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Avignon OFF 2016 : « Kennedy », au nom du père, du fils, et des États-Unis !

Photo : Aude Vanlathem
Photo : Aude Vanlathem

Avec Kennedy, Ladislas Chollat, salué en 2014 pour sa mise en scène de Le Père de Florian Zeller qui avait remportée pas moins de trois Molières, propose une immersion dans les rouages familiaux et politiques – pléonasme dans leur cas – de la famille Kennedy.

Le public, habité par des images de l’assassinat à Dallas en 1963 de JKF, d’une Jackie Kennedy en tailleur Chanel et au sex-appeal de l’ex-président et de ses frères, découvre la puissante dynastie sous un nouveau jour. Avec des symboles efficaces comme le drapeau américain et des documents d’archives ou de films typiquement américains, le metteur en scène plante le décor d’une suite d’hôtel composée de deux panneaux servant souvent d’écrans, sans pour autant sombrer dans un effet Powerpoint qui avait caractérisé sa mise en scène d' »Encore une histoire d’amour », au Studio des Champs-Elysées cette saison. Du début à la fin du spectacle y sont en effet projetés des portraits de la famille Kennedy dont JFK et son frère Bobby, fiction et réalité se mélangent, parfois le président s’adresse à nous, mais l’effet House of Cards n’opère pas.

Les Kennedy, c’est d’abord un clan et beaucoup d’argent. On pense alors aux prochaines élections Clinton-Trump et à cette politique américaine oligarchique qui ne bouge pas, pour autant, les Kennedy restent un cas unique. Joseph Patrick Kennedy, le patriarche, rêvait déjà de briguer la Maison Blanche de sorte qu’il parvint à éduquer ses fils avec ce seul dessein, planifiant ainsi l’accession au pouvoir minutieusement programmée de sa descendance. Dès le départ, le spectacle s’inscrit dans ce rapport à la filiation et au « projet Kennedy ». Dépeint sous un angle inhabituel, JFK est présenté comme un homme malade, angoissé, fragile, cassé par les rêves de son père et paranoïaque – tout dans les attitudes du comédien traduit ces inquiétudes. Au duo des Kennedy vient enfin s’ajouter une femme, tantôt Jackie, tantôt Marilyn, elle est surtout aux yeux du président une potentielle espionne. Dans une atmosphère qui accentue la décadence, notamment sexuelle de JFK sans cesse sauvé par le clan, le pouvoir et la politique sont présentés sous un jour bien sombre. La fortune familiale, soupçonnée de s’être constituée sur fond mafieux y est remise en question et par extension, les bases du pouvoir à l’américaine. Si les acteurs sont convaincants, leur jeu manque toutefois de ce qui fait l’imaginaire social des Kennedy, à savoir un charisme à l’américaine et une allure séductrice.

Au demeurant, la qualité du texte et de la mise en scène réside dans le fait que les Kennedy sont, certes démystifiés, mais pour mieux servir le mythe. Comparés aux Atrides, à ces dynasties grecques et à ce qui fait une grande famille de pouvoir, quelque chose d’héroïque ressort de la mort annoncée du président. À la manière d’Achille, JFK a fait le choix de prendre le risque de mourir et d’entrer au panthéon des présidents adorés plutôt que d’avouer son infirmité et de rester sur ses gardes. Peut-être plus encore que le clan Kennedy, c’est un discours sur la politique américaine qui émerge de cette création, en écho avec les prochaines présidentielles, on ne peut s’empêcher de penser que ces élections n’ont rien de plus à proposer que du scandale et un pouvoir appuyé par l’argent déjà bien en place. Aux États-Unis, la présidence est une affaire de familles.

Kennedy, de Thierry Debroux, mise en scène de Ladislas Chollat, avec Alain Leempoel, Dominique Rongvaux et Anouchka Vingtier.

Festival d’Avignon, Théâtre du Chêne Noir, 8bis, rue Sainte-Catherine, 84000 Avignon, jusqu’au 30 juillet, relâches les lundis, 15h, durée 1h30.




Avignon OFF 2016 « King Kong Théorie », dans l’ombre des hommes : accéder à l’humanité ou rester dans la honte

Photo : Émilie Charriot

Paru en 2006, l’essai de Virginie Despentes est devenu emblématique de la lutte d’un nouveau féminisme qui intègre les questions de genre. L’auteure y relate l’expérience du viol et de la prostitution, la sexualité féminine y est abordée sans détours, le langage est cru. Par sa sobre mise en scène de « King Kong Théorie », Emilie Charriot mise sur la force du verbe et du texte pour faire du théâtre le terrain de prolongations d’une lutte à peine en marche.

Dans un espace sombre sans aucun décor ni artifices, une comédienne (Julia Perazzini) et une danseuse (Géraldine Chollet) s’adressent frontalement au public, sans donner l’impression de réciter, leur présence est tout à la fois timide et imposante, elles transpirent le texte. La première, en s’en écartant, avec sincérité, nous parle de son expérience de l’échec notamment au vue de sa carrière de danseuse. Avec une émotion à peine retenue, elle raconte ce que signifie la défaite à ses yeux, un sentiment étroitement lié à l’espoir : avoir l’impression d’avoir beaucoup échoué, c’est d’abord avoir beaucoup espéré. Par des mots qui sont les siens et quelques pas de danse, elle transmet la difficulté qu’il y a à se maintenir en vie, à se sentir déviante tout en voulant malgré tout accéder à l’humanité pour sortir de la honte. Les larmes aux yeux, la danseuse est d’une justesse saisissante.

De son côté, la comédienne prend le relais de ce moment presque intimiste comme pour inscrire cette confession personnelle dans un combat universel, et rappeler que notre système culturel et sociétal doit être repensé. Porte-parole des femmes et de Virginie Despentes, elle raconte le viol qu’a subi l’auteure ainsi que son expérience de la prostitution. Campées au milieu de la scène, les deux femmes ne bougent pas, ce qu’un jeu d’ombres et de lumières vient accentuer. Droites, elles nous toisent et par une grande économie de gestes, elles laissent une belle place aux silences, révolution muette s’il en est une, le féminisme est aussi une attitude. Par ses regards, son élocution et sa présence scénique, Julia Perazzini déclame le texte de Virginie Despentes avec force, les mots noue heurtent et chaque respiration, chaque instant qui se meurt est laissé à notre imaginaire et notre propre réalité.

Dans une société où « femme inapte » est devenu un pléonasme, où une femme qui se fait agresser doit d’abord se justifier de ne pas avoir provoqué ou mérité avant d’être écoutée, dans une société où la possibilité de la mort a été intégrée par les femmes, où être féministe ne semble être ni pertinent, ni urgent : que faire ? Dans cette même société qui attend des hommes qu’ils soient virils, certainement pas émotifs, forts et travailleurs, quelle place est laissée à ceux qu’on appelle les « minorités » que sont les intersexués, transgenres, bisexuelles et homosexuels que l’on devrait délivrer de telle catégories verbales ? Plus que jamais, le texte de Despentes devrait être porté par des voix comme celles de ces deux comédiennes qui redonnent de la force aux mots dans une société qui se nourrit d’images. Avant toute chose, avant d’être un cliché ou accessoire, le féminisme devrait être évidé du féminin, de la binarité sexuelle que l’on s’impose et nous désert pour sortir de l’obstacle des genres.

Le théâtre est là pour dire que tout le monde devrait être féministe et qu’est féministe un homme ou une femme qui se lève et dit qu’il y a un problème avec le rôle des sexes aujourd’hui, un problème réparable.

King Kong Théorie, d’après Virginie Despentes, mise en scène Émilie Chariot, avec Géraldine Chollet, Julia Perazzini.

Festival d’Avignon, Théâtre Gilgamesh, 11, boulevard Raspail, 84000 Avignon, jusqu’au 24 juillet, relâche le 18, 17h50, durée 1h30.




Avignon IN 2016 « ¿ Qué haré yo con esta espada ? » : Angélica Liddell vagin du monde

Photo : Christophe Raynaud de Lage
Photo : Christophe Raynaud de Lage

Appréciée, détestée, fascinante, révoltante, telle est la rengaine depuis qu’Angelica Liddell a présenté La Casa de la Fuerza au Festival d’Avignon en 2010. Depuis, chaque année la performeuse, auteure, metteure en scène revient avec un nouveau spectacle et suscite toujours les mêmes réactions face à un public souvent fidèle mais divisé, il y a ceux qui partent, et ceux qui restent, les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers : mais tous reviennent. Avec des spectacles marquants comme Todo el cielo sobre la tierra en 2013 qui ont achevé de propulser l’espagnole sur la scène théâtrale européenne, avec son nouveau spectacle ¿ Qué haré yo con esta espada ? (aproximación a la ley y al problema de la bellaza), la réputation d’Angélica Liddell n’est plus à faire, mais à défaire.

Depuis ses premières créations, la performeuse s’est construit un personnage unique et a une mainmise complète sur ses spectacles, elle y est toujours la scénographe, la metteure en scène et s’y octroie les monologues les plus longs pour une présence scénique remarquée. Cette année encore et sans surprise, les ingrédients sont les mêmes, Angélica Liddell est partout, elle parle d’elle et s’inflige tout le mal du monde après s’en être rendue responsable. Dès les premières minutes de sa nouvelle création, un premier homme traverse la scène faisant apparaître son sexe, vient ensuite l’espagnole qui, allongée sur une table d’autopsie écarte les jambes et nous montre fièrement son vagin, puis huit jeunes filles entrent sur scène, se déshabillent et se frottent à des poulpes morts… etc. Rien de nouveau, Angélica Liddell semble sans limites et se dit « sublime transgression », tout l’appareil argumentaire de la performeuse s’est pourtant bien essoufflé.

Dans ¿ Qué haré yo con esta espada ? elle évoque en trois parties le cannibalisme d’Issey Sagawa qui en 1981 avait mangé une étudiante néerlandaise, et les attentats du 13 novembre 2015 qui ont eu lieu à Paris. Dans une approche qui est celle déjà expérimentée dans Todo el cielo sobre la tierra en 2013 où elle traitait de la tuerie d’Utoya du point de vue de Breivik responsable de la mort de 77 personnes et du double de blessés, elle prend à nouveau le rôle du responsable, du tueur, du cannibale et de l’horreur. En sorcière autoproclamée sous nos yeux, sans pudeur ni morale, Angélica Liddell se dit responsable des attentats du 13 novembre pour la raison simpliste qu’au moment du massacre du Bataclan elle était elle-même à Paris, en train de jouer Primera Carta de San Pablo a los Corintios sur la scène de l’Odéon. D’après elle, le drap rouge qui recouvrait alors la scène est le symbole qu’une transsubstantiation mégalomane a eu lieu, appelant le sang, elle a attiré le mal sur Paris. Sur scène, l’espagnole paraît délirer dans des monologues interminables au narcissisme à peine soutenable, ce qui autrefois la rendait fascinante a désormais l’air d’une avant-garde dépassée. Toute la provocation cathartique qu’Angélica Liddell employait si bien se réduit désormais à un discours creux faisant l’apologie de la violence, notamment lorsqu’un des acteurs japonais se met à déclamer toutes les horreurs qu’Issey Sagawa fit subir à sa victime en la dévorant.

Dans son nouveau spectacle, la performeuse semble abuser de sa réputation pour un discours autocentré sur des questions habituellement mieux questionnées comme l’enfantement, le rapport à la mère, la libération sexuelle et l’acceptation de nos névroses. Élue du mal, sous nos yeux et se donnant en pâture au monde, elle dit rêver d’être baisée une fois morte et de se faire remplir de sperme une fois en entrée en état de décomposition. Ce type de discours exacerbé sur le sexe, non seulement est facilement provoquant, mais surtout, il désert voire contamine le féminisme. Là où l’espagnole savait créer des images esthétiques, le résultat est à la limite de l’obscénité. Il faut toutefois lui reconnaître des références toujours plus érudites empruntées à l’histoire de l’art, ce qui donne lieu à des tableaux vivants hypnotiques appuyés par de sublimes choix musicaux. On pense notamment aux danses et contorsions des jeunes filles nues qui semblent recréer une ambiance propre aux œuvres de Jérôme Bosch. Références bibliques et érudites certes, mais l’impeccable scénographie d’Angélica Liddell ne pallie en rien au discours narcissique de l’espagnole convaincue que l’horreur a besoin de notre amour. Affirmant que l’essence de l’être humain est le vide, on ne peut s’empêcher de vouloir lui rétorquer la même sentence appliquée à son spectacle. Que Lucifer continue à lui apporter le soleil, de tels talents plastiques sous-exploités par la nécessité de produire un spectacle par an sans aller au-delà de la provocation gratuite et égocentrique gagneraient à être mis au service de textes coup de poing comme ceux d’une Virginie Despentes, ainsi, les images créées par la metteure en scène serviraient un théâtre réellement militant dont notre société actuelle a grand besoin. Qu’à cela ne tienne, notre rôle n’est pas de dicter de façon presque dogmatique ce que le théâtre devrait mettre en scène.

Si le but de la prestation de la performeuse était de vider les gradins lui faisant face de son public jugé imbécile, en ce qui nous concerne et en dehors de toute implication prophétique d’une Angélica Liddell reine du chaos et annonciatrice du déluge, le mistral gelé s’en est chargé à sa place avant la troisième partie.

¿ Qué haré yo con esta espada ? (aproximación a la ley y al problema de la bellaza), texte, mise en scène, scénographie et costumes d’Angélica Liddell, avec Victoria Aime, Louise Arcangioli, Alain Bressand, Paola Cabello Schoenmakers, Sarah Cabello Schoenmakers, Lola Cordón, Marie Delgado Trujillo, Greta García, Masanori Kikuzawa, Angélica Liddell, Gumersindo Puche, Estíbaliz Racionero Balsera, Ichiro Sugae, Kazan Tachimoto, Irie Taira, Lucía Yenes et Stella Höttler. Et le chœur Clara Penalva, Clémence Millet-Cayla, Julie Roset, Raphaël Vaivre et Adrien Djouadou.

Festival d’Avignon, Cloître des Carmes, 84000 Avignon, jusqu’au 13 juillet, 22h, durée 4h15.

Tournée : 12 et 13 septembre 2016 au Festival Mirada à Santos (Brésil).




Avignon OFF 2016 : « Grisélidis », confessions d’une prostituée humaniste

Photo : Jean-Erick Pasquier
Photo : Jean-Erick Pasquier

Seule en scène, Coraly Zahonero – de la Comédie-Française – pour son premier Festival d’Avignon incarne l’écrivain-poète-prostituée militante Grisélidis Réal (1929-2005), après des mois passés à lire ses livres, correspondances, rencontrer et sa famille, et des prostituées pour élaborer son personnage pour une prestations saisissante.

Dans un décor intimiste composé d’un lit, d’un paravent et d’une coiffeuse, Coraly Zahonero économise ses gestes mais pas ses mots, ponctués de temps à autres par la saxophoniste Hélène Arntzen et la violoniste Floriane Bonanni. Son discours semble donné à vif et retrace la vie de la femme, des moments passés avec ses clients à son activisme pour la « Révolution des prostituées », militante jusqu’aux Nations Unies. Si les mots sont parfois durs et peuvent sembler crus, c’est que Grisélidis s’est caractérisée par sa défense publique de la prostitution qu’elle considérait comme un acte d’humanisme. Par des récits de moments passés avec ses clients les plus étranges, l’actrice parvient à dresser une sorte de bestiaire du métier et à injecter de l’humour dans une prestation qui reste grave. Grave non pas pour la prostituée, mais pour le regard qu’elle jette sur le monde et sur la détresse des hommes dépêchés dans son lit pour qui le bonheur réside dans la chaleur d’une femme.

Après tout, qu’est-ce qu’une putain ? Au-delà de l’image de déchéance que notre société colle à la prostitution, pour Grisélidis se prostituer était une manière de venir en aide aux hommes, de comprendre la souffrance de l’autre et de faire preuve d’humanisme. Partant de son enfance massacrée par une mère moralisatrice à outrance, la comédienne tient un discours piquant sur la politique et la religion qui fait du public une assemblée d’iconoclastes prêts à entendre que « Dieu est un con », et que l’hypocrisie du créateur doublée de la morale judéo-chrétienne qui sous-tend notre monde si manichéen a assassiné la sexualité. Même si Grisélidis reconnaissait se sentir piétinée après des nuits passées avec ces hommes à qui elle volait parfois un orgasme, elle était là, socialiste convaincue pour les expulsés de l’humanité. Tout de noir vêtue, marquée par des lumières rouges chaleureuses, Coraly Zahonero touche par sa sincérité et rend un hommage vibrant à l’auteure de « Le Noir est une couleur », pour qui le sexe ne menait pas à la petite mort, mais au contraire, à la grande vie.

Grisélidis, d’après Grisélidis Réal, de et avec Coraly Zahonero de la Comédie-Française et Hélène Arntzen (saxophones), Floriane Bonanni (violon).

Festival d’Avignon, Théâtre du Petit Louvre, 13, rue Saint Agricole, 84000 Avignon, jusqu’au 30 juillet, relâches les 14, 21 et 28, 18h15, durée 1h15.




Avignon OFF 2016 : « Les escargots… » : tous singulièrement multiples

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Pour Juliette, neuf ans, dans la vie le premier drame a été d’être une fille. À travers son autofiction « Les escargots sans leur coquille font la grimace », Juliette Blanche, en duo avec Andy Cocq et aidée de Charles Templon pour la mise en scène, s’inscrit dans une actualité des gender studies pour un spectacle touchant sur la quête identitaire.

Avant l’entrée du duo sur scène, le spectateur est confronté à une grande toile blanche sur laquelle est reproduite la photographie d’une femme androgyne tatouée arborant une coupe à la garçonne que Juliette Blanche s’empresse de déchirer pour lancer le jeu. Une fois la masculinité comme anéantie par ce premier acte scénique violent, commence le récit de la vie de Juliette qui, au grand désespoir de son père, fit l’erreur de naître fille. Puisqu’on « ne naît pas femme, on le devient », tout le spectacle restitue la quête de genre de la jeune fille avant d’enfin réussir à se dire femme. En duo avec un Andy Cocq drôle à souhait, tous deux s’attachent tour à tour à jouer différentes personnes qui ont traversé la vie de Juliette, sans jamais tomber dans le stéréotype. Grâce à une jeu de lumières mis au service du propos avec finesse et des accessoires bien choisis, Andy Cocq se retrouve à singer les sœurs de Juliette, son premier amoureux, Johnny Depp, une secrétaire etc. dans un rythme frénétique et un jeu de mimiques bien mené et amusant. De son côté, Juliette reste dans son personnage tiraillé par un premier désir d’être garçon pour plaire à son père, et celui d’être une fille pour écouter sa mère. Qu’à cela ne tienne, la vie n’est pas si simple et derrière des airs légers, des thèmes graves sont abordés avec beaucoup de justesse. De fait, à quel moment sait-on que l’on est une femme ou que l’on est homo ou hétérosexuel ?

D’un questionnement sur l’identité qui part d’abord des prénoms en passant par le premier jour des règles de la jeune fille à une exploration de la sexualité qui ne tombe jamais dans la vulgarité, ce spectacle empreint de sincérité n’apporte pas de réponses sinon une invitation à la tolérance. L’un des temps forts de cette création reste la découverte de l’homosexualité du père de Juliette laissant sa femme dans une détresse sentimentale jouée et chantée par le partenaire de Juliette Blanche, car que faire face à « un homme qui condamne le fait d’être une femme » ? Si le spectacle souffre de quelques changements abrupts et de manques de cohérence dans la mise en scène, l’énergie des comédiens est communicative au milieu d’un décor réduit à trois panneaux et miroirs rotatifs servant ce grand thème qu’est celui du genre. Destiné à un public large, le duo gagnerait à se produire devant un public adolescent pour sensibiliser autour de questions loin d’être réductibles à l’idée que les hommes viennent de mars et les femmes de vénus. Que l’on soit homme, femme, transgenre, hétéro ou bisexuel, le théâtre, ne serait-ce que par les changements de rôles dépassant le sexe ou le genre du comédien proposés dans ce spectacle a une réponse : célébrons les identités multiples. Elles sont loin d’être la minorité que l’on croit, peut-être que nous sommes souvent singuliers en acte, mais chacun est multiple en puissance.

Les escargots sans leur coquille font la grimace, écrit par Juliette Blanche, mise en scène de Charles Templon assisté de Florian Jamey, avec Andy Cocq et Juliette Blanche.

Festival d’Avignon, Théâtre La Luna, 1, rue Séverine, 84000 Avignon, 04 90 86 96 28, jusqu’au 31 juillet, 11h45, durée 1h05.




Avignon OFF 2016 : « L’Amant », l’adultère manque de piquant

Photo : Marie-Aline Cresson
Photo : Marie-Aline Cresson

Lorsqu’Harold Pinter écrit L’Amant en 1962, il s’affirme comme porteur des angoisses contemporaines du couple. La pièce en un acte raconte l’histoire de Sarah et Richard, mariés depuis près de dix ans, croyant avoir tous deux trouvé leur équilibre dans l’infidélité. Si le discours tenu par les personnages est marqué par une franchise désinvolte et empreint d’une sexualité débridée, l’adaptation qu’en propose Marie-Aline Cresson peine à restituer ces ingrédients chers à Pinter.

Dans un cadre réduit à un canapé et des panneaux de carton rappelant l’esthétique de Sempé, Laure Portier et Sébastien Rajon incarnent le duo des mariés sans cesse coupés par des noirs musicaux, bonds temporels dans les journées des personnages. Si la première entrée en scène laisse présager un jeu monocorde mais néanmoins marqué par des échanges comiques en raison de l’attitude flegmatique des comédiens et de la voix de Richard, le spectacle ne décolle pas. Dans cet intérieur s’enchainent de manière brouillée les scènes de retrouvailles du couple et leurs moments passés avec leur amant respectif. Là encore, le jeu des acteurs n’évolue pas d’une scène à une autre, si bien que l’on comprend qui incarne qui seulement arrivés au bout d’une scène.

Pour les amateurs de Pinter toutefois, le texte est là et l’orgueil des personnages au regard de leur soit disant détachement vis-à-vis de l’adultère est bien présent. Mais alors que tout le drame tourne autour de la jalousie et de la sexualité, on regrette que les personnages ne soient pas érotisés et restent englués dans un jeu plat qui n’explore pas davantage les parts sombres de chacun. L’âme de la pièce, qui pourrait être résumée par cette célèbre phrase de Proust sur la jalousie qui n’est autre que cette « angoisse qu’il y a à sentir l’être qu’on aime dans un lieu de plaisir où l’on n’est pas », réside seulement dans les scènes où Sarah et Richard se retrouvent assis sur le canapé à feuilleter des magazines cherchant à savoir s’ils pensent l’un à l’autre lorsqu’ils sont avec leur amant. Ces scènes, bien que cantonnées aux mots, ont tout à voir de cette angoisse.

En somme, si les ingrédients sont là, la mise en scène de Marie-Aline Cresson manque de chien, les acteurs ne dégagent rien de sexuel, l’œuvre de Pinter reste, à regrets, cantonnée à des mots quand le public attendrait des actes, car l’adultère n’est-il pas d’abord un acte avant d’être un discours, un mensonge ou un aveu ?

L’Amant, de Harold Pinter, mise en scène de Marie-Aline Cresson, avec Laure Portier et Sébastien Rajon

Festival d’Avignon, Théâtre L’Albatros, 29, rue des Teinturiers, 84000 Avignon, 04 90 86 11 33, jusqu’au 30 juillet, 20h30, durée 1h15.




Avignon IN 2016 : « Alors que j’attendais » : le théâtre comme acte de résistance

Photo : Didier Nadeau
Photo : Didier Nadeau

Si cette année le Festival d’Avignon revendique son caractère politique, la pièce « Alors que j’attendais » mise en scène par le syrien Omar Abusaada met le focus sur le Moyen-Orient et sa brûlante actualité. À partir d’un fait réel, à savoir la mort en 2013 d’un jeune syrien battu après deux mois passé dans le coma, le metteur en scène qui était allé à la rencontre de la famille au moment des faits, a construit son spectacle sur ce moment d’inconscience qui éclate, qui rapproche les familles et fait émerger des sentiments inavoués que seul un contexte mêlant si brutalement espoir et deuil peut faire émerger. Avec Mohammad Al Attar qui est à l’origine du texte, Omar Abusaada s’inscrit alors dans un théâtre documentaire résistant.

Les événements se déroulent à Damas où Taim a été admis à l’hôpital après avoir été retrouvé inconscient à un checkpoint, gisant dans son sang sur le siège de sa voiture dans des circonstances inexpliquées. Depuis, il est dans le coma, allongé sur un lit d’hôpital au milieu d’une scène vide, surmontée d’une structure métallique imposante sur laquelle l’esprit du jeune Taim va s’élever pour surplomber et le public, et le checkpoint familial qu’est devenue sa chambre d’hôpital. En effet, depuis son coma le jeune homme entend tout et croit pouvoir se déplacer au milieu de ses proches venus se recueillir, se rencontrer et souvent, se heurter. Face à l’incompréhension de cet accident, sa mère, sa sœur, sa compagne et d’autres proches apportent leur version des raisons qui auraient pu le conduire là. Autour de l’inconscient, la famille fractionnée depuis longtemps se trouve bouleversée par des silences enfin levés, comme ce qui avait poussé Salma, la sœur de Taim, à partir pour Beyrouth. Avec quelques touches d’humour qui rendent le spectacle moins difficile d’accès qu’il n’y paraît au début, des sujets d’actualité comme la situation de la Syrie, et graves comme la peine de cette famille sont abordés.

Au-delà de leurs émotions respectives face au corps inanimé, c’est une réflexion sur la situation de Damas, sur Bachar el-Assad et l’islam radicalisé qui traverse le spectacle. Grâce à une création sonore réalisée à partir de bruits de bombardements, d’appels à la prière, de « soupirs de ceux qui font encore l’amour » et de circulation routière, l’ambiance créée saisit l’imaginaire du spectateur déjà plongé dans la langue des comédiens qui parlent en arabe. À cela, viennent s’ajouter des images de manifestations auxquelles aurait participé Taim qui préparait un film sur Damas au moment de l’accident – jamais la violence n’y est montrée. Le spectacle réussit à parler d’actualité à travers aussi bien le prisme d’images réelles ne montrant pas le sang que les médias nous ont déjà trop diffusé, et les sentiments singuliers de la famille de Taim où tous incarnent à leur manière une façon de résister, que ce soit dans le renoncement au niqab de sa sœur à l’avortement tant remis en question de sa compagne.

En explorant le chaos d’une ville qui n’évoque plus pour les occidentaux que le sang, l’auteur et le metteur en scène syriens assistés d’une troupe de jeunes comédiens talentueux parviennent à dire l’horreur d’une cité sans la montrer, et faire de la peine et l’égarement de ceux qui y vivent encore un acte de résistance.

Alors que j’attendais, de Mohammad Al Attar, mise en scène Omar Abusaada, avec Mohamad Al Refai, Mohammad Alarashi, Fatina Laila, Nanda Mohammad, Amal Omran, Mouiad Roumieh.

Festival d’Avignon, Gymnase Paul Giéra, 1, rue Paul Achard, 84000 Avignon, 04 90 14 14 14, jusqu’au 14 juillet, relâche le 10, 18h30, durée 1h40.

Tournée : 18 au 20 août 2016 au Theater Spektakel (Zürich), 26 et 27 août au Festival Noorderzon de Groningen (Pays-Bas), 31 août et 1er septembre au Theaterfestival Basel (Suisse), 4 et 5 septembre à La Bâtie Festival de Genève (Suisse), 8 au 10 septembre au Schlachthaus Theater Bern (Suisse), 29 et 30 septembre au Vooruit de Gent (Belgique), 12 au 15 octobre au Tarmac dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, 26 et 27 octobre ay Onassis Cultural Center (Athènes), 18 et 19 novembre à Bancs publics – Festival Les Rencontres à l’échelle (Marseille), 24 au 26 novembre au Théâtre du Nord Centre dramatique national Lille Tourcoing Nord-Pas de Calais.




Avignon 2016 : « Fukushima, terre des cerisiers », cataclysme poétique

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Le 11 mars 2011 à 14h46 le plus important séisme mesuré au Japon suivi de près par un tsunami a lieu, causant entre autre l’arrêt des systèmes de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima. Tenant compte des rejets radioactifs, l’accident nucléaire est le plus grave près de quarante ans après Tchernobyl. Alors que cette année 2016 est marquée par l’anniversaire de l’accident nucléaire Ukrainien dont le théâtre s’est emparé, notamment sur base des écrits de Svetlana Alexievitch, c’est au tour de Fukushima d’irradier les planches.

Plus que du théâtre documentaire. Dans « Fukushima, terre des cerisier », seule en scène, Brigitte Mounier entend certes informer et impulser un processus mémoriel sans renoncer à la poésie. En ne faisant pas du théâtre un lieu seulement voué à condamner un passé regrettable, l’actrice et metteure en scène esquisse le récit possible et impossible qu’il est possible de faire de Fukushima. Sur une scène dépouillée, seuls des panneaux de toile blanche et rouge coulissants font évoluer l’espace scénique destiné à recevoir le tremblement de terre, et l’actrice, témoin corporel de l’onde de choc par la chorégraphie impeccablement orchestrée qu’elle donne à voir en complément d’un déferlement de mots. Par des jeux d’ombres remarquables et un recours restreint à quelques objets significatifs comme les livres tombant du plafond pour s’écraser au sol au moment du récit du tremblement, à l’usage de la télécommande TV pour reancrer le récit dans un présent médiatique saisissant, Brigitte Mounier offre une performance délicatement menée. La douceur de ses gestes invite l’œil du spectateur à guetter l’eau du thé qui frémit et toutes ces actions quotidiennes effectuées par l’actrice pour parler tantôt du chant des oiseaux qui s’est tu, tantôt des chiffres de cet accident nucléaire devenu spectacle du monde.

Si la réflexion sur la catastrophe implique de poser des questions comme celle de la sortie du nucléaire et de la responsabilité des états dirigeants, la comédienne ne tombe jamais dans la gravité emphatique. Elle est aussi la voix des morts comme des survivants, alternant entre des mises en scène de panique sous les tables devenues revers de la vie et moments de chorégraphie de l’onde de choc, l’une des scènes les plus saisissantes de ce spectacle reste le moment d’immersion dans l’eau. Derrière l’un des panneaux se cache un aquarium radioactif, tout illuminé de lumière verte d’où des débris, comme un petit ours en peluche, s’échappent et coulent en une danse macabre. Intégralement plongée dans ce volume d’eau macabre, durant de longues minutes la comédienne d’abord coule comme ces corps emportés par la vague, ensuite se débat et se met à danser pour un moment hypnotique poignant qui va bien au-delà de tous ce que les mots.

Tout en sobriété, ce seul en scène sert un théâtre engagé qui n’oublie pas, et rappelle qu’au Japon et pour le monde, la catastrophe ne fait que commencer. La dictature du nucléaire y est admirablement dénoncée, parfois tournée en dérision, et questionnée. Si le dernier volet du spectacle aurait gagné à être davantage dynamisé par la danse, le résultat reste poétique et émouvant. Qu’adviendra-t-il de ce pays victime de la bêtise humaine d’où Fukushima est mondialement devenu le plutonium du peuple ? Qu’en est-il des océans et répercussions climatique préoccupantes comme les fissurations massives de l’Antarctique ?

Alors que le monde est en quête de réponses, à raison les cerisiers eux, sont en fleurs, indifférents à la rumeur des hommes.

Fukushima, terre des cerisiers, texte d’après « Fukushima, récit d’un désastre » de Michaël Ferrier, mise en scène Brigitte Mounier, Chorégraphie Antonia Vitti, avec Brigitte Mounier, production Compagnie des Mers du Nord/Ville de Grande-Synthe.

Festival d’Avignon, Théâtre Présence Pasteur 13, rue du Pont Trouca, 84000 Avignon, 07 82 90 08 21, jusqu’au 30 juillet, relâches les 9, 11 et 25, 14h, durée 1h10.




Avignon IN 2016 : « Ceux qui errent… » : quand la démocratie éclabousse

Photo : Christophe Raynaud de Lage
Photo : Christophe Raynaud de Lage

Sur une scène noire de laquelle n’émergent que des isoloirs blancs faisant office d’écran, une élue zélée entre et installe méticuleusement une urne en attendant l’arrivée du maire. À la capitale le bureau 14 est prêt, c’est jour de vote ! Alors que tout le monde prend place, les heures défilent et, toujours aucun électeur en vue, les isoloirs n’isolent personne : est-ce à cause de la tempête de pluie battante ? Les responsables du bureau aimeraient s’en convaincre, tous se mettent à appeler leurs proches à voter et deviennent fous à la vue du seul électeur venu, ce qui donne lieu à des scènes pleines d’humour au milieu du chaos. Lorsqu’enfin les électeurs se déplacent, le résultat est édifiant : le pays a enregistré un taux d’abstentionnisme record, 80% de votes blancs.

De là, tout s’accélère, les politiques sur-réagissent et la pièce s’emballe. Maëlle Poésy construit alors une comédie noire sur le monde politique et la démocratie. En effet, elle met tour à tour en scène un petit groupe de ministres reclus, tous stéréotypés et appelant à la comparaison avec notre propre paysage politique. Que se passerait-il si demain, un tel scénario avait lieu ? Dans la capitaless, un état d’inquiétude est proclamé, des cellules de crise, des collectifs d’infiltration pour la vérité sont créés et plutôt que de tenter d’écouter le peuple, on assiste aux revers du pouvoir et au recentrement des ministres sur leur petite personne. Pour eux, gouverner c’est mettre ses sujets hors d’état de vous nuire, qu’advient-il alors des libertés fondamentales de la démocratie une fois les « gens radicalisés » et devenus « nuisibles » ?

Finement orchestrée, la pièce met en lumière le fossé existant entre les politiques et le peuple et entre en écho direct avec le contexte actuel. Si l’on regrette quelques longueurs et que le spectacle aurait gagné à être plus ramassé pour ne pas souffrir de coupures de rythme, la scénographie est hypnotique, l’ambiance sonore et lumineuse est très réussie. Le chaos, signifié par la pluie qui envahit le plateau pour laisser place à une ambiance lourdement tropicale, laisse imaginer une capitale ravagée, irradiée par les actes fous des ministres. Prêts à sortir des lance-flammes pour réprimer un peuple inactif, ils se disent en état de siège bien que pour certains, les souvenirs du siège remontent à des cours de latin du collège.

Tournée en dérision avec lucidité, la soit disant franchise des politiques perd toute sa crédibilité dans ce spectacle, les mises en scène successives de discours télévisés achèvent de les rendre risibles. Bien assis, le public s’y retrouve d’autant plus invité à une remise en question qu’il est considéré comme ce peuple qui, rassemblé, détient le vrai pouvoir : la république est morte, vive la république !

Ceux qui errent ne se trompent pas, de Kevin Keiss en collaboration avec Maëlle Poésy, d’après « La Lucidité » de José Saramago. Mise en scène de Maëlle Poésy, avec Caroline Arrouas, Marc Lamigeon, Roxane Palazzotto, Noémie Develay-Ressiguier, Cédric Simon, Grégoire Tachnakian.

Festival d’Avignon, Théâtre Benoît XII 12 rue des Teinturiers, 84000 Avignon, 04 90 14 14 14, jusqu’au 10 juillet.

Tournée : 5 novembre 2016 au Théâtre Firmin-Gémier (La Piscine), 8 novembre 2016 au Rayon Vert (Saint Valéry en Caux), 17 au 19 novembre 2016 au Théâtre du Gymnase-Bernardines (Marseille), 26 novembre 2016 à la Ferme du Buisson (Marne-la-Vallée), 1er et 2 décembre 2016 au Granit (Belfort), 5 au 18 décembre 2016 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris), 10 et 11 janvier 2017 au Théâtre de Sénart, 18 et 19 janvier 2017 au Théâtre de Sartrouville, le 26 janvier 2017 au Phénix (Valenciennes), 31 janvier 2017 au Rive Gauche (Saint-Étienne-du-Rouvray).




« Divorce au scalpel » : comment réussir sa séparation ?

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« Divorce au scalpel » actuellement jouée au Grand Point Virgule et mise en scène par Jean-Philippe Azéma est une pièce piquante à l’humour décapant sur le divorce. Tout a lieu dans l’intérieur d’un appartement chaleureux partiellement meublé chez Ikéa, assez banal pour que le spectateur ne peine pas à s’y projeter. Orianne et Aurélien y coulaient des jours heureux jusqu’à ce que, jeunes divorcés, ils se retrouvent contraints d’y vivre et de partager un espace devenu trop étroit pour un couple prêt à se tuer à cause d’une cuvette de toilettes restée levée.

Tout commence alors que les divorcés parviennent tant bien que mal à cohabiter, jusqu’à ce que la belle-mère débarque avec l’idée de venir fêter avec eux leur anniversaire de mariage qu’eux-mêmes avaient oublié. En à peine quelques minutes, les situations folles s’enchainent. Au frigo cadenassé par Orianne étant la seule à ramener un salaire, s’ajoute la recherche des alliances balancées dans l’aquarium du poisson rouge pour faire croire à l’invitée surprise que le mariage tient toujours. Rapidement, l’appartement devient un champ de bataille où les divorcés finissent par ériger un mur improbable entre leurs deux parties arbitrairement choisies. Si Orianne gagne le canapé, Aurélien a la porte d’entrée et son droit de passage. Dans cet espace plein de surprises, le jeu des comédiens, souvent exagéré, notamment celui du psychologue d’Orianne sensé les aider avec qui elle a une relation, en dit pourtant beaucoup sur ce que vivent les divorcés forcés de se supporter le temps de retrouver un appartement et parfois, un travail. Avec un rythme fou malheureusement alourdi par une création sonore qui manque de finesse, les personnages se font des crasses, le résultat est jubilatoire. On regrette que certains traits de leurs personnalités aient été trop caricaturés ou que les costumes, comme ceux de l’ex-femme d’Aurélien, frôlent la vulgarité.

Bien écrit et dirigé, le spectacle aurait gagné à être épuré, moins parasité par des détails qui parfois couvrent un jeu malgré tout très maitrisé. Qu’à cela ne tienne, cette comédie incisive sur le couple et le divorce promet sinon des conseils pour réussir sa séparation, au moins d’être un exemple de ce que se séparer peut avoir de plus délirant dans la vie quotidienne.

« Divorce au scalpel », de Frédérique Fall et Alain Etévé, mise en scène de Jean-Philippe Azéma, actuellement au Grand Point Virgule, 8bis, rue de l’Arrivée, 75015 Paris. Durée : 1h20. Plus d’informations et réservations sur www.legrandpointvirgule.com




« Les Trois Soeurs » : Moscou, mon amour

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« Les Trois Sœurs » est l’avant dernière pièce de Tchekhov, écrite en 1900, elle fait partie de ces textes paraissant toujours plus actuels, en résonance folle avec le temps présent. Dans cette pièce admirablement mise en scène par Victoria Sitjà sur le temps, l’amour et l’ennui – en somme la vie – Olga, Macha et Irina se retrouvent avec leur frère Andreï un an après la mort du Père, pour fêter l’anniversaire d’Irina. Fin du deuil, début d’une nouvelle vie ? Elles rêvent toutes de quitter leur demeure provinciale russe pour aller à Moscou, cet ailleurs, ce nulle part : l’autre nom du désir.

Dans un décor relativement dépouillé bien qu’extrêmement évocateur, les treize comédiens ont été dirigés avec dynamisme et une finesse appréciable. C’est autour de trois pans de tissu blanc que les éléments de décor ont été pensés, permettant d’incroyables tableaux vivants sublimés par la lumière et les ombres de ces vies que le théâtre perpétue. En fond de scène, une grande table sert de lieu d’échanges ininterrompus. Face au public, deux malles disposées sur un sol parsemé de livres interpellent par leur teneur symbolique. Posées de part et d’autre de la scène, du début à la fin, les personnages s’y attardent, les trois sœurs s’y asseyent pour fantasmer leur départ. Comme fatalement assises sur leur vie engluée là, dans ce présent qui retient, les remplissant de ces regrets qui alourdissent l’existence. Fuir vers Moscou devient alors le fantasme d’une vie vécue sans les détails, une vie faite d’amours transcendant le présent où l’attente n’existerait plus.

Dans cet espace émerge un jeu d’acteur d’une humanité bouleversante que la création sonore ponctue sobrement. Souvent accompagnés de musiques traditionnelles russes, les comédiens, vêtus tantôt comme au début du XXe, tantôt comme de nos jours, évoluent dans un présent trouble. Dans cet écrin sonore et habillé qui ancre la pièce dans un passé révolu, les personnages viennent pourtant heurter notre présent, celui des émotions d’aujourd’hui et de cette humanité qui ne change pas. Circulant au milieu du public, ils font tomber les frontières temporelles pour un résultat saisissant. C’est notamment le cas de Verchinine, incarné par Alexandre Risso, qui toise le public et philosophe sans retenue. Un pied dans chaque époque, c’est bien à la nôtre qu’il s’adresse lorsqu’il se demande de ce dont on se souviendra. Mais la vie ne change pas, elle est immuable et c’est à Macha, jouée par Ophélie Lehmann, d’une présence scénique effarante, qu’il revient accompagnée de ses sœurs, de vivre pour la vie dont elles ne seront pas. D’une certaine façon, croyant vivre pour un futur meilleur et plus éblouissant, les personnages tchekhoviens ainsi mis en scène nous déchargent nous spectateurs et futur fantasmé, de l’ennui de vivre. Bien présentes sans monopoliser le jeu, les trois sœurs sont renversantes. Olga jouée par Dorothée le Troadec a tout de l’aînée en deuil de sa vie, qui rêve d’un mariage et compile ses regrets dans un flot continu de larmes, elle renonce au départ, finissant comme ses sœurs tout de noir vêtu. Macha, présente même quand elle est absente, occupe les discussions, regrette son existence vide et son mariage ennuyeux. Décharnée, érotisée, alcoolisée, à bout de souffle, elle aime Verchinine le temps d’une danse, d’un baiser, de sa vie passée à s’égarer. Enfin Irina, portée avec beaucoup de fragilité et d’énergie par Mina Castelletta, n’en finit pas d’être touchante et sincère, croyant plus que les autres en Moscou et par extension, en la vie. Si chacun attire le regard par son talent, une phrase prononcée ou un geste esquissé, on pense à Natacha jouée par Elena Sukhanakova qui n’en finit pas de faire rire par ses attitudes détestables, c’est que la vie qu’ils restituent a tout de celle que nous vivons encore. Le jeu temporel marque jusque dans les détails, comme lorsqu’ils se photographient pour ne pas oublier ce moment qui les fixe et les englue. La vie est ainsi faite, à coup de solitude, d’années trop courtes faites de journées trop longues, elle a l’odeur du temps, de la misère de l’amour et de l’attente. À l’image du tableau final, elle passe et s’éprouve en un long soupir.

« Les trois soeurs », de Tchekhov, Cie Les Rivages, mise en scène de Victoria Sitjà, le 9 mai 2016 au Théâtre de Verre, 12, rue Henri Ribière, 75019 Paris. Durée : 2h15. Plus d’informations et réservations sur http://www.theatredeverre.fr/




Tchernobyl : le problème du monde

Anne-Charlotte Compan
Anne-Charlotte Compan

Le 26 avril 1986 à l’intérieur de la centrale Lénine dans l’ancienne URSS, durant la nuit aux alentours d’1h23, la plus grosse catastrophe nucléaire mondiale du XXe siècle a lieu : les réacteurs de la centrale explosent. 30 ans plus tard, sur des terres que la Seconde Guerre mondiale et les nazis avaient déjà détruites, une personne sur cinq vit encore dans des régions contaminées. Une nouvelle guerre a commencé, encore plus cauchemardesque pour la vie, une guerre nucléaire. Mais comment se protéger de ce que l’humanité ne connaît pas ? En ce sombre anniversaire de la catastrophe, Stéphanie Loïk adapte et met en scène sous le titre de « Tchernobyl Forever » le Carnet de Voyage de Alain-Gilles Bastide. Du théâtre documentaire pour ne pas oublier.

Comme dans ses précédentes mises en scène autour de Tchernobyl, ou du moins, des textes de Svetlana Alexievitch comme la « Supplication » dont le présent spectacle est marqué, Stéphanie Loïk propose un spectacle choral où trois comédiens se font la voix de l’enfer, pour préserver les faits. Vêtus de noir sur un plateau sans décor lourdement enfumé, plongé dans des lumières allant du vert au rouge vif en passant par un blanc éblouissant, les trois comédiens rejouent des témoignages, des reportages et des moments de vies irradiées. Comme dans « La fin de l’homme rouge » monté sur la même scène par Stéphanie Loïk l’an passé, le spectacle est admirablement chorégraphié. De même, les chants acappella du chœur de comédiens marquent l’esprit. A trois, et en canon, ils sont la voix d’un peuple et de ses victimes. Ils disent l’horreur de cette mort qu’on ne connaît pas, de l’air que l’on ne respire plus. Ils disent et jouent ce déchet atomique qu’est devenu l’homme de Tchernobyl, de ses environs et bien au-delà. Pour les irradiés, les 700 000 enfants nés après Tchernobyl et le déficit de natalité enregistré, impossible de vivre sans oublier la catastrophe. Plus que des corps malformés et des vies arrachées que les comédiens jouent avec force et beaucoup de sensibilité, Tchernobyl est devenu ce lieu d’abondance dont parle la Bible, où l’homme ne peut plus enfanter. Stéphanie Loïk propose une adaptation maîtrisée, très visuelle et malgré tout empreinte de beaucoup de poésie de ce qu’est encore Tchernobyl aujourd’hui.

Alors que l’homo sovieticus lui, est mort, que l’URSS est tombée, au tour de l’humain de mourir ? La faute de qui ? En guerre la mort est incompréhensible, encore plus quand cette guerre n’est pas comme toutes les guerres. Aveuglé par des lumières créant une ambiance maladive et forcé de respirer cette épaisse fumée diffusée sur le plateau, le spectateur ressort éprouvé par l’Histoire et ce que le théâtre peut encore en dire.

« Tchernobyl forever », d’après le Carnet de Voyage de Alain-Gilles Bastide, adaptation et mise en scène de Stéphanie Loïk, jusqu’au 30 avril 2016 au théâtre Le lieu de l’autre/Anis Gras, 55 Avenue Laplace, 94110 Arcueil. Durée : 1h30. Plus d’informations et réservations sur www.lelieudelautre.com




« Pierre. Ciseaux. Papier. » : banal ou absurde ?

Copyright : Philippe Bertheau
Copyright : Philippe Bertheau

Dans « Pierre, Papier, Ciseau », Clémence Weill dissèque la réalité, au premier abord banale, de trois personnages stéréotypés (le cadre quinqua, la jolie femme et le jeune séducteur). Elle montre ainsi que, finalement, personne n’est vraiment ce dont il a l’air. Cela grâce à des empilements d’approfondissements aux accents améliepouliniesques par lesquels ils se qualifient chacun leur tour (« cette femme adore les premières phrases », dit le quinquagénaire pour présenter sa voisine). Tout ce discours se déroule dans un univers robotisé, où une voix-off d’une neutralité toute informatique marque les temps de la pièce.

Certes, il y a une écriture, un réel talent, sous la plume de Weill, on entend l’exception. La figure de l’autre est creusée, fouillée pour être élevée au niveau de la conscience du spectateur. Elle expose la pensée qui est, selon ses personnages « la vraie intimité, encore plus que la peau ». Le texte souligne la vérité sur la stupidité qui dicte nos commentaires sur les autres, à commencer par le premier venu. Seulement, l’auteure glisse presque jusqu’à la leçon.

Laurent Brethome se met au service de ce texte, finalement peu théâtral. La mise en scène est linéaire en matière d’occupation de l’espace et dans le jeu des personnages. Les trois acteurs sont assis la majeure partie de la pièce dans de grands fauteuils comme des candidats ou des témoins sur un plateau télévisé. Après s’être présentés les uns les autres pendant une heure, ils passent les trente dernières minutes à interagir et créer des situations qui sont ce qu’elles sont, mais auraient pu être différentes. Autrement dit, la dernière partie achève d’ôter tout intérêt dramatique à la pièce : le plaisirs des mots est sabré par ces situations absurdes. L’ennui final laisse un goût amer par le contenu et nauséabonde par l’odeur, tellement les fumées diverses s’échappant de la scène (cigarette électronique ou non, pipe et machine) ont asphixiés l’espace pendant chaque minute de la représentation.

« Pierre. Ciseaux. Papier »,de Clémence Weill, mise en scène de Laurent Brethome, jusqu’au 14 mai 2016 au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Durée : 1h30. Plus d’informations et réservations sur www.manufacturedesabbesses.com




Amour irradié : comment revivre ?

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La « Supplication, Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse » du prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch est de ces livres encore interdits en Biélorussie, l’un de ces livres d’où l’histoire irradie. Loin de relater ce que les médias se sont évertués à relater à propos de la catastrophe nucléaire du 26 avril 1986, Alexievitch s’est intéressée aux oubliés de la grande Histoire pour construire son ouvrage autour de centaines de témoignages de survivants. « Valentina-Tchernobyl, née pour l’amour » mis en scène par Laure Roussel est un spectacle qui a été pensé à partir de l’un de ces témoignages, adapté librement, que le temps ne doit peut oublier.

C’est sans nul décor et seule en scène que Coralie Emilion-Languille vêtue de noir et de rouge mène de bout en bout la représentation, et récite la supplication. Tout en sobriété et dans l’économie de mouvements. Dans le rôle de Valentina, la comédienne mise tout sur les mots pour heurter. Voix solitaire, ne pouvant trouver de réconfort dans son travail devenu si fade, Valentina est de ces survivants de l’ombre. Dans un pays où on ne songe pas, elle était de ceux qui, malgré tout, avaient des rêves. Mais c’était avant Tchernobyl. Sur scène, les yeux humides, comme débordant de souvenirs, elle raconte cet avant. Elle parle avec beaucoup d’émotion de son mari, né homme, mort tchernobylien. De cette génération où l’on pouvait encore naître exempté de radioactivité. De la gorge serrée, résonnent les mots si justement abandonnés à un silence que la comédienne se force à maintenir comme ponctuation, elle se fait témoin là où le théâtre devient lieu de mémoire. Le cancer de Tchernobyl ? Elle le décrit, sous nos yeux elle dessine l’horreur et l’agonie vécues par l’homme qu’elle épousa à la vie à la mort. Très proche du texte, la comédienne s’en est emparée avec beaucoup de sincérité mais surtout d’humanité, sans jamais verser dans le pathos ni même le froid témoignage de ce que la vie de Valentina à l’épreuve de la mort a pu être.

« Je ne sais pas de quoi parler, de la mort ou de l’amour ? Oui c’est égal… » écrit Alexievitch en ouverture de son ouvrage. Parce que l’Histoire qu’elle transmet dont le spectacle se fait écho, c’est celle des petits gens, de leurs vies aussi modestes soient elles, et de leurs amours, aussi grands fussent-ils. Si au départ l’intérêt théâtral de cette supplication n’était pas évident, la fin ne peut que susciter les applaudissements, ne serait-ce que pour contrer la censure et enfin briser un si long silence historique.

« Valentina-Tchernobyl », texte librement adapté de « La supplication » de Svetlana Alexievitch avec Coralie Emilion-Languille, mise en scène de Laure Roussel, jusqu’au 14 mai 2016 à la Manufacture des Abbesses, 7, rue Véron, 75018 Paris. Durée : 1h15. Plus d’informations et réservations sur www.manufacturedesabbesses.com




Amour, nm : passe-temps millénaire de l’humanité

Copyright : Pierre Sautelet
Copyright : Pierre Sautelet

Au Théâtre de la Colline, Julie Duclos et sa compagnie L’In-quarto reviennent avec « Nos Serments », créé en 2015 à partir du film « La Maman et la Putain » de Jean Eustache alors qu’il y a peu, sur les mêmes planches était joué « Scène de la vie conjugale » mis en scène par Nicolas Liautard là encore à partir d’un film, d’Ingmar Bergman. Tout se passe comme si le théâtre était devenu plus que jamais à la fois une voix et un lieu de réponse à Roland Barthes, qui voyait le discours amoureux parlé par des milliers de sujets mais solitaire, sans jamais n’être soutenu par personne. 

En s’emparant de ce film culte, Julie Duclos a monté son spectacle en grande partie sur des improvisations sur le plateau qui se ressentent tant les échanges des comédiens ont l’air vraisemblables. Au cœur de cette pièce : François. En couple avec Mathilde, il ne travaille pas, elle si. Un soir alors qu’elle rentre du travail, elle réalise qu’il ne l’attend plus, puisqu’aimer, c’est attendre l’autre pour le plaisir normal d’être ensemble ; elle se demande où est passée la personne dont elle était tombée amoureuse. Incarnée par Maëlia Gentil, Mathilde est saisissante le temps de vomir son cœur avant d’un jour aimer à nouveau, et se marier. De son côté, François, l’éternel amoureux qui n’aime jamais pour l’éternité, travaille à faire durer l’amour mais avec Esther, sa nouvelle relation. Joyeuse, ouverte d’esprit, apparemment désinvolte, de François elle accepte tout, à commencer par son passé et une « relation libre », tant qu’il la choisit toujours elle. Vient alors le jour – inattendu ? – où il tombe amoureux d’Oliwia, une infirmière polonaise qu’il suivra jusqu’à Lisieux, pour finir par revenir, et écrire. Et si l’amour durait ? Oui, mais jamais avec la même personne. Dans le rôle de François, David Houri est très juste, il est surtout le point d’entrée d’un questionnement sur le couple et de la dissection de cette entité tout autant décortiquée par Gilles, incarné par Yohan Lopez, l’ami artiste, philosophe et riche de François. De ces épisodes successifs de vie de couples, Gilles est assurément un des personnages que l’on retient, brillant de simplicité, déconcertant de tant de snobisme, se disant lui-même amoureux dans sa solitude ambiante. Dans un intérieur d’appartement laissant à vue l’arrière du décor ainsi qu’un écran géant qui diffuse des images filmées de scènes extérieures au plateau et au studio, certaines scènes sont d’une grande beauté. Lorsque François et Oliwia passent une nuit ensemble, les corps nus, derniers survivants de la journée, sculptés par la lumière chaude d’un moment passé à attendre plus et croire en l’unicité de cette rencontre, le temps s’arrête.

« Nos serments » s’impose alors comme une pièce qui, loin de prétendre apporter des réponses, se veut le miroir d’une génération qui se cherche. Un reflet peut-être à nuancer dans la mesure où les personnages tous jeunes trentenaires parisiens, et particulièrement François, semblent consacrer tout leur temps à l’amour, détachés de toute autre nécessité vitale ou contingence matérielle. Le discours amoureux qui parcourt ce spectacle doit sans doute beaucoup au fait que la troupe a déjà joué et adapté des textes de Barthes. Tous hallucinent l’être aimé, l’analysent, le regrettent, le façonnent ou l’attendent. François, entouré successivement de femmes en tous points différentes ayant toutes en commun de penser « Normalement je suis heureuse », est l’épicentre d’intenses moments d’un vécu qui heurte le public. Vaut-il mieux s’aimer moins mais s’aimer longtemps ou beaucoup s’aimer et accepter une fin ? Les personnages, à vouloir trouver leur jumeau et vivre chaque instant de rencontre comme découverte dans l’autre d’un morceau d’eux-mêmes, se retrouvent face à leur propre changement et leurs contradictions. Dès lors, le temps essuie les promesses, et l’avenir trahit forcément les serments.

« Nos serments », par la compagnie L’In-quarto, mise en scène de Julie Duclos, jusqu’au 22 avril 2016 au Théâtre de la Colline, 15, rue Malte-Brun, 75020 Paris. Durée : 2h45 avec entracte. Plus d’informations et réservations sur www.colline.fr