Devenez machiavélique en 10 leçons
Trois princes en devenir viennent pour un stage, animé par le coach Machiavel et son assistante, sur la thématique « comment conquérir le pouvoir, et comment le garder ». Sur scène, tout a l’apparence d’un séminaire d’entreprise : lumières en plafonnier, cloisons amovibles, café et matériel de jeu. Dans la salle, un peuple qui ne demande qu’à être gouverné : le public.
Une suite d’exercices pratiques permettra à chacun des participants de conquérir le pouvoir, et immanquablement de le perdre. Les attributs de ces princes-stagiaires sont aussi contemporains que grotesques : une couronne d’Epiphanie, un carrosse qui est une Peugeot 607 coupée en deux… Les armes sont des pistolets de Laser Game et chacun porte une cible qui permet au détenteur du pistolet de les éliminer (et de passer 5 minutes dans le couloir). A chaque échec, coach Nicolas souffle dans son sifflet en or pour « débriefer » sur la scénette qui vient de se dérouler.
Les participants, timides d’abord, prennent peu à peu goût au principe et laissent jaillir la part de noirceur qui les habite de façon de plus en plus naturelle et spontanée. Nous, public, nous laissons mener dans le tumulte comme une sorte de jeu dont on serait le héros et l’on encourage telle ou telle action de la part des personnages en fonction de l’empathie qu’il inspire. Les passions se déchaînent et donnent lieu à des passages délirants ; on pense notamment au moment où la princesse Myriam décide de « faire la teuf » et se retrouve à fesser Max sur le dancefloor au son endiablé d’un madrigal.
Le texte originel de Machiavel, on ose à peine le présenter. Daté de 500 ans, il aurait tout aussi bien pu être écrit hier. Empreint d’un fort cynisme (d’autres diraient réalisme), il égraine les bons conseils pour un accaparement du pouvoir réussi. C’est tellement fin que la recette semble encore être la bonne aujourd’hui. L’homme est sombre, et Machiavel ne s’embarrasse pas d’humanisme pour tenter de l’en excuser.
Laurent Gutmann a fait un grand travail d’adaptation, partant de la forme d’un traité, il réussi très bien à le transformer en conseils avisés de pédagogue moderne. Seul le personnage de Nicolas porte la bonne parole, parfois un peu aidé par Karine, son assistante. Les personnages, eux, dialoguent d’une façon qui semble être la plus spontanée qui soit. Oui, cette pièce mérite bien son sous-titre : « tous les hommes sont méchants » !
« Le Prince » de Machiavel, adaptation et mise en scène de Laurent Gutmann, au Théâtre Paris-Villette jusqu’au 8 octobre, du mardi au samedi à 20h. Dimanche à 16h. Durée : 1h35. Plus d’informations sur www.theatre-paris-villette.fr.