Houellebecq, where art thou?
Depuis que le rejeton Cinéma a vu le jour, l’adaptation littéraire est une des figures imposées du parfait petit cinéaste.
Les plus grands s’y sont frottés, parfois avec bonheur (Barry Lyndon, Lolita) mais – n’est pas Kubrick qui veut, très souvent, avec perte et fracas. L’exercice n’est pas aisé. Certains critiques et spectateurs crieront à la trahison de l’esprit de l’œuvre et du texte, d’autres à une illustration insipide et sans saveur, qui n’apporte rien de bien neuf.
En 2006, le réalisateur Oskar Roehler, auteur des turbulents « Suck my dick » et « Der alte Affe Angst », se risque à l’adaptation du best-seller casse-gueule de Michel Houellebecq, les Particules élémentaires. Son passé de trouble-fête aidant, on aurait pu s’attendre à une œuvre insidieuse et aux relents de soufre.
Hélas, force est pour nous de constater que M. Roehler est tombé dans les deux travers précédemment cités. De la sève vénéneuse et dense de l’univers houellebecquien, point de gouttes.
Bruno (Moritz Bleibtreu) et Michael (Christian Ulmen) sont demi-frères, rejetons d’une mère folâtre, une Pamela Anderson peace and love, surfant sur la vague des plaisirs beatniks.
Nos deux anti-héros, élevés séparément, sont diamétralement opposés. L’un, scientifique brillant, est un handicapé des sentiments et du sexe. L’autre, professeur de lettres, est l’archétype de l’obsédé sexuel maladroit. Sans surprise, ils sont seuls. Ils rencontreront pourtant l’amour. Michael se laisse séduire par son amie d’enfance, Annabelle. Bruno découvre sa femme idéale, Christiane, partageant ses fantasmes les plus hard.
Si le film reste relativement fidèle à l’intrigue du roman, il n’en assume pas l’esprit cynique et désenchanté.
La photographie arbore des couleurs criardes. Du côté bande originale, rien de bien innovant, on est dans le cliché, allant pêcher dans des classiques des années 60, utilisés déjà cent fois dans d’autres productions allemandes.
La mise en scène est plate, creuse, même, à l’image du regard inexorablement vide de Christian Ulmen, qui offre là une bien piètre performance.
Mais au bout de ce tunnel sans fin d’ennui et d’agacement, une lueur: l’interprétation inspirée de Moritz Bleibtreu, récompensée avec raison d’un Ours d’argent.
Parmi les desserts toujours très attendus de l’adaptation littéraire, « les Particules élémentaires » ressemble à un soufflé raté, au goût insipide, dégoulinant d’une mélasse mélodramatique, un comble pour une traduction du désenchantement houellebecquien.
Au début du film, Michael se pose la question si son étude sur la reproduction artificielle est digne d’être poursuivie. Après coup, on se demande si ce n’est pas là une retranscription du journal de bord de tournage de Roehler s’interrogeant sur la pertinence de sa « reproduction artificielle » du roman de Houellebecq.
De toute évidence, la réponse est non. Capitaine Roehler, c’est un naufrage. Comme vous dites si bien, « Bonjour l’angoisse! ».
Les particules élémentaires d’Oskar Roehler. Avec Moritz Bleibtreu, Christian Uhlmen, Franka Potente et Martina Gedeck. 1h53. 2006. Disponible en DVD.