Oh les beaux jours – Quand Frot magnifie Beckett (et réciproquement !)
« Ca que je trouve si merveilleux », ou encore « (Sourire.) Le vieux style ! (Fin du sourire.) ».
Un peu comme le « I would prefer not to » bartlebien, deux exemples d’épanadiploses (ou presque) que nous offre Beckett dans son incroyable « Oh les beaux jours ».
« Oh les beaux jours » (titre original : Happy Days), est à l’origine écrite en anglais par Samuel Beckett en 1961, avant d’être transposée en français par l’auteur lui-même deux ans plus tard.
Ce texte, court, met en scène Winnie et Willie, la cinquantaine entamée. Dans un quasi monologue, Winnie nous fait vivre les petits moments d’une journée habituelle. De biens petites choses : coiffure, brossage des dents, qui se révèlent être de solides accroches pour affronter la vie qui passe, pour s’accrocher aux ravages du temps. Beckett nous entraîne en effet, sous des airs innocents et quelque peu puérils, dans le drame de la vie humaine : elle a un début, elle a une fin. Pas question de l’oublier, de se laisser penser à croire qu’on pourrait y échapper. On observe ainsi la décrépitude des corps et des esprits au gré des jours et des saisons.
Et pourtant, pas question non plus de tomber dans une morne tristesse, Winnie conserve cette incroyable faculté, ce talent même, de se réjouir de moments que nous serions nombreux à trouver plus qu’anodins. Ce pouvoir d’émerveillement, de ravissement est saisissant. Catherine Frot le magnifie davantage encore, avec ses incroyables intonations et ses airs d’insouciance et de naïveté. Elle offre ainsi aux spectateurs une heure vingt de délectation, car la performance est éblouissante. 80 minutes de presque monologue dans un texte délicat, très délicat, finement haché, fortement dirigé (de la direction du regard au début et à la fin des sourires, tout est prévu par Beckett). Et pourtant, preuve du génie de l’actrice et du metteur en scène, rien ne semble forcé, rien ne semble contraint, tout coule naturellement aux yeux du spectateur. Un numéro d’équilibriste sans filet parfaitement maîtrisé.
Et pour apprécier davantage encore, courez vite jeter un oeil au texte de Beckett … La rencontre entre Winnie et Catherine Frot n’apparaîtra que plus logique !
Pratique : du Mardi au Samedi à 21h00, Matinée Samedi à 17h
Au Théâtre de l’Atelier – 1, place Charles Dullin – 75018 Paris
Réservations : 01 46 06 49 24
Tarifs : entre 15€ et 40€.Durée : 1h20
De : Samuel Beckett
Mise en scène : Marc Paquien assisté de Martine Spangaro
Avec : Catherine Frot, Jean-Claude Durand