L’autre vie de l’« Open Space »
Jean-Michel Ribes, à la tête du théâtre du Rond-Point, ne programme que des auteurs vivants. Amusant hasard, les seuls dialogues d’ « Open Space », la pièce de rentrée, sont des onomatopées. Ce spectacle de Mathilda May raconte une journée (la moins banale, sans doute) d’un service « international », dont les bureaux sont installés au 32e étage d’un immeuble quelconque.
La plupart des entreprises françaises est installée en open space. Alors pourquoi, après y avoir passé une journée, avoir envie d’y retourner en allant au théâtre ? Parce que Mathilda May montre tout ce qu’on ne voit pas, tous ces petits détails auxquels, habitués, on ne fait plus attention. Elle exclue les mots pour se concentrer sur les bruits, les gestes, les attitudes et les regards. Non, en sortant d’ « Open Space », vous ne verrez plus vos collègues de bureau de la même façon.
Chaque personnage est très marqué. Du jeune cadre dynamique séduisant au chef d’entreprise « hitlérique », en passant par le placardisé, oublié devant un Minitel. Le choix est fait d’un jeu clownesque, très corporel. Parfois, les individus coordonnent leurs bruits pour créer des orchestrations amusantes. On pense notamment à ce rictus de larmes lors de la mort d’un collègue qui vient faire l’instrumentation d’un gospel chanté pour l’occasion. De la machine à café trop bruyante aux chorégraphies synchronisées, en passant par la sonnerie de téléphone qui fait l’effet d’une flûte à six schtroumpfs, « Open Space » est plein de bonnes idées, drôles et surprenantes.
Mathilda May, dans un décor à mi-chemin entre « Le Père-Noël est une ordure » et un magasin d’exposition Alinéa, mélange bien réalisme cru de ces bureaux ennuyeux et onirisme dramatique lors de certains moments clés. Les lumières accompagnent à merveille ces changements de tons.
Un regret, peut-être, la longueur et la répétition de certains gags. On a parfois l’impression qu’il y a le désir de « faire durer » artificiellement le spectacle. Chaque spectateur se fera son idée sur ce qui aurait pu ne pas être ajouté, mais certaines idées perdent en force lorsqu’elles sont trop montrées.
Quoi qu’il en soit, « Open Space » est un spectacle déroutant, qui mérite que le public en fasse l’expérience.
« Open Space » de Mathilda May, au Théâtre du Rond-Point jusqu’au 19 octobre, 2 bis avenue Franklin-Roosevelt (8e arrondissement), du mardi au samedi à 21h. Dimanche à 15h (relache les 7, 16, 17 et 18 septembre). Durée : 1h30. Plus d’informations sur www.theatredurondpoint.fr/.