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Vendredi – Quel est le rapport entre un toutou bien dressé et un journaliste militant ?

Les toutous et les journalistes peuvent au sens de Paul Nizan être des « chiens de garde » (1).

Si le premier a le mérite de défendre votre humble demeure, le second peut défendre la république et la liberté de penser, d’écrire et de faire savoir.

Or, en ces temps de campagne électorale n’est-il pas nécessaire de se replonger dans ces notions d’indépendance, objectivité et pluralisme!?

 Serge Halimi a écrit Les nouveaux chiens de garde en 1997 aux Editions Liber – Raisons d’Agir après la crise de 95. Le livre fait écho au pamphlet de Nizan Les chiens de garde.  Le propos était évidemment actualisé puisqu’en lieu et place des philosophes gardiens de l’ordre établi on retrouvait ici les journalistes, éditorialistes… Une réflexion bien étayée sur la force des médias en tant que « contre-pouvoir ».

Le postulat partisan étant le suivant « Au sein d’un périmètre idéologique minuscule se multiplient les informations prémâchées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices et les renvois d’ascenseur. » L’ambiance est donc posée, le texte est vindicatif et certains passages sont écrits au vitriol. On y apprend par exemple que Christine Ockrent (cible privilégiée de ce « jeux de massacre ») fait des « ménages » c’est à dire des interventions payantes, rémunérées par des entreprises du CAC40 pour y évoquer des sujets de société. Ce qui implique une parfaite partialité lors du vote des lois et ce n’est que le début de la longue liste des connivences et népotismes entre politiques et journalistes.

A défaut d’être modéré et de taper aussi sur les politiques « du moment », ça fait réfléchir!

L’ouvrage date de 1997 : pourquoi diable en parler aujourd’hui ?
Et bien parce qu’Halimi s’est adjoint les services de Pierre Rimbert, Renaud Lambert, Gilles Balbastre, Yannick Kergoat pour scénariser un film basé sur son livre. Le film « Les nouveaux chiens de garde » est sorti le 11 Janvier 2012 et est diffusé dans des salles d’art et d’essai (2). Il est rythmé par une alternance d’analyses et d’archives, à la manière d' »Inside Job »(3).
Serge Halimi décrit son film ainsi : « on a fait le choix d’un film de combat, qui ne prétend pas chercher la nuance en toute chose. »

(1) Paul Nizan essai/pamphlet : Les chiens de garde 1932.

(2) Projections

(3) Inside Job, film de Charles H. Ferguson (2010), oscar du meilleur documentaire en 2011.

 




Walking Dead – Apocalypse now

Poltrons et pétochards cette série n’est pas pour vous. « The Walking dead » est une série américaine (diffusée sur AMC) se déroulant dans la banlieue d’Atlanta peu après un énorme cataclysme cabalistique. Une atmosphère de fin du monde plane et transforme le paisible quotidien de citoyens lambdas (ni trop gentils ni trop méchants) dans un chaos morbide où les morts ne sont pas tout à fait morts et où les vivants ont bien du mal à le rester. Les morts-vivants (en anglais living dead) donc, sont épouvantablement nombreux et bien que dans un état de putréfaction atrocement avancé, ils sont toujours en quête de chair fraîche.

Vous n’êtes pas sans remarquer la dynamique classique des films de zombies et autres morts-vivants, mixée cette fois à la thématique très en vogue de l’apocalypse.

Comme pour le comic book de Robert Kikman dont est issue la série, certaines scènes sont graphiques jusqu’à écœurement, les plans sont évocateurs, sanguinolents et pas très poétiques : y aura de la cervelle sur les murs, vous êtes prévenus. La série est cependant jugée moins trash et moins cruelle que la BD ; pourtant, au fur et à mesure des épisodes une ambiance malsaine colle aux basques de notre petit groupe de survivants.

Ca s’arrête là pour la ressemblance puisque là série prend, à juste ou à mauvais titre, des libertés vis-à-vis du comic.

« The Walking Dead » n’est pas qu’un cache-cache haletant avec des charognes patibulaires et agonisantes. De telles performances à l’audimat outre-Atlantique ne pourraient se justifier ainsi. Si la critique est partagée, l’audience elle, est bonne et c’est certainement à mettre au crédit de la tension et de l’angoisse véhiculées par les protagonistes bel et bien vivants de la série. Le fil rouge des épisodes est l’honnête petit shérif du conté de Kentucky (Andrew Lincoln) qui mène sa barque sur les rives du Styx en compagnie de camarades d’infortune de tous horizons. Dans le cadre hostile de leurs refuges précaires s’entament un huis clos avec des problématiques bien humaines elles. Leadership, amour, trahisons sèment la zizanie au pays des zombies et emberlificotent les stratégies de survie.

Par ailleurs, on peut voir au travers de cette série une fable moderne sur notre monde trop gourmand en énergies fossiles.
Mais surtout, ces épisodes sont porteurs d’une réflexion sur l’évolution des rapports humains et des comportements dans un monde où cadres sociaux et juridiques classiques ont volé en éclat. Ce « retour à la nature » que vivent les protagonistes est, à l’instar de celui décrit par Hegel, fait de « violences et d’injustices » hurlantes.

Ainsi, même si l’intrigue manque un peu de finesse et que la fin de la saison 1 souffre de quelques lenteurs narratives, le frisson et les rebondissements sont là.

Une petite dose d’adrénaline et d’hémoglobine; voici le trailer.

L’adaptation au format série est réalisée par Frank Darabont qui était aussi le réalisateur de La ligne verte.

S’il fallait le comparer à la vague de films « survivalistes », nous pourrions convenir que « The Walking dead » est :

  • moins sombre que « La route » tiré du livre de Cormac McCarthy et porté au cinéma par John Hillcoat,
  • plus violent que « Je suis une légende » de Francis Lawrence, mais surtout avec plus de personnages…,
  • plus urbain que « Seul au monde » avec Tom Hanks,
  • moins surnaturel que « La guerre des mondes » avec Tom Cruise,
  • moins apocalyptique que « 2012 », pas d’effets spéciaux hallucinants où la statue de la liberté et tous les grands monuments mondiaux symboliques sombrent, s’écroulent… avec fracas.

Et s’il fallait analyser « The Walking dead » aux regards des films d’horreurs, la série est :

  • moins bestiale que « 28 jours plus tard » de Danny Boyle,
  • plus réaliste que dans « Le Territoire des morts » de George Andrew Romero, pour ce qui est des zombies,
  • définitivement plus effrayante que « Scary movie »…



Jeudi – Buffalo’66: sans fards, sans cul, sans praline

 

Looser, frustré de l’amour

Rencontre paumée qui s’emmerde

L’ex taulard kidnappe l’ inconnue pour qu’elle lui serve d’alibi.

Mais d’abord, il a une furieuse envie de pisser.

 

Le  premier long métrage du touche à tout Vincent Gallo, sorti en 1999: de l’amour brut, sans fards, sans cul mais sans praline.

 A voir, revoir, partager.


Buffalo’66 bande annonce VOSTFR Vincent Gallo par Cinetrafic




La Taupe – Méfiez-vous de tout le monde …

Amis paranoïaques, passez votre chemin.
Amis ai-je dit … Abus de langage, on n’est jamais trop prudent.
Les changements de camp sont si fréquents.
Passer d’Est en Ouest et réciproquement …Ce n’est pas un rideau de fer qui va empêcher les transferts et les transfuges.

Vous l’aurez compris, le dernier film de Tomas Alfredson, adapté d’un roman de John LeCarré, nous fait revenir au début des années 70. La guerre froide fait rage. L’information est déjà au centre de toutes les préoccupations.

Dans cet univers, les Services Secrets britanniques (le MI6, aussi appelé le « Circus ») sont en effervescence.
Une mission ratée, un cadavre embarrassant.
Une taupe à identifier.
Tout le monde est présumé coupable. Personne ne peut être entièrement innocent.

S’ensuit alors une véritable guerre psychologique entre les principaux membres dirigeants du plus haut service de renseignement britannique.
Tous les stratagèmes sont à considérer pour mettre la main sur cette taupe.
Cette taupe qui joue double jeu avec l’Est. Qui met en danger les intérêts de la Couronne.

Ils sont bien loin les films d’action à la James Bond …
Pas d’explosion, pas de coups de feu (ou presque), pas de James Bond girl.

Mais une tension de tous les instants.
Et le spectateur n’est pas laissé sur la touche.
La musique, les jeux de lumière, les silences, les jeux d’acteurs.
Tout contribue à répandre ce sentiment de malaise. Un sentiment de crainte. Un sentiment de défiance.
La découverte de la taupe devient la quête personnelle de chacun des spectateurs dans la salle. On ne peut clairement pas abandonner. On ne peut imaginer ressortir de la salle sans la clé du mystère.

Bref … c’est gagné pour Tomas Alfredson !

Ajoutez à cela un Gary Oldman au meilleur de sa forme, qui nous démontre une fois de plus son talent à s’adapter à ses personnages.
Flegme.
Retenue.
Ténacité.
Il ne lâchera rien avant d’avoir mis la main sur cette funeste taupe.

Alors, en cette période grand froid, un seul conseil : allez vous enterrer dans la salle de cinéma la plus proche, et partez avec lui à la recherche de « La Taupe » !

 

Avec : Gary Oldman, Benedict Cumberbatch, Toby Jones, Tom Hardy, John Hurt, Colin Firth,
Mark Strong

Réalisation : Tomas Alfredson

Scénario : John Le Carré, Peter Straughan, Bridget O’Connor

Production : Tim Bevan, Robyn Slovo, Eric Fellner




Mercredi – The Sopranos : Mon papa à moi est un gangster

Attention on ne confond pas Les Sopranos et Soprano le rappeur marseillais, les Sopranos c’est la famille italo-américaine au cœur de la série éponyme.

Ne comptez pas sur eux pour chanter, pas même la Traviata.Mais peut être vous feront-ils chanter parce qu’ils sont dans le milieu…

Le tableau est planté dans les années 90 dans le New Jersey et pourtant ça n’a pas pris une ride. Le « mafia blues » mais avec une densité et un suspens en intraveineuse… de l’humour et aussi de la violence.

Plus qu’une série, c’est un mythe aux effets collatéraux avérés…
OUI mesdames, vous aurez envie de passer en cuisine préparer des plateaux entiers de charcuterie italienne,
OUI messieurs, vous serez sans doute pris de la soudaine envie de vous gominer les cheveux,
OUI messieurs-dames, vous allez subitement parler avec les mains.


The Sopranos c’est David Chase aux manettes de 6 saisons avec un générique plus long que le plus grand spaghetti du monde pour la chaîne de télé US HBO.
La mafia, son réseau, ses magouilles, ses « capos » et au centre le padre, Antony Soprano (James Gandolfini ), Tony pour les intimes. En façade, il est bon père de famille assez dodu, un peu dégarni un charisme bien trempé. L’autorité incarnée, le mari, le père, le fils toujours avec fermeté et un machisme sans failles. Au milieu de sa quarantaine il est pris d’états d’âmes comme s’il avait choppé une grosse grippe et entame dans le plus grand secret une psychanalyse pour en venir à bout. Ça n’est pourtant pas l’argent qui manque dans la famille – les Sopranos habitent dans une villa coliséenne -, ni les valeurs reçues en héritage – les Sopranos ont une large famille et des rituels gastronomiques bien établis. En bon italien le sujet de la « mamma » sera longuement abordé avec le Docteur Melfi (Lorraine Bracco). Tony est un malabar, par la carrure, mais un malabar bi-goût, moitié tendre pour la famille moitié intraitable pour le business. Deux intérêts difficilement conciliables… et pourtant il est à la tête d’une organisation de malfaiteurs bien huilée.


Plus qu’un coup cœur une série inoubliable, s’il existe des classiques en littérature celui-ci est un classique des séries…. à partager avec vos amis comme une large pizza.

The Sopranos – The Trailer (VO)

 


The Sopranos trailer par bunglefever

 




El Gusto, rien d’autre


Drôle d’histoire que celle de cette jeune architecte qui, après avoir parcouru le monde, s’est dit qu’elle irait bien faire un tour du côté de là où tout avait commencé : son Algérie natale.

Comme on découvre une terre inconnue, la voilà déambulant dans les rues de la Casbah d’Alger pour finir dans une petite échoppe afin, comme tout bon touriste, d’acheter un miroir souvenir… Mais c’est une véritable machine à remonter le temps et inventer le futur que Safinez Bousbia met alors en marche.

Le vendeur, Mohamed El Ferkioui, ancien chef d’orchestre et accordéoniste, est intarissable sur cette Algérie bercée au son des joueurs de chaâbi – cette musique populaire née dans la casbah des années 1920, mélange de musiques andalouses, berbères et religieuses.

Ils étaient nombreux à avoir fréquenté les bancs du conservatoire pour suivre les cours du maître du genre : El Anka, multi-instrumentiste de génie. Nombreux à s’être perdus de vue, aidés par l’histoire et le temps. La révolution algérienne réduit l’humeur musicale et, en chassant juifs et pieds noirs, enlève une partie de son âme au chaâbi.
Les années noires sont définitives pour certains:  » on ne pouvait pas chanter alors que d’autres pleuraient ». Pourtant, l’amour de la musique est intact et la nostalgie n’a pas de frontière.
Les vieilles branches d’ici et d’ailleurs en rêvaient en secret. La jeune ingénue  s’adonne à la folie : rassembler tous les premiers élèves d’El Anka pour faire renaître le chaâbi d’autrefois sous la direction du pianiste et fils du grand maître.

Neuf ans après la rencontre et après deux années pour retrouver, convaincre et tourner en Algérie (!), l’orchestre El Gusto, « le goût » en espagnol, le « kif », dont l’âge ne se calcule pas, est né.

C’est à travers un documentaire drôle et émouvant, frappant de simplicité, que l’on découvre ces amoureux passionnés et fidèles jusqu’à la fin, où plutôt jusqu’au recommencement !

El Gusto actuellement dans les bonnes salles de cinéma et prochainement en tournée.
(Lien vers les séances pour aller voir El Gusto!)

 

Studio : Quidam Productions (Irlande)

Ecrit et Réalisé par : Safinez Bousbia

Produit par : Safinez Bousbia, Heidi Egger, Philippe Maynial




L’Amour dure trois ans – F. Beigbeder

Gaspard Proust … A la recherche de l’amour perdu …

C’est l’histoire d’une rencontre.
C’est l’histoire d’un sentiment.

Au début, on ne s’attend à rien.
Et l’instant d’après, c’est une évidence.

Un simple regard a suffi.
Quelques mots et la magie opèra.

On se répète que ça ne durera pas.
On se dit qu’on a déjà vécu ça.

Qui disait que ça n’arrivait qu’aux autres ?
Qui nous privait de ce bonheur jubilatoire ?

Ce n’est sans doute pas très bobo.
Ce n’est peut-être même plus réac.

L’amour me direz-vous ?
L’admiration vous répondrai-je.

Gaspard Proust.
Marc Marronier.

C’est à mes yeux la meilleure raison de courir vérifier si « L’Amour dure Trois Ans ».
Rires. Pleurs. Mais surtout rires.
Rires. Rires. Et surtout rires.

 

 

 




Breaking Bad – Une série … stupéfiante !


A l’annonce de son cancer, Walter White (Bryan Cranston), bon père de famille américain, aurait pu décider d’attendre la faucheuse les arpions en éventail ou bien de boxer les métastases à grand coup de chimio. Tout ça est bien trop ordinaire. Lui, Walter, décrète qu’il va mettre sa famille à l’abri de toute disette future en thésaurisant, sans leur dire, un beau pactole. Toujours est-il qu’avec un salaire de prof de chimie de lycée, sans perspective d’évolutions aucune, peu de risque d’engranger beaucoup de pépètes. Lorsqu’il décide de capitaliser sur la seule chose dans laquelle il est calé et qu’il aime, la chimie, alors là tout bascule. Walter White se lance dans un métier à risque avec des gens peu fréquentables, il devient « cuisiner ».

Mais il ne fait pas la tambouille dans un troquet. Il assaisonne des matières dangereuses pour concocter un plat unique : des méthamphétamines.

Petit effort de visualisation, prenez quelques instants pour vous faire une image mentale d’un alpiniste audacieux pendouillant à une falaise et ne tenant qu’à la force de son petit doigt. Vous l’avez ? Ceci est un « cliffhanger ». Le pendant dans une série est un épisode terminant sur un point crucial de l’action, sans donner de dénouement. Votre héros est donc ce grimpeur qui aurait dû avoir plus froid aux yeux, et dont vous ne connaitrez le sort que dans l’épisode suivant. Dans Breaking Bad, c’est la spirale infernale, on va de cliffhanger en cliffhanger, on se ronge les ongles et on suit chaque épisode sur le qui-vive, les yeux ronds comme des goupilles.

Si vous connaissez déjà la série, lisez sans crainte, pas de « spoilers » dans ce petit billet tout à la gloire de la série de Vince Gilligan.


L’histoire :
Un homme cachant quelque chose à sa femme, ça peut être l’objet d’un bon vaudeville. Mais un homme qui cache quelque chose de notoirement illégal à sa femme, sa famille,  ses amis, cela fait une excellente série dramatique. Un Satellite Award, a d’ailleurs consacré Breaking Bad comme la Meilleure série dramatique en 2010.

Walter  White (Bryan Cranston) fait le choix de cuisiner des métamphétamines pour laisser  un magot coquet à sa femme Skyler (Anna Gunn) et son fils handicapé (RJ Mitte).

« Mais que diable allait-il faire dans cette galère » * ?  Walter s’élance dans un guêpier dans lequel sa célérité sera mise à mal et qui partira en cacahouète, à toute berzingue.

La principale source de rebondissements viendra, comme on pouvait le pressentir, des partenaires qu’un tel gagne-pain implique. Le hasard placera sur la route de Walter un de ses anciens élèves : Jesse Pinkman (Aaron Paul). Cancre, rêvasseur et médiocre apprenti chimiste, il est devenu petit trafiquant et producteur de substances illicites. Pinkman a beau avoir basculé du côté obscur il n’a pas l’envergure d’un Pablo Escobar.
Dans ses activités péri-scolaires le Professeur White s’adjoindra les services de ce Jesse Pinkman. Pinkman sera son homme à tout faire et commis de cuisine dans la préparation de cette fameuse drogue synthétique.

Les deux cuistos gagnent du terrain, petit à petit avec leurs rondelettes cargaisons de préparation maison. Les épisodes sont très bien ciselés, chacun d’eux fait avancer l’aventure mais initie et clôture aussi des intrigues courtes. Les épisodes sont oppressants et palpitants. Les coups de théâtres pleuvent sans qu’on ait rien flairé, rien à voir donc avec Master Chef.

Chaque épisode est construit d’une manière originale et troublante. La recette est la suivante : les premiers instants dévoilent de manière extrêmement stylisée et intrigante un élément dans le futur (ou parfois dans le passé) de la série. Il s’agit d’un point hyper focalisé et esthétique, et par conséquent perturbant. Posé en ouverture d’épisode il résonne comme un rébus mystérieux ou une mise en bouche corsée.

Cette pratique n’est pas sans rappeler le système du cliché noir et blanc présentant un élément dans le futur, instauré dans la série NCIS de Donald Paul Bellisario. Celle-ci avait pourtant un but tout autre puisqu’il s’agissait de tenir le téléspectateur en haleine alors que l’épisode était entrecoupé de pages de pub, nombreuses aux Etats-Unis et Canada.

Mais revenons à nos deux gargotiers.
Dans Breaking Bad, le générique enfumé et psychédélico-chimique instaure un rythme lent et pesant au son cadencé de tambours et percussions. Les épisodes qui débutent à sa suite se déroulent toujours sous un œil artistique. Les points de vue sont ceux des deux acteurs principaux mais la caméra passe aussi du côté, si étrange que cela puisse paraître, de leur concoction. Les plans sont brillamment enchaînés et le panel de personnages assure une dynamique décisive dans l’addiction du spectateur.
Au cours de l’épisode, ou parfois dans un épisode suivant, l’énigme introductive trouve son explication et nous laisse volontiers les 4 fers en l’air.




Le ton :
Vince Gilligan reconnu mondialement pour avoir signé et réalisé de nombreux épisodes de « X-Files : Aux Frontières du réel », change ici radicalement de registre et ne conserve que le suspens pour cette série dramatique diffusée par la chaine américaine AMC. Le pitch est aussi simple qu’efficace, on pourrait ainsi sous-titrer la série : Breaking Bad, Où quand un père de famille modèle bascule dans le trafic de drogue.

La première saison est un apéritif savoureux. L’épisode introductif est explosif, il laisse sur le carreau, interloqué. La saison se résumerait ainsi : Si l’effet papillon se définit par des petites causes qui engendrent de grandes conséquence alors à grandes causes… d’autant plus terribles répercussions. La mayonnaise prend bien mais c’est une mise en bouche.
La saison deux se révèle être une entrée bien relevée. Haletante avec une progressive montée en grade de la tension. Les blancs montent en neige et divinement.
La troisième saison un plat de résistance costaud avec une intrigue délicieusement carabinée. Un bon sac de nœuds et de rebondissements.

La quatrième saison : le dessert bien sûr. Mais ça n’est surement pas un petit dessert léger. Il s’agirait d’avantage d’une pièce montée à plusieurs étages qui tiennent en équilibre de façon très précaire… On entre avec cette saison dans une autre dimension : celle des fins gourmets de séries à suspens.

Les 4 saisons disponibles à ce jour, s’inscrivent dans la continuité les unes des autres mais avec une escalade crescendo du suspens et de la complexité de la situation. L’american dream a du plomb dans l’aile, encore une série qui n’est pas tendre avec les United States of America. Les personnages récurrents évoluent, des petits nouveaux viennent se mêler à l’équipe initiale surtout dans la galerie des « bad guys ».

Contrairement à certaines séries qui s’essoufflent au fur et à mesure et qui ont du mal à se renouveler (Desperate Housewives en tête), Breaking Bad ne perd pas le rythme, il n’y a bien que le téléspectateur angoissé qui a du mal à respirer.


Le personnage principal :


Walter White est un personnage ambigu et surprenant. Au fil des épisodes on suit sa transformation physique et psychologique. Viril, pugnace, forcené et à la fois désespéré son comportement ne manquera pas de vous estomaquer.
Bestial, animal ou familial, Bryan Cranston est phénoménal dans Breaking Bad. Aujourd’hui quinqua pêchu, cet acteur américain s’était fait connaître dans un autre rôle de père de famille : celui de Hal dans la série Malcom créée par Linwood Boomer.
Bryan Cranston y était rocambolesque en papa inconscient, dépassé et farfelu.

Il était cocasse en boss raté, acariâtre et autoritariste dans How I met Your Mother.
La critique ne s’y est pas trompée, il triomphe en roi des méthamphétamines. Il a ainsi obtenu trois Emmy Award consécutifs de Meilleur acteur dans une série dramatique en 2008, 2009 et 2010.


Le second rôle :
Apparu dans de très nombreuses séries depuis 1999, la carrière d’Aaron Paul n’a pas vraiment décollé mais il y a fort à parier que son Emmy Award et son Saturn Award de Meilleur acteur dans un second rôle dans une série dramatique reçus en 2010, changeront la donne.

Aaron Paul est Jesse Pinkman. Partner de Walter White, il est finalement moins à sa place face aux gros durs que son acolyte. L’habit ne fait pas le moine. Cea n’est pas parce qu’il porte un vieux baggy, qu’il est tatoué des quatre membres et qu’il donne des airs à un certain Eminem que c’est un « bad ass », un vrai méchant quoi. Il est purement et simplement candide, inapte et irresponsable. Il s’invente un personnage faussement venu des bas-fonds mais n’a ni le passé, ni les épaules. En situation de crise, et Dieu sait qu’ils en affronteront de nombreuses, il implose, il déconnecte, il flippe. C’est donc un fardeau, un empêcheur de tourner en rond, un « boulet » extra, un poil à gratter lancinant dans le dos de Walter White. Plutôt lavette que body buildé. Plutôt pommé que méchant.

Sans le sel apporté par la prestation d’Aaron Paul, l’aventure de Walter White serait, à n’en point douter, fadasse.  Walter et Jesse sont deux alpinistes encordés si Walter avance, Jesse aussi, bon gré mal gré. Si Jesse recule Walter aussi. Ils prennent des risques dans leur ascension et le précipice les guette.

Entendons nous bien, d’un côté de la corniche il y a les camés accrocs, les cartels mexicains et la mort. De l’autre : le désaveu de leurs proches, les flics, la prison, la déchéance sociale. A la limite des conventions, nos deux héros ne sont pas au bout de leur peine.


Les rôles secondaires :
Dans la fine équipe de Jesse : Skiny Pete (Charles Baker), Badger (Matt L. Jones) et Combo (Rodney Rush) ne sont pas sans rappeler les pieds nickelés. A eux quatre ils sont la quintessence de la connerie. Cahin, caha ils consomment et/ou vendent les cristaux bleutés.

Dans la famille de Walter, Dean Norris campe un beau-frère assez embarrassant : Hank Schrader. Comme les autres personnages de Vince Gilligan même s’il paraît brut de décoffrage, il est en réalité tout en nuances.  Hank c’est « l’homme de la pampa parfois rude mais toujours courtois ».  Le rôle et la présence de Hank, s’intensifient au cours des saisons. Il vient perturber la gestion déjà hasardeuse de Walter et Pinkman. A la manière des frères Morgan (Dexter et Debbie) dans la série Dexter, ils ont un sacré conflit d’intérêts dans la famille et cela vient pimenter encore un peu plus le scenario. Fricoter avec la DEA (les stups américains) n’est pas un bon calcul quand on trempe dans le trafic de drogue… c’est s’assurer des tracas à tire la rigot!

Enfin, qui entre dans le monde des affaires aux Etats-Unis aura besoin d’un bon avocat : Saul Goodman (Bob Odenkirk), qui apparaît dès la saison 2, libidineux à souhait, macho et engraissé au pot de vin. Un homme de très mauvais goût entouré d’enfants de cœur adorables, tueurs à gages et autres hommes de mains, tel que l’imperturbable Mike (Jonathan Banks).

Petit clin d’œil au personnage fétiche de Robert Rodríguez : Machete joué par Danny Trejo aussi connu sous les noms tranchants de Razor Charlie, Cuchillo (couteau en espagnol) ou Navajas (lames). L’acteur américain fait une apparition, courte mais sensationnelle dans la Saison 3, dans la peau d’un trafiquant mexicain du nom de Tortuga. Toujours à l’aise dans ses santiags l’amigo!

Dans le but de ne pas trop vous en dire, tous les personnages ne sont pas ici décrits mais les fans de la série s’accordent sur le fait que la prestation de Giancarlo Esposito est troublante et pimentée dans le rôle d’un personnage un  peu trop propre sur lui le gérant des fast-food « Los Pollos Hermanos ».

Est-il vraiment nécessaire d’ajouter quelque chose pour vous donner envie de gouter à Breaking Bad ?



Pour le fun :
Voici en prime trois vrai-faux sites web vu dans la série.

Liés aux événements de la Saison 2 :
– le site créé par Walter Junior pour lever des fonds pour son père http://www.savewalterwhite.com/
– le site de Saul Goodman l’avocat véreux au slogan entêtant « Better call Saul » http://www.bettercallsaul.com/

Liés aux événements de la Saison 3 et 4 :
– le site de la chaîne de resto de poulet fris de Gustavo Fring http://lospolloshermanos.jimdo.com/

Casting :
Bryan Cranston (Walter White), Aaron Paul (Jesse Pinkman), Dean Norris (Hank Schrader), Betsy Brandt (Marie Schrader), Anna Gunn (Skyler White), RJ Mitte (Walter White Junior), Bob Odenkirk (Saul Goodman), Giancarlo Esposito (Gustavo Fring), Charles Baker (Skiny Pete), Matt L. Jones (Badger), Rodney Rush (Combo) …

 

Note :

* Les Fourberies de Scapin, Molière.

 




L’open space les a tuer ou The Office

« L’enfer c’est les autres », disait Jean-Paul S. Les autres, ce sont la famille, les voisins, les amis, … les collègues. Les collègues, on les côtoie 5 jours sur 7, 230 jours par an. Ces 230 jours, une majeure partie des employés du tertiaire les passent dans un espace clos, confiné, et pas forcément rutilant : le bureau (en anglais The Office). L’enfer c’est donc le bureau. Dans The Office, série US diffusée sur NBC à partir de 2005 et coécrit par Ricky Gervais et Stephen Merchant, l’enfer est truculent. L’enfer est évidemment pavé de bonnes intentions, celles d’un directeur foncièrement foutraque.

Une peinture du petit business US, drolatique et kafkaïenne. Un parfait dédramatisant de votre propre vie au bureau!

L’histoire :

Pour le décor de ce documentaire fictif ou « mockumentary » : néon blanc, plantes synthétiques, moquette usagée et camaïeu de beiges.
L’histoire est celle d’une petite boîte de province, Dunder Mifflin et de ses employés sollicités pour participer à un documentaire. Attention, c’est loin d’être aussi assommant que cela peu paraître de prime abord… Au contraire, sans pouvoir être qualifiée de série à suspense, The Office est bourrée de rebondissements et certains des épisodes sont des pépites lumineuses. Le positionnement inattendu de la caméra rend cette série très novatrice et particulièrement fraîche. Les épisodes sont en effet courts et vifs (20min). La patte du scénariste est US par excellence car on retrouve dans cette série toutes les thématiques classiques : Noël, St Valentin, et autres St Patrick …

Tout bon salarié n’est pas sans ignorer l’influence du chef, sur l’ambiance et les conditions de travail. En matière de chef, ils ont justement la crème de la crème de la promotion interne. Michael Scott (Steve Carell), un produit pur jus de Scranton, Pennsylvanie. Le seul hic, c’est qu’une fois devenu calife à la place du calife, Michael, un vendeur né, homme de terrain, ne sait pas vraiment quoi faire pour mener sa barque à bon port. Une fois derrière le bureau de Directeur régional, il musarde, il flemmarde et semble avoir à cœur de perturber l’avancement du travail de son équipe.


Le personnage principal :

Le rôle de Michael Scott semble taillé sur mesure pour Steve Carell. C’est à se demander comment les réalisateurs ont pu hésiter avant de lui donner le rôle. Steve Carell excelle dans les comédies, il le démontre dans Bruce tout Puissant, Crazy Night ou Little Miss Sunshine. Un débit de parole vigoureux, une gestuelle d’épileptique en pleine crise. Steve Carell est excessivement expressif et survolté. Bref, il en fait des caisses et ça lui va à merveille. Le succès de 40ans toujours puceau, permettra d’ailleurs à la série de faire des pics d’audiences. Meilleure performance d’un acteur dans une série comique ou musicale en 2006 aux Golden Globe et Meilleur acteur dans une série comique en 2007 et 2008 pour Teen Choice, tout de même ! Steve Carell est indiscutablement bidonnant et incontournable dans la grande famille des acteurs comiques américains.


Michael Scott ne croit pas en Dieu. Ce en quoi il croit par dessus tout, c’est en son humour. Il le voit infaillible, fin, désopilant. Il le rêve sensationnel, et bien sûr tout à sa gloire. Tout le monde ne partage pas cet avis au sein de ses équipes. Pour eux, son humour serait plutôt : lourd, vexant et stigmatisant. Mais c’est Michael qui signe les chèques à la fin du mois. Dilemme pascalien pour ses salariés. Ceux-là mêmes sont ses cobayes préférés et sa seule famille.

Stanley le désabusé, Meredith l’alcoolique, Kelly la coquette, Creed la fripouille, Andy le Très-propre-sur-lui, Phillis la ménagère de plus de 40ans, Oscar le latino, Pam la standardiste, Toby le dépressif, Jim le futé, Dwight le chasseur, Angela la psychorigide seront bien obligés d’entrer dans son jeu.
Jeux qui peuvent s’avérer pimentés car Michael est inventif, oh oui!?  Un grand créatif devant l’éternel : Jeux Olympiques au bureau, croisières, cérémonies de récompenses du personnel (Dundies) et fêtes en tout genre (anniversaires, Noël…) piloté par un « comité des fêtes ». Le spectateur n’est pas au bout de ses surprises… rebondissements et situations rocambolesques, on rit aux larmes. Effet cathartique garanti puisqu’on est obligé de confesser que certaines des situations ne sont pas sans rappeler des personnages et des événements vécus.


La grande force de The Office réside dans l’éventail de ressorts comiques que nous propose cette série. Le premier est donc Michael Scott et son management douteux. Mais il faut aussi noter de vraies émulations, terriblement poilantes côté personnel. En premier lieu, le duo comique entre le n°2 et le challenger. Dans tout duo comique on a souvent deux personnages avec des caractères diamétralement opposés à la Francis Veber. Le « ying » ici est Dwight Schrute le facétieux délateur, n°2 de l’entreprise, interprété par Rainn Wilson. Le « yang » de Dwight Schrute est Jim Halpert. Sympa, posé, une vie sociale bien remplie, Jim est jeune dynamique et plutôt beau garçon. Impossible que ces deux là s’entendent. La vie quotidienne de l’open space de Dundler Mifflin sera donc rythmée de traquenards, guet-apens et autres petits complots.


Le second rôle :

A l’instar d’autres personnages secondaires de série, dont Barney Stinson d’How I met Your Mother est l’exemple paradigmatique, Dwight Schrute crée l’événement parce qu’il est furieusement hors des standards. Porter à l’écran (même petit) un franc tireur, cultivateur de betteraves, avec un frère attardé, un look à faire pâlir Jean-Claude Dusse et un égo sur-dimensionné : c’est déjà en soi une petite révolution. Merci à Ricky Gervais et Stephen Merchant d’avoir forgé un tel personnage. Dwight est joyeusement antipathique, ambitieux, patriotique jusqu’à abrutissement, socialement inapte et belliqueux. Aussi dingue que cela puisse paraître, cela fait de lui un caractère bigrement attachant et diablement drôle. Rainn Wilson qui était déjà apparu comme assistant à la morgue dans Six Feet Under (Six Pieds sous terre), conquiert le public avec sa bagnole au tunning douteux, ses armes de poings planquées de partout dans le bureau et sa devise (parodiée par Jim) « Bears. Beets. Battlestar Galactica » (Ours. Betterave. Série de science-fiction de Ronald D. Moore).


Le ton :

Mais qui dit histoires de bureau dit aussi haines et gué-guerres. Le bureau de Scranton devra survivre au marché américain du papier, pas très florissant, notamment dans la Saison 7. Les joutes seront donc aussi internes. Les cols blancs seront ainsi confrontés aux cols bleus du stock : biceps contre matière grise. Mais ils devront de surcroît se battre pour imposer leur philosophie. Une philosophie singulière, portée par leur directeur, qui ne fait pas l’unanimité vis-à-vis du siège New Yorkais (à quelques encablures seulement de Scranton et pourtant si loin). Sans compter les conflits avec les autres antennes de Dundler Mifflin dans le pays.


Que peut-il manquer pour que ce cocktail soit molotov ? L’Amour ! C’est là que la caméra fouineuse du documentaire dévoile des conversations confidentielles et observe des relations naissantes. La caméra de plus en plus intrusive au fil des saisons fait progresser l’intrigue et met en lumière quiproquos, bassesses et tripotages. En fil conducteur, on retrouve Pam et Jim en Tristan et Iseult modernes. D’autres couples, plus « insolites », semblent également vouloir se former …


La série ne repose donc pas uniquement sur les épaules de Steve Carell. Et tant mieux, car la 8ème saison à paraître en 2012 ne le comptera plus au générique. Petite révolution pour la série qui a rendu célèbre la bourgade de Pennsylvanie, une affaire à suivre…

Pour finir, levons un tabou sur cette série. Il existe une série éponyme The Office, sur le même thème mais dont l’action se situe de l’autre côté de l’Atlantique, c’est d’ailleurs la première des deux à être apparue. Par dessus le marché, les réalisateurs sont les mêmes. Pourtant en dehors du pilote et de certains épisodes des premières saisons, les deux séries ont des scénarios diamétralement opposés.

British très noire ou Amerloc haut en couleur à vous de voir.  Au final c’est un peu comme choisir entre Les Beattles ou Les Stones… chacun son style!


Casting :

Steve Carell (Michael Scott), Rainn Wilson (Dwight K.Schrute), John Krasinski (Jim Halpert), Jenna Fischer (Pam Beesly), B.J. Novak (Ryan Howard), Leslie David Baker (Stanley Hudson), Brian Baumgartner (Kevin Malone), Angela Kinsey (Angela Martin), Phyllis Smith (Phyllis Lapin), Mindy Kaling (Kelly Kapoor), Creed Bratton (Creed Bratton), Paul Lieberstein (Toby Flenderson), Oscar Nuñez (Oscar Martinez), Kate Flannery (Meredith Palmer), Ed Helms (Andy Bernard), Melora Hardin (Levinson-Gould), Craig Robinson (Darryl Philbin), David Denman (Roy Anderson), Rashida Jones (Karen Filipelli), Andy Buckley (David Wallace), Ellie Kemper (Kelly Erin Harron) et Amy Ryan (Holly Flax).





Qui veut adopter Mélanie Laurent?

Depuis une dizaine d’années, Mélanie Laurent retient l’attention d’un public tantôt charmé, tantôt exaspéré, sur scène ou devant la caméra. Ces derniers temps, ses apparitions se sont diversifiées. Après  un album concocté par Damien Rice et Joel Shearer (sur lequel, on ne se prononce pas), un discours remarqué pour l’ouverture du festival de Cannes (sur lequel on ne se prononce toujours pas), Mélanie Laurent réalise son premier film. Il sort en salle demain.

 

L’histoire est simple. Une famille unie voit son fragile équilibre exploser le jour où Marine (Marie Denarnaud) tombe amoureuse d’Alex (Denis Ménochet). Si Millie, la mère (Clémentine Célarié) approuve cette rencontre, Lisa, la sœur (Mélanie Laurent) se sent délaissée. Il faut dire que des hommes, il n’y en avait pas beaucoup dans leur histoire jusqu’à présent. Mélanie Laurent incarne la mère d’un petit Léo, cinq ans, qui refuse catégoriquement de voir quiconque s’approcher de sa tribu. Petit courant d’air avant la tempête. La belle amoureuse se fait faucher par une voiture et tombe dans le coma. Commence alors un long travail de deuil qui vise à accepter qu’une personne adoptée tire sa révérence tandis que d’autres se font une place au sein de la famille au pire moment.

Conseil d’ami. Tout ce qu’elle touche, Mélanie Laurent le marque de son sceau. Dans son film, elle est partout. On la sent dans les personnages, on l’entend dans les discours, on la voit dans le cadre de la caméra. Elle se décline sous toutes ses formes jusque sur le papier peint. Omniprésente. Alors si vous l’aimiez, Mélanie Laurent, adoptez-la. Vous ne serez pas déçus. Mais les sceptiques, abstenez-vous.

 

Bande annonce du film :




[Arrested Development] Une famille en or…

Sitcom du XXème siècle par excellence, Arrested Developement a pour toile de fond une famille américaine portée par un père entrepreneur. « So far so good » (jusque là tout va bien) sauf que dans la famille Bluth, s’ils ne sont pas tout à fait dans la panade, ce ne sont certainement pas de grands gestionnaires et ils sont assez anticonformistes.

Cette série proposée par la chaine FOX est un parfait cocktail antimorosité, un divertissement pas crétin, où une famille compliquée nous propose une Amérique hilarante loin, très loin des clichés du rêve américain sur gazon verdoyant et sourire dentifrice, façon famille Kennedy et loin des rires pré-enregistrés.

Mr.Bluth n’est pas un modèle de droiture et c’est un doux euphémisme de dire qu’il n’est pas réglo, il verse plutôt dans les secteurs non autorisés mais pas en professionnel, plutôt en amateur totalement disjoncté. Exit  la famille parfaite bien pensante, avec le pater familias d’une exemplarité irritante type 7 à la maison sans pour autant être la famille Corleone.


Le fil conducteur dans les péripéties de cette famille? Le business ! Un business qui a amené le père… en prison et pousse un des fils (Michael) à reprendre le flambeau. L’affaire n’est pas simple car Michael se retrouve le seul à travailler sans pour autant tenir les rênes (le président, c’est son frère) et se faisant manger ses profits par sa mère, son père, ses frères et sa sœur… Non ça n’est pas le bonheur, pour lui, mais pour le téléspectateur… quelle délectation !


Dans la famille Buth, je demande le père! Et bien NON, le père, il est en prison. On s’éloigne donc directement de la famille Barbapapa. George Bluth Senior (Jeffrey Tambor) n’est pas un saint pas plus que son frère jumeau qui lui ressemble en tout point sauf sur la pilosité. Il est parfaitement azimuté, à ce titre ses apparitions sont lunaires et ses stratagèmes inattendus. Dans ses proches contacts, il compte la famille d’un certain Saddam Hussein….


Sa femme, Lucille est très nouveau riche, elle est alcoolique et ne prend pas son job de mère de famille très à cœur… elle se contrefout de sa progéniture (enfants et petits enfants inclus). En somme, Madame Bluth mère (Jessica Walter) est parfaitement acariâtre et insupportable. A eux deux, les seniors de la famille Bluth ont presque un côté Ténardier, mais leur fille n’est pas une petite Causette.


La fille Bluth est écervelée et investie d’une mission, une noble mission : celle de dévaliser tous les magasins de vêtements de la côte Est. Lindsay Bluth Fünke amène de la grâce et un peu de coeur, mais attention on n’est pas dans la famille Hilton, l’argent manque (d’où le nom français de la série « Les nouveaux pauvres ») ; et le style, elle est bien la seule à en avoir… La comédienne Portia de Rossi, par ailleurs connue à la ville pour être l’épouse de la présentatrice Ellen DeGeneres, est, dans Arrested Development, outrancière, désopilante et bizarrement très investie dans des œuvres caritatives. Le seul objectif de cet engagement : maintenir sa petite notoriété, sans aucun doute. Ainsi, elle n’est guère plus sympathique dans ce rôle que dans celui qui l’a fait connaître : celui de Nelle Porter dans la série Ally Mc Beal.


Le fils aîné « Gob » (George Oscar Bluth) a quant à lui un look qui lui est propre, et le goût du spectacle dans la peau. Son dada c’est la magie, mais elle le lui rend mal . Séducteur invétéré, ce glandeur de première se déplace en Segway et vit sur le yacht familial. Comme son père, la légalité n’est pas son fort, il a toujours un plan abracabrantesque derrière la tête. Ainsi, entre deux tours de magies ratés et un strip-tease déguisé en flic, il trouve encore le temps de se ridiculiser. Gob est très rock & roll, mais pas façon Osbourne. Ses accroches avec sa famille sont hilarantes. Il est tellement perché qu’on pourrait se demander s’il est bien « terrien ». Rien d’étonnant finalement à ce Will Arrnett ait été nommé dans la catégorie meilleur acteur de second rôle dans une série comique aux 58ème Emmy Awards.


Mais la famille ne s’arrête pas là. Il y a aussi le petit dernier. Le cadet « Buster » (Byron Bluth) est un euphorique phobique. Attachant et déconcertant, Tony Hale joue un attardé, toujours dans les jupes de sa mère acariâtre et amoureux d’une sexagénaire de charme : la chanteuse Liza Minelli, une des guest stars de la série. C’est décadent, bien plus décadent que chez les Kardashians ! Tony Hale pose avec cette sitcom la pierre angulaire de sa carrière. Il sera d’ailleurs primé pour son interprétation de Byron Bluth.



L’unique fils doué de raison : Michael  frère jumeau de Lindsay, apparaît comme la seule personne en mesure de faire marcher le business familial, le père Bluth étant lui, derrière les barreaux. C’est le point de départ de la saison1. Mais avec une famille aussi maudites que les Atrides, Michael (Jason Bateman) est pris en étau et les situations cocasses et burlesques s’enchaînent. Il n’a pas le talent commercial d’un Onassis, il est moins cérébral qu’un Servan-Schreiber, mais il fait de son mieux.


Jason Bateman est parfait dans ce rôle de victime. Il tire si génialement son épingle du jeu qu’il décroche en 2005 un Golden Globe dans la catégorie « Meilleur acteur dans une comédie », un TV Land, ainsi que deux Satellite Awards. Sa famille, la famille Bluth, n’a finalement rien à voir avec celle dans laquelle il a fait ses débuts. Souvenez-vous : le petit Jason vivait dans une maisonnette dans la prairie. Jason Bateman y jouait alors le rôle de James Cooper fils adoptifs d’une certaine famille Ingalls.


Michael Bluth est lui même papa d’un adolescent ahuri, George Michael, qui n’est autre que l’acteur Michael Cera. Découvert dans Juno, vu dans Super Grave et Une nuit à New York, il est ici délicieusement largué. Le gamin est gauche et il trempe dans cette famille comme dans une mer infestée de piranhas. Davantage pâlichon et moins dégourdi que Bart, le fils Simpsons, il est dépassé par cette famille de barjos. Il traverse l’âge ingrat en compagnie d’une autre ado, avec laquelle il fricote « Mayeby ».


Mayeby alias Mae Fünke (Alia Shawkat) de son vrai nom est la fille de Lindsay Bluth et Tobias Fünke. Elle amène son grain de folie (s’il en manquait !) et les rapports avec ses parents ont peu de chance de vous rappeler la petite famille française telle que Katherine Pancol peut la décrire.


Son père Tobias (David Cross) le mari de Lindsay est émotionnellement instable et gentiment déjanté. Lui même semble ignorer l’existence et la présence de sa propre fille. Psychiatre et auteur d’un best seller… gay, il décide de se réorienter vers une carrière d’acteur. Cependant, ses psychoses, toutes plus loufoques et drôles les unes que les autres (il ne peut jamais être nu par exemple), l’empêchent d’atteindre son objectif. Les épisodes durant lesquels il est peint en bleu de la tête au pied au cas où il serait appelé en renfort par le « Blue man group » sont proprement géniaux. Dans le fond on plaint ce pauvre Tobias de tout notre cœur, d’être si naïf et médiocre en tant qu’acteur mais quelle jouissance! Bizarre voila ce qui caractérise bien Tobias, un peu comme La Chose de la Famille Adams.

Pour la gestion des tensions familiales chez les Bluth on se rapproche plus des Pierrafeu, on se tape dessus, c’est jubilatoire il ne faut pas se le cacher surtout que personne n’est oublié, tout le monde en prend pour son grade. Ron Howard, le narrateur, distille les événements d’une voix de maître.

Ce petit monde, une dizaine de personnes (tout de même), réside dans une maison témoin totalement factice au milieu du désert…

 

Cette série plus que barrée a les faveurs des critiques, mais aussi des peoples…

Dans Arrested Development les « peoples » se succèdent et font des apparitions à mille lieux de leur image habituelle, lisse et proprette. Charlize Theron fait un passage particulièrement pimenté et hallucinant en fin de saison 3. Ben Stiller vient lui aussi saluer les Bluth. Mitchell Hurwitz (le réalisateur) s’amuse, il y a parfois plus de stars au mètre carré que dans la famille Smith (Will).


Au fil des épisodes rythmés par des dialogues punchy, on découvre que c’est avec une joie extatique que les Bluth se mettent des bâtons dans les roues. Mais pas façon Tudors, ils sont finalement bien trop intéressés par leurs petits nombrils pour avoir une ambition de groupe. Ce qui leur pend au nez c’est plus l’asile psychiatrique…


Une famille d’ovnis qui ne ressemble à aucune autre. Si jamais les Bluth s’installaient près de chez vous, vous pourriez dire « y a des zazous dans mon quartier ».  Il existe à ce jour 3 saisons (peut-être bientôt 4) de 22+8+13 épisodes  et donc autant de raisons de tester ses zygomatiques! Arrested Development est sans aucun doute la série comique à ne pas rater ! Gardez bien en tête le nom de cette série, car d’ici peu il se pourrait qu’elle soit portée sur grand écran !


Casting :

Jason Bateman (Michael), Portia de Rossi (Lindsay Bluth Fünke), Will Arnett  (George Oscar Bluth dit « Gob »), Michael Cera  (George-Michael Bluth), Alia Shawkat  (Mae  Fünke dite « Maeby »), Tony Hale  (Byron Bluth dit « Buster »), David Cross  (Tobias Fünke), Jeffrey Tambor  (George Bluth Senior), Jessica Walter  (Lucille Bluth), Ron Howard  (Le Narrateur).

 




OZ ! Une radiographie pétrifiante des prisons américaines …


Oz est le surnom de la prison américaine Oswald State Correctional Facility, mais c’est surtout une série « made in » HBO. Tom Fontana, le créateur de la série qui a signé, de sa plume noire, l’écriture de la majorité des scénarios de Oz, co-écrit par ailleurs Borgia (Canal+). L’homme qui a révélé Denzel Washington au grand public avec sa première série, « St-Elsewhere« , ne fait pas dans les mièvreries. Son domaine c’est le psychologique, le scandaleux, les vils instincts, le Mr. Hyde qui sommeille en chacun de nous.


Au cœur de la série, l’unité spéciale d’une prison de haute sécurité : Emerald City. Notre sésame pour passer derrière les nombreux murs, contrôles et barreaux est Augustus Hill (Harold Perrineau Junior). Ce narrateur prisonnier psychédélique a, en outre, la particularité d’être en fauteuil roulant. Chaque épisode est ponctué par ses allocutions poético-trash. Augustus porte un œil très personnel et caustique sur le système carcéral et nous livre sous forme de flash-back les raisons qui ont conduits chacun des prisonniers à rejoindre l’unité. Qu’ils appartiennent aux clans des italiens, des musulmans noirs, des gangstas, des néo-nazis ou des latinos ils sont tous logés à la même enseigne, au sens propre mais pas au figuré. Dans un tel endoit, les rapports de forces y sont évidemment exacerbés.

Alliance, trahison, stratégie : tous les coups sont permis quand on est là pour…toute une vie.


Le concept unique d’Em City porté par son manager Mac Manus ( Terry Kinney) personnage utopiste et ambivalent, consiste à faire cohabiter dans un simulacre d’autarcie des hommes ravagés par leur vie précédente, le tout encadré par des matons parfois guère plus honnêtes… Il est laissé au bon soin des prisonniers de s’occuper de la cantine, du nettoyage des vêtements et d’un atelier de confection. Un microcosme reconstitué de toutes pièces, derrière les barreaux. Visionnaire ou fou, Mc Manus ne tardera pas à être aussi aliéné par cette prison que ses détenus. Du côté des gentils, il est aidé dans sa tâche pour la partie religieuse par Sister Peter Marie et Father Ray Mukada. Quant à Diane Wittlesey (Edie Falco, épouse de Tony Soprano dans la série « Les Soprano »s), elle met les mains dans le cambouis pour contenir la poudrière.


On s’éloigne ainsi de la thématique récurrente prisonnier/évasion, pour se rapprocher de la peinture sociale au vitriol à mi-chemin entre le film Precious de Lee Daniels pour l’aspect détresse et Shutter Island de Martin Scorsese pour la folie et l’emprisonnement.
Tensions inter-communautaires, gangs, drogue, homosexualité et réinsertion des détenus sont au programme (par conséquent, assez festif !). Les épisodes s’enchaînent à un rythme diablement effrayant. L’intrigue est bien amenée et l’alternance des points de vues des personnages nous fait vivre de l’intérieur ce quotidien violent mais aussi la guerre des nerfs et la guerre de religion qui s’y trament.

Oz est super-réaliste, malsaine, sanglante, une décharge d’adrénaline pour les durs, les vrais, les tatoués. D’ailleurs, durant le générique choc de la série, un bras se fait tatouer le surnom de la prison de façon stylisée, avec une goutte bien ronde de sang sombre juste en dessous du Z. Ça n’est pas de la fiction, ce tatouage est bel et bien sur le bras de quelqu’un… son créateur. Âmes sensibles s’abstenir.


La saison 1, constituée de 8 épisodes est véritablement à couper le souffle. Ce ne sont pas les paysages qui laissent sans voix, puisque la série est quasiment un huis-clôt. Ce qui coupe la chique, c’est le coup de poing qu’on a l’impression de recevoir bien au milieu du ventre. Il existe à ce jour 56 épisodes de 55 minutes sur 6 saisons. Le casting d’Oz n’est pas sans rappeler des personnages inoubliables d’autres séries cultes de HBO telles que The Wire (Sur Ecoute) et The Sopranos, on y remarquera notamment Tobias Beecher (Lee Tergesen) blanche-brebis égarée. Aucun hasard à cela …  Tom Fontana a collaboré au début de sa carrière avec Barry Levinson, sur l’adaptation en série d’un roman choc « Homicide : A year on the killing streets » écrit par David Simon.


« Peu m’importe que les personnages ne soient pas sympathiques, du moment qu’ils sont intéressants.  » a déclaré Tom Fontana. Il est certain qu’à côté de Kareem Said (Eamonn Walker), Donald Groves (Sean Whitesell) qui a mangé ses parents ou Vernon Schillinger (Jonathan Kimble Simmons ) le nazi, les détenus de Prison Break sont d’inoffensives collégiennes en vacances chez les bisounours.


« It’s no place like home », (rien ne vaut son chez soi) on en est bien convaincu au terme :

Oz (1997 – 2003) de Tom Fontana.


Casting de la saison 1 de Oz :

Harold Perrineau Jr. ( Augustus Hill), Lee Tergesen (Tobias Beecher), Eamonn Walker (Kareem Said), Dean Winters (Ryan O’Reilly ), J. K. Simmons (Vernon Schillinger), Kirk Acevedo (Miguel Alvarez), George Morfogen (Bob Rebadow), MuMs (Jackson), Adewale Akinnuoye-Agbaje (Simon Adebisi), J. D. Williams (Kenny Wangler), Tony Musante (Nino Schibetta), Leon Robinson (Jefferson Keane), Dr. Lauren Vélez (Dr.Gloria Nathan), Sean Whitesell (Donald Groves), Edie Falco (Diane Wittlesey).

 




Treme : Quand le jazz est là …

Aller simple pour Treme (à prononcer « Twemay »), ancien quartier des esclaves affranchis de la Nouvelle-Orléans, les pieds dans l’eau après le passage du cyclone Katrina.

Dans cette série produite par HBO, David Simon et Eric Overmyer auteurs de la série haltetante « Sur Écoute » (en anglais « The Wire ») expérimentent  un cocktail explosif  à base de jazz, de cuisine cajun et de cyclone.


Cocktail sombre et polémique qu’ils ne saupoudrent certainement pas de bons sentiments. Les habitants de cette ville sur les bords du fleuve Mississippi font preuve d’une incroyable pugnacité pour retrouver les leurs, mettre fin à l’exil et la désolation causée par les inondations. Ils se croisent sans parfois se connaître mais sont unis par l’amour d’une ville et de son mode de vie si particulier, indéfectiblement lié au jazz, ses fanfares, ses concerts…  Une chef cuisinière malchanceuse, une avocate engagée, un prof révolté, un DJ farfelu, un tromboniste goguenard, une tenancière de bar à la poigne de fer, une violoniste montante… tous ces passionnés survivent avec un même combat : la reconstruction d’un monde, leur monde : la Nouvelle-Orléans.


Le rythme est lent comme les efforts de la ville pour s’en sortir. On ne se relève pas comme ça d’un cyclone, voilà ce que l’on comprend après les premiers épisodes. On a l’impression lorsqu’on suit Creighton, prof de littérature, d’être dans un documentaire au vitriol de Mickaël Moore.  Au détour d’une ruelle, on prend conscience  que le gouvernement américain n’est pas toujours si indulgent et charitable. Cruel le monde de Treme ? A vous d’en juger.


Dans cette série on ne parle pas de femmes au foyer, ni de superflics, ni d’attachants petits groupes d’amis, ni même d’avocats on parle de simples citoyens tourmentés qui ont pour patrimoine commun : une ville et son histoire.


David Simon propose un authentique son cuivré dont la réalisation qui rime avec sobriété.


Si vous n’y connaissez rien au jazz mais que vous n’avez rien contre, au fil des épisodes vous apprendrez à l’aimer et vous en redemanderez. Mais si vous aimez le jazz… inutile de prêcher des convertis, vous vous sentirez comme un coq en patte dans l’univers de Treme et vous dodelinerez de la tête tout au long des interludes musicaux !


Casting de la saison 1 : LaDonna Batiste (Khadi Alexander), Albert Lambreaux (Clarke Peters), Davis McAlary (Steve Zahn), Janette Desautel (Kim Dickens), Toni Bernette (Melissa Leo), Creighton Bernette (John Goodman), Sonny (Michiel Hulsman), Annie (Lucia Micarelli), Antoine Batiste (Wendell Pierce).




La Guerre est Déclarée – Valérie Donzelli / Jérémie Elkaïm

Un des plus beaux films qu’il m’ait été donné de voir.


Attachants, ces acteurs.
Bouleversante, cette histoire.
Communicatives, les joies et les peines.
Débordante, l’émotion.

Oui, ce film est un abécédaire du cinéma comme on l’aime.

Une histoire vraie.
Les personnels médicaux jouant leur propre rôle pour certains.
Les acteurs principaux racontant leur histoire, ou ce qui s’en rapproche.
Et le film tourné au coeur de leurs lieux de vie.

Et au milieu, un petit garçon.
Adam, fruit de l’amour de Roméo (Jérémie Elkaïm) et Juliette (Valérie Donzelli).

Diagnostic d’une tumeur maligne au cerveau alors qu’Adam n’a pas encore 3 ans, et c’est l’univers entier de la famille qui menace de s’effondrer.
Les résolutions sont là : se battre coûte que coûte, ne jamais baisser les bras, surmonter cette épreuve, faire fi des petits tracas de la vie quotidienne. Se concentrer sur l’essentiel.

Tout un protocole pour continuer à vivre.
Pleinement.

Les images sont simples. Elles contribuent à ce que le spectateur s’immisce, sans même le vouloir, dans un quotidien qui aurait toutes les raisons d’être dramatique.

La musique est puissante.
Folie électronique. 
Passages majestueux où la musique classique trouve naturellement sa place.
Chansons d’amour.  J’ai d’ailleurs eu un vrai coup de coeur pour « Ton grain de beauté », composé par Valérie Donzelli, interprétée par Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, et rien de moins que Benjamin Biolay aux arrangements.
C’est bien toute la complexité et la diversité des situations de la vie que reflète cette bande originale

Loin du drame que traversent tous les personnages, c’est un véritable hymne à la vie, à l’espoir que nous livre ici Valérie Donzelli, dans son 2e long métrage en tant que réalisatrice. « La Guerre est déclarée » a obtenu le Grand Prix du Festival de Cabourg ainsi que le Prix du Jury, le Prix du Public, et le Prix des Blogueurs au Festival Paris Cinéma.










Ailleurs c’est ici




Y’a des films qui te retournent le cerveau. Des films qui te transportent temporairement sur un autre plan. « Je me souviens, je me rappelle », dans la nuit lourde, la maison est endormie. Je regarde un court métrage Ailleurs c’est ici. Oui, comme la chanson de Louis-Ronan Choisy.
Inlassablement. Encore et encore, je l’ai regardé, cet objet cinématographique. Peut-être sept fois. Sept fois comme le compte égrainé par le héros du film, atteint de troubles obsessionnels compulsifs.
Fascinée par cet étrange équilibre mis en place par le réalisateur : certaines séquences sont une invitation à ressentir, d’autres à méditer. Le peu de dialogues est très écrit, l’atmosphère de l’ensemble, rêvée.


…/…


Strasbourg Saint Denis, un soir d’été – une gouaille de titi, le verbe volontiers fleuri, l’œil vif, la malice aux commissures des lèvres – le voilà mon coupable. Qui penserait à le voir là, à débouler ainsi du métro que ce jeune homme est responsable de ce voyage tout en correspondance, dans l’Ailleurs et ici?
Thomas est réalisateur. Quand, à 8 ans, on regarde Alice au pays des Merveilles, en trouvant ce dessin animé fichtrement dérangeant, au même âge, il regardait Cria Cuervos de Carlos Saura. Ca ne s’invente pas. Un héritage paternel, raconte-t-il. Car le cinéma est familial. A travers une « famille » cinématographique, ou plus simplement, d’amis.


Vient le temps de raconter des histoires. Plus tard.
Et c’est là que ça devient intéressant. Décidément, chez l’artiste, il y a toujours quelque chose de Dr Jekyll et Mr Hyde. Sirotant tranquillement sa bière, il se marre. Thomas, le cinéphile ne s’entendrait pas bien avec Thomas Creveuil, le cinéaste. Ce qui le meut et l’émeut, Thomas, cinématographiquement ne correspond pas à ce qui sort de sa plume et de sa caméra. Sa came sur l’écran, c’est Desplechin, Garrel. Derrière la caméra, c’est du fantastique. « J’adore le cinéma social, urbain, un peu dur. Les frères Dardenne, par exemple. Mais dès que j’essaie d’écrire un Conte de Noël, c’est du fantastique qui sort. Je crois que c’est mon truc, en fait. » Les voies de la création sont impénétrables. Il ne se l’explique pas.


« Jugez-moi. A tout à l’heure »


Cinéma Max Linder Panorama, un matin de janvier. 300 personnes dans la salle. On projette Ailleurs c’est ici. Là, tendu, devant tous ces gens, Thomas. – « Merci de vous être levé à 8h du matin / Voilà ce que je fais / Jugez-moi. A tout à l’heure« .
Présenter son travail est une démarche bizarre, nous raconte-t-il.
Pudeur, impudeur. A présenter son univers, on s’expose fatalement. Le fil est ténu entre réserve et impudeur.
Mais « le cinéma est une affaire de partage ». Son idéal? « Toucher les gens. Qu’ils sortent de la salle en ayant des questions, sur eux-même ». De soi vers l’universel. Moi vers les autres.


Les autres, c’est aussi ce qui sous-tend sa manière de travailler. Si on peut être habité par ses personnages, on peut l’être également par ses acteurs, – et c’est sans conteste le cas de Thomas. Et il en parle avec les yeux brillants. Ses comédiens, il bâtit son histoire avec et pour eux. « Je construis avec eux. Tout le temps. En fonction des gens que j’ai en tête. Je les entends parler ».
Il avoue que sur le tournage d’Ailleurs, c’est ici, il a supprimé quelques séquences pour que l’équipe aille à la plage. Et à ceux qui clament que c’est un point de vue amateur, rien à foutre. Le bonheur d’être ensemble. « Etre heureux d’être là ».


« Les émotions passent par la musique »


Dans le métro parisien, un jeune homme, les écouteurs vissés aux oreilles. Les notes d’une chanson « Ailleurs, c’est ici ». Et une vision.
« Dans le métro, un soir, en écoutant cette chanson de Louis, j’ai eu la vision de la scène des femmes-taureaux (NDLR: scène clé du film). Mais vraiment tout ». Aveu d’autant plus frappant que la musique a un rôle essentiel dans son court-métrage. La voix du chanteur est un personnage en lui-même. Il scande, rythme l’intrigue. « Pour moi, au cinéma, les émotions passent par la musique ». Créer de l’image par le son. Les faire correspondre, comme par vases communicants. je me dis qu’il a raison. Et que c’est quand même très baudelairien comme idée. Vous savez, l’idée baudelairienne des correspondances. Que « les parfums, les couleurs, les sons se répondent ». Mon mystère de l’autre soir, à regarder son court, ça venait de là, en fait. Les correspondances, vous dis-je, les correspondances.


Des Correspondances aux traversées des portes de la perception, il n’y a qu’un pas. Traversées, c’est d’ailleurs le titre de son prochain projet, avec Louis-Ronan Choisy, Clémentine Poidatz et Julia Piaton au casting. L’histoire? Une société contre-utopique, après une apocalypse industrielle. « Tout est fracassé. Flingué ». Un homme, Louis, tente d’y croire. Je sais pas, vous, mais la dernière fois qu’on m’a raconté l’apocalypse au cinéma, Lars, of course, ça m’a retournée comme une crêpe. De bonne augure? Certainement!


AILLEURS C’EST ICI – Trailer from Thomas Creveuil on Vimeo.



Ailleurs, c’est ici de Thomas Creveuil. Avec Pascal Barbier, Clémentine Poidatz. 18′. Horizon Pictures – A Travers le miroir.