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[Critique-Théâtre] Letter to a Man : Nijinski incarné par Baryshnikov, deux légendes de la danse en une

Photo : Julieta Cervantes

À l’espace Pierre Cardin (occupé par le Théâtre de la Ville), Bob Wilson met en scène le Journal de Vaslav Nijinski (1889-1950). Danseur légendaire incarné par lafigure mythique de la danse : Mikhail Baryshnikov. Une interprétation onirique autant jouée que dansée, véritable immersion dans le génie et la folie d’un artiste hors norme.

Dans une ambiance propre à Bob Wilson, à savoir un visage peint en blanc pour Baryshnikov et une esthétique élégante, froide, où les lumières rythment les scènes et sculptent l’espace, le journal intime de Vaslav Nijinski se dit, se danse et se mime. Derrière une rampe de cabaret, Baryshnikov n’applique pas une chorégraphie stricto sensu. Il est souvent assis ou une chaise à la main pour rappeler cette fameuse chaise que Nijinski détruisit en public de son vivant alors qu’il plongeait dans la souffrance et la folie. Sa silhouette fascine… Baryshnikov a des gestes fluides et précis, ceux d’un corps qui ne semble pas vieillir. Le danseur, âgé de 68 ans, nous hypnotise d’autant plus que le fond sonore incessant qui l’accompagne crée une ambiance étrange et magique.

Dans son journal écrit en à peine deux mois, Nijinski dialogue avec son moi intérieur traversé par des questions sur la guerre, le pacifisme, Dieu ou la paternité, et toutes ces tensions sont menées d’un pas de maître par Baryshnikov. Touchant et tout à la fois angoissant, Nijinski est aussi esquissé par des moments de danse qui l’ont rendu célèbre pour une performance impeccable où la folie et l’isolement du danseur trouvent un écrin sonore inépuisable.

Jusqu’au dernier instant Baryshnikov est saisissant par son charme qui laisse, certes, peu de place au confort, et qui nous ferait presque oublier le texte tant le monde visuel recréé par Wilson nous captive.

Letter to a man, d’après le Journal de Nijinski, mise en scène Robert Wilson, avec Mikhail Baryshnikov, jusqu’au 21 janvier 2017 au Théâtre de la Ville – Espace Cardin, 1, avenue Gabriel, 75008 Paris. Durée : 1h10. Plus d’informations ici : http://www.theatredelaville-paris.com/




« Maxi Monster Music Show » : le freaks, c’est chic

 

Copyright : Hervé Photograff
Copyright : Hervé Photograff

Pour accueillir le Maxi Monster Music Show, le théâtre noir du Lucernaire se transforme en maison hantée. Les freaks (en référence au film du même nom, sorti en 1932) nous entourent. Il y a la danseuse mécanique, l’homme-fort le plus petit du monde, la femme-tronc, le fakir insomniaque, l’homme-femme… Une joyeuse bande de musiciens menés par Gina Trapezina : la poupée barbue.

Si le « show » est d’abord musical, on est frappé par l’esthétique du spectacle. Benoît Lavigne magnifie ces monstres au moyen de lumières sobres et de volutes de fumées. Les maquillages sont splendides et contribuent à nous plonger dans ce cabaret étrange et envoûtant.

On est marqué par l’incroyable expressivité de chacun des personnages, et particulièrement du clavier, Antoine Tiburce, moitié homme, moitié femme. En apparence comme dans les mimiques, il est captivant. David Ménard à la batterie tient le rythme et malgré un jeu d’acteur important pour chacun d’eux, on ne déplore aucune fausse note.

Si les images font rêver, qu’en est-il de la musique ? On oscille entre mystère bastringue, à la Skeleton Band et la fanfare balkanique, type Shantel, le tout parsemé de quelques notes de Far West et conduit par la voix puissante de Solange de Dianous. Entre rythme, aventure et onirisme, les vibrations et l’énergie dégagée font ressentir au spectateur, un désir rare au théâtre : celui de se lever pour participer à la fête. On se surprend à rêver d’un vieux rade enfumé comme salle de spectacle, Gina Trapezina et sa troupe apparaissant au milieu des effluves d’alcool pour nous emmener dans un ailleurs où tout est possible.

Un ailleurs composé d’odes à la barbe, aux poils en tout genre – des thématiques parfaites pour l’hiver. Le Maxi Monster Music Show est un cabaret hors d’âge, sans époque définie, une référence touchante au monde des freaks bienveillants. Une revue consacrée à la beauté intérieure, et aux rêves en tout genre.

« Maxi Monster Music Show », mise en scène de Benoît Lavigne, jusqu’au 3 janvier au Lucernaire, 53 Rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris. Durée : 1h30. Plus d’informations et réservations sur www.lucernaire.fr/.