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« La Révolte » ou la vie

Depuis son XIXe siècle natal, « La Révolte » d’Auguste Villiers de l’Isle-Adam nous crie toute sa modernité flamboyante au visage, grâce à la mise en scène toute en tension de Marc Paquien. De prime abord, rédigée comme une critique de la bourgeoisie financière de son époque, la pièce s’avère représenter le sursaut de vie d’une épouse, portée par Anouk Grinberg, femme brillante et puissante.

© Pascal Victor-Artcomart
© Pascal Victor-Artcomart

Celle-ci a subit un mariage par contrat et se retrouve ainsi prisonnière, « mariée, mais pas unie à son époux ». Consciencieuse, elle est soumise à la tenue des comptes de l’affaire familiale 10 heures par jour. Elle prépare secrètement son échappée du « monde réel » dans lequel elle est enfermée depuis plus de quatre ans. Lors de la rupture, elle adopte l’attitude d’une employée qui quitte un patron abasourdi, en présentant les comptes faits et les affaires en ordre.

Le mari (Hervé Briaux) est l’archétype du bourgeois de la Troisième République, la face la plus sombre d’un personnage échappé d’un Feydeau. Il est dur, opportuniste et catégorique ; ne laissant aucune chance de s’exprimer à ceux qui l’entourent par ses discours d’intentions réactionnaires. Il est l’obscène que l’on aime haïr. Quand elle le quitte, hurlant qu’elle « veut vivre », le mari tombe des nues. Pour lui, c’est impossible, elle doit juste avoir une poussée d’hormones ! Il est alors une sorte de Jacques-Henri Jacquard face à Jacquouille la Fripouille dans « Les Visiteurs », mais nous sommes ici dans un drame : le départ de sa femme lui causera une attaque. Non pas parce que cela lui déchire le cœur, mais parce qu’il y a une faille dans le « monde réel » où il vivait jusque-là.

Les « braves gens » sont les principales victimes de cette satire. Ces bourgeois qui se cachent derrière de bons principes pour commettre des actes ignobles – ici, déloger une famille d’un appartement insalubre dans le but de gagner 3000 francs. Plus la pièce avance, plus la tension augmente. La relation entre les protagonistes est tendue et ironique. Il semble qu’un courant d’air pourrait venir briser cette mise en scène d’une grande finesse faisant ressortir parfaitement les enjeux entre les personnages. La femme revendique avoir « payé sa dette sociale » en restant avec son mari, travaillant pour lui et lui donnant une descendance. Maintenant, ça suffit. Plus qu’un couple qui se déchire ici, on est dans une confrontation entre réactionnaires et novateurs épris d’une liberté somme toute humaine. Elle veut casser le monde qu’elle connaît bien. Choquante, la pièce se termine dans un cynisme glaçant : une fois cet univers brisé, où aller ? A peine partie, la femme reviendra pour reprendre cette vie qui ne peut rien lui offrir d’autre. Fanée, c’est le « monde réel » qui l’a détruite, non sans avoir fait germer une profonde empathie envers ce personnage dans le cœur et les consciences des spectateurs.

Outre un propos prenant, le travail de Paquien est splendide et dans un temps juste, laissant aux silences la place qu’il faut pour s’exprimer – et cela peut durer plusieurs minutes. Dans ce décor minimaliste – un bureau et trois fauteuils devant un immense rideau – la lumière toute en clair-obscur et la musique sont des composantes capitales à la beauté des images. Dans « La Révolte », l’ambiance est sombre et angoissante comme une promenade à travers une vieille bâtisse bourgeoise dans laquelle on ressent le poids des siècles et des traditions sur ses épaules : comment en sortir ? La femme, n’y parvient pas. Au spectateur alors, d’imaginer des solutions pour les vies futures.

« La Révolte » d’Auguste Villiers de L’Isle Adam. Mise en scène de Marc Paquien, jusqu’au 25 avril à au théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de La Chapelle, 75010 Paris. Durée : 1h20. Plus d’informations et réservations sur www.bouffesdunord.com.




Trans-porcs en commun – Les femmes du bus 678

Amateurs de comédie et/ou de films d’action, vous pouvez passer votre chemin …
Après un billet consacré aux Hommes et à leurs combats, en voici un en hommage au combat de Femmes.

Le nouveau film de Mohamed Diab impressionne par les explosions (de rage), la violence (de la société) et les pieds de nez (au destin).

Coincés dans le RER, le métro, le train tous les matins, tous les soirs, vous jurez, vous pestez, vous vociférez.
Pourtant ce pourrait être bien pire. Et sans issue.

Ajoutez à la puanteur, à la moiteur, au confinement, une dose de terreur et d’angoisse.
Vous commencez à percevoir ce que vivent ces femmes tous les jours au moment de monter dans un bus.
Ces bus toujours bondés. Prétextes à toutes les fantaisies de la part des hommes.

Malheur à celle qui osera se plaindre, lever les yeux sur son agresseur.
Car, malgré ce qu’en disait encore la loi égyptienne, on est bien là en train de parler d’agressions. Agression sexuelle. Agression morale.

« Les femmes du bus 678 » est l’histoire de trois femmes meurtries.
Meurtries, mais qui vont oser se faire entendre et agir.

Trois remarquables interprètes (Nahed El Sebaï, Bushra Rozza et Nelly Karim) pour trois personnages que tout sépare (classe sociale, rapport à la religion, contexte familial et personnel, profession, …).
Ces contrastes servent d’autant plus le film et le message qu’il souhaite faire passer, qu’ils démontrent (si besoin en était) qu’il s’agit là d’un combat universel, qui doit se concevoir à l’échelle d’une société toute entière.

Mohamed Diab trouve les mots justes pour laisser percer la lueur d’espoir tout au long du film.
Cette lueur que ne vont pas arrêter de suivre Fayza, Nelly et Seba.
Cette lueur menacée aujourd’hui encore.

 

Réalisation et scénario : Mohamed Diab
Montage : Amr Salah el-Din
Musique : Hany Adel

Distribution :

Boushra : Fayza
Nelly Karim : Seba
Nahed el-Sebai : Nelly
Maged El Kedwany : Essam
Omar el-Saeed : Omar, le petit ami de Nelly
Basem el-Samra : Adel
Ahmed El Feshawy : Sherif, le mari de Seba
Sawsan Badr : la mère de Nelly
Yara Goubran : Amina, une collègue de Fayza
Marwa Mahran : Magda, la femme de l’inspecteur
Motaz El Demerdash : lui-même