Avec Francis Huster et Ingrid Chauvin, « Avanti! »
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Pour « Avanti ! », le Théâtre des Bouffes Parisiens devient une chambre d’hôtel Romaine où George Claiborn et sa femme, Diana, ont élu domicile le temps de mettre en place le rapatriement du corps du père de George. En Italie, tout semble compliqué : Diana rentre à New York, pressée d’assister au troisième mariage de sa sœur, laissant son époux se débrouiller avec l’administration italienne. Il sera aidé en cela par Baldo Pantaleone, « contact officieux » prêté par l’ambassade. Le destin fera que George va rencontrer Alison Miller. De sa bouche il apprend que son propre père et la mère d’Alison étaient amants. Rome aidant, ils perpétueront, l’un pour l’autre, les doux sentiments que leurs géniteurs avaient cultivés.
De cette comédie romantique, on repère trois parties dans lesquelles les héros vivent des passions distinctes. Dans la première, les vies des protagonistes sont mornes et la recherche des corps des défunts est prétexte à des situations comiques. La deuxième partie est plus tendre, Alison et George tombent amoureux. La dernière est une promesse. Comme leurs parents, ils quitteront leurs vies américaines et britanniques afin de passer le mois de mai à Rome. Cette pièce de Samuel Taylor est un bel équilibre entre comique, romantisme et drame de la rupture probable avant un happy end.
Du public, on oscille entre les flatteries faites à notre côté fleur bleue et le rire franc causé (au moins !) par la présence de Thierry Lopez dans le rôle de Baldo, qui à lui seul mérite le déplacement. Ingrid Chauvin est juste et touchante dans son rôle d’anglaise célibataire esseulée, qui pleure sur l’épaule d’un Francis Huster grave et dont le décalage par le jeu ne peut que provoquer l’hilarité. « Avanti » tient ses promesses. Un boulevard équilibré et élégant.
« Avanti ! » de Samuel Taylor, adaptation, Dominique Piat. Mise en scène Steve Suissa, actuellement au Théâtre des Bouffes Parisiens, 4 rue Monsigny, 75002, Paris. Durée : 1h20. Plus d’informations et réservations sur bouffesparisiens.com
« Momo », un grand boulevard !
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Ce vendredi, lorsqu’André et Laurence sont allés faire les courses, ils n’avaient pas prévu qu’un débile leur piquerait leur caddie avant même qu’ils ne soient passés à la caisse. Cela quelques minutes avant la fermeture du magasin. Ils n’avaient pas non plus planifié de retrouver le même type, chez eux, après qu’il a livré les courses et pris une douche. Et pourtant, c’est bien là le point de départ de « Momo », la nouvelle pièce de Sébastien Thiéry.
Comme à son habitude, l’auteur ne respecte aucune convention, sauf celles dictées par son imagination, toujours très surprenante. Très vite, la situation devient ubuesque et les scènes successives sont autant de pierres qui bâtissent une comédie très drôle et explosive. Patrick (c’est le nom de l’étranger), affirme être le fils de Laurence et André, parti pour Montpellier il y a 20 ans, afin d’essayer d’oublier sa famille – comme on oublie une histoire d’amour douloureuse. Malheureusement, il semble que ses parents, eux, aient réussi à l’effacer de leur mémoire. Est-ce un dangereux cambrioleur ? Comme face à un fou dangereux, le couple décide de jouer le jeu pour ne pas le contrarier.
Puis, entre la mère supposée et le fils nouveau, les liens se reforment, la discussion se créée. Pourquoi est-il revenu ? On l’apprend de Sarah, la fiancée aveugle de Patrick qui se révèle ne pas être débile, mais malentendant. Il est de retour sur les lieux du traumatisme : s’il ne partait pas, il aurait tué sa famille. Les cœurs s’ouvrent, les larmes coulent, jusqu’à un dénouement à rebondissements sentimentaux réussis : il s’avère que Patrick s’est trompé d’immeuble, il a confondu Laurence et André avec un couple du même âge, portant le même nom à une lettre près et habitant à côté. Mais l’histoire ne s’arrête pas là…
Une certaine élégance se dégage de la scénographie d’Edouard Laug, très réaliste au premier abord – la scène d’exposition se déroule dans les rayons d’un supermarché – elle fait ensuite place à un grand appartement bourgeois dont les murs ne sont pas complètement opaques et laissent deviner ce qu’il se passe dans les chambres bordant le salon. La mise en scène de Ladislas Chollat utilise bien ce dispositif, aidé par la musique pour soutenir quelques effets cinématographiques. Le travail principal semble avoir été fait auprès des acteurs, tout en essayant de les faire s’émanciper avec finesse de la mise en scène de boulevard conventionnelle – on pense notamment à Muriel Robin qui tape avec vigueur sur le canapé du salon, accessoire symbolique du boulevard bourgeois.
Car oui, ici Thiéry ne signe pas un simple boulevard efficace – tel « Comme s’il en pleuvait » au théâtre Edouard VII – ce « Momo » est double ; les situations comiques d’un fond brûlant. Ce fils de 42 ans qui s’invite dans la vie d’un couple respectable qui n’a jamais réussi à en avoir relance les désirs maternels de Laurence qui, consciente de cela, le considère très vite comme la chair de sa chair, parlant la même langue que lui. Patrick, lui, semble tout le temps énervé comme sa mère. De vraies questions existentielles naissent sur la transmission : « nos souvenirs vont disparaître, si on ne les donne pas à quelqu’un », dira Laurence, dans une scène sombre.
Si les acteurs portent tous leurs rôles avec finesse, Muriel Robin s’illustre particulièrement brillante. Celle qui, telle Jacqueline Maillan, n’a qu’à paraître sur scène pour rendre le public hilare, ne cesse jamais d’avoir l’air sévère. Et pour cause : l’arrivée de ce fils providentiel lui apporte les réponses aux questions qu’elle n’osait plus se poser. Pragmatique et autoritaire, tenant avec force les rennes harnachant un mari craintif, elle se transforme en mère enamourée. Robin nous impressionne par la finesse de son jeu dans les instants dramatiques : aucune larme, aucun excès, une intériorité qui montre que derrière l’humoriste, une grande actrice existe.
Lors de la scène finale, malgré le quiproquo qui a conduit Patrick à prendre le couple pour ses parents, Laurence-Muriel Robin lui demande de rester. Elle plaide contre cette vie injuste qui lui a interdit d’avoir des enfants. Et Thiéry fait dire à une actrice très ouvertement lesbienne qu’ « une maman, ce n’est pas de l’orthographe, c’est dans le cœur que ça se lit » ; « Momo » devient alors pièce manifeste face au climat réactionnaire d’un pays encore divisé sur la question de l’accès à la parentalité pour les couples de même sexe.
Réunie, l’équipe de « Momo » produit un grand théâtre de boulevard, extrêmement drôle, mêlant ressorts classiques du rire burlesque et véritable message, en phase avec les préoccupations sociétales actuelles.
« Momo » de Sébastien Thiéry. Mise en scène de Ladislas Chollat, actuellement au Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, 75009, Paris. Durée : 1h20. Plus d’informations et réservations sur theatredeparis.com
« Trois Ruptures », comique par K.O.
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La toute petite Comédie Tour-Eiffel est transformée en scène de crime – ou ring de boxe, c’est selon. Le public s’apprête à assister à un match en trois round, prenant la forme de trois ruptures entre un homme et une femme : à cause du chien, d’un coup de foudre pour un pompier ou bien pour subir chacun son tour le joug d’un enfant tyrannique.
Tout un programme dramatique qui, sous la plume de Rémi De Vos, recèle un fort potentiel comique. L’auteur révèle, dénonce, souligne le comportement humain déraisonnable face au point de rupture : la tentative désespérée de l’un ou l’autre pour garder celui qui part. L’attacher ? Lui promettre d’accepter n’importe quoi ? Ou bien subir l’évidence d’un amour qui n’est plus. Au final, toute l’absurdité qui jaillit pour tenter de venir apaiser une crise extrême.
De ce texte génial, Emilie Pierson et William Astre sont les interprètes justes et drôles. On ne partage aucunement la douleur des séparations, tant les situations et les personnages sont poussés à bout. On pense à la troisième rupture, où le couple en crise se comporte comme pris en otage par sa progéniture, et dans laquelle les deux acteurs semblent complètement effarés sur fond sonore de manga.
Si les enjeux de la mise en scène ne sont pas toujours très clairs, Trois Ruptures est un excellent spectacle qui sera prétexte à découvrir un lieu inattendu, dans un quartier qui ne frappe pas à l’esprit pour sortir au théâtre.
« Trois Ruptures » de Rémi De Vos. Mise en scène de Sylvain Martin, actuellement à la Comédie Tour-Eiffel, 14 rue Desaix, 75015, Paris, mercredi et jeudi à 21h. Durée : 1h. Plus d’informations et réservations sur craccoyer.free.fr.
« Georges Dandin » au Lucernaire
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Dans un décor à la croisée d’une réalisation de Wes Anderson et d’une bande dessinée de Gotlib, Matthieu Penchinat montre un George Dandin sous un jour comique et grotesque, écartant presque le drame que montre cette pièce d’un revers pour n’en garder que le rire.
Heureusement, cela marche très bien. Cette histoire de mari cocu dont tout le monde se joue est à l’origine un bien triste drame : George Dandin contre sa fortune a pu épouser une noble appauvrie. Celle-ci ne voulant pas de ce mariage se refuse à son mari et se laisse courtiser par Clitandre, aux yeux et à la barbe de son mari, qui n’obtiendra jamais gain de cause et adoptera la solution du suicide.
L’apparence moderne et grotesque de chacun des personnages fait de la pièce un moment irréel où le texte original est interprété de façon très moderne (ce qui ajoute encore au comique de situation de cette mise en scène). George Dandin ressemble plus à un dépressif un peu bête, avec qui on n’a pas vraiment envie de compatir dans le malheur. Julien Testard qui l’interprète est particulièrement excellent, cannette de coca à la main et cheveux en bataille, il a tous les attributs que l’on pourrait donner à une caricature du paysan contemporain.
La mise en scène, vivante et précise, souligne l’absurde et la folie grandissante de ce personnage injustement malmené. Les corps explosent et le texte n’est pas le seul vecteur d’amusement, le geste l’accompagne allègrement. La musique de Lully remplacée par celle d’Edith Piaf ajoute encore au décalage entre le texte et l’interprétation qu’en fait Matthieu Penchinat.
On y voit encore très bien le regard effroyable que porte la noblesse à l’égard des parvenus, comment une étiquette colle à la peau toute un vie malgré les efforts pour s’en défaire. C’est aussi un bel exemple du pouvoir de manipulation que les femmes ont sur les hommes et comment, par amour pour leurs enfants, les parents peuvent ignorer l’évidence. Et tout ça, dans une foule d’éclats de rires.
Pratique : Jusqu’au 30 mars au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris.
Réservations par téléphone au 01 45 44 57 34 ou sur http://www.lucernaire.fr.
Tarifs : de 15 à 25 €.
Durée : 1 h 10
Mise en scène : Matthieu Penchinat, assisté d’Edouard Bonnet
Avec : Julien Testard, Julie Méjean, Sylvère Santin (ou Edouard Bonnet), Philippe Baron et Anne Juliette Vassort.