[Théâtre] Quand le refuge se transforme en prison
Le jeune metteur en scène, Maxime Contrepois, monte Après la fin d’après Dennis Kelly. Un drame psychologique d’une profondeur bluffante.
Mark vient de sauver Louise d’une attaque nucléaire, mais elle ne se souvient pas de la catastrophe. Pour se protéger des radiations, les deux survivants évoluent, cloîtrés dans un abri atomique. Entre refuge et prison, la scène devient le théâtre d’une cohabitation de plus en plus inhumaine.
Au cours de cette colocation forcée, on apprend à connaître Mark. Il est amoureux de Louise, mais elle en aime un autre. Insidieusement mais sûrement, un rapport de domination s’installe sous nos yeux. Sous l’homme attentionné, Mark révèle un garçon rejeté et blessé, qui exige qu’on l’aime. Un béton triste et froid enveloppe cette intrigue terrifiante. On peut parfois se surprendre à détourner le regard d’une scène trop dure. Comme pour se rappeler que l’on n’est pas dans le bunker avec les personnages. La trentaine à peine, Maxime Contrepois nous fait perdre nos repères. Un procédé aussi grisant que fondateur de la représentation théâtrale.
Une authenticité qui prend aux tripes
Dans cette pièce, Dennis Kelly évoque comment l’instinct de survie déshumanise. Mais Après la fin explore aussi le champ de la frustration, sociale et affective. Et peut-être surtout, comment elle explose dans un espace confiné. Pour son troisième spectacle, le jeune metteur en scène nous explique s’être emparé d’un texte où la « parole produit des situations ». Dès lors, il n’hésite pas à demander aux acteurs un « travail titanesque ». Ils travaillent jusqu’au trouble, comme chez Krystian Lupa, pour se fondre dans leurs rôles. Elsa Agnès et Jules Sagot se glissent dans leurs personnages avec une authenticité qui nous prend aux tripes.
De grands bains noirs opaques scandent le spectacle avec un rythme impeccable. Ce travail de lumière est rondement mené par Sébastien Lemarchand. Le spectateur peut prendre le temps de se remettre d’un choc, ou de saisir l’ampleur de ce qui vient d’être dit. Alors qu’Après la fin prend pour toile de fond l’asservissement d’une femme, le rapport entre les sexes n’est pas l’unique sujet. Rejeté par un groupe à cause de sa différence, de sa difficulté à tisser un lien social, Mark est délicatement bercé de contradictions. Le monstre présenté dans la première partie du spectacle peut tout à fait attendrir dans les derniers instants. Maxime Contrepois place au coeur de son propos que « les salauds ne sont pas des monstres mais des êtres humains ». Un spectacle subtil, porté par une mise en scène délicate et puissante.
Après la fin, de Dennis Kelly, mis en scène par Maxime Contrepois
Avec Elsa Agnès et Jules Sagot
Durée 1h30 environ
Dates de tournée à retrouver sur : https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Apres-la-fin-24901/lesdates/