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Feuilleton théâtral : semaine n°45

Copyright : Danica Bijeljac
« L’Abattage rituel de Gorge Mastromas » / Copyright : Danica Bijeljac

En cette semaine n° 45, William Shakespeare est (encore!) omniprésent : du Théâtre de l’Aquarium au Cent-Quatre, bien qu’il ne m’aie pas suscité la même exaltation partout…

Du côté de la Cartoucherie, on voit succéder à « Hamlet Transgression » – variation sans queue ni tête aux formes ringardes se déclarant actuelle – « Richard III, loyaulté me lie ». Ce dernier est une adaptation de Jean Lambert-wild qui a remporté un large succès critique, mais ne m’a pas convaincu tant je trouve que l’œuvre est débarrassée de sa noirceur. Devenu clown sur un stand de foire, dans une ambiance sucrée et colorée, Lambert-wild joue le rôle principal face à Élodie Bordas qui incarne tous les autres. Trucs et astuces amusent le spectateur et nous mènent loin de ce que j’aime chez Shakespeare, d’autant que la pièce a été brillamment montée ces dernières saisons par Thomas Jolly, mais aussi et surtout par Thomas Ostermeier.

Toujours pour Shakespeare, au Cent-Quatre, le collectif OS’O adapte Timon d’Athènes et Titus Andronicus. Ici aussi l’anglais est totalement débarrassé d’une quelconque fidélité au texte : les bordelais, vainqueurs de l’édition 2015 du Festival Impatience s’évertuent à extraire les enjeux principaux des deux pièces pour questionner le rapport de l’humain aux dettes, financières et morales : un spectacle actuel et prenant comme une série américaine.

"Nkenguegi" - Copyright : Samuel Rubio
« Nkenguegi » – Copyright : Samuel Rubio

D’autres collectifs se sont illustrés mercredi et jeudi. Les 11 acteurs, danseurs et musiciens qui entourent Dieudonné Niangouna au Théâtre Gérard Philipe dans une création ardue, « Nkenguegi », assurent le « show ». Mais ce mélange où se croisent le drame du Radeau de la Méduse – sans dire que les naufragés sont des colonisateurs au large des côtes du Sénégal – et le drame des migrants qui échouent en Méditerranée, est un patchwork de mots si confus qu’on est vite pris en otage par l’ennui. Du côté du Théâtre-Studio d’Alfortville, un autre collectif raconte la vie de Gorge Mastromas (de Dennis Kelly), mis en scène par Maïa Sandoz, le pari est réussi. On y voit Adèle Haenel, fondue dans la troupe qui l’a accompagnée depuis le début de sa carrière. Peut-être aurais-je attendu davantage d’une actrice césarisée ? Mais son attachement à être un composant de ce groupe est bien respectable.

Enfin, j’ai passé mon dimanche 13 novembre au Théâtre de l’Œuvre, en compagnie d’Isabelle Carré. Élégante, satisfaisant un public de matinée, elle joue un texte de Clémence Boulouque qui ne mérite aucun intérêt. Pas plus que le UBU Café nouvellement installé au sous-sol du théâtre et, si le personnel y est très souriant, est éclairé par une lumière si froide que l’on préfère la rigueur automnale de l’extérieur pour patienter.

Hadrien Volle

  • « Hamlet Transgression », jusqu’au 3 décembre au Théâtre de l’Aquarium

  • « Richard III, loyaulté me lie », jusqu’au 3 décembre au Théâtre de l’Aquarium

  • « Nkenguegi », jusqu’au 26 novembre au Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis

  • « L’Abattage rituel de Gorge Mastromas », jusqu’au 19 novembre au Théâtre Studio d’Alfortville

  • « Timon/Titus », jusqu’au 26 novembre au Cent-Quatre

  • « Le Sourire d’Audrey Hepburn », jusqu’au 8 janvier 2017, au Théâtre de l’Œuvre




« Les Gens » tournent en rond

Michel Corbou
Michel Corbou

À la base, la création des « Gens » est plutôt une belle histoire : alors qu’il est directeur de la Colline, Alain Françon monte les célèbres « Pièces de guerre » d’Edward Bond. Entre l’écrivain et le metteur en scène, c’est le coup de foudre immédiat. Une envie si productive qu’Edward Bond n’écrira pas une, mais cinq pièces pour lui. De ce projet appelé la « Quinte de Paris », « Les Gens » est le quatrième opus. Après la grande première qui a eu lieu au TGP de Saint-Denis, Alain Françon a confié aux journalistes qu’il ne créerai pas la dernière pièce car elle est « immontable ». Dieu merci !

La mise en scène est intéressante, sur un plateau qui semble être un flan de montagne volcanique, les acteurs sont toujours en déséquilibre. Françon joue de ces étranges postures que cela provoque, et c’est bien maîtrisé. Les lumières complètent l’ambiance de ces tableaux funestes, tantôt très présente, tantôt presque absente, il n’y a pas de doute, c’est beau. Mais la beauté ne suffit pas, ou peu : elle lasse vite quand il n’y a qu’elle. Et c’est bien là le point noir de ce spectacle.

Le texte est en grande partie imbuvables. Dans une dystopie qu’on imagine post-apocalyptique, le drame se déroule dans un cimetière. Des hommes errent, ils sont profondément abîmés,  comme le paysage. Chaque personnage (ils sont 4) est enfermé dans une histoire qu’il répète inlassablement de plusieurs façons. Les temps de lucidité dans leur histoire laissent apparaître un profond désespoir. Toutes ces phrases n’arrivent nul part, ou disons que, la fin est si prévisible qu’elle ne nous surprend pas. On se rend compte que les protagonistes avaient tous (plus ou moins) une relation qu’ils ont tous (plus ou moins) consciemment oublié à cause d’horreurs vécues.

Et pourtant… Quelques idées apparaissent, très actuelles, sur l’impossibilité de la communication entre gens proche. On y lit aussi l’absence de bienveillance à l’attention des autre, on y voit l’existence comme un simple rite funéraire. Mais tout cela est très brouillon.

On en vient à plaindre les acteurs, particulièrement Dominique Valadié et Aurélien Recoing qui font preuve d’un jeu assez virtuose, mais qui ne suffit pas à nous accrocher. Dans cette situation qu’ils jouent le texte des « Gens » ou qu’ils jouent « Les Pages Jaunes », l’effet pour le public sera sans doute le même.

Pratique :

Jusqu’au 7 février 2014 au théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis
59 boulevard Jules Guesde, 93200 Saint-Denis (Métro Basilique de Saint-Denis)
Lundi, jeudi et vendredi à 20h / Samedi à 18h / Dimanche à 16h
Durée du spectacle : 1h45
Tarifs : de 6 à 22 euros.
Réservations au 01 48 13 70 00 ou sur www.theatregerardphilipe.com/