Si cette année le Festival d’Avignon revendique son caractère politique, la pièce « Alors que j’attendais » mise en scène par le syrien Omar Abusaada met le focus sur le Moyen-Orient et sa brûlante actualité. À partir d’un fait réel, à savoir la mort en 2013 d’un jeune syrien battu après deux mois passé dans le coma, le metteur en scène qui était allé à la rencontre de la famille au moment des faits, a construit son spectacle sur ce moment d’inconscience qui éclate, qui rapproche les familles et fait émerger des sentiments inavoués que seul un contexte mêlant si brutalement espoir et deuil peut faire émerger. Avec Mohammad Al Attar qui est à l’origine du texte, Omar Abusaada s’inscrit alors dans un théâtre documentaire résistant.
Les événements se déroulent à Damas où Taim a été admis à l’hôpital après avoir été retrouvé inconscient à un checkpoint, gisant dans son sang sur le siège de sa voiture dans des circonstances inexpliquées. Depuis, il est dans le coma, allongé sur un lit d’hôpital au milieu d’une scène vide, surmontée d’une structure métallique imposante sur laquelle l’esprit du jeune Taim va s’élever pour surplomber et le public, et le checkpoint familial qu’est devenue sa chambre d’hôpital. En effet, depuis son coma le jeune homme entend tout et croit pouvoir se déplacer au milieu de ses proches venus se recueillir, se rencontrer et souvent, se heurter. Face à l’incompréhension de cet accident, sa mère, sa sœur, sa compagne et d’autres proches apportent leur version des raisons qui auraient pu le conduire là. Autour de l’inconscient, la famille fractionnée depuis longtemps se trouve bouleversée par des silences enfin levés, comme ce qui avait poussé Salma, la sœur de Taim, à partir pour Beyrouth. Avec quelques touches d’humour qui rendent le spectacle moins difficile d’accès qu’il n’y paraît au début, des sujets d’actualité comme la situation de la Syrie, et graves comme la peine de cette famille sont abordés.
Au-delà de leurs émotions respectives face au corps inanimé, c’est une réflexion sur la situation de Damas, sur Bachar el-Assad et l’islam radicalisé qui traverse le spectacle. Grâce à une création sonore réalisée à partir de bruits de bombardements, d’appels à la prière, de « soupirs de ceux qui font encore l’amour » et de circulation routière, l’ambiance créée saisit l’imaginaire du spectateur déjà plongé dans la langue des comédiens qui parlent en arabe. À cela, viennent s’ajouter des images de manifestations auxquelles aurait participé Taim qui préparait un film sur Damas au moment de l’accident – jamais la violence n’y est montrée. Le spectacle réussit à parler d’actualité à travers aussi bien le prisme d’images réelles ne montrant pas le sang que les médias nous ont déjà trop diffusé, et les sentiments singuliers de la famille de Taim où tous incarnent à leur manière une façon de résister, que ce soit dans le renoncement au niqab de sa sœur à l’avortement tant remis en question de sa compagne.
En explorant le chaos d’une ville qui n’évoque plus pour les occidentaux que le sang, l’auteur et le metteur en scène syriens assistés d’une troupe de jeunes comédiens talentueux parviennent à dire l’horreur d’une cité sans la montrer, et faire de la peine et l’égarement de ceux qui y vivent encore un acte de résistance.
Alors que j’attendais, de Mohammad Al Attar, mise en scène Omar Abusaada, avec Mohamad Al Refai, Mohammad Alarashi, Fatina Laila, Nanda Mohammad, Amal Omran, Mouiad Roumieh.
Festival d’Avignon, Gymnase Paul Giéra, 1, rue Paul Achard, 84000 Avignon, 04 90 14 14 14, jusqu’au 14 juillet, relâche le 10, 18h30, durée 1h40.
Tournée : 18 au 20 août 2016 au Theater Spektakel (Zürich), 26 et 27 août au Festival Noorderzon de Groningen (Pays-Bas), 31 août et 1er septembre au Theaterfestival Basel (Suisse), 4 et 5 septembre à La Bâtie Festival de Genève (Suisse), 8 au 10 septembre au Schlachthaus Theater Bern (Suisse), 29 et 30 septembre au Vooruit de Gent (Belgique), 12 au 15 octobre au Tarmac dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, 26 et 27 octobre ay Onassis Cultural Center (Athènes), 18 et 19 novembre à Bancs publics – Festival Les Rencontres à l’échelle (Marseille), 24 au 26 novembre au Théâtre du Nord Centre dramatique national Lille Tourcoing Nord-Pas de Calais.
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