Pas pour l'amour de Raphael
Monsieur et Madame Gérard sont d’abord un père (Romain Apelbaum), et une mère (Sophie Arthur). Pas vraiment amoureux, ni même heureux d’être ensemble, c’est sans saveur qu’ils vivent sous le même toit à la fin des années cinquante. Jusqu’au jour où (par nécessité de se reproduire ?), maman tombe enceinte.
Cela n’arrange en rien les sentiments mutuels du couple mais les deux mettent leurs rêves et leurs espoirs dans ce petit : le père veut l’appeler Charles, comme De Gaulle et jure qu’il préfère que son fils « meure en n’étant que quelqu’un plutôt qu’il vive en n’étant personne » ! La mère quant à elle aura le dernier mot et prénommera ce petit Philippe en lien avec la passion fanatique qu’elle voue au comédien du même nom : Philippe Gérard est né ! Seul problème, il n’a qu’un doigt à chaque main ; pour refaire le monde c’est un peu compromis.
Le public se retrouve donc à suivre ce jeune garçon (Raphaël) qui travaillera dans un cirque dirigé par un couple (Bernard Alane et Emma De Caunes), pour le reste de l’histoire.
Ce que l’on voit
La pièce dure 1h40. Débutée par une belle demi-heure de non-amour entre Sophie ARTHUR et Romain Apelbaum, les échanges verbaux sont vifs, drôles et fins malgré la densité du texte. Les mots sont menés par le jeu brillant des deux comédiens qui portent la plume de Pierre Notte, musicale même en dehors des mélodies qui accompagnent ponctuellement les comédiens à des moments clés de l’histoire.
Mais voilà, au bout de 30 minutes Raphaël entre en scène, et l’hystérie qui devrait accompagner chacune des entrées de l’artiste n’est juste pas. Cet homme n’est pas acteur, et ce n’est pas son public qui remplit la salle. Le jeu est monotone tout comme sa voix, incapable de donner une phrase sans cligner des yeux pour ponctuer ses répliques, c’est très pauvre en émotions. Au final, le personnage du fils Gérard est plus Jugnot que Philipe et c’est bien dommage. Car le message évolue peu à peu vers une sorte de mélange de scénarios entre le Plus Grand Cabaret du Monde et Freaks, des films où les monstres physiques sont beaux dans leur âme en contraste avec les beaux de corps et méchants dans les actes. Et ce jeu que n’importe quel acteur avec un minimum de talent aurait réalisé avec un peu de profondeur, Raphaël n’en fait rien, et c’est l’ennui qui envahit le public. Et c’est le seul des comédiens qui ne chante pas une seule fois du spectacle, un comble.
Rien ne le met en valeur.
De plus, certains détails de la pièce ne tiennent pas sur la longueur. On admet qu’il n’est pas facile de garder un seul doigt tendu en faisant abstraction des autres sans en sentir une certaine gêne. Gêne devenant palpable au fur et à mesure de la pièce et qui fait que, finalement, ça ne marche pas, on n’y croit pas une seconde.
La cerise sur le gâteau reste Emma De Caunes qui bute sans arrêt sur son texte. Même sans le connaître avant de venir voir la pièce, on entend le massacre de la musique des mots de Pierre Notte.
Conclusion, si vous allez voir ce spectacle, essayez pour une fois de trouver une place sur strapontin, parce qu’au bout de 30 minutes, quand les parents deviennent figurants il n’y a plus rien à voir…
« Pour l’amour de Gérard Philipe », actuellement au Théâtre La Bruyère, 5 rue La Bruyère – 75 009 Paris. – www.theatrelabruyere.com