La Théorie de l’Information – Aurélien Bellanger
A travers Pascal Ertanger, avatar de Xavier Niel, Aurélien Bellanger romance les premiers pas de la télématique et nous replonge dans les débuts de l’Internet. Amour, trahisons, épopées technologiques, tous les ingrédients d’un roman d’exception sont là, et pourtant …
Seulement 30 ans séparent la naissance du minitel de celle du web 2.0, si peu d’années pour une si grande révolution, voici en synthèse le fond du livre. Quant à la forme, elle prend corps par le personnage central que nous découvrons enfant, chétif, presque mal dans sa peau. Pascal grandit, mûrit, trop et trop vite pour finir en ermite moderne, mégalomane mystique, tel un Foster Kane (1) isolé dans son palais à préparer la prochaine révolution.
Des premiers tests sur le minitel et son essor notamment grâce au minitel rose, de la prise de conscience que sans support de diffusion l’information n’existe pas, à l’apogée du web participatif, tout y est aussi bien sous forme romancée que technique façon Wikipédia, mais à trop vouloir contenter tout le monde on finit par ne plaire à personne, et c’est, peut-être là la faiblesse de ce premier opus.
Chaque chapitre débute par des interludes, références à la première révolution industrielle eux-mêmes divisés en trois époques (steampunk, cyberpunk et biopunk), habilement mis en parallèle avec le roman mais sous une forme bien trop technique pour s’y passionner jusqu’au bout. On sent un style proche de M. Houellebecq mais sans toutefois l’atteindre et l’on regrette cette audace qui, si elle avait été plus modérée, n’aurait nullement nui à l’ensemble.
Extraits :
« Je veux à présent faire de la rétro-ingénierie divine. Car toute machine à calculer, depuis celle de Pascal, est une tentative qui vise à énumérer le nom infini de Dieu, son nom mathématique »
« Derrière mon activité officielle de fournisseurs d’accès à Internet, je fournissais en réalité le réseau en vies humaines. »
« Pascal croyait à la théorie de l’information comme à une théorie religieuse. »
« On fit de Pascal Ertanger un savant fou, un apprenti sorcier et un eugénsite. On le compara au milliardaire fou Howard Hugues […] ».
Que devons-nous retenir de La Théorie de L’information ? Beaucoup de choses en fait, outre le bain chaud de la nostalgie (on se souvient du son mélodieux de la connexion minitel ou de celui des modems 56K), ce roman pose un certain nombre de questions sur notre avenir, sur ce que l’on veut y laisser : si ce n’est de l’information, que restera-t-il de nous ? De plus, c’est un livre que l’on peut lire dès maintenant bien sûr, ou dans 10 ans et s’amuser du chemin technologique parcouru lorsque nous découvrirons nos E-mails 4D sur des I-Phone 12, mais aussi à la veille de l’extinction de l’humanité pour s’entendre dire « Et pourtant on nous avait prévenus »…
Note :
(1) Personnage principal du film CITIZEN KANE 1941 (Orson Welles)
LA THEORIE DE L’INFORMATION :
Aurélien BELLANGER
Édition Gallimard
Collection Blanche Roman
496 pages 22,50 €
ISBN : 9782070138098