1

Deconnexion – Le Film

Je suis en pleine dépression, ma box reste bloquée en étape 3, le « chenillard » me nargue, tourne en rond depuis 48 heures, l’assistance téléphonique m’assure que mon appel va être pris en compte dans moins de 1 250 minutes, je dois réserver mes billets d’avion, payer mes impôts, mes amendes, consulter mes comptes…. Arrgrrhhh  je craque et …. Je me réveille. Non tout va bien, l’heure est bien affichée, 06h32, mon débit internet est rapide, mon pouls revient à la normale, je revis. Il devait s’agir d’une réminiscence de la projection du court métrage Déconnexionfisheye

Dans une chambre au décor post apocalyptique résultat de la rencontre entre Valérie Damidot et Marc-Emmanuel, Théo trentenaire pré-pubère n’a qu’une obsession : rester connecté à son monde virtuel, être le roi en son royaume, pouvoir le maîtriser, mais il en est qu’esclave. Echanges de mails, de SMS, de tchats, ponctués de LOL qui prendront tout leur sens à la fin. Théo joue, ment à Léa sa petite amie, dévore pizzas Gang Bang et sites pornos 4 fromages, puis son beauf Tristan l’appel…

Jérémie Prigent et François Rémond auraient pu réaliser un documentaire de trois heures avec témoins floutés et voix off au ton grave sur la dépendance au web et ses effets secondaires, mais ils ont pris le parti d’un court métrage totalement décalé de 13 minutes. Financé via le site participatif KissKissBankBank [dont 90% consacré à ma rétribution pour l’écriture de cet article (c’est que j’ai des frais merde !)]. Ce court métrage à la réalisation soignée et pointue ne laisse place à aucune imperfection, le moindre détail a son importance et plusieurs projections seront nécessaires pour en percevoir les différents niveaux. Vous l’aurez compris le second degré est le fil conducteur de cette production millimétrée. Une mention spéciale pour les participations de Jean-Claude Dreyfus que l’on retrouve avec bonheur dans ce rôle cynique et Allyson Glado dont la tirade (entre autre) restera à jamais gravée dans ma mémoire.

sexe

Après tout ça, je retourne à mes travers, mon compte Facebook, check mes tweets, mate les photos sur Instagram, rafraichi mes 18 boites mails, tombe sur un message d’Aurélia de Côte d’Ivoire, raide dingue de moi, m’assure qu’elle m’aime d’amour contre 15 000 € , ou de Guillaume qui me propose des pilules pour gagner 2 cm minimum, c’est que je n’étais pas complexé jusque-là, mais heu !  Quoi ? Comment ? D’ailleurs je ne connais pas de Guillaume et puis y paraît que ce n’est pas la taille qui compte, c’est un « court-métrage ».

Bande Annonce – Deconnexion

Titre : Déconnexion
Court métrage (2014), durée : 13 minutes
Sélectionné au festival Eiddolon (Lens) et au festival international de Binic (Côtes d’Armor)

Prochaine projection : lundi 14 avril 2014 au bar Le Paname (Paris 11ème)

Réalisation : Jérémie Prigent et François Rémond
Scénario et dialogues : Jérémie Prigent

Production : Southwind Productions / Ataraxie Productions

Distribution : Nicolas Ullmann (Théo), Dounia Coesens (Léa), Baptiste Lorber (Tristan), Anna Polina (Anna), Jean-Claude Dreyfus (Vendeur de chiens), Allyson Glado (Petra), Karleine (Irina).

Site : www.deconnexion-lefilm.com
Facebook : https://www.facebook.com/deconnexion.lefilm?fref=ts

 

 




La Théorie de l’Information – Aurélien Bellanger

A travers Pascal Ertanger, avatar de Xavier Niel, Aurélien Bellanger romance les premiers pas de la télématique et nous replonge dans les débuts de l’Internet. Amour, trahisons, épopées technologiques, tous les ingrédients d’un roman d’exception sont là, et pourtant …

Seulement 30 ans séparent la naissance du minitel de celle du web 2.0, si peu d’années pour une si grande révolution, voici en synthèse le fond du livre. Quant à la forme, elle prend corps par le personnage central que nous découvrons enfant, chétif, presque mal dans sa peau. Pascal grandit, mûrit, trop et trop vite pour finir en ermite moderne, mégalomane mystique, tel un Foster Kane (1) isolé dans son palais à préparer la prochaine révolution.

Des premiers tests sur le minitel et son essor notamment grâce au minitel rose, de la prise de conscience que sans support de diffusion l’information n’existe pas, à l’apogée du web participatif, tout y est aussi bien sous forme romancée que technique façon Wikipédia, mais à trop vouloir contenter tout le monde on finit par ne plaire à personne, et c’est, peut-être là la faiblesse de ce premier opus.

Chaque chapitre débute par des interludes, références à la première révolution industrielle eux-mêmes divisés en trois époques  (steampunk, cyberpunk et biopunk), habilement mis en parallèle avec le roman mais sous une forme bien trop technique pour s’y passionner jusqu’au bout. On sent un style proche de M. Houellebecq mais sans toutefois l’atteindre et l’on regrette cette audace qui, si elle avait été plus modérée, n’aurait nullement nui à l’ensemble.

Extraits :

« Je veux à présent faire de la rétro-ingénierie divine. Car toute machine à calculer, depuis celle de Pascal, est une tentative qui vise à énumérer le nom infini de Dieu, son nom mathématique »

« Derrière mon activité officielle de fournisseurs d’accès à Internet, je fournissais en réalité le réseau en vies humaines. »

« Pascal croyait à la théorie de l’information comme à une théorie religieuse. »

« On fit de Pascal Ertanger un savant fou, un apprenti sorcier et un eugénsite. On le compara au milliardaire fou Howard Hugues […] ».

Que devons-nous retenir de La Théorie de L’information ? Beaucoup de choses en fait, outre le bain chaud de la nostalgie (on se souvient du son mélodieux de la connexion minitel ou de celui des modems 56K), ce roman pose un certain nombre de questions sur notre avenir, sur ce que l’on veut y laisser : si ce n’est de l’information, que restera-t-il de nous ? De plus, c’est un livre que l’on peut lire dès maintenant bien sûr, ou dans 10 ans et s’amuser du chemin technologique parcouru lorsque nous découvrirons nos E-mails 4D sur des I-Phone 12, mais aussi à la veille de l’extinction de l’humanité pour s’entendre dire « Et pourtant on nous avait prévenus »…

 

Note :
(1)   Personnage principal du film CITIZEN KANE 1941 (Orson Welles)

 

 

LA THEORIE DE L’INFORMATION :

Aurélien BELLANGER
Édition Gallimard
Collection Blanche Roman
496 pages 22,50 €
ISBN : 9782070138098