Crémeux. Avec des morceaux qui acides, qui sucrés.
A manger à la grande cuiller !
Le spectacle Biophilia que nous propose Björk et toute son équipe a régalé nos yeux et nos oreilles. Car c’est bien d’un véritable spectacle dont on parle. Construit autour de la soundtrack de son album éponyme « Biophilia », et agrémenté de quelques surprises (parmi lesquelles et non des moindres, la reprise de Joga, de l’album Homogenic), le spectacle a vocation à proposer une expérience inédite : mettre en évidence le lien entre la vie, la musique et la nature.
Dans le décor du Cirque en Chantier (Boulogne Billancourt), Björk, entourée des choristes de Graduale Nobili et d’une poignée de musiciens, fait se succéder les éléments et autres créations de la nature : éclairs, cristaux, ADN, lune, feu, tectonique des plaques, …
Véritable ode à la nature et à l’imagination, la géniale islandaise arrive à retranscrire la variété des éléments dans une diversité d’ambiances musicales et scénographiques. L’intimisme du trip hop alterne avec l’explosion d’énergie de l’électro pop, la douceur de mélodies au clavecin précède les rythmes entêtants des multiples percussions orchestrées par Manu Delago.
Et quand les lumières se rallument, sonnant la fin de cette expérience scénique hors du commun, on ne redoute qu’une chose : le moment où il faudra aller voir un autre concert. Après une telle expérience et dans une telle ambiance, la barre est placée bien haute pour ceux qui viendront après Björk !
Biophilia Live : prochaines dates
05.03.2013 – Zénith de Paris
08.03.2013 – Zénith de Paris
11.03.2013 – Caprices Festival
13.06.2013 – Bonnaroo Festival
13.07.2013 – Bluesfest
19.07.2013 – Pitchfork Music Festival
27.07.2013 – Fuji Rock Festival
Musiciens : Percussions : Manu Delago
Programmation : Max Weisel
Keyboards & Reactable : Matt Robertson
Choeur : Graduale Nobili
Setlist du 27/02/2013 :
The Berg sans Nipple: « Y’a de l’érosion partout mais ça crée de nouvelles choses »
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Les Berg Sans Nipple sont de drôles d’oiseaux. Nés sur deux continents différents, à les voir pourtant, on dirait des frères. A les entendre aussi. Ils finissent les phrases de l’autre. Installent des silences dont ils sont seuls à posséder la clé. Musicalement, c’est encore plus un mystère. Là où des artistes solo échouent à concilier leur moi intérieur, eux réussissent à inventer et à se réinventer à l’envi, sans que l’être deux soit un obstacle. Au contraire.
On s’était raté. Plusieurs fois. RDV manqué à l’hôtel Amour. Ils avaient rendez-vous avec leurs idées; impatiente, j’étais allée voir un autre « fou », Katerine, en concert.
Et ce n’était pas plus mal.
Pour mieux se retrouver une fin d’après-midi d’été, derrière une roulotte. Ambiance bucolique. Les murmures de leur tribu autour.
Extraits.
Comment commence Berg Sans Nipple?
Lori Sean Berg : On est très vite arrivés à la musique, parce que c’était un bon moyen de communication. Shane ne parlait pas français. Je ne parlais pas trop anglais encore. On a tout de suite joué sans se poser de questions. C’est ça qui nous a tout de suite connecté. On jouait sans forcément se dire que ça mènerait à un projet. Juste jouer.
C’est drôle que vous décriviez ça ainsi parce qu’en écoutant votre album, je me disais que la musique est chez vous un langage qui se suffit à lui-même. Ca veut dire quoi? Les sons sont comme des mots? Comme des matières organiques malléables à souhait?
Shane Aspegren: Oui. Le projet, ça a toujours été la transformation. On a souvent créé des sons mais aussi pris les sons pour les retravailler. La fin n’a jamais à voir avec le début. Au début, on se sent mutuellement. On est connectés. On a toujours les deux côtés. On sait ce que ressent l’autre.
Chaque album est source de renouvellement. Y’a un fil, une ligne musicale derrière tout ça?
Lori : se renouveler, oui, aussi mais une ligne musicale, pas vraiment. On a envie de se surprendre, d’aller vers des horizons dans lesquels on n’a pas l’habitude d’aller. Cet album, on avait envie qu’il soit comme ça. On s’est pas posé de question. J’avais envie que ce soit un album très minimaliste, très …
Shane : un peu brut, aussi. Plus brut que les autres. Parce que sur scène, il y avait toujours quelque chose de plus brut. Ce qui ne ressortait pas vraiment dans les albums. Sur les albums, oui, parfois, il y avait quelque chose de brut mais ils avaient plus de sonorités…
Lori : planantes.
Vous venez d’en parler. La scène, c’est un endroit à part?
Lori : c’est vrai que quand on enregistre en studio, on réfléchit à la scène. Comment on va faire pour le retranscrire sur scène. C’est aussi pour ça qu’on a décidé d’avoir moins de choses. On était un peu prisonnier de tout ça et on avait envie d’aller peut-être vers un peu plus de simplicité.
Shane : Mais je pense que ce regard… on a changé depuis le début. Là, on a commencé (en choeur avec Lori) live. L’enregistrement, on avait la vision de faire autre chose mais de garder le côté qu’on a créé au début. Avec le dernier album, c’était très différent.
Lori : Mais déjà avec Along the quai, c’était un disque où il y avait beaucoup de choses qui étaient difficiles à reproduire sur scène. Et ça, c’était un peu frustrant. On avait envie d’avoir moins de choses à gérer, essayer de jouer, quoi. Arrêter de se dire « tiens, faut faire ci et ça ». On réfléchit toujours en live parce qu’on a commencé comme ça.
En même temps, sur ce dernier album, on avait envie d’un enregistrement studio aussi. Travailler beaucoup les sons. Des percussions etc. La batterie.
Build with erosion, c’est le titre de votre album. De ce que vous me dites, ça veut dire quoi? Qu’à l’usure, vous aboutissez à ce résultat?
Lori : qu’à force de faire, on tourne en rond
Oui mais c’est quoi l’idée?
Shane: Y’a pas juste un sens.
Lori: (rires) c’est un peu comme Berg sans Nipple, quoi.
Shane: Oui, la montagne sans sommet.
Moui, Berg sans nipple, littéralement, ça veut pas juste dire ça.
Shane: oui mais c’est le sommet.
Ah mais oui!
Shane: Y’a pas de montagne sans nipple, sans sommet. On monte, on monte, on monte et on a jamais… jamais les tétons. (Rires)
Donc tu le construis, ton sommet mais t’as l’érosion, qui te mange tout.
Shane: Oui parce que c’est pas là, it’s eroded, you know.
Et alors, ce serait quoi, le sommet, l’idéal musical?
Shane: que ça change tout le temps. C’est un peu ça l’érosion aussi. Quand j’ai écrit les textes de l’album, j’étudiais beaucoup la philosophie orientale. Y’a des pans différents. C’est un peu ça aussi.
Une façon de voir. La vie est quelque chose d’un peu destructeur. Et c’est pas plus mal non plus. Y’a de l’érosion partout et ça crée de nouvelles choses.
Lori: et on en fait une autre montagne
Shane: c’est aussi notre façon de créer la musique depuis le début. On utilise toujours des trucs cassés, pourris. Oui, y’a un côté triste de voir les choses se dégrader. Mais ça peut être beau aussi.
Build with Erosion. The Berg Sans Nipple. Clapping Music/Blackmaps. Disponible dans tous les bons disquaires
Ailleurs c’est ici
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Y’a des films qui te retournent le cerveau. Des films qui te transportent temporairement sur un autre plan. « Je me souviens, je me rappelle », dans la nuit lourde, la maison est endormie. Je regarde un court métrage Ailleurs c’est ici. Oui, comme la chanson de Louis-Ronan Choisy.
Inlassablement. Encore et encore, je l’ai regardé, cet objet cinématographique. Peut-être sept fois. Sept fois comme le compte égrainé par le héros du film, atteint de troubles obsessionnels compulsifs.
Fascinée par cet étrange équilibre mis en place par le réalisateur : certaines séquences sont une invitation à ressentir, d’autres à méditer. Le peu de dialogues est très écrit, l’atmosphère de l’ensemble, rêvée.
…/…
Strasbourg Saint Denis, un soir d’été – une gouaille de titi, le verbe volontiers fleuri, l’œil vif, la malice aux commissures des lèvres – le voilà mon coupable. Qui penserait à le voir là, à débouler ainsi du métro que ce jeune homme est responsable de ce voyage tout en correspondance, dans l’Ailleurs et ici?
Thomas est réalisateur. Quand, à 8 ans, on regarde Alice au pays des Merveilles, en trouvant ce dessin animé fichtrement dérangeant, au même âge, il regardait Cria Cuervos de Carlos Saura. Ca ne s’invente pas. Un héritage paternel, raconte-t-il. Car le cinéma est familial. A travers une « famille » cinématographique, ou plus simplement, d’amis.
Vient le temps de raconter des histoires. Plus tard.
Et c’est là que ça devient intéressant. Décidément, chez l’artiste, il y a toujours quelque chose de Dr Jekyll et Mr Hyde. Sirotant tranquillement sa bière, il se marre. Thomas, le cinéphile ne s’entendrait pas bien avec Thomas Creveuil, le cinéaste. Ce qui le meut et l’émeut, Thomas, cinématographiquement ne correspond pas à ce qui sort de sa plume et de sa caméra. Sa came sur l’écran, c’est Desplechin, Garrel. Derrière la caméra, c’est du fantastique. « J’adore le cinéma social, urbain, un peu dur. Les frères Dardenne, par exemple. Mais dès que j’essaie d’écrire un Conte de Noël, c’est du fantastique qui sort. Je crois que c’est mon truc, en fait. » Les voies de la création sont impénétrables. Il ne se l’explique pas.
« Jugez-moi. A tout à l’heure »
Cinéma Max Linder Panorama, un matin de janvier. 300 personnes dans la salle. On projette Ailleurs c’est ici. Là, tendu, devant tous ces gens, Thomas. – « Merci de vous être levé à 8h du matin / Voilà ce que je fais / Jugez-moi. A tout à l’heure« .
Présenter son travail est une démarche bizarre, nous raconte-t-il.
Pudeur, impudeur. A présenter son univers, on s’expose fatalement. Le fil est ténu entre réserve et impudeur.
Mais « le cinéma est une affaire de partage ». Son idéal? « Toucher les gens. Qu’ils sortent de la salle en ayant des questions, sur eux-même ». De soi vers l’universel. Moi vers les autres.
Les autres, c’est aussi ce qui sous-tend sa manière de travailler. Si on peut être habité par ses personnages, on peut l’être également par ses acteurs, – et c’est sans conteste le cas de Thomas. Et il en parle avec les yeux brillants. Ses comédiens, il bâtit son histoire avec et pour eux. « Je construis avec eux. Tout le temps. En fonction des gens que j’ai en tête. Je les entends parler ».
Il avoue que sur le tournage d’Ailleurs, c’est ici, il a supprimé quelques séquences pour que l’équipe aille à la plage. Et à ceux qui clament que c’est un point de vue amateur, rien à foutre. Le bonheur d’être ensemble. « Etre heureux d’être là ».
« Les émotions passent par la musique »
Dans le métro parisien, un jeune homme, les écouteurs vissés aux oreilles. Les notes d’une chanson « Ailleurs, c’est ici ». Et une vision. « Dans le métro, un soir, en écoutant cette chanson de Louis, j’ai eu la vision de la scène des femmes-taureaux (NDLR: scène clé du film). Mais vraiment tout ». Aveu d’autant plus frappant que la musique a un rôle essentiel dans son court-métrage. La voix du chanteur est un personnage en lui-même. Il scande, rythme l’intrigue. « Pour moi, au cinéma, les émotions passent par la musique ». Créer de l’image par le son. Les faire correspondre, comme par vases communicants. je me dis qu’il a raison. Et que c’est quand même très baudelairien comme idée. Vous savez, l’idée baudelairienne des correspondances. Que « les parfums, les couleurs, les sons se répondent ». Mon mystère de l’autre soir, à regarder son court, ça venait de là, en fait. Les correspondances, vous dis-je, les correspondances.
Des Correspondances aux traversées des portes de la perception, il n’y a qu’un pas. Traversées, c’est d’ailleurs le titre de son prochain projet, avec Louis-Ronan Choisy, Clémentine Poidatz et Julia Piaton au casting. L’histoire? Une société contre-utopique, après une apocalypse industrielle. « Tout est fracassé. Flingué ». Un homme, Louis, tente d’y croire. Je sais pas, vous, mais la dernière fois qu’on m’a raconté l’apocalypse au cinéma, Lars, of course, ça m’a retournée comme une crêpe. De bonne augure? Certainement!