GaBLé : « Dès qu'on maîtrise un son parfaitement, on se dit qu'il faut aller chercher autre chose »

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GaBlé ? C'est Gaëlle, Thomas et Mathieu. Trois Caennais qui font de la musique. Leur style ? On vous laisse le soin de le définir. Si on devait quand même craquer, on aurait envie de les appeler les Monty Python de la musique. Ils s'amusent, et ça s'entend. Ils expérimentent, ils recherchent, ils étonnent, avec humour et simplicité. Entretien.


arKult : Difficile de vous mettre une étiquette. D'ailleurs, quand on parle de vous dans la presse, les mots qui reviennent souvent sont « bidouillage », « électro-foutraque ». Est-ce que l'image qu'on vous colle est celle que vous voulez donner ?


Mathieu : Ce qui me plaît, c'est que ce soit si difficile à cerner. Et que nous, on n'ait pas à le faire. J'aime bien voir les personnes qui nous suivent définir elles-mêmes ce qu'elles entendent. Et pop foutraque, je trouve ça plutôt cohérent.

Entre vos premiers albums et Cute Horse Cut, le bidouillage n'est en tout cas plus du tout le même. Il est quand même beaucoup plus maîtrisé, maintenant, il me semble.

Gaëlle : On était bordéliques à l'époque.

Mathieu : On avance, mais on garde le côté qui fait qu'on enregistre dans tous les sens puis on recherche une harmonie dans ce bordel là !

Comment est-ce que vous composez ?

Mathieu : On enregistre pendant des semaines. Puis on pioche dedans, on découpe, on remodèle, on colle. Ca donne des chansons plus courtes qu'on rebidouille. Parfois on rajoute du chant mais on enlève la guitare. Jusqu'à qu'on trouve quelque chose qui nous plaît.

Le tout, depuis chez vous, c'est ça ?

Thomas : Oui, et c'est un choix super pratique, qui nous permet de pouvoir passer beaucoup de temps à enregistrer. On ne ferait pas la musique qu'on fait si on allait dans des studios, parce qu'on serait limité dans le temps, les sons, les outils. Là, on peut quasiment tout se permettre. Il y a tellement de choses qu'on peut encore explorer, comme les bruits de la nature. On s'en est déjà inspiré, mais pas assez, peut-être parce qu'on a un micro au milieu du salon et qu'on s'intéresse souvent plus aux bruits qui viennent à nous.

Est-ce que chaque chanson correspond à un projet ?

Mathieu : Il y a des morceaux pour lesquels on va dans tous les sens, puis tu te rends assez vite compte, après trois morceaux acoustiques avec du chant, qu'il faudrait en faire un avec guitare électrique, sans chants. Peut-être qu'on fait attention à ne pas rester tout le temps dans la même énergie, la même direction.
Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas une personne qui compose et les autres qui jouent. C'est tout le temps déséquilibré. Parfois c'est Gaëlle qui compose, une autre fois c'est Thomas qui amène un texte, et on pose la musique dessus. C'est le morceau qui fait l'expérience, et ce n'est jamais tout le temps pareil.

Faire des morceaux courts, c'est un hasard aussi ou un choix ?

Thomas : C'est pas tant un choix que notre façon de faire. Il y a un énorme boulot d'écrémage, je crois. Dès qu'une chose nous semble se répéter, ça perd du sens. Une fois qu'on a dit un truc une fois, ça ne nous semble pas nécessaire de le répéter.

Mathieu : Je me rends compte que même quand on essaie d'étirer au maximum parce qu'on a une chanson d'1 minute 30, elle fera 1 minute 40 ! On essaie vraiment de faire qu'ils soient plus longs, mais on n'y arrive pas !

Pourquoi est-ce que vous chantez de plus en plus en anglais ?

Mathieu : Parce que c'est rigolo quand t'es Français de chanter en anglais. Quand un Français chante français, il y a un impact, une espèce de truc direct, de communication, où tout d'un coup le texte prend un sens énorme. Et là le fait de chanter en anglais en France, ça te donne l'impression que tu peux porter moins d'importance au texte, même s'il l'est. Du coup, tu développes autre chose.

Cute Horse Cut est la traduction un peu boîteuse d'une blague française. Seminéoproantiantifolk. Purée hip-hop… : vous aimez autant jouer avec les mots qu'avec les sons ?

Mathieu : Oui, c'est de la musique, c'est un plaisir, des choses ludiques. C'est bien d'essayer de changer, et en effet, on s'amuse autant dans les titres que dans les sons.

Gaëlle : D'ailleurs, pour seminéoproantiantifolk, c'était Herman Düne qui faisait de l'anti-folk, et à cette époque on nous demandait beaucoup quel style on faisait, alors on a inventé celui-là.

Vous dîtes à chaque fois que vous n'êtes pas de bons musiciens. Est-ce pour cela que vous vous servez du coup de tout ce qui vous tombe sous la main, que vous donnez sa chance à tout objet ?

Thomas : C'est bien vu! On n'essaie pas de hiérarchiser entre les instruments nobles, les choses bien jouées, la virtuosité, et les petits bruits et bruitages. On essaie de trouver un juste équilibre entre tout ça.

Et alors est-ce que le fait d'explorer autant de styles, de sons, ou encore de voix, ça correspond à une recherche peut-être d'un son, peut-être du morceau parfait, une sorte de quête ?

Thomas : Je ne me pose pas la question. Je suis content de ce qu'on fait et de la façon dont on le fait, et que ça mérite d'être creusé encore.

Mathieu : Et je fais toujours attention à ce qu'on n'aille pas dans la direction dans laquelle on se se sent à l'aise. Dès qu'il y a un truc qu'on maîtrise parfaitement, on se dit qu'il faut aller chercher autre chose. Je crois que ce qu'on fait, on le fait aussi parce qu'il y avait de la place pour ça. Je trouve que c'est assez facile de s'installer dans un milieu. Le fait de ne jamais être en place, ça amène à plus de possibilités, plus de risques, plus de tout. Je trouve ça très excitant. Après, peut-être que ce qu'on fait n'est pas nouveau du tout, mais quand on le fait on se dit que c'est bien notre identité qui est là dedans.

GaBlé a sorti le 22 mars un nouvel album, Cute Horse Cut. Après le Café de la Danse, à Paris, le groupe est en tournée, en France et en Europe. Les dates sont à retrouver sur leur site.

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