Des hommes. Ils n’étaient pourtant que des hommes.
Tout commence dans une fête de village.
Un après-midi pluvieux, des hommes et des femmes comme les autres, réunis dans une salle
des fêtes pour l’anniversaire d’une des leurs.
Des hommes comme les autres.
Des hommes.
Un cadeau, un beau cadeau, sans doute le plus beau des cadeaux de l’après-midi.
Mais au-delà d’un cadeau à une soeur, la broche en or est prétexte à une folle dispute.
Empoignades avec le passé, coups de poing dans les souvenirs et coups de tête dans les fiertés.
Personne ne se sortira tout à fait indemne de cette bataille contre le passé.
Car personne n’était sorti indemne de cette bataille, dans le passé.
On ne trompe pas le passé.
Bernard, Rabut, Février et les autres pourront en témoigner.
Eux qui sont partis défendre leur pays, n’ont pas pu défendre leur âme.
Jetée en pâture dans la violence ordinaire de l’époque.
Cette violence s’est immiscée dans leurs pores. Dans leurs peurs.
Dans son septième livre, Laurent Mauvignier nous abandonne à notre histoire nationale, aux zones d’ombre qui la ponctuent. Et nous bouleverse(nt).
L’ambiance est étouffante, l’aridité du texte pour témoigner de celle du climat, des rapports inhumains, des rapports humains.
Car après tout, ce n’était que des hommes.
Des hommes comme les autres.
Des hommes.
Des hommes, Laurent Mauvignier, Les Editions de Minuit
Prix Millepages 2009
Prix Initiales 2010
Prix des Libraires 2010
Et ce qui est vrai, c’est que les gars ne trouvent pas le sommeil, ou que le sommeil vient très tard dans la nuit.
Et lorsqu’on entend que certains s’agitent dans leur lit, et se tournent, se retournent, on ne fait plus de blagues salaces, on ne fait pas allusion aux femmes ; on entend seulement le silence et parfois la voix furieuse et excédée de l’un ou l’autre qui gueule pour qu’on ne bouge plus, qu’on cesse ce bordel,
Arrêtez ce bordel !
Et alors dans la nuit les corps se figent, chacun dans son lit, et on sait que pour beaucoup la respiration reste presque bloquée et le coeur près de craquer, on entend presque l’envie de hurler qui les étouffe.
Et là, avait raconté Février, je ne sais pas comment on pourrait dire la peur qu’on a lorsqu’on avance en silence, le corps en angle, les jambes fléchies, le fusil à la main, presque à croupetons – je veux dire, à ce moment-là d’ouvrir la route vers le poste, les quelque mètres comme ça, tous les cinq, moi devant, suivi de Bernard, et puis les trois autres à l’arrière – tellement peur qu’on finit un moment par ne plus y penser du tout, ni à la peur ni à rien. On ne sait même pas pourquoi on y va. Et alors on s’agrippe à son arme et on court. Tête basse on court, on avance dans cette position ridicule de crabe ou quoi, pour se faire petit et discret. Et le plus dur c’est de ne pas crier.