S. Tesson – Dans les forêts de Sibérie – La ponctuation d’un voyage
La Sibérie : une page blanche.
L’homme : un stylo qui s’avance vers cette page blanche.
Il y trouve refuge le temps d’écrire un journal.
De remplir une page blanche. Puis une deuxième. Puis un feuillet.
Et enfin un livre.
Dans ce livre, il est souvent affaire de lecture. De lecture et d’écriture.
Parfois de paroles également.
Comme des mots venant couvrir la page blanche qui se dévoile avec le lever du soleil.
Il est question de silence. Souvent. Longtemps.
Silence de mort. Silence de vie.
Silence de peur. Silence de confiance.
Comme une série de points, suspendus sur une même ligne.
Pas de bruit, pas d’interligne.
Pas de mouvement, pas de mots.
Il est question de vodka.
La vodka qui réchauffe le coeur des hommes. Leur donne la force de combattre le froid sibérien.
La vodka qui réunit les hommes. Donne du ton et de la vigueur à leurs discussions.
La vodka qui ennivre les esprits. Laisse la place aux rêves, à l’imaginaire.
La vodka, sorte de point d’exclamation, venant ponctuer comme une saute d’humeur des journées parfois trop calmes. Parfois trop longues.
Il est question d’espace. D’immensité. D’aventures.
Toutes les aventures de l’auteur sont autant de phrases qu’il entame, qu’il ponctue de ses rencontres, de ses passions et de ses extases.
Il est question d’animaux.
Des animaux auxquels l’auteur est profondément lié. Parfois davantage qu’aux hommes qu’il croise sur son chemin.
Ce n’est qu’avec les animaux qu’on sent les guillemets de son âme et de son coeur s’ouvrir et laisser place à un flot de sentiments qu’il se refuse auprès de ses congénères.
Et quand ces guillements se referment, quand se termine l’aventure au bord du lac Baïkal, c’est le livre que l’on referme. Il est alors temps de tourner la page de la Sibérie.
Et pour illustrer ce voyage, Stef nous propose une sélection de citations tirées du livre (NDLR : la pagination est valable pour l’édition Gallimard) :
– « En descendant du camion, nous avons regardé cette splendeur en silence puis il m’a dit en touchant sa tempe « Ici, c’est un magnifique endroit pour se suicider« » p. 27
– « Le romain bâtissait pour mille ans. Pour les russes il s’agit de passer l’hiver » p. 31
– « J’ai atteint le débarcadère de ma vie. Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure » p.36
– « Le mauvais goût est le dénominateur commun de l’humanité » p. 30
– Et enfin, cette phrase qui résume parfaitement bien le livre selon Stef (et je plussoie complètement en son sens) :
« Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu’un à qui l’expliquer » p. 146
Sylvain Tesson
Dans les Forêts de Sibérie
Editions Gallimard, collection Blanche
Prix Médicis Essai 2011
http://www.gallimard.fr/rentreelitteraire/SylvainTesson.htm