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Actu [Théâtre – Rencontre] : « Portraits du paysage, du dehors au dedans » au Théâtre de l’Odéon

« Portraits du paysage, du dehors au dedans »

Rencontre avec Gilles Tiberghien, philosophe, esthéticien

Mardi 6 Décembre 2016 / 18h00

Odéon 6e / Salon Roger Blin

Animé par Daniel Loayza

En écho avec le spectacle Il cielo non è un fondale de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, une enquête sur la place du paysage dans l’art contemporain.

Photo : l cielo non è un fondale, photo © Elisabeth Carecchio
Photo : Il cielo non è un fondale, photo © Elisabeth Carecchio

Gilles Tiberghien , philosophe et essayiste, enseigne l’esthétique à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est membre du comité de rédaction des Cahiers du Musée d’art moderne et des Carnets du paysage, revue publiée par l’École nationale supérieure du paysage. Il est l’auteur, entre autres, de Nature, art, paysage (Actes-Sud / ENSP, 2001), Notes sur la nature, la cabane et quelques autres choses (Le Félin, 2005), La Nature dans l’art sous le regard de la photographie (Actes Sud, 2005), Dans la Vallée [avec Gilles Clément]. Biodiversité, art et paysage (Bayard, 2009).

Pour plus d’informations : http://www.theatre-odeon.eu

(Source : Dossier de presse)




Le jour où le mur de Berlin n’est pas tombé…

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         Et si, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin n’était pas tombé, dans quel monde vivrions-nous ? C’est une petite maison d’édition éphémère, les Uchroniques, qui s’est saisie de la question la première. Composée de quinze étudiants de la Sorbonne, elle publie cette semaine un unique beau livre auquel ont collaboré soixante écrivains, artistes, et illustrateurs: Le jour où le mur de Berlin n’est pas tombé – et tous ceux qui suivirent. En oscilliant entre violence, humour et poésie, cette anthologie de témoignages venus d’un monde parallèle fascinant entraine les lecteurs à la découverte de nouveaux pays, de nouveaux ordres politiques, de nouveaux hommes. Richement illustré et bourré d’humour, cet ovni littéraire a retenu notre attention. 

Pour comprendre cette uchronie, nous avons rencontré Guillaume Müller (l’un des éditeurs à l’origine du projet) dans la librairie-galerie Le Monte-en-l’air (71 rue de Ménilmontant, Paris) qui déborde d’étudiants à l’occasion du lancement du livre. A croire qu’une révolution se prépare…   

La question qui s’impose: qu’est ce que l’uchronie ?

L’uchronie, c’est un genre littéraire affilié à la science-fiction et basé sur le même modèle que « l’utopie ». L’idée est d’altérer ou de modifier un élément du passé et d’en imaginer les conséquences qui auraient pu suivre. Beaucoup d’auteurs se sont essayés à l’uchronie, de Philip K. Dick à Michel Déon en passant par Éric-Emmanuel Schmitt.

Pourquoi avoir choisi le mur de Berlin?David et la colombe

Tous les ans, les étudiants du Master 2 de Lettres Modernes Appliquées de la Sorbonne doivent réaliser un ouvrage dans le cadre de leur formation. Les éditeurs de ce livre et instigateurs du projet ont tous entre 22 et 26 ans. Nous appartenons tous à la génération de l’après chute du Mur. En novembre prochain, nous fêterons les vingt-cinq ans de sa chute. Parmi nous, personne ne l’a vécue mais c’est un événement à partir duquel s’est organisé le monde dans lequel nous vivons. Il est très présent dans notre mémoire collective. Pour nos parents, c’était hier. Pour nous, Berlin est la capitale européenne branchée par excellence. Il nous semblait important de se poser cette question: où en serions-nous si le 9 novembre 1989 s’était déroulé autrement? Cette année, Emmanuel Carrère est le parrain de notre promotion. Il a lui-même écrit un petit essai sur l’uchronie dans lequel il laisse entendre que la démarche est vaine.  En réalité, il dit que l’intérêt premier de l’uchronie, c’est la fiction qui peut en jaillir. Revisiter un événement historique est un formidable moteur de fiction. 

 

A quoi ressemble le monde dans votre livre?

A un monde aussi fou que le nôtre. Tous les extraits se valent, ils ont tous leur tonalité. Certains sont très sombres voire totalement décalés; toutes les oeuvres présentes dans le bouquin sont très fortes. Ca nous a beaucoup amusé en tant qu’éditeurs de voir certains personnages revenir régulièrement dans les contributions : Rostropovitch, le violoncelliste qui a improvisé un concert au pied du Mur ou encore David Hasselhoff qui a chanté « Looking for Freedom » sur le Mur. Ils appartiennent à la mémoire collective que nous avons du 9 novembre 1989 mais que seraient ils devenus si le Mur n’était pas tombé ce jour-là ? Il y a une contribution que j’aime beaucoup pour plusieurs raisons. Notre idée, c’était de recueillir des sortes de témoignages bruts de ces mondes parallèles. Diane Ranville a imaginé qu’en 1994, à la suite de ce qu’on a appellé la « Révolution Littorale », certains pays d’Amérique du Sud se sont ligués avec Cuba pour former les Républiques Unies d’Amérique du Sud. On découvre cette nouvelle configuration géopolitique à travers les extraits de trois journaux différents (Granma, The International Herald Tribune et Le Monde) disséminés dans tout le livre, journaux qui traitent la même information mais avec un regard différent à chaque fois. Elle créée quelque chose d’immersif, elle nous livre un instant réaliste et presque palpable du monde parallèle. Et surtout, on sort de Berlin, on voit bien que l’événement uchronique a des répercussions mondiales. Et puis vous avez entendu parler des mouvements contestataires au Vénézuela en ce moment ? Cet extrait montre bien comment notre livre, même si ce n’est que de la fiction est totalement en prise avec l’actualité.

Le mondePeut-on y voir un ouvrage « politique »?

Ca a été notre première crainte: tomber dans le jugement de valeur mais je crois que nous nous en sommes bien sortis finalement. Tous nos auteurs et artistes ont contourné le problème grâce à l’humour ou le second degré. Ca donne à l’ouvrage une tonalité plus pop et décalée que prévue. Certains ont décidé de ne pas se concentrer sur Berlin Est/Ouest et nous emmener au Japon, en Amérique du Sud, aux États-Unis ou même sur l’île de la Réunion, le champ des possibles est immense. Et puis c’est poétique aussi et très illustré. La plupart des auteurs que nous avons choisi de publier sont peu connus , ce qui ne les empêche pas d’avoir un grand talent. Lisez-le, c’est un très beau livre…

 

 

Pour revisiter l’histoire avec eux:

Le jour où le mur de Berlin n’est pas tombé, Les Uchroniques, 18 euros, 224 p.
– Site internet : lesuchroniques.fr
– Page Facebook : facebook.com/lesuchroniques et Compte Twitter: twitter.com/lesuchroniques

Du 21 au 24 mars 2014, Stand B23 au Salon du Livre de Paris, parc des expositions. Cinq exemplaires uniques reliés par des artistes diplômés de l’école Estienne et spécialisés dans la reliure d’art y seront exposés et proposés à la vente.

morgan

 




Alice Zeniter – Prix de la Closerie des Lilas 2013

Prix littéraires et mondanités font souvent ménage commun. La Closerie des Lilas ne déroge pas à ce mariage des genres.
Ainsi, c’est dans le somptueux cadre de la célèbre brasserie parisienne du 171 boulevard du Montparnasse que s’est tenue mardi 09 avril dernier la 7e cérémonie de remise du Prix du même nom.

Particularité de cette distinction : un jury exclusivement composé de femmes, en charge de désigner une heureuse lauréate. A la différence donc du Femina, qui consacre indifféremment hommes ou femmes.

L’heureuse élue de l’édition 2013 est ainsi une jeune auteure. 27 ans. Déjà trois romans à son actif. Alice Zeniter.
« Sombre dimanche », encensé par la critique à sa sortie, a convaincu le jury, présidé par Emmanuelle de Boysson.

Et c’est entouré du Tout-Paris que l’écrivain française a célébré cette reconnaissance de ses pairs : Frédéric Beigbeder, Véronique Ovaldé, David Foenkinos, Erik Orsenna, Amélie Nothomb, PPDA, Mazarine Pingeot, Tatiana de Rosnay, Tonino Benacquista, Amanda Sthers, Nicolas Bedos, Arielle Dombasle, Jean-Pierre Mocky, …

Passée l’heure de l’annonce et de la remise des distinctions, tout ce petit monde s’est laissé envoûter par les mélodies du jeune et talentueux groupe parisien : Théodore, Paul et Gabriel. Qui comme son nom ne l’indique pas, est lui aussi exclusivement féminin.

Mais ça, c’est une autre histoire … à suivre très prochainement sur Arkult !

Alice Zeniter - Lauréate du Prix de la Closerie des Lilas 2013
Alice Zeniter – Lauréate du Prix de la Closerie des Lilas 2013




Beigbeder – Sur une banquette du Flore…

Frédéric Beigbeder
Frédéric Beigbeder

Auteur réussissant à apprivoiser la mélancolie en la métamorphosant en une douce promenade sur la plage. C’est bon comme un mars d’1 m50 (celui qui repart), un buffet à volonté sans pique assiette, une douzaine d’huitres déjà ouvertes et en plus c’est 0 calorie dedans.

Qu’entend-on le plus souvent sur M. Beigbeder ? Un noceur, un dandy, sexuellement obsédé. Que retrouve-t-on le plus souvent dans ses livres ? Des noceurs, des dandys, des nymphomanes dénudées. Voilà nous pourrions nous arrêter là et passer à côté de Frédéric, car son œuvre est, bien entendu, tout autre.

Frédéric Beigbeder, mode d’emploi :

Etape 1 : Commencer par la fin, oui, par son dernier livre Un roman Français non pas parce qu’il est le meilleur (prix Renaudot, tout de même) mais parce qu’il est le plus personnel et sûrement le plus honnête, on découvre l’homme derrière l’écrivain, d’ailleurs chacun de ses livres a quelque chose d’autobiographie ou une « autofiction prospective » comme  le décrit Houellebecq.

Citation 1 : « C’est l’histoire d’un garçon mélancolique parce qu’il a grandi dans un pays suicidé, élevé par des parents déprimés par l’échec de leur mariage. »

Etape 2 : Reprendre par le début, la trilogie Marc Marronnier : Mémoires d’un jeune homme dérangé, Vacances dans le coma et L’amour dure trois ans. Une lutte sans fin pour trouver l’amour, le consumer et surtout le perdre, afin de recommencer, dans cet ordre, invariablement. L’empreinte Beigbeder y est déjà forte avec des formules dignes d’Audiard (le père).

Citation 2 : « Vive la drague droguée ! Plus besoin de briller, de dépenser des fortunes, de diner aux chandelles : une gélule et puis au lit ! ».

Citation 3 : « Il me faudra une corde avec un nœud comme ce fromage : bien coulant. »

Citation 4 : « A New York les taxis sont jaunes, à Londres ils sont noirs et à Paris ils sont cons. »

Etape 3 : Enfiler le costume du plus célèbre publicitaire névrosé : Octave Parango, dans 99 F (rebaptisé 14,99), en oubliant, s’il vous plaît, le film, pour finir dans une Russie en déconstruction dans Au secours Pardon où, après quelques années de prison, Octave confie son errance amoureuse à un prêtre orthodoxe à la Camus dans La Chute et détruit tout puisque plus rien ne peut survivre.

Citation 5 : « Les bombes, je les préfère sexuelles, et les attentats, à la pudeur. »

Etape 4 : Ne passer surtout pas à côté de L’Egoïste Romantique, Octave (encore un !, en musique une octave est l’intervalle séparant deux sons dont la fréquence fondamentale de l’un vaut le double de la fréquence de l’autre, tiens tiens !), cet écrivain « égoïste, lâche,  cynique et obsédé sexuel – bref un homme comme les autres » nous partage son journal intime, les jours s’écrèment alternance d’épanchements romantique et de regards lubriques, on se délecte de ses frasques et des ses rencontres.

Citation 6 : « Ce qui serait bien, à présent, pour l’évolution de l’histoire du cinéma, ce serait de tourner un film porno où les acteurs feraient l’amour en se disant « je t’aime » au lieu de « Tu la sens, hein, chiennasse ». Il paraît que cela arrive, dans la vie (L’idéal est d’alterner les deux) ».

Citation 7 : « Les hommes sont toujours entre une ex et une future, car le présent ne les intéresse pas. Ils préfèrent naviguer entre la nostalgie et l’espoir, entre la perte et le fantasme, entre la mémoire et l’attente. Nous sommes toujours coincés entre deux absentes. »

Etape 5 : Voilà votre Frédéric Beigbeder est quasiment monté, tel un meuble Ikea, mais sans douleur. Reste les finitions, avec Windows on The World coincé dans la tour Nord du World Trade Center le matin du 11 septembre, vous n’avez plus que quelques heures à partager avec de parfaits inconnus, à quoi les passons-nous, à qui ou à quoi pense-t-on ?,  bilans de vies qui s’achèvent, entrecoupé d’un petit déjeuner au Ciel de Paris en habile parallèle.

Etape 6 : Toujours pas rassasié ? Plonger sans retenu dans Nouvelles sous ecstasy, inventaire hallucinant d’images et d’actes tous plus incontrôlés les uns que les autres sous influences d’ecsta et retours de shoots. On se demande où est la part de réel ce qui libère le propos, le rend plus honnête. A lire et relire sans limite le chapitre : Comment devenir quelqu’un, tout simplement splendide.

Citation 8 : « S’abîmer de manière irréversible le cœur, gâcher sa vie pour quelqu’un, et pleurer, vivement pleurer ! Plus besoin de cachets, ni de fouets, tu seras à la merci de ses yeux et de ses lèvres. En pensant à ses baisers et son parfum, tu auras de nouveau la respiration difficile ».

Citation 9 : « On naît, on meurt, et s’il se passe quelque chose entre les deux, c’est mieux (F. Bacon) ».

Citation 10 : « Il existe une zone de flou artistique entre le célibat dépressif et le mariage ennuyeux : baptisons-la bonheur ».

Encore un peu de souffle ?  Dernier inventaire avant liquidation où ce qu’il faudra avoir lu du XXe siècle.

Je laisserai le mot de la fin à Michel Houellebecq : « Frédéric Beigbeder [est] peu à peu devenu une sorte de Sartre des années 2010, ceci à la surprise générale et un peu à la sienne propre, son passé le prédisposant plutôt à tenir le rôle d’un Jean-Edern Hallier, voire d’un Gonzague Saint-Brice. »

 Bibliographie non exhaustive

  • 1990 : Mémoire d’un jeune homme dérangé, La Table ronde.(Roman)
  • 1994 : Vacances dans le coma, Grasset. (Roman)
  • 1997 : L’amour dure trois ans, Grasset. (Roman)
  • 1999 : Nouvel sous ecstasy (nouvelle)
  • 2000 : 99 francs (14,99 euros), Grasset. (Roman)
  • 2001 : Dernier inventaire avant liquidation (Essai)
  • 2003 : Windows on the World, Grasset, prix Interallié. (Roman)
  • 2005 : L’Égoïste romantique, Grasset. (Roman)
  • 2007 : Au secours pardon, Grasset. (Roman)
  • 2009 : Un roman français, Grasset, prix Renaudot. (Roman)



Gran Kino – 1989 – Rencontre

1989, premier album de Gran Kino est pour le moins original. Le principe : réunir des artistes aux horizons des plus divers (un douanier hongrois, un MC d’Atlanta, Calexico, Clare – de Clare and the Reasons) autour d’une année, 1989, et de leurs souvenirs.

Rencontre avec Robin Genetier (guitare, basse, clavier) : 

Arkult (A) : 1989. Des souvenirs dans toutes les mémoires. Et vous, quel souvenir marquant de cette année 1989 ?

Gran Kino (GK) : Le souvenir que j’ai le plus en tête pour cette année est celui de l’exécution de Ceausescu le 26 décembre. Je me souviens du contexte, des personnes avec qui j’étais et de l’ambiance de cette fin de décennie… Les images de ces deux corps gisants, avec une image brouillée, une sorte de pression entourant tout cela, ma famille devant cette télé qui rend cette situation presque comme une fiction… Un drôle de moment pour finir une année si forte.

A : Quel tournant pour la culture européenne et mondiale a signifié pour vous cette année bien particulière ?

GK : Le Mur de Berlin est certainement le plus grand tournant pour la culture européenne & mondiale … On découvre alors les pays de l’Est, on va voyager, apprécier la « nostalgique architecture soviétique »… D’un seul coup – ou presque – c’est comme si on cassait un barrage entre deux eaux stagnantes : l’Ouest découvre les musiques de l’Est, les volontés artistiques qui se sont battues et développées sous la dictature communiste … Tandis qu’à l’Est, les populations vont être confrontées au mur de la pop culture, qui en cette fin des années 80 est surpuissante.

A : 1989. Berlin. La Chute du Mur. Quelle est votre vision de la « berlinisation » actuelle de la scène culturelle française et européenne, plus de 20 ans après ?

GK : Nous avons eu la chance d’aller de nombreuses fois à Berlin pour jouer, visiter, observer, écouter et acheter des disques … Il paraît que cette ville est la ville la plus appréciée des artistes américains & européens, c’est surement dû à l’Histoire qui survole toujours les quartiers de cette cité, à la gentillesse de sa population, au sentiment de liberté qui règne dans ces rues immenses où au final peu de gens vivent. On sait ce qu’on en ramène, mais l’applique-t-on vraiment ailleurs ? On aime l’électro berlinoise, l’énergie de ses soirées, l’implication artistique des ces habitants mais je ne suis pas sûr qu’on puisse un jour répéter cela chez nous, comme nous avons su le faire avec la culture américaine, et c’est pas plus mal. C’est beau des endroits qui gardent leurs spécificités, leur propre « odeur ».

A : Quels pourrait être la prochaine année / les prochains déclencheurs susceptibles d’inspirer de telles réactions / initiatives ?

GK : Un jour, un journaliste m’a dit : alors vous allez faire 1990 ? 1991 ? … Même si dans chaque pays, il y a toujours un évènement marquant, je ne suis pas sûr que toutes les années aient une « importance » sur l’entièreté du globe comme ça peut être le cas avec 1989.

Bien évidemment 1968, ça serait aussi intéressant de travailler sur 2011 – avec les révolutions dans les pays du Maghreb – ou même plus précisément sur la crise de 1929 en faisant un pont avec maintenant … Il y a des thèmes à collaboration tout autour de nous, il suffit de trouver l’angle de réflexion, et d’étudier correctement le sujet. C’est en même temps plus simple et plus dur que de faire un album plus « conventionnel » : plus simple car l’histoire est là, et il suffit de creuser pour en avoir d’autres et alors d’avancer sur l’imaginaire entourant chaque événement mais aussi plus compliqué car chacun d’entre nous vit ces moments, les connaît, les appréhende, et il faut donc ni se tromper, ni trop extrapoler, ni soustraire la vérité à l’Histoire.

A : Quels sont vos projets pour le futur ?

GK : En plus du projet 1989, qui nous prend encore du temps à travers la tournée en France & à l’étranger, mais aussi des nouvelles compositions qui restent à venir dans le spectacle, nous avons plusieurs idées/projets en cours d’écriture et de réalisation.

Le principal projet nous vient d’Afrique du Sud, où après avoir tourné là-bas pendant 1 semaine en septembre dernier, nous nous sommes vu proposer une collaboration avec divers artistes sur 2 projets distincts. Tout d’abord à Durban, avec des rappeurs zoulous qui seront en France en juin prochain, et avec qui nous allons faire des titres et partir en tournée. Ensuite au Cap, on s’est vu offrir la possibilité de travailler avec des artistes chanteurs / musiciens / danseurs locaux sur l’importance de Nelson Mandela pour l’Afrique du Sud, son arrivée au pouvoir en 1994 et aussi les couleurs du drapeaux … Un énorme projet avec des A/R entre les deux pays, un documentaire, un album, une tournée à l’automne 2013 et peut être même les 20 ans de la présidence de Madiba en 2014 à Pretoria.

Il y’a d’autres projets plus « officieux » et qui nécessitent qu’on avance encore discrètement. Je pense que tout sera toujours orienté vers des collaborations avec des artistes étrangers ou de styles différents du nôtre, ou vers des recherches musicales nouvelles.

A :  Un petit mot pour les lecteurs d’Arkult ?

GK : Je recherche des musiciens / chanteurs suisse allemand pour un projet futur, et si vous en connaissez hésitez pas à m’orienter ! Ecrivez à awordtogk[at]gmail[dot]com … Sinon, merci d’avoir pris le temps de lire, de découvrir Gran Kino et son projet 1989. J’espère qu’il retiendra votre attention, et que vous comprendrez que ce projet est une histoire et que cet album n’est pas une compilation mais une suite d’histoires comme un recueil de nouvelles.

 

Gran Kino
Sara de Sousa : chant, piano, orgue, xylophone
Charlie Doublet : chant, saxophones, clavier
Morgan Arnault : batterie, choeurs
Robin Genetier : guitare, basse, clavier

Site Web : http://www.grankino.com
Site Bandcamp : http://www.1989.bandcamp.com
1989 sur iTunes : https://itunes.apple.com/fr/album/1989/id564788149

 




Charlotte de Turckheim : « Une lolita d’un certain âge »

Charlotte de Turckheim est revenue pour Arkult sur son rôle de Kathy, « lolita d’un certain âge », qu’elle incarne dans « Que faut-il faire de Mister Sloane »

On vous voit peu au théâtre, c’est une volonté de votre part ?

Depuis 20 ans, je joue mes one-woman-show sur scène, ajoutez-ça au cinéma, ça ne me laissait plus le temps pour le théâtre. Sachez qu’en général, je joue mes spectacles 1 an à Paris puis 3 ans en tournée, donc chaque spectacle me prend 4 ans, ajoutez-y la préparation et on arrive à 5. J’ai fais trois spectacle, ça fait 15 ans !

J’ai la chance d’avoir beaucoup de succès avec mes one-woman-show, j’ai adoré les jouer dans toute la France. Mais c’est vrai qu’on ne parle de vous que la première année parce que vous êtes à Paris. Une fois en province, ça n’intéresse plus les médias. Les gens ont l’impression que vous n’êtes pas là, alors que vous êtes « sur le terrain », si j’ose l’expression !

Vous avez arrêté les one-woman-show ?

Oh non ! J’y reviendrai certainement un jour. Mais là, j’avais envie de jouer avec d’autres gens. Je me régale à me retrouver dans les loges avec les acteurs, on s’entend tous super bien. J’avais envie de partager les moments forts, les joies, les peines. Surtout sur un spectacle comme ça que certains adorent et d’autres détestent. On en rigole ensemble, on se soutient, c’est extra.

Comment avez-vous rencontré Michel Fau qui vous met en scène ?

Je l’ai rencontré il y 20 ans. On jouait « Le Misanthrope » de Molière à Nice. Je m’étais vachement bien entendue avec lui, j’avais adoré sa folie, sa liberté, son insolence… On s’est entendu comme larron en foire. On était moyennement heureux dans ce spectacle car on était assez contrains, c’était pas un endroit où on pouvait exprimer une folie. C’était difficile…

C’est marrant, parce que je m’aperçois… Je viens de la grande époque du café-théâtre, et j’avais un peu minimisé l’influence que ça aurait tout au long de ma carrière. Quand j’ai démarré, je ne voulais pas jouer du boulevard, ni du classique. Dans ce milieu, on voulait faire exploser les codes. À l’époque, le Café de la Gare, c’était tout ce que j’aimais ! C’était génial ! Et Coluche, le Splendid… Ils faisaient un théâtre que je n’avais jamais vu. Après cette époque, je me suis retrouvée dans une grosse structure subventionné où il fallait aller faire des courbettes à la mairie, je rentrais dans un monde très pyramidal, conventionnel, ce n’était pas mon truc. J’avais décidé qu’après ce « Misanthrope », je ferais mes spectacles toute seule !

Pour en revenir à Michel Fau, comment vous êtes vous retrouvé aujourd’hui pour travailler sur la pièce de Joe Orton ?

On a le même agent, Jean-François Gabard. Plusieurs fois je lui ai dit que si je retournais au théâtre, ce n’était pas pour faire le premier boulevard venu, et que je n’accepterais de jouer dans un boulevard que s’il est mis en scène par Michel Fau.

C’était donc un désir de votre part de travailler avec lui.

Exactement. Du coup, c’est Jean-François qui a dit à Michel Fau, « Tu sais, Charlotte a très envie de jouer avec toi », et Michel Fau m’a proposé cette pièce.

Comment vous l’a-t-il présenté ? Vous connaissiez Joe Orton ?

Je ne connaissais pas Joe Orton, et quand il me l’a donné à lire, il a dit à notre agent, « elle ne va pas accepter ». Il pensait que je ne voudrais pas le rôle, c’est vrai qu’il ne me met pas beaucoup en valeur…

Vous pouvez nous présenter ce personnage de Kathy ?

Je pense que c’est une nana qui a entre 40 et 50 ans… Ou plutôt sans âge puisqu’elle tombe enceinte. Mais comme tout est un peu irréel… Ne mettons pas d’âge, l’idée de l’âge me vient parce qu’elle tombe enceinte. Mais est-elle vraiment enceinte ? Elle est assez folle pour se faire croire qu’elle l’est. Disons, une femme plus toute jeune, ni toute vieille. C’est une lolita d’un certain âge qui séduit un espèce de jeune homme mi-ange mi-demon qu’elle met aussi sec dans son lit. Ce qui rend le frère abominablement jaloux. Kathy est à la fois la grande gagnante et la grande perdante de la pièce.

On pourrait appliquer cette phrase au frère aussi…

Oui, sauf que dans l’histoire il y a une seule certitude, celle que Sloane est mon amant. Il n’y a aucune certitude concernant l’autre côté. Et dans le fond le frère n’assume pas vraiment son homosexualité alors que moi j’assume totalement d’être une cougar. Je passe à l’acte !

La situation de Kathy est plutôt inconfortable, et comme vous le disiez le rôle ne vous met pas particulièrement en valeur. Pourquoi l’avoir accepté ?

Je savais qu’avec Michel je pourrais aller très très loin dans le personnage, tout en étant protégée.

Protégée ?

Je savais que ça allait être bien, je savais que ça allait me plaire. Même si « bien » ça ne veut rien dire, car il y a des gens qui détestent la pièce.

Vous ne pensez-pas que si des gens détestent cette pièce, c’est probablement en partie à cause du traitement que subi votre personnage ?

Vous voulez le fond de ma pensée ? Je pense que les gens qui n’aiment pas cette pièce, sont des gens qui ont des zones d’ombre en eux. Je vois des gens qui sont tellement choqués et exaspérés en sortant ! Ça reste du théâtre tout de même, c’est pas si grave… Mais il y en a qui ne sont pas prêt à entendre des choses aussi dérangeantes sur la sexualité, sur la violence et sur la manipulation…

Vous n’avez aucune difficulté à subir autant de violence chaque soir sur scène ?

Honnêtement, si… Je fais des cauchemars toutes les nuits, d’enfants morts ou d’enfants qu’on me confie et que j’oublie dans des piscines, des gosses défenestrés… C’est dingue. Kathy a eu un enfant, il est mort ou il a été adopté, on ne sait pas.

Vous habitez complètement votre rôle…

Je m’aperçois que ça me remue beaucoup. Je suis très contente d’être sur scène, mais la folie de ces personnages remue terriblement. Je suis très fragile en ce moment, très fatiguée. Physiquement aussi, moi qui suis une lève tôt, je ne me lève pas un seul matin avant 11 heures. Ce n’est pas un rôle qu’on peut jouer avec de la technique, il faut être complètement dedans, on ne peut pas s’économiser, quand on a un peu trop confiance ça ne marche pas. Si je rentre en scène et que je ne suis pas au maximum de l’hystérie contenue, ce n’est pas bon. La première réplique, « voilà le salon », il faut que le public voit toutes les questions qui me passent par la tête « je vais me le faire ? Il va rester ? J’ai tellement envie »… Si je me contente de dire « voilà le salon » comme Jacqueline Maillan, ça ne marche pas. C’est incroyable.

Vous arrêtez « Que faut-il faire de Mr Sloane » le 31 décembre. Avez d’autres projets au théâtre en 2013 ?

Non je fais ça et c’est tout. Je me mets très à fond dans ce que je fais, et là, j’en ai pour six mois à me remettre d’un rôle pareil !

Voir notre critique de « Que faire de mister Sloane ? »

 

 




Lee Jeffries, le photographe illusionniste

Les mots de Bukowski sonnent juste pour expliquer la démarche artistique du photographe Lee Jeffries. Cet artiste originaire de Manchester a commencé par photographier des manifestations sportives avant de se tourner vers la photographie sociale. 

« Quand je sortirai, j’attendrai un moment et puis je reviendrai ici, je reviendrai et je regarderai de l’extérieur et je saurai exactement ce qui se passe de l’autre côté et là, devant ces murs, je vais me jurer de ne plus jamais me retrouver derrière. »  

 

La légende veut qu’il ait volé son premier portrait à une jeune SDF blottie dans son sac de couchage. Honteux d’avoir pris la fuite avant qu’elle ne s’indigne, il serait revenu sur ses pas pour lui parler et aurait changé par la même occasion sa perception de ceux qui devinrent ses modèles de prédilection : les sans-abris. Passer de l’autre côté et là, devant ces murs, jurer de ne plus jamais me retrouver derrière. Rendu célèbre par la chaîne de magasins Yellow Corner, qui vend des reproductions de ses photographies à des tarifs raisonnables, Lee Jeffries jure aujourd’hui qu’il n’oublie pas la dimension humaine de son travail: « J’ai fait un effort pour apprendre à connaître chacun des sujets avant de leur demander leur permission de faire leur portrait. » 

 

Finalement, ils sont des centaines à avoir été immortalisés par le maître. Il a fait des rides et de la crasse sa spécialité. Sur son compte Flickr, on peut les observer en série. Ils ont les ongles sales, le nez tordu, des barbes jaunies mais ils sont beaux. En grand illusionniste, Lee nous donne à voir les hommes des marges et en fait des princes. Avec son Canon EOS 5D, il parvient à mettre en lumière toute la noirceur des rues. Il laisse aux modèles leurs filets de bave, leurs sourires édentés et le droit de fumer et nous rappelle par la même occasion que le beau est partout où l’on veut bien le chercher.

 

 

Devant son objectif, les vieilles femmes se changent en madones et les soûlards ressemblent à de beaux marins. Mais la véritable métamorphose, c’est en chacun de nous qu’elle s’effectue. Le tour de magie, c’est le message que l’œil envoie au cerveau, demandant de faire fi de tout préjugé pour ne plus voir que l’éclat des êtres vivants qui nous entourent. La perfection des marges, la splendeur là où personne ne l’attend. C’est là tout le génie du photographe qui bouscule notre perception du réel et nous fait passer de l’autre côté du mur.

 

 




May Day – La rencontre

Maud Naïmi, la voix du duo May Day s’est prêtée au jeu et a répondu longuement à la petite question posée par Arkult.

Parce qu’après avoir écouté en boucle leur premier album Somewhere to be Found, ça nous turlupine…

[Arkult] May Day / Votre 1er album est-il un appel à l’aide ou un appel au rêve et au voyage ?

[Maud] « Ni l’un ni l’autre, à vrai dire. D’abord « May Day » ne vient initialement pas du SOS international, c’est bien May Day en deux mots, comme le premier mai. Le projet était solo au départ, et on a conservé son nom initial. J’ai toujours eu une affection particulière pour le mois de mai durant lequel le hasard fait qu’il m’arrive souvent quelque chose de bien. Donc l’idée au fond était peut-être d’attirer les bonnes ondes.

Ensuite, et surtout, au commencement, j’ai enregistré les premières démos guitare/voix des premières chansons (dont celles de « Meet My Love », notre premier EP) avec un MD (MiniDisc) et M et D sont les deux consonnes de mon prénom, donc je cherchais – bêtement – quelque chose qui tournerait autour de ces deux lettres.

May Day s’est imposé pour les raisons pré-citées. Si c’était aujourd’hui, comme j’enregistre les démos que j’envoie à Julien sur mon iPhone, peut-être qu’on s’appellerait iayPay!

Pour en revenir à « Somewhere to be Found », il a été écrit quasi intégralement en dehors de chez moi (dans un avion au-dessus de l’Atlantique, dans des trains, des métros, à la campagne, chez mes parents, …) mais je ne l’ai réalisé qu’a posteriori, et qu’en me rendant compte que toutes les chansons avaient un dénominateur commun: la notion d’appartenance.

J’englobe là-dedans les liens humains, ceux qu’on crée, ceux qu’on souhaite, ceux qu’on fuit, ceux qui se brisent, ou bien la famille, le foyer, la maison, comme la quête personnelle de chacun, donc en résumé : ce de quoi on est fait, ce qui nous habite. Pour moi, la résultante est plus complexe qu’un appel au voyage ou au rêve, quoique les deux soient apparemment bénéfiques, dans mon cas, à la création. Malgré ça, « Somewhere to be Found » n’est pas un album concept, il ne raconte pas nos dernières vacances et n’a pas non plus volonté à inciter à une chose ou une autre. Les chansons sont toutes différentes, évoquent des histoires et des situations différentes, des personnes toutes différentes, et ont été réalisées comme telles, chacune avec leur individualité. Et comme nous sommes tous différents, j’aime à penser que chacun préfèrera une chanson de l’album parce que la musique et /ou le texte lui parleront plus que les autres, oui, peut-être en le faisant rêver ou en le faisant voyager. Dans sa globalité, ce disque ne sert pas un but unique, même si pour moi, oui, c’est un album mobile, écrit en mouvement. Il sera toujours reçu différemment selon où l’on est, où l’on va et le chemin qu’on prend. Mais s’il pouvait avoir un pouvoir, celui que j’aimerais qu’il ait c’est celui d’accompagner les gens, là où ils sont, là où ils vont, sur leur chemin à eux. »

May Day que vous aviez découvert ici ou alors que vous allez découvrir bien vite car une interview comme celle-ci vous aura forcément intrigué, n’est-ce pas?!




« L’Italienne », on ne badine pas avec le théâtre

ITALIENNE. Si ces 4 syllabes vous emmènent dans la péninsule chère à Jules César vous êtes dans le vrai. Cependant si l’image mentale qui se projette dans votre ciboulot est celle d’une jeune femme au corps glabre, au teint halé, aux vêtements bien taillés et aux lunettes vissées sur un petit nez mutin, vous êtes loin, très loin de la vérité. Le pire dans tout ça, c’est que vous ne comprendrez le titre de cette pièce qu’une fois à la moitié de la représentation. C’est là un bien faible risque à prendre car lorsqu’on se rend au théâtre du Funambule on est certain de passer une plaisante soirée.

Dans dans « L’Italienne » de Eric Assous, on parle d’amour. Exit le mélo dégoulinant pour les coeurs d’artichauts ou le règlement de compte à « O.K. Corral ».  Au centre de « L’Italienne » un couple, deux acteurs et une pièce dans la pièce.

Après le Théâtre du funambule c’est La Comédie St Michel qui accueille le duo à partir du 21 Septembre et pour 4 mois du vendredi au samedi à 20h.

Astrid Pinker​ a le regard qui tue et Muriel, son personnage tire la première. Ses talons claquent et son talent se démarque malgré son âge tendre.

Eric Rolland a le charme rassurant de la quarantaine et la verve claire. Malgré un coeur grenadine, Franck, son personnage, a la dent dure contre son ex, Muriel. Lui qui hier encore était banquier a bien fait de quitter les financiers avides pour les saltimbanques indolents.

David Garcia, tapi dans l’ombre de la salle observe les ébats et débats des personnages. Il a la piquante appréhension du metteur en scène qui guette les réactions du public.

A l’issue de la représentation, nous avons échangé dans l’atmosphère feutrée d’un bar accueillant de la Butte.


[Stef-Arkult] Pour jouer une rupture, est-ce qu’on pioche dans son vécu ou on hésite parce que ça fait trop mal ?

ER : Je ne suis pas un fana de la méthode acteur studio où on se fait du mal pour faire remonter des trucs et exprimer des sentiments sur scène. J’ai vécu des choses comme ça et quand je l’ai lu ça m’a rappelé des souvenirs mais quand je joue ce texte, ça ne fait plus appel à moi. Peut-être qu’un jour, un metteur en scène me le demandera mais ça n’est pas la façon dont nous a fait travailler David Garcia.

[Nous commandons : des liquides houblonnés pour les comédiens, un café-long-tardif pour le metteur en scène]

AS : On arrive à ressentir des émotions au fur et à mesure du jeu parce qu’on se met dans une situation bien particulière donc je suis un peu de l’avis d’Eric. Y a plein d’acteurs qui te diront « à tel moment j’ai pleuré parce que j’ai pensé à ma grand-mère » ou je ne sais quoi… Y en a.
Moi je suis plutôt dans une énergie de jeu et dans un sentiment.


[Stef-Arkult] Comment est-ce que vous définiriez la pièce, est-ce une tragédie ou une comédie ?

AS : On a eu beaucoup de mal à la classer cette pièce. Y en a qui disent comédie sentimentale sans pour autant restreindre à un truc de nénette. En tous cas je ne pense pas qu’on puisse parler d’un drame parce qu’il y a de l’espoir !

ER : Bref, c’est pas « Nuit Blanche à Seattle », je n’irais pas voir ça au ciné alors je ne le jouerais pas non plus.
Ca n’est pas un truc à l’eau de rose, ni les dialogues ni les rapports entre les deux personnages aussi bien quand ils s’aiment que quand ils se déchirent. Les gens sortent plutôt avec la banane et ils ne pleurent pas. [Regards amusés entre Astrid et Eric]… Quoi que si, une fois on a vu pleurer un spectateur mais c’est rare, c’est très rare.
Et ça c’est aussi la touche de David car l’ouverture finale de la pièce n’est pas dans le texte d’Eric Assous. Et, avec une telle ouverture, chacun comprend ce qu’il veut.

DG : Du point de vue du metteur en scène, la pièce est conçue comme une suite d’accidents de la vie, subies par un homme. Et à la fin l’homme s’apprête peut-être à faire subir ce qu’il a vécu, c’est la roue qui tourne. Le futur de la pièce pourrait donc être l’histoire de Lorraine [nouvelle compagne de Franck] qui dirait que son mec est parti avec quelqu’un.

AS et ER : L’italienne 2… le retour! [rires]


[Stef-Arkult] J’avais une petite appréhension en venant vous voir parce le sujet des disputes et des séparations n’est pas hyper marrant …

ER : Je vois ce que tu veux dire, mon personnage le dit aussi, c’est pas original.

[Stef-Arkult] Oui voilà, alors qu’apportez-vous de neuf à cette grande thématique ?

AS : Je pense que l’originalité vient du parti pris, choisi par David,  qui est de monter cette pièce d’une manière cinématographiée.  Du coup on n’est pas dans le « too much » des sentiments. Les scènes de disputes ont été raccourcies et nous avons essayé un maximum de mettre de l’humour même là où c’était triste.
Évidemment je ne peux pas trouver la pièce chiante, puisque je joue dedans mais je la trouve surtout très actuelle et tout le monde peut s’y retrouver.

[Nous trinquons et c’est bien la première fois que je trinque avec une personne qui boit un café…]

ER : Il y a une grande originalité dans la forme.
Il y a des flashback. On ne sait pas où on se situe : dans la pièce que nos personnages vont interpréter ou dans leur vie.
Moi je n’ai jamais vu ça au théâtre, c’est un jeu original et très cinéma.

[Je conviens que la pièce est conçue comme des poupées russes et que ça me rappelle « Mulholand drive » car ici aussi c’est dans le détail des accessoires de Muriel qu’on arrive à distinguer le théâtre dans le théâtre…]

ER : Malgré le thème vu et revu, la pièce est originale les gens s’attachent au personnage même à ceux qui sont très durs.

DG : Choisir un thème assez couru c’est aussi l’occasion de voir comment des comédiens arrivent à trouver de la finesse de jeu.
Je suis très dans le fait de déclencher un sentiment tout de suite. On voit rarement ça au théâtre. Mais dans cette petite salle c’est possible quand le spectateur est tout proche.
Etant donné que ça parle de théâtre j’aurai pu faire une énième pièce sur le thème de Tchekhov en reprenant les fameux personnages de « La Mouette » : Nina et Trigorine. C’est ce qui m’est venu à l’esprit en premier, car se sont des figures qu’on travaille beaucoup dans le théâtre contemporain.
Mais j’ai essayé d’être dans un théâtre cinématographique plus à la new-yorkaise, à l’américaine. Je préfère donc des David Mamet à des Olivier Py. Pour ce genre de théâtre en tout cas.


[Stef-Arkult] Une question à propos d’Eric Assous. Il a en ce moment 3 pièces à l’affiche à Paris, qu’est-ce que ça fait de travailler pour un « serial auteur » ?

ER : Il nous a donné la chance de jouer cette pièce et je le bénis tous les jours. Il ne nous connaissait pas. Je l’ai contacté en juin pour lui dire que j’avais monté une pièce de lui au Cours Florent. Eric Assous m’a alors dit qu’il avait donné les droits de la pièce qu’on travaillait au cours Florent à une autre compagnie. Mais durant ce coup de fil nous avons sympathisé et à la fin il m’a dit qu’il avait une seconde pièce, « L’Italienne ». Nous sortions un peu de nulle part, enfin du cours Florent pour ma part et Astrid l’année précédente, et surtout, on n’était pas connu.
[Le Cours Florent qui est tout de même l’Ecole privée de formation de l’acteur la plus reconnue en France…]
Contre toute attente Eric Assous m’a dit « si vous la voulez elle est pour vous, elle a failli être montée 2 ou 3 fois mais ça ne s’est jamais concrétisé ». Moi j’aimais déjà beaucoup cet auteur. J’avais lu et vu plusieurs de ses pièces dont « L’illusion conjugale ». Évidemment j’étais ravi.

Nous n’avions pas du tout calculé de se retrouver à côté de gens comme Jean-Luc Moreau, son metteur en scène attitré. A la rentrée il y avait donc « L’italienne » coincée entre « Mon meilleur copain » et « Les conjoints » [voir bas de pages Infos complémentaires] mais nous ne jouons pas dans la même cour, ni dans les même théâtres et surtout on n’a pas les mêmes moyens. N’empêche qu’on a eu de super critiques, d’excellents papiers dans les journaux. Finalement, l’alchimie fonctionne.
Eric Assous a d’ailleurs vu et aimé ce que nous avons fait avec David Garcia. C’était un vrai challenge !


[Stef-Arkult] Si je résume, Eric Assous vous a donné la pièce et vous a laissé monter votre projet ?

DG : Ah oui tout à fait, il nous a donné le texte et nous a laissé maîtres.
Par exemple je voulais un écart d’âge mais différent de celui qui est écrit. Je voulais le décaler, nous avons pris un écart entre une comédienne d’une vingtaine d’année et un acteur qui a la quarantaine. Le rapport est différent.

AS : Ça passe très bien du coup lorsque mon personnage raconte ses premières expériences et son court métrage. La petite jeunette en peu écervelée et naïve qui sort un peu tout ce qui lui passe par la tête, c’est plus crédible.


[Stef-Arkult] Contrairement à ton personnage, Astrid, as-tu passé une audition ?

AS : Ben non en fait, on a déjà travaillé ensemble tous les trois. Je n’étais pas à Paris, Eric Rolland a pensé à moi, il m’a envoyé le texte, je l’ai lu et j’ai dit « banco ».

[C’est donc aussi une histoire de copains … des copains qui ont du talent]


[Stef-Arkult] Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour 2012 ?

AS : Le succès de « L’Italienne » jusqu’à 2013 en France et à l’étranger !

[Eric et David acquiescent sourire au coin des lèvres]


Le public alangui par d’autres récits de passions éculées ne sera pas déçu. Cette Italienne n’est pas une douche froide. La pièce sonne juste et ça n’est pas uniquement à mettre au crédit d’une Bande Originale qui nous embringue avec les deux comédiens jusqu’à l’issue finale. La pièce est différente, elle amène son petit quelque chose. Sans être « boulevard » elle amuse et sans être trop cérébrale elle innove et embryonne une charmante réflexion sur les idylles, jouée avec beaucoup de tendresse et de complicité…


« L’Italienne » au théâtre, La Comédie St Michel
95 Boulevard Saint-Michel

75005 PARIS

01.55.42.92.97

Le Vendredi et le Samedi à 20h. Durée 1h20.

Distribution :

Mise en scène : David Garcia

Avec : Astrid Pinker (Muriel) et Eric Rolland (Franck)

Compagnie de théâtre : Les petits joueurs

Facebook : http://www.facebook.com/LesPetitsJoueurs

 

Informations complémentaires :

  • « Mon meilleur copain » d’Eric Assous, mis en scène par Jean-Luc Moreau avec Dany Brillant, Roland Marchisio, Muriel Huet Des Aunay, Juliette Meyniac et Aude Thirion au Théâtre des Nouveautés à Paris.
  • « Les conjoints » d’Eric Assous mis en scène par Jean-Luc Moreau avec Anne Loiret, José Paul, Anne-Sophie Germanaz au Théâtre Tristan Bernard.