’est que je me suis mis à lire tellement que j’ai fini par abandonner mes études de médecine. Au grand désespoir de ma mère qui, du coup, a voulu me soigner de la littérature. Et un peu comme l’homme qui au bout de plusieurs années de vie commune avec une femme, finit par l’épouser, je suis devenu écrivain.


Et ça correspondait à quelle période?


Si je me souviens bien, la première fois que j’ai écrit, c’était pour dire à une fille que je l’aimais. Une actrice de théâtre. C’était mon premier écrit: une lettre de quarante pages! Et elle n’a dû lire que les quinze premières parce que je n’ai jamais eu de réponse.
J’ai donc commencé par un échec. En tant qu’écrivain mais aussi en tant que séducteur.


Justement, la notion de l’échec dans ton oeuvre me fascine beaucoup. Dans ton dernier roman, la boîte de production s’appelle « Fracaso Limitida ». Le label que tu as créé « Fracaso Records ». Le titre, le cœur même du livre raconte un échec amoureux – « fracaso » en espagnol. C ‘est une obsession?



J’ai grandi dans un quartier très difficile, très pauvre et aussi, très violent. Les gens ne mourraient pas de faim. Mais ils n’avaient absolument rien. Il n’y avait pas de place pour l’ambition.
Avec mes amis, notre passe-temps préféré se résumait à chasser des gringas à la plage, et attaquer des gringos sur les remparts.
Avec ces amis, j’ai eu envie de monter un groupe de musique. Ca ne les intéressait pas vraiment. Mais je suis très têtu. J’ai réussi à les convaincre. Aucun d’entre nous n’avait vraiment de connaissances musicales. Mais en Colombie, si tu demandes à quelqu’un dans la rue, tu peux m’emmener sur la lune, il ne te dira jamais non. Il te répondra qu’il va essayer. On s’est donc lancés, avec un talent plus que bancal. Le nom de notre groupe en a découlé: 7 Torpes. Les sept maladroits. Alors qu’on n’était que trois.


Un peu comme les sept plaies d’Egypte ?


Mais oui, certainement! (Rires). On a joué dans des bars. Le patron nous faisait jouer à la fin parce que ça correspondait au moment où il avait envie que les gens s’en aillent. Notre premier enregistrement sur cassette – il y en avait 30 copies, on l’a intitulé « Chansons médiocres ». On a dû en vendre 9. Comme ça devenait une petite entreprise, on a décidé de lui donner un nom: Fracaso Limitada. Notre slogan: « Là où il y a un échec, nous sommes là ». Même quand ça a commencé à marcher, j’ai voulu garder ce nom parce que pour moi, c’est comme une manière de me protéger. Dans cette devise, j’y ai trouvé un peu ma manière d’ « être » au monde.


Et tu te considères d’abord en tant que musicien ou en tant qu’écrivain? Ou aucun des deux?



Quand on me propose un travail, j’ai pour habitude de répondre que je ne sais rien faire. Mais j’ai une façon bien à moi de ne pas savoir faire.
A mon sens, il n’existe pas de disciplines, d’arts ou de gens différents. Mais juste des langages. Ce qui m’importe, c’est d’ « exprimer » mon langage. Quelque soit le medium. Je pourrais tout aussi bien le faire en étant serveur dans un restaurant.


C’est quelque chose qu’on retrouve dans ton œuvre. Dans le roman, il y a plusieurs couches de narration, comme plusieurs angles cinématographiques. Plusieurs chapitres, plusieurs arts représentés. Tu sous-titres ton roman « musique des Sex Pistols et de Nirvana ». C’est un concept?



Parler de littérature, c’est obsolète. C’est comme les Italiens qui adorent le tango, en ce moment. C’est absurde! Je ne suis pas un écrivain au sens de la littérature. Je suis un écrivain au sens d’écrire. Ce qui m’importe, ce n’est pas la littérature mais écrire. Si je pouvais, j’utiliserais les mots comme des artefacts, des legos pour créer des structures.
Écrire « pour » la littérature, ça reviendrait à apprendre le tango. Il faudrait apprendre les mouvements, mais aussi les émotions. Comme si c’était quelque chose qu’on pouvait transmettre. A Rome, j’ai déjeuné un jour avec deux fans de tango. La fille n’a pas voulu s’asseoir sur sa chaise parce que ça ne correspondait pas à une posture de tango. Au fond, c’est comme si elle était dans un cercueil. Si j’écrivais « pour » la littérature, je serais aussi dans un cercueil.


Dans ton dernier roman, le héros Big Rep te ressemble furieusement. Est-ce ton double ou personnage purement fictionnel ?



La réalité est absurde. On ne peut pas faire de la réalité un langage. C’est pour cela qu’il faut fictionnaliser la réalité pour la rendre langage. J’ai eu une existence absurde. La seule chose qui puisse me faire du bien, c’est de faire du réel un objet littéraire. Un auteur ne peut pas être un seul personnage puisqu’il les a tous créés. Il y a quelque chose de moi dans chaque personnage. Si j’ai été Rep un jour, je ne le suis plus. Ca appartient au passé et n’existe plus aujourd’hui. Écrire pour moi, c’est aussi laisser les choses derrière moi, comme on sortirait les poubelles d’une maison.


Il était une fois l’amour mais j’ai dû le tuer
d’Efraim Medina Reyes, à 13e Note Editions. Disponible dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.


Merci à Jeanne Chevalier, co-traductrice du roman et à Isabelle Louis, les anges gardiens de cet entretien! Et bien sûr, Efraim!




Le 6B: OVNI culturel

Julien Beller est aux commandes du paquebot 6B, nouvel OVNI culturel et artistique des mers banlieusardes, arrimé juste en face du pont, au 6-10 Quai de Seine à Saint-Denis.
L’histoire commence en février 2010. Le jeune architecte avide de projets hors normes a signé un bail pour récupérer un ancien immeuble de bureaux désaffectés…

 

Grâce au « bouche à oreille », les locaux ont rapidement subi l’embarquement à bord d’artistes plasticiens, architectes, photographes, musiciens mais aussi acuponcteurs, comptables, associations et entreprises variées, artistes de street-art ou vidéastes… en mal d’espace de partage et de création. « Il y a une centaine de résidents, beaucoup de gens du territoire de Seine-Saint-Denis, mais aussi de plus en plus de Parisiens », explique Julien. Aujourd’hui, la liste d’attente des demandeurs s’allonge et le lieu autonome commence à recevoir quelques soutiens …

 

 

4500 mètres carrés d’éclectisme

 

« La démarche initiale était de partager un espace de travail qui puisse aussi répondre aux besoins du territoire. » Initiateur du projet, Julien l’architecte s’est aussi fait plaisir dans les plans d’aménagement du lieu : « Pour faire de l’architecture, pas besoin de construire. On peut aussi reconstruire. Il s’agit là d’inventer la ville avec ses habitants. »
Le premier étage accueille 1 000 m²­ d’espaces communs partagés entre une salle de danse, de projection, de concert, d’exposition, une cuisine associative, une salle de jeux pour enfants… Le lieu se construit petit à petit sur les idées et l’aide de chacun.
La cuisine associative est l’endroit où les passagers fusionnent, aidés par les inventions culinaires de Maki et Guillaume, initialement tailleurs de pierres.

 

Autorisation de rêver

 


« C’est sur le chantier de rénovation de Notre Dame que nous nous sommes rencontrés. » explique Maki. « Après ce chantier, on s’attaque à la cuisine. »
« C’est différent, mais, cela reste manuel » poursuit Guillaume. « La cuisine, c’est du patrimoine ! Et nous, on a toujours œuvré à l’entretien du patrimoine ! » rigole Maki.
Les tailleurs de pierre proposent des recettes bien à eux que les curieux sont invités à venir découvrir tous les jours de la semaine de 12h30 à 15 heures. L’occasion aussi de rencontrer les résidents. Le projet titanesque de cet été ? Rien de moins que transformer le navire et son lieu d’ancrage en Fabrique Autonome de Rêves. De juin à août, les surfaces engazonnées au bord de l’eau seront aménagées et ouvertes à tous laissant le champ libre aux guinguettes, airs de jeux, concerts, cinéma et ateliers en plein air, performances, expos, bals populaires, barbecue…
À priori, aucun iceberg en vue. Faites vos valises.
Exposition Home Street Home dans le cadre du festival « Banlieusards , et alors ! » montée par l’association Culture de Banlieue résidente au 6B.

 

Dernier événement en date :Le bonheur est dans le Souk, dimanche 1er mai. Une journée de détente musicale, ludique et aquatique dans les jardins du 6b.
L’annonce com’ du 6B vaut le détour:

Plutôt bucolique à chasser les papillons ou en slip sur un matelas pneumatique ?
SoukMachines a dégoté un petit coin de paradis entouré d’eau et de verdure et a réveillé la nature engourdie. Les musiciens ont lustré leurs instruments, les danseurs ont sorti leur lycra, les DJs sont remontés de leurs caves obscures : tous investis de la même mission soukienne pour vous ouvrir les portes de leur ile démentielle. Le 1er mai de 11h à 21h, tout est permis : beat electro-cosmique, frisbee organique, graffiti oxygéné, mister freeze améliorés, merguez body-buildée, canard tektonik, sieste aérienne, maillot de bain minimal, voile intégral, ou les deux… Trompette ou bilboquet, amenez ce que vous voulez pour ouvrir cette première parenthèse enchantée qui va revenir tout l’été !
Plus d’info sur le site du 6B

 




Eva Corrêa du trio Esperança: « Le coeur n'a pas de température »

C’est entre le Brésil et la France que les sœurs du trio Esperança partagent leurs cœurs et font voguer leur musique. En direct de Rio où elles fêtent leurs 50 ans de carrière, Eva nous parle de cette fabuleuse histoire, en attendant leur représentation en banlieue parisienne pour le festival Métis.

Issues d’une fratrie de sept enfants, Régina, Mariza et Eva Corrêa sont aussi inséparables qu’infatigables, cinquante années de longévité à leur actif en témoignent.
Le secret ? « Nous ne sommes pas conservées dans le formol mais avons juste commencé très tôt. Il faut être heureux. Sur scène on donne et on prend tellement que l’on oublie toutes les difficultés liées au métier. » Les filles en culottes courtes auraient-elles trébuché sur la marmite de potion magique franco-brésilienne ?
« On s’est toujours demandé comment on était tombé là-dedans. Nos parents n’étaient pas musiciens. Ils ont accepté de nous encourager mais avec une éducation très sévère. Mes frères chantaient et formaient des petits groupes au collège, on les a vu faire, et, naturellement, nous avons suivi. Nous n’avons jamais étudié la musique et nous sommes tous des professionnels aujourd’hui ! »

Musicalité et émotion

Des 30 degrés de Rio aux grises pluies parisiennes, le groupe s’est acclimaté : « Le cœur n’a pas de température » glisse Eva.
Au début du trio, il y avait Mario, Régina et Eva, des enfants qui chantaient pour d’autres. En 1969, Eva entame une carrière solo à Paris, Mariza la remplace. Le trio actuel redémarre depuis la capitale où les sœurs se réunissent en 1992. « C’est l’année où nous avons commencé à chanter a cappella, ce qui est très rare au Brésil. Cela a été très bien accueilli. »
Comment oreilles d’ici et d’ailleurs ressentent-elles leur musique ? « Les publics sont très différents et c’est enrichissant. Les Français ne comprennent pas le portugais mais reçoivent notre musique car il s’agit d’émotions et de mélodie avant tout. Au Brésil, on a chanté des chansons en français comme La bohème (Charles Aznavour) et La vie en rose (Edith Piaf) qui fonctionnent bien car ces airs sont connus au Brésil. Nous sommes portées surtout par la musique, les harmonies et les mélodies. Les paroles viennent après. Elles ne sont pas politiques ou agressives, mais parlent souvent d’amour et de paix. »

Les classiques revisités

Le trio Esperança, c’est aussi et quand même 4 disques d’or et un dernier né plutôt culotté. De Bach à Jobim, sorti en janvier 2010, revisite des standards du classique à commencer par Bach, dérivant vers d’autres influences comme Paul McCartney ou Jobim, cofondateur de la bossa nova. Un savant mélange, plutôt bien dosé qui fait onduler les hanches, là où le classique aurait plutôt tendance à les figer (je parle de mes hanches à moi, chacun ses histoires de bassin!)
« Nous n’avons pas de formation ou culture classique mais on aime relever les défis. Alors, quand Gérard Gambus, arrangeur et quatrième mousquetaire du trio, nous a proposé de partir sur cette idée nous avions très peur: s’attaquer au classique sans faire du lyrique c’est un peu de la folie. Mais on a fait ca avec beaucoup d’humilité. »
Sûr, les voix harmonieuses et enveloppantes des interprètes expérimentées traversent le temps, sans prendre une ride.

En concert le jeudi 19 mai à 20h30 à L’Île-Saint-Denis pour le festival Métis.

http://www.youtube.com/watch?v=HnTuBjLgr8c&feature=related




Bruit et fureur : We Were Evergreen & The Stoned Popes

Ce billet n’entend pas se faire couronner d’un prix, bien heureusement.
Mais le concert auquel il m’a été donné d’assister hier soir en aurait mérité un, sans conteste !


En première partie, les We Were Evergreen, ou comment chauffer la salle, faire oublier l’hiver, faire rêver de l’été et des jours heureux et chaleureux en quelques morceaux subtilement orchestrés entre guitare, ukulélé, beat, synthé …


Un groupe qui monte vite (et avec quel talent !), un groupe à suivre de toute évidence, ils seront le 29 avril à la Java, et avant cela au Printemps de Bourges !


Puis les Stoned Popes … Commença alors une période de bruit … Sorte de vomissement musical … Heureusement arrivèrent rapidement le lyrisme, l’harmonie, et plus prosaïquement la folie dans le Nouveau Casino ! Une ambiance à faire trembler les murs de la scène parisienne … La petite dizaine de musiciens alternait entre performances musicales et mégaphone, sifflet, jeu avec la salle !


Une communion avec le public comme on en redemande ! Et le public a été servi !

La conclusion de ces deux heures d’extase musicale a ravi l’assistance, et pour cause : les deux groupes se sont retrouvés sur scène, en toute simplicité, pour finir d’enflammer le cœur et les oreilles de leur public !


We Were Evergreen : Lien vers le Myspace


The Stoned Popes : Lien vers le Myspace






Dany Boon, malheureusement trop ch'tylé

Trop cool, je vais voir le dernier spectacle de Dany Boon ! J’espère secrètement qu’il n’aura pas perdu sa saveur tel un vieux yaourt que l’on goûte après l’avoir laissé plusieurs jours sur le bord de l’évier… La question m’est venue parce que son « nouveau » show tourne depuis 2009, et que quand on fait des blagues sur l’actualité ça peut ne plus être très pertinent.


Que nenni ! Le rideau rouge s’ouvre sur un grand drap blanc et Dany danse derrière en ombre chinoise un « Pump Up the Jam » saisissant, me voilà rassuré question rance et manque de modernité. Ceci dit, cela reste le moment le plus drôle du spectacle, je me suis même surpris en train de me dire que j’allais passer un bon moment, tellement cela partait fort.


Mais voilà, le premier sketch parle de la grippe H1N1, un sujet encore plus froid et oublié que les vaccins eux-mêmes dans les frigos de Bachelot.


De la maladie et des microbes, il se transforme en un Portugais appelé Da Silva (quelle imagination), qui est saoûl et propose d’aller remonter le mur de Berlin parce que les Portugais bossent mieux que les Polonais ! (Et vlan, prend ta dose d’idées reçues qui font même plus rire Gérard au bistrot !)


Après un moment d’émotion où il parle de l’amour comme Franck Dubosc dans son premier spectacle, il arrive au sujet tant attendu, sa psychanalyse envers son public du phénomène « Bienvenue chez les Ch’tis », et comment par quel miracle il ne mange plus de pain depuis que la boulangère s’évanouit en le voyant arriver. C’est une étape un peu forcée pour un artiste de son envergure financière qui est devenu businessman plus que comédien en se lançant dans les films labélisés TF1. Il se sent obligé de montrer au public qu’il n’a pas changé, ce fameux public à qui il doit tout et donne tout son amour à 50 € la place.


On se prend une deuxième couche d’humour pas très drôle quand il raconte qu’il y a eu une parodie de son film, un pastiche pornographique nommé « Bienvenue chez les Chtites Coquines » et une deuxième couche de rance quand il raconte devant des familles de gens « comme tout le monde » que dans le film ça baise à tout va et que dans le porno ils n’ont pas peur des microbes (oui, les fameux microbes du premier texte pour ceux qui n’ont pas suivi !)


Un hommage à Raymond Devos plus tard, Dany reprend avec une suite de sketches moins personnels où il parle d’inventions inutiles comme le pédiluve ou les lingettes citron, et finissant son spectacle sur une mise en scène de procès où il est jugé pour avoir voulu euthanasier sa femme car elle avait un gros cul.


Soyons réalistes, les éclats de rires n’étaient pas toujours très contrastés d’avec les bruits de portes des gens qui partent. Un Dany Boon qui se bigardise de plus en plus pour essayer de garder le contact avec ce public qui l’a porté aux nues, presque triste, ou plutôt disons plein de « tendresse » pour éviter les mots qui blessent.


« Dany Boon, Trop Stylé », en tournée dans toute la France et du 23 novembre au 18 décembre 2011 à l’Olympia – 75 009 Paris.




Cheval Blanc : « Ma ville est une journée à la terrasse du rêve »


Rencontrer un vrai poète. Ouais, un vrai! Ca vous est déjà arrivé? Moi, si. C'était aux premiers jours du printemps, dans une rue bruyante de Bastille. Le poète a un nom d'animal merveilleux. C'est Cheval Blanc, les amis.
Auteur- interprète de deux EP, Révélations et Révolutions, sortis en automne dernier. Deux bijoux taillés dans une même pierre. Deux oeuvres transverses se baladant entre musique et grande littérature. Le verbe est érudit. L'âme élevée. Celle de ceux qui entrent en poésie comme en religion. Instinctivement, on sait bien qu'il nous manquera toujours les clés pour « comprendre ». Mais baste, ressentons!

Entretien.


Bonjour Cheval Blanc. Pour commencer, pourquoi Cheval Blanc? Ca vient d'où?


Pour être exact, ça vient de mon premier blog, Antipunk Cheval Blanc. Et c'est devenu un pseudo, de blogueur, par la force des choses. Gonzaï a parlé de moi assez vite. Ca s'est imprimé.
Mais il y a quand même un sens.
C'est d'abord l'idée du mythe, des mythes.
Le cheval blanc est un animal qu'on retrouve dans énormément de mythes. Il est vraiment universel.
Souvent pour de bonnes raisons, souvent à la fin du monde. Dans les mythes hindous, dans l'apocalypse de Saint Jean. Ce qui m'intéressait, c'était ce symbole universel.


Un symbole, oui, mais de quoi?


C'était aussi un peu flou.
Je commençais à écrire à l'époque. J'avais une poésie aux accents prophétiques. Et c'était lié à Antipunk aussi. Je suis quelqu'un qui vient du punk. Je pensais qu'une rupture était nécessaire dans le punk et ce revival qu'on nous fait avaler à grands coups de marketing. Et qui est antinomique à l'esprit du punk. Le nom entier, ce serait Antipunk Cheval Blanc, en fait.
La collusion de quelque chose de complètement contemporain. Une sorte de mythe moderne, universel et millénaire.


Tra(ns)verses



On l'a vu, tu tiens un blog, sur lequel tu écris beaucoup. Pour autant, te définis-tu d'abord en tant qu'écrivain ou musicien?


Non, je suis musicien.
Maintenant, j'ai tendance à devenir les deux. Je n'écris pas depuis longtemps, en fait. J'ai commencé à écrire avec le blog. C'est le blog qui m'a donné la discipline. Je tente différentes expériences. Je me considère encore comme un poète débutant. Même si ça prend une part importante dans ma vie. Je passe plus de temps à lire de la poésie ou des écrits philosophiques qu'à écouter du rock. Mais je suis musicien depuis l'âge de 17 ans. Je suis d'abord musicien.


Et pourquoi avoir fait ce choix d'un blog? Mettre tes écrits en ligne? C'est une démarche à la fois très personnelle mais aussi terriblement impudique.


Complètement. C'est très paradoxal. Je suis dans la poésie. Je dirais que c'est un journal « extime ». C'est hyper narcissique et très étrange.
Je vais vous dire. Avant de commencer ce blog, j'avais des velléités d'écriture mais je n'y arrivais pas. De temps en temps, j'écrivais quelque chose. Mais j'étais bloqué. Complètement bloqué.
C'est un psychiatre qui m'a conseillé de ritualiser mon écriture.
Le blog est arrivé à ce moment-là. Etant musicien, je me suis dit, j'ouvre un blog autant pour moi que pour parler de ma musique. Et je me suis rendu compte que ce format m'offrait cet aspect de rituel, de travail mais aussi de thérapie. Tout en investissant la poésie.


Identité(s)



Et est-ce que tu vois le pseudo comme un masque?


L'identité est quelque chose qui pour des raisons personnelles, m'a troublé tout au long de ma vie.
Mon nom, je n'ai jamais pu le considérer comme un nom avec lequel j'aurais pu me présenter sur scène. J'ai un nom très complexe. Avec une histoire tout aussi complexe autour de ça. Donc, oui, le pseudo, c'est un masque.
En revanche, la question se pose encore. Si demain, je publie un recueil de poèmes, je ne sais pas comment je le signerai. Là, j'ai publié un poème dans une revue littéraire underground et j'ai signé Jérôme Suzat. Ou Jérôme-David Suzat. Je ne sais même plus. (Rires) Parce qu'à chaque fois, la question se pose.


C'est aussi l'idée, je crois que c'est Oscar Wilde qui disait ça, donnez un masque à cet homme et il se révélera.


Il y a peut-être de ça, oui. A l'époque, j'avais un projet, qui s'appelait Collage. J'avais un nom de groupe alors que j'étais tout seul. Il y a comme un masque, oui, qui part d'une envie de s'exprimer. De se montrer, de montrer son travail, avec ce paradoxe d'en être aussi traumatisé. C'est très ambivalent.


Là haut



En te lisant, en t'écoutant, la spiritualité transpire par toutes les pores de ton œuvre. Est-ce que tu dirais, toi, qu'elle tient une place importante dans ton œuvre artistique?


Oui, indubitablement. Déjà, Cheval Blanc, le mythe. Je m'intéresse à la spiritualité. Je lis pas mal de choses. La poésie mystique. Je me suis à un moment pas mal intéressé aux Evangiles apocryphes. Là, c'est le soufisme. Mais c'est aussi indissociable de la poésie, d'une certaine manière.
Mes saints, ce seraient les poètes, si vous voulez.
Hölderlin serait un saint. Mais je crois qu'il y a un aphorisme d'Hölderlin sur mon blog récemment qui dit exactement ça, qui relie la religion et la poésie. « « Ainsi toute religion serait, en son essence, poétique. » » Mais c'est aussi très intime. Ca transparaît dans mes écrits, certes. Ce sont aussi beaucoup de questions. Je n'ai pas d'affirmation.


Tes EP s'appellent Révélations. Révolutions. L'élévation?


C'est la traduction d'apocalypse, en fait. Une des traductions. L'apocalypse, c'est la révélation ou le dévoilement. Révolutions, c'est la révolution. Je les ai mis au pluriel parce que je ne crois pas à une apocalypse mais à plein de petites apocalypses. Comme je crois à tout plein de petites révolutions.
Mais c'est aussi un hommage à un grand poète français peu connu, Roger Gilbert-Lecomte, un des fondateurs du Grand Jeu. Il a écrit un texte assez important qui s'appelle « Révélation – Révolution ». C'était une sorte de clin d'oeil.


Logiquement, je ne devrais pas le dire. Il y a plein de clés que je ne devrais révéler. Qu'est ce que vous ne me faites pas dire! (Rires).


Cheval Blanc prépare un premier album, qui devrait sortir en fin d'année. Ainsi qu'un recueil. En attendant, jetez-vous sur ses EP de toute beauté, « Révélations » et « Révélations » chez Bruit Blanc.

http://www.myspace.com/22chevalblanc



à la mort du monde par jeromedavid




GaBLé : « Dès qu'on maîtrise un son parfaitement, on se dit qu'il faut aller chercher autre chose »
















GaBlé ? C'est Gaëlle, Thomas et Mathieu. Trois Caennais qui font de la musique. Leur style ? On vous laisse le soin de le définir. Si on devait quand même craquer, on aurait envie de les appeler les Monty Python de la musique. Ils s'amusent, et ça s'entend. Ils expérimentent, ils recherchent, ils étonnent, avec humour et simplicité. Entretien.


arKult : Difficile de vous mettre une étiquette. D'ailleurs, quand on parle de vous dans la presse, les mots qui reviennent souvent sont « bidouillage », « électro-foutraque ». Est-ce que l'image qu'on vous colle est celle que vous voulez donner ?


Mathieu : Ce qui me plaît, c'est que ce soit si difficile à cerner. Et que nous, on n'ait pas à le faire. J'aime bien voir les personnes qui nous suivent définir elles-mêmes ce qu'elles entendent. Et pop foutraque, je trouve ça plutôt cohérent.

Entre vos premiers albums et Cute Horse Cut, le bidouillage n'est en tout cas plus du tout le même. Il est quand même beaucoup plus maîtrisé, maintenant, il me semble.

Gaëlle : On était bordéliques à l'époque.

Mathieu : On avance, mais on garde le côté qui fait qu'on enregistre dans tous les sens puis on recherche une harmonie dans ce bordel là !

Comment est-ce que vous composez ?

Mathieu : On enregistre pendant des semaines. Puis on pioche dedans, on découpe, on remodèle, on colle. Ca donne des chansons plus courtes qu'on rebidouille. Parfois on rajoute du chant mais on enlève la guitare. Jusqu'à qu'on trouve quelque chose qui nous plaît.

Le tout, depuis chez vous, c'est ça ?

Thomas : Oui, et c'est un choix super pratique, qui nous permet de pouvoir passer beaucoup de temps à enregistrer. On ne ferait pas la musique qu'on fait si on allait dans des studios, parce qu'on serait limité dans le temps, les sons, les outils. Là, on peut quasiment tout se permettre. Il y a tellement de choses qu'on peut encore explorer, comme les bruits de la nature. On s'en est déjà inspiré, mais pas assez, peut-être parce qu'on a un micro au milieu du salon et qu'on s'intéresse souvent plus aux bruits qui viennent à nous.

Est-ce que chaque chanson correspond à un projet ?

Mathieu : Il y a des morceaux pour lesquels on va dans tous les sens, puis tu te rends assez vite compte, après trois morceaux acoustiques avec du chant, qu'il faudrait en faire un avec guitare électrique, sans chants. Peut-être qu'on fait attention à ne pas rester tout le temps dans la même énergie, la même direction.
Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas une personne qui compose et les autres qui jouent. C'est tout le temps déséquilibré. Parfois c'est Gaëlle qui compose, une autre fois c'est Thomas qui amène un texte, et on pose la musique dessus. C'est le morceau qui fait l'expérience, et ce n'est jamais tout le temps pareil.

Faire des morceaux courts, c'est un hasard aussi ou un choix ?

Thomas : C'est pas tant un choix que notre façon de faire. Il y a un énorme boulot d'écrémage, je crois. Dès qu'une chose nous semble se répéter, ça perd du sens. Une fois qu'on a dit un truc une fois, ça ne nous semble pas nécessaire de le répéter.

Mathieu : Je me rends compte que même quand on essaie d'étirer au maximum parce qu'on a une chanson d'1 minute 30, elle fera 1 minute 40 ! On essaie vraiment de faire qu'ils soient plus longs, mais on n'y arrive pas !

Pourquoi est-ce que vous chantez de plus en plus en anglais ?

Mathieu : Parce que c'est rigolo quand t'es Français de chanter en anglais. Quand un Français chante français, il y a un impact, une espèce de truc direct, de communication, où tout d'un coup le texte prend un sens énorme. Et là le fait de chanter en anglais en France, ça te donne l'impression que tu peux porter moins d'importance au texte, même s'il l'est. Du coup, tu développes autre chose.

Cute Horse Cut est la traduction un peu boîteuse d'une blague française. Seminéoproantiantifolk. Purée hip-hop… : vous aimez autant jouer avec les mots qu'avec les sons ?

Mathieu : Oui, c'est de la musique, c'est un plaisir, des choses ludiques. C'est bien d'essayer de changer, et en effet, on s'amuse autant dans les titres que dans les sons.

Gaëlle : D'ailleurs, pour seminéoproantiantifolk, c'était Herman Düne qui faisait de l'anti-folk, et à cette époque on nous demandait beaucoup quel style on faisait, alors on a inventé celui-là.

Vous dîtes à chaque fois que vous n'êtes pas de bons musiciens. Est-ce pour cela que vous vous servez du coup de tout ce qui vous tombe sous la main, que vous donnez sa chance à tout objet ?

Thomas : C'est bien vu! On n'essaie pas de hiérarchiser entre les instruments nobles, les choses bien jouées, la virtuosité, et les petits bruits et bruitages. On essaie de trouver un juste équilibre entre tout ça.

Et alors est-ce que le fait d'explorer autant de styles, de sons, ou encore de voix, ça correspond à une recherche peut-être d'un son, peut-être du morceau parfait, une sorte de quête ?

Thomas : Je ne me pose pas la question. Je suis content de ce qu'on fait et de la façon dont on le fait, et que ça mérite d'être creusé encore.

Mathieu : Et je fais toujours attention à ce qu'on n'aille pas dans la direction dans laquelle on se se sent à l'aise. Dès qu'il y a un truc qu'on maîtrise parfaitement, on se dit qu'il faut aller chercher autre chose. Je crois que ce qu'on fait, on le fait aussi parce qu'il y avait de la place pour ça. Je trouve que c'est assez facile de s'installer dans un milieu. Le fait de ne jamais être en place, ça amène à plus de possibilités, plus de risques, plus de tout. Je trouve ça très excitant. Après, peut-être que ce qu'on fait n'est pas nouveau du tout, mais quand on le fait on se dit que c'est bien notre identité qui est là dedans.

GaBlé a sorti le 22 mars un nouvel album, Cute Horse Cut. Après le Café de la Danse, à Paris, le groupe est en tournée, en France et en Europe. Les dates sont à retrouver sur leur site.




Pas pour l'amour de Raphael

L’histoire


Monsieur et Madame Gérard sont d’abord un père (Romain Apelbaum), et une mère (Sophie Arthur). Pas vraiment amoureux, ni même heureux d’être ensemble, c’est sans saveur qu’ils vivent sous le même toit à la fin des années cinquante. Jusqu’au jour où (par nécessité de se reproduire ?), maman tombe enceinte.


Cela n’arrange en rien les sentiments mutuels du couple mais les deux mettent leurs rêves et leurs espoirs dans ce petit : le père veut l’appeler Charles,  comme De Gaulle et jure qu’il préfère que son fils « meure en n’étant que quelqu’un plutôt qu’il vive en n’étant personne » ! La mère quant à elle aura le dernier mot et prénommera ce petit Philippe en lien avec la passion fanatique qu’elle voue au comédien du même nom : Philippe Gérard est né ! Seul problème, il n’a qu’un doigt à chaque main ; pour refaire le monde c’est un peu compromis.


Le public se retrouve donc à suivre ce jeune garçon (Raphaël) qui travaillera dans un cirque dirigé par un couple (Bernard Alane et Emma De Caunes), pour le reste de l’histoire.


Ce que l’on voit


La pièce dure 1h40. Débutée par une belle demi-heure de non-amour entre Sophie ARTHUR et Romain Apelbaum, les échanges verbaux sont vifs, drôles et fins malgré la densité du texte. Les mots sont menés par le jeu brillant des deux comédiens qui portent la plume de Pierre Notte, musicale même en dehors des mélodies qui accompagnent ponctuellement les comédiens à des moments clés de l’histoire.


Mais voilà, au bout de 30 minutes Raphaël entre en scène, et l’hystérie qui devrait accompagner chacune des entrées de l’artiste n’est juste pas. Cet homme n’est pas acteur, et ce n’est pas son public qui remplit la salle. Le jeu est monotone tout comme sa voix, incapable de donner une phrase sans cligner des yeux pour ponctuer ses répliques, c’est très pauvre en émotions. Au final, le personnage du fils Gérard est plus Jugnot que Philipe et c’est bien dommage. Car le message évolue peu à peu vers une sorte de mélange de scénarios entre le Plus Grand Cabaret du Monde et Freaks, des films où les monstres physiques sont beaux dans leur âme en contraste avec les beaux de corps et méchants dans les actes. Et ce jeu que n’importe quel acteur avec un minimum de talent aurait réalisé avec un peu de profondeur, Raphaël n’en fait rien, et c’est l’ennui qui envahit le public. Et c’est le seul des comédiens qui ne chante pas une seule fois du spectacle, un comble.

Rien ne le met en valeur.


De plus, certains détails de la pièce ne tiennent pas sur la longueur. On admet qu’il n’est pas facile de garder un seul doigt tendu en faisant abstraction des autres sans en sentir une certaine gêne. Gêne devenant palpable au fur et à mesure de la pièce et qui fait que, finalement, ça ne marche pas, on n’y croit pas une seconde.


La cerise sur le gâteau reste Emma De Caunes qui bute sans arrêt sur son texte. Même sans le connaître avant de venir voir la pièce, on  entend le massacre de la musique des mots de Pierre Notte.


Conclusion, si vous allez voir ce spectacle, essayez pour une fois de trouver une place sur strapontin, parce qu’au bout de 30 minutes, quand les parents deviennent figurants il n’y a plus rien à voir…


« Pour l’amour de Gérard Philipe », actuellement au Théâtre La Bruyère, 5 rue La Bruyère – 75 009 Paris. – www.theatrelabruyere.com




Une pomme et tout part en compote … Pietragalla !

Une pomme et tout part en compote …


Excusez ce jeu de mots  culinaire, et permettez-moi de vous conter l’histoire de la femme revisitée par Marie-Claude Pietragalla dans son dernier spectacle « La Tentation d’Eve ».

Et c’est hélas bien d’histoire que l’on parle ici, et non de réelle ôde à la femme.
L’histoire de la femme originelle tout d’abord, Eve. Celle qui succomba au péché. Celle qui croqua la pomme. Celle qui éloigna l’humanité du jardin d’Eden.


Puis l’histoire de la femme à travers différents âges.


La préhistoire, avec ses hurlements, hors de toute structuration, seule transcription d’une humeur, d’un instinct, mais sans articulation possible.
Puis la femme séductrice, aussi bien en Asie qu’en Grèce Antique. La parole fait son apparition.
Le Moyen-Age, la Renaissance s’enchaînent ensuite. La parole est secondaire. La condition de la femme également. Heureusement qu’il y la danse, à la Cour comme aux bals.

Le dernier centenaire vient clôturer le bal.
Le Paris de Barbara … le cabaret, les histoires d’amour, le Paris romantique … sur un air de « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous » … Troublant de réalisme.
La folie des années 50, la femme-mère, l’enfant-roi, les tâches ménagères … et la danse comme seul échapatoire.
Et pour terminer cette course frénétique … la femme de début de 21e siècle, enfin parvenue (à quelques inégalités résiduelles près) à obtenir son naturel statut d’égal de l’homme, et jouissant de cette façon, de la même fureur du travail, du stress.



Et si tout ceci ne tenait qu’à une pomme ?


Le rythme du spectacle nous propose ainsi un véritable crescendo dans la folie.
Sous couvert de nous présenter les traits d’une structuration de la pensée, de la danse, et par là, de la vie, on assiste en fait à une destructuration de la pensée, de nos modes de vie et de communication et de nos rapports à l’autre.

Pour preuve, j’en veux cette analogie établie entre les chevaliers en armure moyen-âgeux qui paraissent tellement humains en comparaison des robots que l’on introduit progressivement dans nos foyers en ce début de 21e siècle.


Marie-Claude Pietragalla rend hommage à la femme, la femme originelle, Eve.
Mais elle lui rend un hommage particulier, presque sous forme de reproche. On sent arriver sur toutes les lèvres la question : « Mais pourquoi ? Pourquoi avoir croqué cette pomme ? » Puis, naturellement, cette interrogation : « Et si ? », oui et s’il n’y avait pas eu de pomme ?
Nous rentrons là dans des considérations théologiques …


Et Pietragalla dans tout ça ?


Pietragalla, divine, saisissante, est hélas contrainte par la scénarisation du spectacle. On souhaiterait tellement la voir s’échapper vers davantage de liberté et d’entreprise, vers une performance extraordinaire. Elle nous confirme « seulement » ses talents de danseuse étoile, bien loin d’être perdus.

Mention toute particulière à l’interprétation de « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous », et au spectacle de marionnette, emplissant la salle d’une émotion non dissimulable, bercée par de tendres sourires.






Plus d’informations sur : http://www.pietragallacompagnie.com/



La tentation d’Eve, en tournée dans toute la France
22 mars : Lille (59), Théâtre Sébastopol
28 mars : Nantes (44), Cité des Congrès
08 avril : Genève (Suisse), Théâtre du Léman
11 avril : Clermont Ferrand (63), Maison des Congrès
19 avril : Le Mans (72), Palais des Congrès
20 avril : Angers (49), Cité des Congrès
10 et 11 mai : Toulouse (31), Casino Théâtre
12 mai : Béziers (34), Zinga Zanga
14 et 15 mai : Lyon (69) Amphithéâtre
17 mai : Nancy (54), Salle Poirel
20 mai : Nice (06), Acropolis


Billets disponibles sur FnacSpectacles
http://www.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Danse-contemporaine-MARIE-CLAUDE-PIETRAGALLA-PPIET.htm%23blocSeances




Festival d'écologie urbaine et populaire

Pollution, malbouffe, économie mondiale, logements-passoire… : la résistance populaire s’organise autour d’un chouette festival sur une petite île perdue au milieu du 9-3.
Parce que oui, il se passe autre chose que des vols à la portière et des trafics de drogue en banlieue parisienne.

La troisième édition du festival Effet de C.E.R. (Cinéma, Ecologie, Résistances) s’ouvre ce soir à 19 heures.
Mention spéciale pour le dernier documentaire de Marie-Monique Robin. La journaliste qui s’était fait connaître notamment par le détonnant « Monde selon Monsento » qui s’attaquait à la célèbre firme d’ OGM, revient avec un livre et un documentaire Notre poison quotidien. Diffusé le 15 mars dernier sur Arte, elle se déchaîne cette fois sur les produits chimiques présents dans notre alimentation. Ajoutez à cela les dernières actualités sur les décès liés aux staphylocoques du Quick d’Avignon et l’intoxication alimentaire au Kebab de Chartres, voilà de quoi prendre son abonnement à vie dans une Amap, plus radical, se laisser crever de faim, ou partir monter sa ferme sur le plateau du Larzac… (La dernière option est tentante!)
Le documentaire sera suivi d’un débat et d’une séance de dédicace avec la journaliste. Si vous entendez les ventres gargouiller dans la salle accompagnés des  » bruits glutturaux en La mineur  » produits par les salives ravalées, ne soyez pas surpris.
Samedi, Indices, le documentaire du réalisateur Vincent Glenn, sera projeté à 14 heures, histoire de savoir comment les États se soucient de notre Bonheur Intérieur Brut en gardant le vieil outil de mesure usé qu’est le P.I.B (séance suivi d’un débat avec le philosophe et essayiste altermondialiste Patrick Viveret)
Dimanche, le documentaire de Jean-Pierre Thorn, 93, la belle rebelle, clôture en beauté le festival.
Pour terminer par un regard original porté sur un territoire, qui, quand on sait lui parler, déborde de belles rencontres. Et régale nos oreilles avec ses cultures musicales alternatives trop souvent mises au placard par un Rap commercial omniprésent.

Le programme

Vendredi 18, samedi 19 et dimanche 20 mars 2011 au Centre culturel Jean Vilar – 3, rue Lénine, L’Île-Saint-Denis (93), Pass 3 jours = 3 €




Steffie Christiaens – Fashion Week – Musée de la monnaie

 

A ceux qui se demandent –encore- si la mode appartient au monde de l’art :  Défilé Steffie Christiaens, dimanche 6 mars, Musée de la Monnaie.


Les cheveux méchés de bleu, avec leurs vestes cintrées d’acier et leurs robes graphiques, les femmes-insectes de Steffie Christiaens ne nous ressemblent pas. C’est un fait. Mais une telle expérimentation de forme et de textures, allant du noir le plus profond au bleu le plus électrique, accompagnée du chant de Jeando Cardi, le castrat de la place des Vosges, valait le déplacement. C’était glaçant d’élégance, à en oublier qu’il faisait si beau dehors…


Alors peu importe que Mademoiselle Chanel ait dit : Il n’y a pas de mode si elle ne descend pas dans la rue, pas besoin de courir acheter des collants bleus l’hiver prochain pour y voir une belle performance. Une mode a à peine détruit une autre mode, qu’elle est abolie par une plus nouvelle, qui cède elle-même à celle qui la suit (Jean de la Bruyère). Tant mieux. Cela nous garantit encore quelques belles démonstrations de talent.


 

 

http://www.steffiechristiaens.com/

Défilé du dimanche 6 mars 2011, 15h,  Musée de la Monnaie de Paris.

 





Auryn: « Between you and me, I feel the sound of music… »


Il était une fois – ben, oui, on est en Belgique – dans un pays pas si lointain une jeune femme à l’oeil vif et rieur. Elle s’en allait à la conquête du pays voisin, bardé de son premier album tout de pastel coloré, Winter Hopes. Auryn, car c’était son nom, avait choisi le jour des amoureux pour présenter son précieux enfant, dans nos contrées.
Cet opus, fruit d’un labeur de plusieurs années, avait pour parrains de bien illustres noms. A son berceau s’étaient penchés le grand Erwin Autrique de l’ICP, Greg Remy de Ghinzu, Sascha Toorop, batteur de Dominique A, Christian Schreurs du défunt – et prodige Venus. Toutes les bonnes fées du plat pays avaient oeuvré. En son pays, Auryn rencontra un joli succès.
Mais la valeureuse Auryn n’en avait cure. Elle voulait « voir toujours plus haut ». C’est ainsi qu’en un beau jour de janvier, dans un café du premier arrondissement, je la croisai. Elle, l’oeil pétillant et franc. Et la langue bien pendue.

Mais quittons ce ton de conte pour retrouver les couleurs d’un Paris contemporain.


Commençons par le commencement. Quel est le début de ta « neverending story » avec la musique?



Je crois que ça a commencé… quand j’étais un foetus de deux mois. (Rires) Mes parents m’ont joué énormément de chansons quand j’étais dans le ventre de ma mère. Mon père m’avait même composé une petite berceuse. Je crois que je suis juste née dedans.
Quand on est né dedans, on ne sait pas si on est vraiment fait pour ou si c’est juste qu’on n’a connu que ça. Les années ont passé. La musique ne m’a jamais quittée.
Pourtant, quand j’ai commencé à me poser la question de ce que j’allais faire, je ne me suis pas dit que j’allais faire de la musique. J’ai fait des études de comédienne.
Mais la musique me rattrapait toujours.


En écoutant ton album, on ne peut s’empêcher de penser au meilleur d’Emilie Simon, dans sa période Kate Bush. Dans la voix, tu as des accents de Kate Nash. Tu es un peu dans la mouvance de ces chanteuses à voix évanescentes.



Oui, c’est drôle. J’ai découvert toutes ces chanteuses, après coup. Emilie Simon, je ne connaissais pas. Ca m’a d’ailleurs relativement énervé la première fois qu’on m’a dit que j’essayais de l’imiter. Alors que je n’avais jamais entendu un seul morceau d’elle.
Et on ne me croyait pas!
Une brune, au piano, qui chante en anglais. Et tout de suite, une étiquette.


J’ai toujours écouté des hommes. Jeff Buckley, les Beatles, Queen, Mike Patton. Les déjantés, tu vois. Ce n’est que très tard que j’ai découvert les chanteuses. Peut-être parce qu’en tant que femme, je suis encore plus sensible aux belles voix d’hommes.


Et pourquoi chanter en anglais?



Ma mère est prof de français. Elle a beaucoup écouté Brel, Aznavour. Pour autant, on ne passait pas nos soirées à écouter de la chanson française. J’étais plutôt dans ma chambre à écouter avec ma soeur des groupes indés. Radiohead, Blur, Oasis. On était que dans l’anglophone. Tout le temps. J’adore l’anglais depuis que j’ai quatre ans. J’ai une maîtrise ès yoghurt depuis toujours. J’attendais mon premier cours d’anglais comme on attend le père Noël. Du coup, j’avais qu’une seule envie: c’était de chanter dans cette langue.
C’est ma langue de coeur, en fait.
J’arrive à dire des choses que je n’arriverai pas à écrire en français. Parce que ce n’est pas ma langue. Je peux faire des fautes. Je peux ne pas dire les choses tout à fait correctement. C’est poétique. De pouvoir se tromper. Chercher dans les sonorités, plutôt que dans le sens du mot. Je n’ai pas envie qu’on sente une phrase mais qu’on l’entende. C’est juste physique et naturel.


Revenons à la conception de l’album. Tu t’es entourée de grands noms: Erwin Autrique (ICP), Greg Remy,… Raconte nous.



Ah oui, Erwin, c’est un rêve. Greg Remy (NDLR: de Ghinzu), c’est mon fiancé donc c’est un rêve, aussi. (Rires) Dès le départ, on avait envie de travailler avec le mixeur de Keren Ann. On ne savait pas qui c’était. Jusqu’au jour où on s’est rendus compte qu’il était à Bruxelles et à l’ICP. Les deux mixeurs avaient travaillé sur un album que j’aime tout particulièrement de Keren Ann. Erwin avait accroché avec le projet. Le producteur avait envie de trouver les personnes justes. Il nous disait: « Vous aimeriez avoir quel batteur? ». « Le batteur de Dominique A ». OK. Donc on allait le chercher.
C’était un rêve où on prenait les meilleurs ingrédients pour faire le meilleur plat.
On a aussi travaillé avec l’ancien violoniste de Venus. Il a collaboré. Il est devenu conseiller musical. Puis, arrangeur sur certains morceaux.


On retrouve totalement la patte Venus.


Dans les cordes, oui.
En fait, j’étais coincée à un moment. Ca faisait des années que j’étais sur ces morceaux. Je ne voyais plus rien. Plus comment améliorer tel morceau. Et je lui disais, vas-y, casse certains trucs. Mets-y de l’âme. Il y avait des morceaux que je trouvais un peu ronds, trop gentils.
Et lui est très sec, très rock, très brut. C’était la personne qu’il fallait.


Parlons scène. Tu es plus à l’aise, en studio, sur scène?



Les deux sont inséparables, je crois. La scène, c’est vibrant. C’est du one-shot. Tu joues. Et si t’as raté, hé ben, t’as raté ton truc. En studio, tu peux retenter, peaufiner. Mais le risque, c’est de se ramollir.
Parfaire le moindre détail. Jusqu’à en oublier peut-être l’essence.
J’ai vraiment hâte de retrouver la scène. C’est là que j’ai des émotions dingues. Parce que jouer devant des gens. Il n’y’a rien de mieux. La vibration que tu ressens,… C’est indescriptible.


Auryn sera en concert, le 17 mars, à la Fléche d’Or. Une tournée est également en préparation avec la Patère Rose.



« Winter Hopes », Auryn. AT-Music. Sortie le 14 février 2011. Dans les bacs.

Auryn « Winter Hopes » teaser from Auryn on Vimeo.