1

Théâtre contre maltraitances

CieMarieRuggeri_FED_LM1

Marie Ruggieri, femme mûre et conquise par la vie, entre sur scène avec une générosité palpable. Avec sa gouaille et son plaisir d’amour, elle nous berce d’abord avec son langage fleuri. Pourtant, elle va s’attacher durant une cinquantaine de minutes, à dénoncer le traitement fait aux femmes dans des situations atroces, où celles-ci frôlent et rencontrent la mort à cause de la barbarie des hommes. La descente aux enfers d’une amoureuse, le sort terrible réservé à une prostituée et une petite Somalienne, victime d’excision.

Spectacle commandé par une antenne locale d’Amnesty International, « Femmes en danger » est une dénonciation confortant une prise de conscience. Simple, mais essentielle. Marie Ruggieri dit le danger, sans le travestir ou l’adoucir, mais l’interprétation est humaine et fait naître une volonté positive dans le cœur du spectateur. Un spectateur qui pourrait être concerné par ces maltraitances.

Petit spectacle, bref comme une sonnette d’alarme, il a mérite d’attirer l’attention de ceux que ces questions touchent particulièrement. « Femmes en danger », derrière un visage tragique, nourrit l’espoir sincère que les violences faites aux femmes cessent, au moins un peu chaque jour.

« Femmes en danger », de et avec Marie Ruggieri, jusqu’au 26 avril 2016 au Théâtre Essaion, 6, rue Pierre au Lard, 75004 Paris. Durée : 50 minutes. Plus d’informations et réservations sur www.essaion-theatre.com/.




A Ivry, sobres « Femmes savantes »

Copyright : Alain Richard
Copyright : Alain Richard

Elisabeth Chailloux, directrice du Théâtre des Quartiers d’Ivry met en scène « Les Femmes savantes » de Molière en sa maison. Même saison théâtrale, même époque – les sixties –, même volonté de montrer des femmes fortes, la comparaison se fait naturellement avec la création de la même pièce par Macha Makeïeff – donnée au Théâtre Gérard Philippe au mois de novembre. Cette dernière était aussi colorée et explosive que la mise en scène d’Elisabeth Chailloux est sobre et concentrée sur le texte.

Pièce drôle aux accidents cocasses, « Les Femmes savantes » mettent aussi au cœur de l’espace théâtral la question de la condition féminine, à l’ère du « slut-shaming ». La femme y est montrée comme aussi intellectuelle, valeureuse que l’homme, dans ses bons comme ses mauvais côtés, s’extasiant du moindre mot d’esprit.

Ici, l’homme est relégué à la « place » de la femme, non décisionnaire sous la coupe de son épouse. Disons-le : cela nous paraît choquant, alors que cela nous paraîtrait normal si la situation était inversée. Elisabeth Chailloux attire notre regard sur la condition féminine en faisant des hommes de la pièce, des êtres semblables, aux allures de commerciaux dégarnis, peu attirants.

La situation est divisée en deux espaces. La vie, derrière un rideau de tulle, où s’étale la maison et un rectangle noir au cœur de la scène. Il est tour à tour dancefloor ou ring de boxe. Parfois, cela se prête au jeu des situations, parfois les acteurs semblent se trouver dans l’indéterminé. De temps en temps, on regrette aussi une langue noyée par la rigueur du vers avec lequel les acteurs ne semblent pas se sentir parfaitement à l’aise. Ainsi, les sentiments semblent plus didactiques, davantage accrochés aux mots et moins aux âmes. Mais finalement, quoi de mieux que les mots pour faire passer un message nécessaire ?

« Les Femmes savantes », de Molière, mise en scène d’Elisabeth Chailloux, jusqu’au 31 janvier 2016 au Théâtre des Quartiers d’Ivry, 1 rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine. Durée : 2h10. Plus d’informations et réservations sur www.theatre-quartiers-ivry.com.




Les amants de l’ombre

Quelques mois après la sortie du film A trois on y va, le triangle amoureux est à nouveau à l’honneur sur les écrans. Cette fois-ci, Philipe Garrel est derrière la caméra pour A l’ombre des femmes. Familier des réalisations de drame amoureux (La jalousie, Un été brulant), le cinéaste nous livre, comme à son habitude, une œuvre intimiste toute en sobriété et élégance.

Derrière ce nouveau titre poétique et mystérieux, l’histoire presque banale d’un couple qui s’aime, mais ne se comprend plus. D’un côté il y a Pierre (Stanilas Merhar), réalisateur de documentaire et sosie de Thomas Dutronc. Il est le stéréotype de l’homme torturé, éternel incompris. De l’autre, il y a Manon (Clotilde Courau), l’amoureuse des temps modernes. Deux aimants, amants usés par la monotonie d’une relation qui les conduira à voir ailleurs.

© SBS Distribution
© SBS Distribution

Pierre aime Manon, pourtant, il l’a trompe. Il ne peut s’empêcher de revenir dans les bras d’Elizabeth, collant à la représentation classique de l’homme infidèle qui succombe aux charmes d’une jeune étudiante. Avec Elizabeth tout est plus simple, il se sent vivant, mais Pierre aime Manon, alors il rentre à la maison comme chaque soir un bouquet de fleur à la main. De ce synopsis basique, Garrel créer une œuvre authentique et troublante sur la complexité des relations entre un homme et une femme. Il parvient à saisir avec éclat, les visages, les expressions, mais surtout, à rendre compte avec justesse des différences de réactions et de comportements d’un couple face à l’infidélité, notamment au travers du personnage de Pierre qui ne peut admettre l’adultère de sa femme, alors que lui-même en est coupable.

Pour Pierre, tromper est une chose d’homme, c’est physiologique et presque naturel. Dans son esprit, les femmes, elles, sont trop pures et délicates pour succomber à la luxure. Alors, quand celui-ci apprend que son épouse le trompe à son tour, c’est toute leur relation qu’il remet en question. De leur amour naît la haine et de leur trahison commune, la rupture. Récit aux allures féministes, Garrel prend ici la défense des femmes, mettant en lumière son actrice principale, Clothilde Coureau, sublime dans le rôle. Un personnage tout en douceur, fort et faible à la fois qui représente la femme, les femmes, courageuses et passionnées.

Tourné en noir et blanc dans un Paris que l’on imagine des années 60-70, le film n’est pas sans rappeler l’esprit de la Nouvelle Vague. D’une esthétique irréprochable, il réconciliera tous ceux qui pourraient avoir des frictions avec le noir et blanc. Un choix judicieux qui apporte beauté et délicatesse à l’histoire, à l’image de son thème : l’amour.

Une autre force du film réside dans sa durée : 1h13. Sobre, simple et réaliste, Garrel va à l’essentiel. Il filme le vrai sans artifice. Il installe ses personnages autour d’une table, d’un lit ou d’un café. Cela suffit. Il nous fait découvrir des lieux, des places, des rues avec un regard nouveau. L’œuvre de Garrel parvient à sublimer les relations amoureuses dans ce qu’elles ont de plus simple et ordinaire. Un cinéma qui renoue avec l’exigence et la qualité des Godard, offrant aux spectateurs, un bref mais délicieux moment.

 « L’ombre des femmes », de Philippe Garrel, sortie au cinéma le 27 mai 2015.




«Desperate Housemen» (Pas si desperate que ça)

Trois amis aux personnalités différentes, unis autour d’un même thème : la relation Homme/Femme, peu de liens avec la série éponyme et c’est tant mieux.

Le show débute avec Jérôme (DARAN), personnage volage mais désespéré depuis sa séparation avec Sophie, passage de relais avec Stéphane (MURAT), idiot romantique et gaffeur à ses heures, et enfin Alexis (MACQUART), doucement misogyne subissant sa vie de couple depuis 10 ans.

BerengereKrieff 034~1BerengereKrieff 055~1BerengereKrieff 084~1

Attention danger : Grande probabilité de recevoir des éclats de rire de vos voisins de banquette. Vénusiennes, vous vous demandiez comment était perçue votre « relation » par ces êtres venus de Mars, avec ce spectacle vous en aurez une bonne approche. Tous les thèmes sont abordés : les rencontres, l’amour, le sexe, les séparations (mention spéciale à Stéphane et sa technique dite de « la couette » testée et approuvée).

Même si les femmes y sont plus légèrement égratignées (les éternelles discussions entre copines, l’interminable résumé de la journée de boulot, le shopping…) les hommes ne sont pas en reste (les soirées entre potes, les maladresses, l’incapacité au dialogue…).

Le public rebondit aisément sur ces ressorts comiques connus mais toujours efficaces et parfaitement maîtrisés. La pièce s’achève avec nos 3 amis devant la porte de Sophie, je n’en dirai pas plus. Bon, je ne vous laisserai toutefois pas sans un bémol commun à tout spectacle réussi, il est bien trop court !

Un conseil : allez-y en couple !

Merci Messieurs pour ce bon moment.

Pratique :
Le Grand Point Virgule
8 bis, rue de l’Arrivée 75015 Paris
Réservations : 01 42 78 67 03 – WWW.LEGRANDPOINTVIRGULE.COM

Les samedis à 18h00 et les lundis 20h

Tarif plein: 27 €
Tarif réduit: 19 € (sauf le samedi)

Durée : 1h20

Avec Jérome Daran, Alexis Macquart et Stéphane Murat
Mise en scène : Caroline Cichoz




Jeudi – Barbie K.O


Battre sa femme, un devoir conjugal

 

L’artiste et collectionneuse d’images Céline Delas, a conçu une série de tableaux collages sur le thème : « Barbie au tapis », décidant que les héroïnes Betty Page, symbole de la libération sexuelle et Wonderwoman auraient enfin la victoire sur Barbie, femme objet imposée par la société. C’est la représentation de la femme qui est ici dénoncée, à travers le détournement de l’imagerie la concernant.

Des toiles dans lesquelles elle évoque avec force les violences faites aux femmes, le sexisme, les tâches ménagères, l’enfermement religieux… » on me dit souvent qu’il y a une certaine violence dans mes toiles, ça ne m’est pas apparu. Il y a par contre des revendications et des choses à dire, ça oui! »

 

kiss me

 

Exposition à la librairie Violette and Co, Paris 11ème, jusqu’au 4 mars. Entrée libre.





Qui veut adopter Mélanie Laurent?

Depuis une dizaine d’années, Mélanie Laurent retient l’attention d’un public tantôt charmé, tantôt exaspéré, sur scène ou devant la caméra. Ces derniers temps, ses apparitions se sont diversifiées. Après  un album concocté par Damien Rice et Joel Shearer (sur lequel, on ne se prononce pas), un discours remarqué pour l’ouverture du festival de Cannes (sur lequel on ne se prononce toujours pas), Mélanie Laurent réalise son premier film. Il sort en salle demain.

 

L’histoire est simple. Une famille unie voit son fragile équilibre exploser le jour où Marine (Marie Denarnaud) tombe amoureuse d’Alex (Denis Ménochet). Si Millie, la mère (Clémentine Célarié) approuve cette rencontre, Lisa, la sœur (Mélanie Laurent) se sent délaissée. Il faut dire que des hommes, il n’y en avait pas beaucoup dans leur histoire jusqu’à présent. Mélanie Laurent incarne la mère d’un petit Léo, cinq ans, qui refuse catégoriquement de voir quiconque s’approcher de sa tribu. Petit courant d’air avant la tempête. La belle amoureuse se fait faucher par une voiture et tombe dans le coma. Commence alors un long travail de deuil qui vise à accepter qu’une personne adoptée tire sa révérence tandis que d’autres se font une place au sein de la famille au pire moment.

Conseil d’ami. Tout ce qu’elle touche, Mélanie Laurent le marque de son sceau. Dans son film, elle est partout. On la sent dans les personnages, on l’entend dans les discours, on la voit dans le cadre de la caméra. Elle se décline sous toutes ses formes jusque sur le papier peint. Omniprésente. Alors si vous l’aimiez, Mélanie Laurent, adoptez-la. Vous ne serez pas déçus. Mais les sceptiques, abstenez-vous.

 

Bande annonce du film :




À mon âge, je me cache encore…


Un hammam à Alger. Neuf femmes s'y retrouvent  pour la toilette rituelle, mais surtout, pour parler. Échanger leurs peurs, leurs rêves, leurs fantasmes, leurs limites. Celles qu'on leur impose et qu'elles choisissent inconsciemment de faire leurs ou de rejeter. Évoquer leur quotidien envahi par les hommes… Doux, aimants, brutes, jaloux, absents, violents.


À mon âge, je me cache encore pour fumer est de nouveau à l'affiche de la Maison des Métallos. Cette première pièce écrite en français par la comédienne et metteur en scène algérienne Rayhana répond avec humour, force et finesse à l'oppression, la violence et le fanatisme.


Dans l'atmosphère embuée et vaporeuse du hammam, les confidences des actrices issues de tous horizons dessinent un portrait bouleversant et juste de l'Algérie des années 1990. Une Algérie à peine assoupie qui s'est réveillée soudainement en décembre dernier, à Paris lors des premières représentations de la pièce. Rayhana fut aspergée d'essence sur le chemin qui la mène à la Maison des Métallos. Tentative avortée, la cigarette lancée n'a pas pris feu. Le corps de la femme, à travers celui de Rayhana, continue de résister. Résister par l'humour pour supporter l'affreux. Résister par la confession pour transcender la douleur. Résister par le théâtre pour dénoncer.


La mise en scène épurée signée Fabian Chapuis joue d'un intimisme habile qui refuse de faire le spectateur voyeur. Nous plongeant sans mal dans l'univers féminin mis à nu. Au langage cru, aux émotions tendres, aux révoltes sanguines, toujours dans le respect et l'amour de cette altérité féminine.


Sans fard, ces neufs personnalités toutes aussi différentes nous offrent des performances étonnantes, notamment, et de loin la meilleure, celle de Linda Chaïb qui interprète Samia, jeune naïve, unique rêveuse survivante nourrie d'illusions que l'amour et l'espoir n'ont pas encore tuée. Pas encore…


Jusqu'au 29 janvier à la Maison des Métallos, 11ème.