[Théâtre] Avignon/IN : Grensgeval, la crise des réfugiés sous des flots d’images et de mots

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Avec Le Sec et l’Humide aussi présenté au Festival d’Avignon, Guy Cassiers a commencé par s’en prendre au fascisme à travers la figure du belge Léon Degrelle, un engagé volontaire dans la Wehrmacht et la Waffen-SS. Après avoir questionné les mécanismes du fascisme, avec Maud Le Pladec il monte Grensgeval pour aborder une question plus brûlante encore que celle de notre Europe du XXe siècle, celle des réfugiés et de nos frontières, en partant du texte de Elfriede Jelinek.

Du début à la fin le spectacle est construit autour d’un flot de paroles et de danseurs qui parvient difficilement à s’équilibrer. Un groupe d’hommes et de femmes est assis autour d’une table, ils discutent de la crise des réfugiés, des problèmes qu’ils rencontrent et des réactions des européens à un rythme frénétique pendant qu’un groupe de danseurs occupe la scène. Alors qu’une mosaïque d’écrans surplombe l’ensemble et nous sature d’images de cette crise que nous ne pouvons plus éviter de regarder en face, les danseurs ondulent et endurent ce que les images et les mots créent comme atmosphère. Si le spectacle donne lieu à de belles compositions comme lorsque les danseurs forment un radeau de la méduse, ou qu’une métaphore est tenue entre ce que la mort d’Hector a levé comme indignation il y a des siècles et le fait qu’aujourd’hui, plus personne ne s’indigne même pour des milliers de personnes, nous avons une sensation de déjà vu. Le spectateur se retrouve donc dans une situation plutôt inconfortable pour en arriver à ce bilan dramatique, car si Guy Cassiers moralise le déni ou l’incompréhension qui a lieu envers les conflits que fuient les réfugiés, il tombe dans des lieux communs avec cette mise en scène trop démonstrative qui n’invite pas à réagir mais à subir.

Certes, Greensgeval fait partie de ces spectacles nécessaires qui contribuent à mettre le spectateur face une réalité qui n’est pas la sienne. Grâce à ce genre de spectacles il sera bientôt impossible de dire « je ne savais pas », mais s’il y a bien une leçon à retenir d’une Histoire que Guy Cassiers maitrise pourtant bien après avoir monté Le Sec et l’Humide et tout ce que le fascisme a engendré, c’est qu’il faut sortir de l’ère trop confortable de la dénonciation pour entrer dans l’action.

Greensgeval (Borderline), d’après Elfriede Jelinek, mise en scène de Guy Cassiers et Maud Le Pladec, Festival d’Avignon, Parc des expositions, jusqu’au 24 juillet 2017. Durée : 1h15. Plus d’informations ici : http://www.festival-avignon.com/fr/

 

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