[Exposition] « Précieux vélins » au Muséum d’Histoire Naturelle : un Éden en fleur au milieu de l’hiver
À l’occasion de la parution de l’ouvrage « Les vélins du Muséum national d’histoire naturelle », sous la direction de Pascale Heurtel et Michèle, aux éditions Citadelle et Mazenod, le cabinet d’histoire du Jardin des Plantes expose une sélection de près de 150 vélins parmi les 7000 réalisés du XVIIème au XXème siècle. Une occasion unique d’admirer des œuvres fragiles très rarement sorties, porteuses de l’histoire riche de ce lieu mythique qu’est devenu le Jardin des Plantes.
« Préparez-vous à faire avec moi le tour du globe. C’est peut-être le tour de Paris ; mais n’importe. Là nous embarquâmes pour traverser la Seine et aborder au Jardin des Plantes », écrivait L.F. Jauffret à la fin du XVIIIème siècle dans son Voyage au Jardin des Plantes. Pascale Heurtel, conservatrice à la bibliothèque centrale du Muséum, est parvenue à proposer un véritable voyage au cœur des collections dont elle est en charge, et nous embarque à son tour dans une immersion qui embrasse près de trois siècles. Cela en dépit d’une contrainte de poids, à savoir le manque d’espace dont dispose le Muséum d’Histoire Naturelle pour proposer une exposition d’envergure.
Au milieu du Jardin des plantes, l’histoire se sème depuis 1635. Ici se trouve le cabinet d’histoire, où se tient l’exposition qui, d’une certaine manière, a déjà commencé dès lors que l’on a franchi l’enceinte par la rue Cuvier : pour tout visiteur sensible à l’histoire du lieu, c’est là que logeaient les artistes pensionnés par le Muséum sous l’Ancien Régime. Dès les premiers pas dans le cabinet, une généalogie de ceux qui ont participé à l’entreprise d’inventaire de la nature nous accueille, placée directement face au livre prétexte à l’exposition et à de nombreux cartels qui mettent en lumière le vélin comme matériau : peau de veau mort-né, et pour cela support d’exception.
Le « Raphaël des fleurs »
À l’origine de la collection des vélins, le frère de Louis XIII, Gaston d’Orléans (1608-1660). D’après le botaniste Antoine de Jussieu, celui-ci « ne se contenta plus dans son jardin de voir croître les plantes rares […], il voulut encore que son cabinet fut orné des dessins et des peintures qu’il faisait faire d’après le naturel ». Nicolas Robert fut alors le premier peintre à réaliser des vélins de ce qui allait bientôt devenir une grande collection à la croisée des arts et des sciences. Après lui se sont succédés Jean Joubert, Claude Aubriet, Madeleine Basseporte (qui « conservait la nature des plantes » dans ses dessins, selon Jean-Jacques Rousseau), Gérard Van Spaendonck, ou encore Pierre-Joseph Redouté (aussi appelé le « Raphaël des fleurs »). Ces artistes était tenu de fournir régulièrement des vélins. D’abord destinés à servir les arts décoratifs et la broderie, ces dessins tendaient en même temps à devenir de réels outil pour les naturalistes, notamment lorsque le Jardin du Roi est remanié en 1793 en Muséum d’histoire naturelle et que les vélins sont entreposés à la bibliothèque à la vue du public.
Dans deux petites salles d’exposition tapissées de rouge, comme pour subtilement rappeler le cuir des portefeuilles gardant depuis des siècles ces vélins, s’organise un dialogue intelligent entre la faune et la flore. Suivant un cheminement chronologique, les dessins sont exposés sous vitrines et ne restent accrochés que peu de temps, de sorte que l’exposition aura changé trois fois en quelques mois pour éviter d’abîmer les œuvres.
Sur les murs, des fleurs et plantes rares ayant été naturalisées au Jardin, mais aussi oiseaux, chevaux et autres animaux de la main de Robert à Redouté. S’il fallait retenir une seule chose de cette collection, c’est l’esthétique commune à toutes les œuvres.
Enfin, aux images se greffent des écrits, car pour ne citer que Les Liliacées de Redouté, de nombreux vélins firent l’objet de gravures et de publications. Il ne faut pas perdre de vue que, pour le savant, ces représentations venaient compléter des observations et des écrits que les commissaires de l’exposition nous montrent également. Bien que l’ordre chronologique ordonne la visite, les nombreuses indications tendent à reconstituer l’usage des vélins suivant les siècles. Une place particulière est donnée au caractère éminemment scientifique des œuvres, qui au premier coup d’œil, ravissent surtout pour leur beauté incontestable.
Face aux contraintes techniques pesant lourdement sur l’organisation d’une telle exposition, il faut saluer l’effort de construction d’un discours commun à des œuvres contraintes à la rotation. Toute l’intelligence de ce voyage réside dans ce fascinant effort d’inventaire de la nature ayant traversé les siècles et tient finalement dans le titre de l’exposition « Précieux vélins ». Ainsi, jusqu’au 13 janvier et pour la première fois depuis 1793, au Cabinet d’Histoire du Jardin des plantes : un Éden en fleur déjoue l’hiver et le cour de ses heures.
« Précieux vélins. Trois siècles d’illustrations naturalistes », sous la direction de Pascale Heurtel, au Cabinet d’Histoire du Jardin des Plantes, Muséum National d’Histoire Naturelle, entrée par le 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Tarifs : 1€ tarif réduit, 3€ plein tarif. Prolongation jusqu’au 13 janvier 2017. Plus d’informations ici : http://www.mnhn.fr/fr/