1

[Exposition] « MMM. Matthieu Chedid rencontre Martin Parr » : les images prennent du son

Affiche de l’exposition « -MMM- », Musée de la musique, Cité de la musique, Paris. © Martin Parr/Cité de la musique

Lors de l’édition 2015 des Rencontres d’Arles, Sam Stourdzé, directeur du festival, invite le photographe britannique Martin Parr à intervenir. Plutôt que d’organiser une rétrospective au sens classique du terme, le directeur et le photographe décident de proposer un projet sur lequel ils travaillent depuis plus de deux ans avec un autre artiste, le chanteur Matthieu Chedid. C’est de ce projet longuement muri qu’est née l’exposition « MMM », présentée pour la première fois dans l’église des Frères Prêcheurs à Arles, et aujourd’hui visible à la Cité de la musique à Paris.

L’exposition MMM, Musée de la musique, Cité de la musique, Paris. © Philharmonie de Paris / William Beaucardet

En contournant une paroi sur laquelle figurent les diverses informations relatives à l’exposition, on pénètre dans un espace sombre où se fait entendre une mélodie inconnue qui emplie la pièce au fur et à mesure que l’on s’y aventure. Sur les murs noirs jaillissent des images qui défilent rapidement, laissant voir des foules qui se pressent à la plage, au musée, dans la rue, pour toujours plus de divertissement. Face à ce diaporama, des chaises longues sur lesquelles sont imprimées des images de baigneurs qui se prélassent au soleil invitent le visiteur à les imiter pour mieux profiter des photographies projetées. Associant le Synthétiseur de Matthieu Chedid et la série « Busy – Plein » de Martin Parr, cette première installation annonce d’emblée la nature de l’exposition qui suit. L’immersion y est totale, dans cet espace sombre où seuls le son et les images nous guident. Sans ordre, sans cartels, le lieu est pensé pour donner une liberté absolue au spectateur qui se laisse surprendre par les œuvres qui l’entourent. Les images de Martin Parr sont présentées sous de nombreuses formes, du diaporama thématique à la série de photographies argentiques, en passant par un papier-peint fait de cadavres exquis ou encore les transats « humains » aux airs surréalistes. Chaque ensemble est enrichi d’une piste sonore qui lui est propre, signalée par un néon qui s’intitule Célesta, Voix, Guitare électrique imitant l’écriture du chanteur.

Née de la rencontre incongrue entre un photographe britannique reconnu sur la scène internationale et un chanteur français de renom, cette exposition est une réussite. Elle permet de redécouvrir les clichés acerbes de Martin Parr qui prennent vie sous les « mélodies » de Matthieu Chedid. Certains regretteront une exposition trop petite, mais c’est qu’il faut prendre le temps de s’imprégner de chacune des installations toutes plus riches les unes que les autres.

« MMM. Matthieu Chedid rencontre Martin Parr », jusqu’au 29 janvier 2017 à la Cité de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris. Tarif : 5,50€ tarif réduit, 7€ plein tarif. Plus d’informations ici : http://philharmoniedeparis.fr




Gran Kino – 1989 – Rencontre

1989, premier album de Gran Kino est pour le moins original. Le principe : réunir des artistes aux horizons des plus divers (un douanier hongrois, un MC d’Atlanta, Calexico, Clare – de Clare and the Reasons) autour d’une année, 1989, et de leurs souvenirs.

Rencontre avec Robin Genetier (guitare, basse, clavier) : 

Arkult (A) : 1989. Des souvenirs dans toutes les mémoires. Et vous, quel souvenir marquant de cette année 1989 ?

Gran Kino (GK) : Le souvenir que j’ai le plus en tête pour cette année est celui de l’exécution de Ceausescu le 26 décembre. Je me souviens du contexte, des personnes avec qui j’étais et de l’ambiance de cette fin de décennie… Les images de ces deux corps gisants, avec une image brouillée, une sorte de pression entourant tout cela, ma famille devant cette télé qui rend cette situation presque comme une fiction… Un drôle de moment pour finir une année si forte.

A : Quel tournant pour la culture européenne et mondiale a signifié pour vous cette année bien particulière ?

GK : Le Mur de Berlin est certainement le plus grand tournant pour la culture européenne & mondiale … On découvre alors les pays de l’Est, on va voyager, apprécier la « nostalgique architecture soviétique »… D’un seul coup – ou presque – c’est comme si on cassait un barrage entre deux eaux stagnantes : l’Ouest découvre les musiques de l’Est, les volontés artistiques qui se sont battues et développées sous la dictature communiste … Tandis qu’à l’Est, les populations vont être confrontées au mur de la pop culture, qui en cette fin des années 80 est surpuissante.

A : 1989. Berlin. La Chute du Mur. Quelle est votre vision de la « berlinisation » actuelle de la scène culturelle française et européenne, plus de 20 ans après ?

GK : Nous avons eu la chance d’aller de nombreuses fois à Berlin pour jouer, visiter, observer, écouter et acheter des disques … Il paraît que cette ville est la ville la plus appréciée des artistes américains & européens, c’est surement dû à l’Histoire qui survole toujours les quartiers de cette cité, à la gentillesse de sa population, au sentiment de liberté qui règne dans ces rues immenses où au final peu de gens vivent. On sait ce qu’on en ramène, mais l’applique-t-on vraiment ailleurs ? On aime l’électro berlinoise, l’énergie de ses soirées, l’implication artistique des ces habitants mais je ne suis pas sûr qu’on puisse un jour répéter cela chez nous, comme nous avons su le faire avec la culture américaine, et c’est pas plus mal. C’est beau des endroits qui gardent leurs spécificités, leur propre « odeur ».

A : Quels pourrait être la prochaine année / les prochains déclencheurs susceptibles d’inspirer de telles réactions / initiatives ?

GK : Un jour, un journaliste m’a dit : alors vous allez faire 1990 ? 1991 ? … Même si dans chaque pays, il y a toujours un évènement marquant, je ne suis pas sûr que toutes les années aient une « importance » sur l’entièreté du globe comme ça peut être le cas avec 1989.

Bien évidemment 1968, ça serait aussi intéressant de travailler sur 2011 – avec les révolutions dans les pays du Maghreb – ou même plus précisément sur la crise de 1929 en faisant un pont avec maintenant … Il y a des thèmes à collaboration tout autour de nous, il suffit de trouver l’angle de réflexion, et d’étudier correctement le sujet. C’est en même temps plus simple et plus dur que de faire un album plus « conventionnel » : plus simple car l’histoire est là, et il suffit de creuser pour en avoir d’autres et alors d’avancer sur l’imaginaire entourant chaque événement mais aussi plus compliqué car chacun d’entre nous vit ces moments, les connaît, les appréhende, et il faut donc ni se tromper, ni trop extrapoler, ni soustraire la vérité à l’Histoire.

A : Quels sont vos projets pour le futur ?

GK : En plus du projet 1989, qui nous prend encore du temps à travers la tournée en France & à l’étranger, mais aussi des nouvelles compositions qui restent à venir dans le spectacle, nous avons plusieurs idées/projets en cours d’écriture et de réalisation.

Le principal projet nous vient d’Afrique du Sud, où après avoir tourné là-bas pendant 1 semaine en septembre dernier, nous nous sommes vu proposer une collaboration avec divers artistes sur 2 projets distincts. Tout d’abord à Durban, avec des rappeurs zoulous qui seront en France en juin prochain, et avec qui nous allons faire des titres et partir en tournée. Ensuite au Cap, on s’est vu offrir la possibilité de travailler avec des artistes chanteurs / musiciens / danseurs locaux sur l’importance de Nelson Mandela pour l’Afrique du Sud, son arrivée au pouvoir en 1994 et aussi les couleurs du drapeaux … Un énorme projet avec des A/R entre les deux pays, un documentaire, un album, une tournée à l’automne 2013 et peut être même les 20 ans de la présidence de Madiba en 2014 à Pretoria.

Il y’a d’autres projets plus « officieux » et qui nécessitent qu’on avance encore discrètement. Je pense que tout sera toujours orienté vers des collaborations avec des artistes étrangers ou de styles différents du nôtre, ou vers des recherches musicales nouvelles.

A :  Un petit mot pour les lecteurs d’Arkult ?

GK : Je recherche des musiciens / chanteurs suisse allemand pour un projet futur, et si vous en connaissez hésitez pas à m’orienter ! Ecrivez à awordtogk[at]gmail[dot]com … Sinon, merci d’avoir pris le temps de lire, de découvrir Gran Kino et son projet 1989. J’espère qu’il retiendra votre attention, et que vous comprendrez que ce projet est une histoire et que cet album n’est pas une compilation mais une suite d’histoires comme un recueil de nouvelles.

 

Gran Kino
Sara de Sousa : chant, piano, orgue, xylophone
Charlie Doublet : chant, saxophones, clavier
Morgan Arnault : batterie, choeurs
Robin Genetier : guitare, basse, clavier

Site Web : http://www.grankino.com
Site Bandcamp : http://www.1989.bandcamp.com
1989 sur iTunes : https://itunes.apple.com/fr/album/1989/id564788149

 




May Day May Day

« Il est libre Max, y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler », oubliez immédiatement la pub vantant les patchs nicotinés pour fumeurs invétérés.
Amis rêveurs et penseurs voici un son, que dis-je, une invitation qui vous séduira.
Somewhere to be found, le premier album de May Day s’adresse au petit prince qui roupille au fond de votre esprit d’urbain-hyperactif.
Mélancoliques ou pêchues, les chansons du duo sentent les grands espaces de l’Ouest Américain ou les plaines de l’Aubrac.
Natures, Maud Naïmi et Julien Joubert nous offrent de bien belles pistes, propres à l’envol.
Leur liberté discrète tatouée dès leur premier EP (Meet my love) semble désormais imprimée sur un large tissu aux motifs fleuris et liberty.

Après quelques notes on les imagine bien tous deux sur une petite scène mal éclairée d’un bar californien crasseux des années 50.
Surannée et presque désuète leur musique est romantique et poétique.
Conçu comme un voyage, fait de nouveaux départs « Start Again I » et « II » pour mieux rentrer à la maison « Home ». C’est la playlist d’un automne lumineux et rêveur.

Le clip délirant de Home dans lequel des septuagénaires (n’en disons pas plus, il ne faut vexer personne) participent à un houleux triathlon de bilboquet, lutte romaine, jeux de dés bien arrosés…

Sans vouloir passer l’album au peigne fin, gros coup de cœur pour « Closer », moitié pop, moitié rock et suffisamment original pour avoir l’anatomie d’un tube.
Punchy « Gone » qui illustre parfaitement ce choix du duo d’opter pour des protagonistes attachants et un brin paumés.
Etrange « White Knight » qui évoque la B.O de Titanic par le langoureux appel hypnotique de Maud dont la voix est « sirènesque ».
Triste berceuse que « Lullaby » qui semble entrer en résonance avec une détresse assumée et onirique.
On peut rester assez hermétique à l’association cuivres-voix de « Out of my mind » ou la dureté de « Temper », trop rugueux.
Mais quand Bettina Kee A.K.A Ornette se (re)met au piano dans « Broken Glass », alors là ça y est, on sort les grands mouchoirs.

Le 8 Octobre 2012, vous pourrez vous faire votre propre idée, puisque l’album sera dans les bacs.

 

En savoir plus sur May Day :

Le site pour tout savoir.

Le site pour tout écouter.

Le site pour tout acheter.




Hawaï Burger – Bon appétit

Kamehameha vous évoque,

1/ Le cri sauvage des supers guerriers de Dragon Ball Z,

2/ L’hymne de la coupe du monde de football Waka-Waka interprété par Shakira,

3/ Un médicament générique aux obscurs propriétés,

4/ Le souverain d’une île paradisiaque du pacifique.

 

Il fallait bien sûr penser à sa majesté Kamehameha Ier roi d’Hawaï au début du XIXeme siècle.

Hawaï doit son nom à son souverain mais l’histoire de l’île reste indéniablement liée à la gastronomie (île Sandwich). Le groupe français Hawaï Burger demeure donc dans la thématique.

Car, si certains dansent le Mia, d’autre dansent le hula. Aloha! Bienvenue à Hawaï, couronnes de fleurs et surfeurs.

Aux premières notes de « Spring Break », EP d’un jeune groupe parisien, on a du sable blanc entre les orteils. Déserté le morne béton. Oubliée la maussaderie. It’s fresh, so fresh.

Leur nom : Hawaï Burger

Charlotte et Paul. Puis Charlotte, Paul et Kevin. Et enfin, Charlotte, Paul, Kevin et Yann constituent ce groupe.

Ils ont pris le caractère volcanique de l’île et le saignant de la viande du hamburger pour créer quelque chose de frais, spontané et de novateur.

Charlotte au chant et aux claviers (synthé, mélodica, glockenspiel etc..) est la carte pop du groupe avec une formation classique (au violoncelle),

Paul au chant et à la guitare est la carte électro,

Kevin est à la deuxième guitare, c’est la carte rock progressif,

Yann à la basse, dernier arrivé du groupe, est quant à lui l’ultime carte très rock.

Est-ce l’air du grand large et ses alizés bienfaiteurs que leur rock transporte ?
En tous cas, ce carré d’as pop folk a de quoi nourrir l’espoir que cette collaboration produise du beau et bon son.

Voici de quoi exciter l’appétit des amateurs de nouveaux talents. Les Inrocks, au travers de leur « Lab » ont mis le grappin sur ces djeunes plein d’avenir.

Si vous n’avez rien contre le sucré-salé, un groupe au nom du célèbre sandwich américain à base d’ananas, à déguster sans modération ?!

Voici quelques notes de « Spring break ».

Voici le clip de « New Skin » réalisé par Swoon Productions.

 

Pour en savoir plus sur Hawaï Burger :

Le Facebook du groupe  : http://www.facebook.com/HawaiBurger?ref=hl

Leur page Soundcloud: http://soundcloud.com/hawaiburger

L’adresse mail: burgerhawai@gmail.com



Mardi – Loheem

L’OM au Camp des Loges ?

Ah non pardon Loheem à la Loge ! (Paris 11, Métro Charonne)

Un concert comme on en redemande.
Milamarina pour débuter. La harpe électrique à l’honneur. Du beat. De la douceur.
Le public est séduit. Le public est surpris.
Mission réussie.

Puis Loheem entre en scène. Julie au chant, Antoine à la guitare.
Les chansons s’enchaînent et nous enchantent.
Les mélodies se mêlent. Les accords nous prennent au corps.

Et la voix nous laisse pantois.
Une voix pure, sans barrière, sans obstacle.

Un savoureux mélange d’anglais et de français.
Juste ce qu’il faut de chacune des deux langues pour nous dépayser, mais pas trop.
Pour nous perdre, et nous reprendre.
Acoustique, électrique. Tous les plaisirs sont là.

Et cerise sur la gâteau.
Sublimation, Nirvana.
Hommage à Kurt, ça ne s’invente pas ! Stay away !

Et on entraperçoit de nouveaux possibles.
La guitare rock. La voix qui porte.

Mais les lumières s’allument déjà.

Loheem
Facebook : https://www.facebook.com/loheem
Site Web : http://www.loheem.com/
Myspace : http://www.myspace.com/loheem
Noomiz : http://www.noomiz.com/loheem




Lundi – Kakkmaddafakka

Derrière ce nom bien étrange (qui n’est rien d’autre que la retranscription de Cock Mother Fucker … amis de la poésie bonjour), se cache un talentueux groupe norvégien !

Et dès les premières mesures, la fraîcheur de leur contrée d’origine nous entoure, nous envoûte, nous fait voyager, et nous emmène loin, très loin …

Des petits airs de pop, de rock, de jazz, … et même de rap !

En 2011, la bande conduite par les frères Vindenes sort son deuxième album « Hest ».

Petit aperçu …

Kakkmaddafakka

  • Axel Vindenes – guitare et chant
  • Stian Sævig – basse et chant
  • Pål Vindenes – violoncelle et chant
  • Jonas Nielsen – piano et chant
  • Kristoffer Van Der Pas – batterie

Musiciens associés

  • Martin Sande – chœurs
  • Sverre Sande – chœurs
  • Lars Helmik Raaheim-Olsen – chœurs

Sur Facebook : http://www.facebook.com/kakkmaddafakkamusic

Sur Twitter : http://www.twitter.com/kakkmaddafakka

Et sur le Net : http://www.kakkmaddafakka.com

 




Le Skeleton Band – Un côté « bastringue » et « bringuebalant »

Le Skeleton Band est un groupe ayant vu le jour à Montpellier, créateur d’un rock sombre et onirique aux multiples influences. Leur album « Bella Mascarade » sera dans les bacs le 20 février. Rencontre avec le chanteur, Alex Lee Jacob. 


Vous avez créé « Le Skeleton Band » en 2007, qu’est-ce que chacun de vous faisait avant de se lancer dans ce projet ?


Alex Lee Jacob : Avant on avait un autre groupe, une première expérience qui nous a appris à faire de la musique. Je sortais du Conservatoire d’Art Dramatique, Bruno (guitare basse et banjo) sortait tout juste du lycée et Clément (batterie) tentait une première année de musicologie.


Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur de l’aventure ?


Le premier groupe s’est séparé, on y était plus nombreux. On avait des divergences de goûts musicaux avec plusieurs membres, cela rendait la situation difficile. On s’est donc retrouvé tous les trois, ensemble nous sommes allés vers la musique qui nous touchait particulièrement. On peut dire que le véritable déclic ça a été quand pour mon anniversaire, j’ai reçu un enregistreur numérique quatre pistes ! Clément et moi nous retrouvions dans mon appartement pour essayer de créer des choses, c’est dans ces moments que sont nées les premières compositions que l’on a jouées avec “Le Skeleton Band” sur scène. Des musiques qu’on ne voulait pas voir “arrangées” par d’autres membres de l’ancien groupe.


C’était quand la première fois que votre travail a été entendu par le public ?


Lors de ma dernière année de Master Arts du spectacle à l’université Paul-Valéry (Montpellier). On a composé la musique de mon travail de fin d’étude tous les trois, c’était en mars 2007.


Quel est le type de musique qui vous touche ?


Notre groupe a des références communes, certains artistes ont été très importants, Tom Waits par exemple nous a beaucoup marqués. Tout ce côté “bastringue” ou “bringuebalant” des choses. L’idée, c’est que tous les sons, qu’ils soient industriels ou sortis de la rue, une fois liés à une musique traditionnelle, ça crée des histoires fortes qui racontent beaucoup de choses. C’est pour cela qu’on a tendance à dire que notre musique est cinématographique, parce que le collage de toutes ces sonorités créé un espace de voyage pour l’auditeur.


Quelles sont ces fameuses histoires que vous racontez dans votre album, « Bella Mascarade » ?


Dans ce disque il y a deux parties. Les huit premières chansons vont ensemble, elles créent une conclusion et un rebondissement au cœur de l’album. Dans celles-ci, il est question de gens qui auraient bien voulu être vagabonds, tout quitter et partir à l’aventure, mais ils échouent. C’est triste car en un sens, c’est pire que d’avoir une véritable vie errante, car ceux qui essayent seulement n’arrivent pas à se détacher de ce qui les entrave, pour pouvoir être libre. La seconde partie est plus fantasque, ce sont des vies de personnages décadents, il y a une chanson qui dépeint un tableau fait d’un équipage de migrants sur un bateau, certains sont travestis, d’autres sont ivrognes… Dans une autre chanson on rencontre un marginal qui refait le monde…


Vous auriez aimé être un vagabond et tout quitter ?


Je ne sais pas ! (Rires), je crois que c’est pas mal de fantasmer. Dans la réalité ce n’est pas la même chose.



Vous essayez de faire de vos prestations en live des moments particuliers ?


On a cette façon particulière d’exprimer notre musique sur scène, que certains qualifient de «théâtrale», même si je ne suis pas entièrement d’accord car ça reste de la musique avant tout. On a aussi eu la possibilité de faire quelques collaborations, ciné-concerts ou concert et bande dessinée. En mars on participe au festival Hybrides puisqu’on joue dans “Épreuve”, le nouveau spectacle de Julien Bouffier. On a toujours des projets annexes qui nourrissent l’univers du groupe.


Ce n’est pas trop difficile de trouver sa place quand on est un jeune groupe aujourd’hui ?


On a jamais eu de concessions à faire, mais on ne vend pas 10 000 albums ! Après, il est vrai qu’on ne gagne pas encore notre vie. On passe tout notre temps à faire de la musique, malheureusement ce n’est pas encore suffisant pour vivre. Même si ça va de mieux en mieux. On a choisi de mettre en avant notre univers qui est, je crois, très personnel. Donc on accepte les inconvénients que cela amène.


Pourquoi portez-vous le même nom de famille que le bassiste ?


Jacob ? C’est notre nom de famille ! Bruno est mon petit frère.


D’ou vous vient l’envie de chanter en Anglais ?


Nos influences sont anglophones, quand on est jeune artiste on essaye de prendre des appuis sur des modèles de musicalité. Les nôtres sont en anglais. Ils viennent de Tom Waits, Léonard Cohen ou Bob Dylan.


Plus d’informations sur Facebook




Hamlet Rock’n’Trash

Mélangez un crucifix à un préfabriqué, une enseigne lumineuse et quelques machines à café. Ajoutez-y un château gonflable, des coups de feu et une banane habillant un acteur. Secouez, et vous voilà dans l’écrin du Hamlet à la sauce Macaigne, rebaptisé pour l’occasion, « Au moins j’aurais laissé un beau cadavre ». Trois heures trente qui ne laissent pas rigide.


Dès les premières minutes, les hurlements et les insultes fusent entre Hamlet-fils et Claudius habillé du fruit cité précédemment. Oui, c’est bien une banane géante qui habille le fratricide. Ce costume et le dialogue irréel qui s’installe entre les deux hommes donnent le ton de toute la première partie : décalé, surprenant, vif, mais aussi un peu en force dans le jeu et un tantinet grossier, le texte étant parfois du Shakespeare, et à d’autres moments de l’authentique phrasé de pilier de comptoir.


Parfois, le public est interpellé, brusqué, arrosé (évitez les premiers rangs et les places côté escalier !), les images violentes fusent et servent bien certains passages de l’histoire, en particulier celui où Hamlet-fils est choqué par le remariage précipité de sa mère. Il s’en réfugie dans la tombe de son père, prend son cadavre dans ses bras, questionne le spectre paternel (ici, furet empaillé)… Bagarre, fruits qui volent, chaises que l’on casse, on voit tout. Rien n’est suggéré, et l’attention du spectateur est captée par l’excitante question : jusqu’où vont-ils aller ?


« Regarde toutes ces vieilles connes [le public], tu crois pas qu’elles ont été jeunes et belles comme toi ? » questionne Laërte à l’adresse de sa soeur. Cette phrase précède la nuit de noces érotiques entre Gertrude et Claudius, dont la couche nuptiale est la tombe du défunt frère/mari Hamlet Ier : de symboles et d’actions chocs, le spectacle foisonne. On se surprend même à sursauter et sentir d’agréables sueurs froides quand Hamlet-fils surgit une tronçonneuse à la main. Le juste milieu est trouvé, et sans jamais dépasser les limites, on se retrouve à rire, on se gausse de ce grand guignol de haute voltige dont le décalage est le mot d’ordre. Une première partie forte, violente et très drôle.


L’entracte offerte au public laisse à Hamlet le temps d’écrire « La souricière des traîtres », pour montrer à Claudius, son nouveau beau-père, qu’il connait la vérité sur le meurtre du roi.


Malheureusement, le second départ contient un peu plus de longueurs. Les acteurs semblent avoir du mal à passer de l’énergie explosive nécessaire à cette mise en scène, à la finesse requise pour certains passages du texte. Ceci a pour effet de casser le dynamisme impulsé aux débuts. Et puis ça hurle, ça ne s’arrête jamais de hurler, mais les gestes accompagnent moins cette colère. Dommage, car malgré cela, certains effets de scène sont bluffants et beaux dans le sens esthétique du terme, ils agissent comme une alternance entre de belles performances artistiques et des passages s’éternisant par un jeu d’acteur incertain.


D’après ce qu’il se dit, quelques soirs de rôdage ont aidé la troupe à trouver ses marques, et à emmener le public dans cet Hamlet qui, c’est certain, ne peut être imaginé avant d’être vu !


Après Avignon, il vous sera possible d’assister au spectacle aux endroits suivants :


2011


  • Du 2 au 11/11 au théâtre national de Chaillot (Paris)
  • Du 16 au 25/11 à la MC2:Grenoble


2012


  • Du 5 au 6/01 à la Filature / Scène nationale de Mulhouse
  • Du 11 au 12/01 à l’Hippodrome-Scène nationale de Douai
  • Du 18 au 20/01 au centre dramatique national d’Orléans/Loiret/Centre
  • Du 25 au 27/01 au Lieu unique (Nantes)
  • 8/02 au théâtres de la Ville de Luxembourg
  • Du 14 au 15/02 au Phénix / Scène nationale de Valence


Distribution


mise en scène, conception, adaptation Vincent Macaigne
scénographie Benjamin Hautin, Vincent Macaigne, Julien Peissel
concepteur son Loïc Le Roux
lumière Kelig Le Bars
artisanat Marie Ben Bachir


avec Samuel Achache, Laure Calamy, Jean-Charles Clichet, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Rénéric, Sylvain Sounier

 




Efraim Medina Reyes : « Ecrire, c'est aussi laisser les choses derrière soi, comme on sortirait les poubelles d'une maison »


« Il était une fois l’amour mais j’ai dû le tuer » est le Bildungsroman hallucinant et halluciné, sous acide, d’Efraim Medina Reyes, auteur originaire de Ville Immobile a.k.a Carthagène, Colombie. De ces romans, qui te brûlent les doigts rien qu’à les toucher, tant les mots sont incandescents. Frappée, tu le dévores en une nuit. Le matin venu, la plume d’Efraim Medina Reyes t’a laissé fiévreuse, un poil tourmentée mais repue.
C’est donc avec un peu d’appréhension que je m’apprête à rencontrer la « Bête », auteur de ce trip éveillé. Une heure durant, il répondra avec calme et beaucoup d’humour.
Extraits.


Commençons par le début. Tu pourrais me raconter ta rencontre avec la littérature ?


La littérature, c’est elle qui m’a trouvée. J’ai grandi dans un contexte où ces choses-là n’avaient pas d’intérêt. Je me suis d’ailleurs d’abord intéressé aux sciences. J’ai même étudié la médecine. Ma relation avec l’art s’est longtemps résumée à la musique. C’est un élément important de ma culture.
A l’âge de 21 ans, je suis tombé en dépression et ai été hospitalisé parce que ma situation psychologique était incontrôlable. J’ai pris beaucoup de médicaments. Mon psychiatre m’a alors offert quelques livres. Il pensait que ce serait une bonne idée que je lise. J’avais des problèmes d’insomnie, à l’époque. Il me les a donnés comme des somnifères. Un peu comme on donnerait de la dope à un sportif.
Parmi ces livres, il y avait « Le métier de vivre » d’un auteur italien, Cesare Pavese. Le psychiatre n’avait pas dû le lire. Pour un dépressif, ça peut être un livre dangereux. A la fin du livre, l’auteur dit que ce n’est plus la peine. Trois jours après, il se suicide. Curieusement, le livre de Pavese a eu un effet extrêmement fort et bénéfique sur moi. Je me suis relaxé. Et après l’avoir lu, j’ai pu dormir une dizaine d’heures d’affilée. Comme ça a marché, tout le monde a commencé à m’offrir des livres. De tout et n’importe quoi. Et je lisais tout. Je consommais. Peu importe. Ma mère allait m’acheter des livres. Elle ne connaissait pas grand-chose à la littérature : elle me prenait juste les plus gros.
Ce qui est très ironique, c’est que je me suis mis à lire tellement que j’ai fini par abandonner mes études de médecine. Au grand désespoir de ma mère qui, du coup, a voulu me soigner de la littérature. Et un peu comme l’homme qui au bout de plusieurs années de vie commune avec une femme, finit par l’épouser, je suis devenu écrivain.


Et ça correspondait à quelle période?


Si je me souviens bien, la première fois que j’ai écrit, c’était pour dire à une fille que je l’aimais. Une actrice de théâtre. C’était mon premier écrit: une lettre de quarante pages! Et elle n’a dû lire que les quinze premières parce que je n’ai jamais eu de réponse.
J’ai donc commencé par un échec. En tant qu’écrivain mais aussi en tant que séducteur.


Justement, la notion de l’échec dans ton oeuvre me fascine beaucoup. Dans ton dernier roman, la boîte de production s’appelle « Fracaso Limitida ». Le label que tu as créé « Fracaso Records ». Le titre, le cœur même du livre raconte un échec amoureux – « fracaso » en espagnol. C ‘est une obsession?



J’ai grandi dans un quartier très difficile, très pauvre et aussi, très violent. Les gens ne mourraient pas de faim. Mais ils n’avaient absolument rien. Il n’y avait pas de place pour l’ambition.
Avec mes amis, notre passe-temps préféré se résumait à chasser des gringas à la plage, et attaquer des gringos sur les remparts.
Avec ces amis, j’ai eu envie de monter un groupe de musique. Ca ne les intéressait pas vraiment. Mais je suis très têtu. J’ai réussi à les convaincre. Aucun d’entre nous n’avait vraiment de connaissances musicales. Mais en Colombie, si tu demandes à quelqu’un dans la rue, tu peux m’emmener sur la lune, il ne te dira jamais non. Il te répondra qu’il va essayer. On s’est donc lancés, avec un talent plus que bancal. Le nom de notre groupe en a découlé: 7 Torpes. Les sept maladroits. Alors qu’on n’était que trois.


Un peu comme les sept plaies d’Egypte ?


Mais oui, certainement! (Rires). On a joué dans des bars. Le patron nous faisait jouer à la fin parce que ça correspondait au moment où il avait envie que les gens s’en aillent. Notre premier enregistrement sur cassette – il y en avait 30 copies, on l’a intitulé « Chansons médiocres ». On a dû en vendre 9. Comme ça devenait une petite entreprise, on a décidé de lui donner un nom: Fracaso Limitada. Notre slogan: « Là où il y a un échec, nous sommes là ». Même quand ça a commencé à marcher, j’ai voulu garder ce nom parce que pour moi, c’est comme une manière de me protéger. Dans cette devise, j’y ai trouvé un peu ma manière d’ « être » au monde.


Et tu te considères d’abord en tant que musicien ou en tant qu’écrivain? Ou aucun des deux?



Quand on me propose un travail, j’ai pour habitude de répondre que je ne sais rien faire. Mais j’ai une façon bien à moi de ne pas savoir faire.
A mon sens, il n’existe pas de disciplines, d’arts ou de gens différents. Mais juste des langages. Ce qui m’importe, c’est d’ « exprimer » mon langage. Quelque soit le medium. Je pourrais tout aussi bien le faire en étant serveur dans un restaurant.


C’est quelque chose qu’on retrouve dans ton œuvre. Dans le roman, il y a plusieurs couches de narration, comme plusieurs angles cinématographiques. Plusieurs chapitres, plusieurs arts représentés. Tu sous-titres ton roman « musique des Sex Pistols et de Nirvana ». C’est un concept?



Parler de littérature, c’est obsolète. C’est comme les Italiens qui adorent le tango, en ce moment. C’est absurde! Je ne suis pas un écrivain au sens de la littérature. Je suis un écrivain au sens d’écrire. Ce qui m’importe, ce n’est pas la littérature mais écrire. Si je pouvais, j’utiliserais les mots comme des artefacts, des legos pour créer des structures.
Écrire « pour » la littérature, ça reviendrait à apprendre le tango. Il faudrait apprendre les mouvements, mais aussi les émotions. Comme si c’était quelque chose qu’on pouvait transmettre. A Rome, j’ai déjeuné un jour avec deux fans de tango. La fille n’a pas voulu s’asseoir sur sa chaise parce que ça ne correspondait pas à une posture de tango. Au fond, c’est comme si elle était dans un cercueil. Si j’écrivais « pour » la littérature, je serais aussi dans un cercueil.


Dans ton dernier roman, le héros Big Rep te ressemble furieusement. Est-ce ton double ou personnage purement fictionnel ?



La réalité est absurde. On ne peut pas faire de la réalité un langage. C’est pour cela qu’il faut fictionnaliser la réalité pour la rendre langage. J’ai eu une existence absurde. La seule chose qui puisse me faire du bien, c’est de faire du réel un objet littéraire. Un auteur ne peut pas être un seul personnage puisqu’il les a tous créés. Il y a quelque chose de moi dans chaque personnage. Si j’ai été Rep un jour, je ne le suis plus. Ca appartient au passé et n’existe plus aujourd’hui. Écrire pour moi, c’est aussi laisser les choses derrière moi, comme on sortirait les poubelles d’une maison.


Il était une fois l’amour mais j’ai dû le tuer
d’Efraim Medina Reyes, à 13e Note Editions. Disponible dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.


Merci à Jeanne Chevalier, co-traductrice du roman et à Isabelle Louis, les anges gardiens de cet entretien! Et bien sûr, Efraim!