« Scènes de violences conjugales » à la Tempête : Du geste amoureux à la première claque
Après deux ans de travail d’enquête au côté d’associations, de victimes et une immersion dans la lutte associative et judiciaire mise en place contre les violences conjugales, Gérard Watkins a écrit et mis en scène « Scènes de violences conjugales », oeuvre semi-fictive actuellement au Théâtre de la Tempête. Entre écriture de plateau et sujet proche du fait divers, le metteur en scène crée un spectacle saisissant pour comprendre et lutter contre la montée du geste violent au sein du couple et par extension, d’identifier les victimes directes et indirectes de ces violences, à commencer par les femmes, puis les enfants.
Sur un plateau en forme de triangle inversé donnant lieu à un espace tri-frontal et sans décor, entre d’abord une jeune femme qui prend place derrière une batterie, l’instrument surplombe la scène et n’aura de cesse de ponctuer la pièce, suggérant dès le départ une atmosphère marquée par la violence du geste.
Quand Annie rencontre Pascal, elle est en situation de précarité, elle vit chez ses parents et enchaine les entretiens ratés, notamment à cause du RER, toujours en retard. Pascal, sur le même quai qu’Annie, est un photographe dans une situation plus aisée, même s’il enchaine les échecs. D’un autre côté, Rachida est une jeune étudiante musulmane qui vit dans une cité, elle est dans un contexte familial compliqué quand elle rencontre Liam, jeune homme venu de Châteauroux sans rien sinon le désir d’une vie stable. De là, les couples emménagent ensemble chacun de leur côté, bercés par les idéaux d’une vie commune heureuse qui leur ferait échapper à leur passé et non reproduire leurs souffrances.
Avec beaucoup d’habilité et des comédiens bouleversants de spontanéité, Watkins plonge le spectateur dans le quotidien des personnages pour lesquels on se met à craindre le pire. Grâce à la création sonore et lumineuse, on guette le basculement dans la violence, impulsé par un quotidien qui, d’une certaine manière, pourrait être le nôtre. De Rachida qui ne sait pas aider Liam à monter une étagère Ikéa à Annie qui oublie comment on fait une mayonnaise, une tension s’installe, jusqu’à frôler l’insoutenable. Les femmes, en dépit de leur incompréhension, prennent le rôle de victime, une condition dont elles ne sortiront qu’après avoir vécu le pire, ce sera la perte d’un enfant pour l’une, et l’envie de disparaître pour l’autre.
Gérard Watkins parvient alors à créer un spectacle coup de poing qui invite à repenser le secours donné aux victimes et le manque de moyens déployé pour prévenir les heurts quand on sait que beaucoup de personnes violentes ne font que reproduire ce qu’elles-mêmes ont déjà subi. Lorsqu’on sait que rien qu’en France, quelques 143000 enfants vivent dans un foyer où des violences ont déjà été signalées, et qu’une femme décède tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Par une fiction au plus près de la réalité et d’une actualité quotidiennement ponctuée par ce genre de faits dramatiques, « Scènes de violences conjugales » est un spectacle qui peut être salué pour le silence qu’il permet de lever, sinon de rompre.
« Scènes de violences conjugales », texte et mise en scène de Gérard Watkins, du 11 novembre au 11 décembre 2016 au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris. Durée : 2h. Plus d’informations et réservations sur https://www.la-tempete.fr/