« Golgota Picnic », un doux pétard mouillé

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On vit vraiment une drôle d’époque, plus de 2000 ans après la mort du Christ, il se trouve encore des gens pour hurler au blasphème et proférer des menaces, dont le Seigneur se serait bien gardé, à l’attention de l’équipe de « Golgota Picnic » pour avoir mis sur pied une pièce faisant soi-disant offense à Jésus.


Le soir de la première, il est difficile d’accéder au théâtre plus d’une heure trente avant la représentation. Un premier cordon de sécurité à 100 mètres de la porte ne fait passer que les spectateurs munis de billets; à l’entrée, un second contrôle ne vous laisse que vos chaussures et avant de pénétrer dans la salle de spectacle, on passe un dernier détecteur de métaux, histoire d’être tranquille. Si vous décollez depuis l’aéroport du Rond-Point, vous ne risquez pas d’embarquer un terroriste à bord !


Enfin, une fois face à la scène, on savoure avant même le spectacle. D’être entré, certes, mais aussi cette délicieuse odeur de pains à hamburger, qui sont étalés sur la scène en totalité. Jean-Michel Ribes, faisant les cents pas de façon papale surveille au bon ordre de l’installation du public. Après 20 minutes de retard, les acteurs entrent enfin…


C’est parti pour une heure et des poussières de reproches en tout genre à l’Eglise, ils sont bien écris, prêtent à sourire, nous divertissent sans ennuyer. Listant tour à tour les méfaits d’une religion qui a perdu la confiance de ses fidèles (pédophilie, inquisition, génocides…), Garcia parle comme un enfant qui se rend compte de la véritable nature de ce qu’il a fantasmé, ou ce qui l’a guidé pendant des années mais qui aujourd’hui a perdu toute crédibilité dans son monde, ce monde qu’il semble détester et qu’il ne regrettera pas de quitter (message transmis par les acteurs).


Dans les premières minutes, la tension des contrôles de sécurité n’est pas complètement retombée, on s’attend au pire, aux symboles trash et insoutenables, il n’en est rien, pas même une esquisse. Une légère larme vient pour l’auteur, qui semble en fait terriblement déçu de l’absence de Dieu. Mettant les actions de l’église face à leurs contradictions (les Noirs ont été créés pour danser le funk et rouler des havanes), Garcia ne fait pas pour autant de la propagande anti-christique, encore moins « christianophobe », néologisme se prêtant très mal à ce propos. L’auteur ne cherche pas à convaincre, il se contente juste de se raconter, ça peut nous intéresser comme on peut faire le choix de s’en foutre. Les seules choses que les comédiens maltraitent sont d’authentiques vers-de-terre filmés en gros plan, affairés à bâtir une tour de Babel symbolique en tranche de pain.


Les acteurs sont à l’aise et jouent bien, même si le texte prononcé se suffit à lui même, la mise en scène n’est pas transcendante ni ratée, banale en somme, si on enlève les hamburgers.


Malgré les citations de Bush prêtées au Christ, (« Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi »), la qualification de « messie du SIDA », n’ayant « jamais travaillé » reste quand même très soft comparé aux moindres dialogue de L’Exorciste ou des paroles d’un groupes de death metal quelquonque, qui pourtant ne mobilisent pas autant d’intégristes aux portes de leur salles respectives.


Mêlant théâtre, performance et musique, quelques symboles sont bien intégrés, de la plaie au flan de Jésus servant de poche pour l’argent, aux acteurs recouverts des couleurs de la Vierge utilisées dans l’iconographie religieuse (bleu et rouge) jusqu’à en devenir des êtres ignobles couverts de boue, jusqu’à la création en direct d’un authentique Suaire de Turin. Mais ces quelques idées n’atteignent pas la moitié d’un « budget ménage » nécessaire à un Macaigne.


Le texte se termine sur un facile « Pour trouver ta voie, il y a Google Maps », avant de conclure la pièce (les quarante dernières minutes), sur un piano où un musicien nu interprète les « Sept dernières paroles du Christ » adaptées pour l’occasion. Bien que d’une belle interprétation, la force se perd entre chaque mouvement et, au moment d’applaudir, le public est un peu perdu. Egaré entre la haine portée par les acteurs au premier acte et l’amour donné par la musique en conclusion.


Etrange goût amer que laisse un spectacle sans trop de pépins. Une bombe qui se révèle en fait n’être qu’un doux pétard mouillé, un bon boulevard un peu osé-olé qui a pris comme thème le Christ quand d’autres ont choisi le couple ou les discussions de comptoir.


Golgota Picnic

 

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Un commentaire pour “« Golgota Picnic », un doux pétard mouillé”

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  1. Je trouve qu’on parle de tout maintenant à propos de la religion, cible facile et peu originale.
    Ayant moi même assisté au spectacle , bien que peu religieux j’en ai été choqué.
    On ne peut se permettre de rejeter son mal-être en vomissant sur l’Eglise ou autres maisons religieuses. Certes il faut la liberté d’expression, mais personnellement je la préfère constructive

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